Intervention de Michel Sergent

Réunion du 2 décembre 2005 à 12h00
Loi de finances pour 2006 — Sport jeunesse et vie associative

Photo de Michel SergentMichel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission ministérielle que nous examinons aujourd'hui est atypique. C'est une mission de faible ampleur, qui ne représente que 0, 3 % de l'ensemble des crédits budgétaires, mais elle est au coeur de la passion de nos concitoyens : la passion pour le sport et la passion de la jeunesse désireuse de s'investir et de s'épanouir. Elle participe aussi aux priorités gouvernementales, avec le soutien à l'emploi associatif et l'implication dans les nouveaux contrats d'avenir et contrats d'accompagnement vers l'emploi, dont on attend la création de 45 000 emplois dans le secteur associatif.

Dans un contexte budgétaire pour le moins tendu, cette mission apparaît assez « bien lotie ». Les moyens consolidés à périmètre constant, incluant les crédits du futur centre national de développement du sport, le CNDS, et le futur fonds pour le plan de développement du sport, sont en effet en augmentation de près de 6 %. Ce traitement de faveur rend d'autant plus nécessaire la mise en place d'une logique d'objectifs et de performance, celle de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, dont 2006 est la première année d'application. Je commencerai donc par cet aspect déterminant, sur lequel votre ministère a été en pointe.

Le ministère avait été désigné comme ministère pilote et dispose donc d'une certaine expérience. L'avant-projet annuel de performance de fin 2004 s'était néanmoins révélé très perfectible. De réels progrès ont été réalisés et vous avez opportunément tenu compte, monsieur le ministre, de plusieurs recommandations qui avaient été formulées par la commission des finances. Les indicateurs les moins pertinents ont été supprimés ou révisés, et l'ensemble se révèle assez satisfaisant, avec des objectifs clairs et recouvrant l'essentiel des dimensions du ministère. Le nouveau document budgétaire se révèle beaucoup plus lisible, et les justifications au premier euro des crédits sont précises et bien argumentées.

Il subsiste néanmoins une grosse lacune, qui s'apparente même à un retour en arrière par rapport au projet de fin 2004 : le programme de soutien est en effet surdimensionné, puisqu'il représente plus de la moitié des crédits et rassemble l'ensemble des rémunérations. La commission des finances considère qu'il porte atteinte au principe de fongibilité asymétrique.

Une autre réforme importante directement liée à la LOLF est la création du CNDS. Elle est conforme aux conclusions des états généraux du sport de décembre 2002 et permet de mettre fin à un certain « mélange des genres » par une meilleure distinction entre les actions exerçant un impact local, qui relèvent du Centre, et les actions à vocation nationale, qui sont budgétisées. Je souhaite que ce changement de périmètre contribue aussi à améliorer le processus décisionnel et la consommation des crédits d'investissement.

Je m'interroge toutefois sur la création, au sein du fonds national pour le développement du sport, le FNDS, du fonds dédié au « Grand programme sportif national », alimenté par un prélèvement complémentaire sur les jeux. Les actions que ce fonds financera sont-elles vraiment conformes à la nouvelle répartition des compétences ? J'en doute et je souhaiterais obtenir quelques précisions, monsieur le ministre.

Quant à la stratégie ministérielle de réforme, le ministère s'est impliqué et cet outil n'est pas un nouveau « gadget ». La création de l'Agence française de lutte contre le dopage, l'AFLD, la mise en place de contrats de performance avec les établissements publics, la réorganisation de l'administration centrale, l'effort de formation du personnel ou la rénovation de l'Institut national du sport et de l'éducation physique, l'INSEP, s'inscrivent dans ce processus.

En termes d'évolution des emplois, la contribution du ministère à la baisse des effectifs sera toutefois moindre que par le passé, avec une suppression nette de quinze équivalents temps plein travaillés après quatre-vingt cette année.

J'aborderai à présent les trois grands domaines d'action de votre ministère et je terminerai par le sport.

Les actions en matière de jeunesse et de vie associative sont trop diversifiées et il est parfois difficile de distinguer des axes réellement structurants dans la multitude d'actions du ministère. En outre, les indicateurs du programme révèlent la difficulté de valoriser l'impact réel du ministère sur le secteur associatif. Je relève toutefois de bonnes initiatives : le dispositif « Envie d'agir ! » constitue désormais le label unique pour le soutien aux initiatives des jeunes, la création ou le rétablissement de 130 postes FONJEP - fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire -, l'effort de professionnalisation de l'encadrement associatif ou la réforme de l'Office franco-allemand pour la jeunesse.

Quatre questions demeurent toutefois. Quels résultats peut-on attendre de cette réforme de l'Office franco-allemand pour la jeunesse, l'OFAJ, en particulier en termes de réduction des coûts de fonctionnement ? Des évaluations indépendantes ont-elles été conduites sur le dispositif « Envie d'agir ! » ? Quelles seront les conséquences de la conférence nationale pour la vie associative, lancée le 12 janvier de cette année, mais qui est peu mise en valeur dans le projet annuel de performance ? Quel est le niveau de fréquentation et de satisfaction des nombreux sites Internet dédiés aux jeunes ?

Autre élément important : quelle sera l'affectation des nouveaux moyens attribués à la mission dans le cadre du plan d'urgence pour les banlieues ? Comment les associations de quartier seront-elles revivifiées ?

J'en viens à présent au sport, qui demeure le principal domaine d'action du ministère. Force est de reconnaître que le ministère déploie une certaine activité sur de multiples fronts. J'aborderai les plus importants.

Le ministère porte une attention particulière à la diffusion de la pratique sportive au sein de certains publics cibles. En dépit de moyens accrus et de la création d'un nouveau pôle national de ressources, l'accessibilité des handicapés est encore insuffisante. Les « coupons sport », destinés à soutenir les familles modestes, ont fait l'objet de critiques de la Cour des comptes, qui avait constaté des dérives quant à leurs modalités d'octroi. Les procédures tendent également à créer des retards de paiement au niveau local. La plus grande latitude accordée aux services déconcentrés a-t-elle permis de mettre fin à ces dérives, et ce dispositif peut-il être pérennisé ?

Les fédérations sont les acteurs centraux du service public du sport. Les difficultés financières de certaines d'entre elles peuvent toutefois susciter des inquiétudes, et la féminisation de leurs instances dirigeantes est notoirement insuffisante. Je me félicite toutefois que le ministère ait mis en place un indicateur de suivi de la santé des fédérations et lancé un plan de féminisation.

S'agissant des conflits opposant les collectivités territoriales à certaines ligues et fédérations, on ne peut que souligner le caractère équilibré de l'avis rendu par le Conseil d'État en novembre 2003 : le niveau minimal de capacité d'un stade constitue non pas une norme technique, mais une recommandation commerciale, et n'a donc pas de valeur contraignante.

Le problème de la violence verbale et physique dans le sport me paraît plus préoccupant. Le ministère dispose de moyens insuffisants pour l'enrayer, et les fédérations doivent déployer davantage d'efforts pour contribuer à l'éducation des sportifs et des supporters. Le sport ne doit pas être gangrené par un « laisser-faire » intégral, que ce soit sur le plan économique ou éthique.

Je terminerai par un mot sur la lutte contre le dopage, dont les moyens consolidés seraient en hausse d'environ 5 %. Je m'interroge toutefois sur le niveau précis des crédits qui seront accordés à la future agence.

Monsieur le ministre, l'extension du suivi médical longitudinal et des contrôles inopinés est une bonne chose. Mais la France n'est-elle pas quelque peu isolée, en particulier si l'on considère les dissensions entre l'Agence mondiale antidopage, l'AMA, et certaines fédérations internationales, ou les pressions exercées sur le Parlement italien pour assouplir sa loi antidopage dans la perspective des Jeux de Turin ? Quelle est votre stratégie en la matière, monsieur le ministre ?

Votre ministère s'est donné les moyens financiers, organisationnels et stratégiques pour exercer une action visible sur l'engagement sportif et associatif de nos concitoyens. Comme pour les sportifs de haut niveau, nous en attendons donc des résultats tangibles.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2006.

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