La loi du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement a instauré un dispositif d'aides au profit du secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration, afin de compenser, en quelque sorte, l'impossibilité pour le Gouvernement de tenir la promesse du Président de la République d'obtenir l'application du taux réduit de TVA à ce domaine d'activité.
La mesure venant à échéance le 31 décembre 2005, le Gouvernement propose de la reconduire pour 2006, via le présent article du projet de loi de finances rattaché à la mission « Travail et emploi », le coût total du dispositif s'élevant à 410 millions d'euros.
Depuis plusieurs années déjà, la droite au pouvoir nous explique sans relâche que la situation des finances publiques françaises n'est plus tenable, qu'il est impératif de réduire les dépenses publiques, les dépenses sociales. Alors que les marges de manoeuvre manquent pour atteindre des objectifs de solidarité essentiels pour la majorité de nos concitoyens, année après année, les projets de loi de finances présentés, de moins en moins sincères, traduisent des choix politiques de plus en plus inégalitaires.
Avec facilité, des cadeaux fiscaux sont distribués aux uns, des aides clientélistes sont octroyées à d'autres : il s'agit toujours des mêmes privilégiés, des mêmes catégories professionnelles. Dans ces cas, les fonds publics sont utilisés sans que l'on exige en retour, notamment des entreprises, le respect d'un certain nombre d'engagements ou la formalisation de contreparties, en termes d'emplois par exemple.
En revanche, lorsqu'il s'agit de solidarité, de dépenses sociales, le discours se fait plus dur, et le Gouvernement, notamment par la voix de M. Sarkozy, appelle à « faire le tri entre ce qui est un acquis social et ce qui n'est que le produit d'une habitude, d'une lâcheté ou d'un oubli ». En contrepartie de droits, les bénéficiaires de minima sociaux doivent satisfaire à leur obligation d'activité. Les sanctions tombent contre les chômeurs et les assurés sociaux « fraudeurs ».
Le présent article illustre parfaitement mon propos. S'agissant du secteur des hôtels, cafés et restaurants, qui a déjà bénéficié de 1, 4 milliard d'euros d'allégements de cotisations sociales - supposés servir notamment à la création de 40 000 emplois, selon la profession, et à l'augmentation des salaires -, on nous demande de lui signer un nouveau chèque en blanc en lui octroyant des subventions.
Or le Gouvernement a négligé d'évaluer l'incidence économique et sociale des aides consenties l'an dernier. M. Souvet, rapporteur pour avis, insiste avec juste raison sur la nécessité d'un tel diagnostic, se résignant néanmoins à reconduire le dispositif, dans le vain espoir que cela permettra de faire émerger un gisement d'emplois. Il sait pourtant que ce secteur n'a fourni aucune contrepartie en matière de salaires, d'emplois ou de conditions de travail !
Nous refusons d'avaliser une fois de plus, sous couvert d'un soutien à la politique de l'emploi, ces aides exceptionnelles de l'État, dans la mesure où la preuve de leur efficacité n'est pas démontrée, bien au contraire : seuls 13 000 emplois auraient été crées, et aucun contrat n'est passé, en contrepartie, avec les représentants de la branche afin que, à l'avenir, le respect d'obligations en termes d'emplois, d'amélioration des conditions de travail et de rémunération conditionne la mise en oeuvre des dispositifs d'aide.
Monsieur le ministre, à l'issue du premier bilan de la relance des négociations salariales de branche en juin dernier, le secteur des hôtels, cafés et restaurants, dont la grille de salaires était manifestement hors normes, a été mis à l'index, et averti par vos soins : vous n'excluiez pas, à l'époque, des contreparties pour les salariés.
Dois-je vous rappeler que, depuis, le patronat a plus que traîné les pieds pour ouvrir les négociations salariales dans cette branche, encore dotée d'une grille de salaires jugée obsolète puisqu'ils ne démarrent même pas au niveau du SMIC, et que, désormais, il fait dépendre la réactualisation du référentiel des salaires minimaux de l'obtention, fort improbable, d'une réduction du taux de la TVA ?
La situation est complètement renversée. Les restaurateurs descendus la semaine dernière dans la rue pour rappeler le Gouvernement à ses promesses et les quatre organisations patronales majoritaires se livrent à un véritable chantage. C'est inacceptable pour les représentants des salariés, qui dénoncent comme un leurre les 39 % d'augmentation annoncés par les employeurs et démontrent que c'est là la revalorisation minimale à appliquer pour mettre aux normes la grille conventionnelle.
Cette situation est également totalement inacceptable pour les parlementaires que nous sommes, et ce ne sont pas les lettres que nous avons récemment reçues les uns et les autres qui changeront quoi que ce soit à la réalité des choses.
C'est pourquoi nous vous invitons, chers collègues, en votant la suppression de l'article 91, à adresser un message de fermeté à la branche de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration, pour que les négociations puissent aboutir sans conditions préalables et pour que, à l'avenir, cette dernière, au même titre que l'ensemble des employeurs, conforte sa politique de l'emploi, surtout lorsqu'elle y est aidée par l'octroi de fonds publics, qui sont considérables en l'occurrence .