Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il ne fait nul doute que, au moment où nous discutons des crédits de la mission « Ville et logement », les conditions de ce débat ont quelque peu varié compte tenu de ce qui s'est passé fin octobre début novembre dans tout le pays et dans bien des quartiers concernés au premier chef par la politique de la ville.
De même, comment ne pas lier l'analyse que l'on peut produire sur les crédits de cette mission aux orientations du projet de loi portant engagement national pour le logement, dont nous avons achevé l'examen alors même que s'était engagée la discussion du présent projet de loi de finances ?
Péripétie liée à l'immédiate actualité, l'examen des crédits de cette mission a été reporté à l'Assemblée nationale, parce que le Gouvernement a fait voter un amendement majorant de 181 millions d'euros les crédits du programme « Équité sociale et territoriale et soutien », cette définition recouvrant pour l'essentiel les anciens crédits de la ville.
Malgré cet accroissement conjoncturel des crédits ouverts au titre de la mission, et même si le Gouvernement a multiplié les communiqués pour indiquer qu'il avait « entendu le message » des banlieues, la réalité est que le volume des crédits ne progresse pas entre 2005 et 2006.
En effet, avant le correctif indiqué, la perte sèche des engagements financiers de la mission était de 240 millions d'euros : 45, 5 millions d'euros sur les dépenses tendant à financer les opérations de la politique de la ville, 72 millions d'euros sur le programme « Aide à l'accès au logement », et 128, 5 millions d'euros sur le programme « Développement et amélioration de l'offre de logement ».
La traduction de ces orientations se manifeste d'abord par le désengagement croissant de l'État dans la mise en oeuvre des contrats de ville et des opérations menées en partenariat avec les collectivités territoriales, le correctif ne changeant rien à l'orientation globale ; elle se manifeste ensuite par un tour de passe-passe sur les APL, en rétablissant un droit au versement des allocations de faible montant largement compensé par l'imputation d'un plus important « reste à charge » pour les allocataires ; elle se manifeste enfin concrètement par la non-réalisation des objectifs de construction de logements sociaux inscrits dans la loi de programmation pour la cohésion sociale ainsi que par le désengagement quasi complet de l'État sur la question de l'accession sociale à la propriété.
En fait, progressent essentiellement dans le budget de cette mission la prise en charge des exonérations d'impôt pour les entreprises dans les zones franches urbaines, pour un montant de 205 millions d'euros en 2006, et celle des exonérations de cotisations sociales, pour un montant de 339 millions d'euros.
Ces deux postes réunis, soit 544 millions d'euros, représentent, par exemple, plus que les crédits d'engagement de l'État au titre du programme national de rénovation urbaine.
Si l'on examine l'ensemble de la dépense fiscale associée à la mise en oeuvre de cette mission, des éléments essentiels apparaissent : le dispositif Périssol coûte encore 80 millions d'euros, le dispositif Robien est estimé à plus de 300 millions d'euros, le dispositif Besson représente 130 millions d'euros, tandis qu'aucune évaluation n'a été rendue publique sur les effets du dispositif Marini en direction des sociétés foncières, même si l'on peut probablement estimer son impact annuel à une perte de 1 milliard d'euros de recettes fiscales. Or tant le Périssol que le Robien ou le Marini ont eu pour conséquence, entre autres, de tirer vers le haut les prix de l'immobilier, à la vente comme à la location, au moment même où l'on se rend compte que la grande majorité des mal-logés ont des ressources extrêmement faibles.
Qui peut aujourd'hui payer 1 500 euros de loyer mensuel, conséquence du dispositif Robien, pour un quatre pièces dans la plupart de nos grandes villes ?
Utiliser de l'argent public pour créer une offre de logements qui ne répond pas à la demande, c'est pour nous un véritable gâchis !
Il n'existe d'ailleurs pas, dans notre pays, de logements qui ne soient pas aidés, puisque l'imputation des déficits fonciers n'a d'autre finalité que de permettre aux bailleurs de bénéficier d'une aide fiscale non négligeable, bien plus importante en tout cas que l'ensemble des dispositions prises pour ce qui concerne le logement social.
Tout se passe comme si le logement locatif privé était plus aidé que le logement social et comme si nous marchions avec une politique claudiquant entre une dépense contrainte constituée par l'inexorable progression du poids des aides personnelles au logement et une dépense fiscale de plus en plus forte en faveur de l'investissement locatif privé. Quelle situation !
Sur les 400 000 logements autorisés cette année, il y a moins de 77 000 logements sociaux, et le parc se rétrécit du fait de la non-compensation des destructions de logements prévues dans les programmes de l'ANRU par des constructions neuves. Pendant ce temps, les habitants des quartiers dits sensibles et prioritaires subissent des difficultés sociales en permanence !
Un exemple - que nous trouvons en province, pour une fois : l'opération du Vert-Bois, à Saint-Dizier, dans la Haute-Marne - illustre le résultat de la problématique des politiques de la ville dans certains cas.
Voilà un quartier qui fait aujourd'hui l'objet d'une opération importante de rénovation urbaine.