Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'an passé, je commençais mon intervention relative à la mission « Travail et Emploi » en m'interrogeant sur la politique menée dans ce domaine par le Gouvernement dans notre pays.
Or, aujourd'hui, le constat est terrible : rien n'a changé, tout s'est aggravé. Le CNE, le contrat nouvelle embauche, est passé par là, et le CPE, le contrat première embauche, a fait descendre des millions de Français dans la rue pendant plusieurs mois.
Pour autant, il est un paramètre qui ne cesse de donner lieu à des polémiques, c'est celui de la qualité, voire de la véracité des statistiques de l'emploi publiées chaque mois : les chiffres annoncent une baisse assez régulière du chômage, alors que le vécu de millions de nos concitoyens tend à infirmer ces déclarations officielles.
Mauvaise foi des uns contre objectivité des autres ? Propos politiciens contre faits présentés comme incontestables ? Nous le voyons, il y a place pour le débat. Pour cela, il n'est pas nécessaire de nous lancer dans l'invective ou le déni. Il faut seulement mesurer ce que nous voyons, examinons et écoutons dans nos villes et dans tout le pays.
Or, vous le savez, monsieur le ministre, la situation est des plus préoccupantes, y compris dans la région qui vous est particulièrement chère. Le chômage est toujours massif. Les jeunes en sont les premières victimes, mais aussi les seniors, qui constituent toujours une masse de sans-emploi en augmentation.
Le Centre d'études et de recherche pour les qualifications, le CERQ, a analysé le devenir de 742 000 jeunes entrés sur le marché du travail en 1998. Il a suivi leur parcours après leur sortie du système scolaire, pendant trois, cinq ou sept ans.
Or ces chercheurs ont montré que, contrairement à ce que l'on pourrait penser, le défi de l'insertion est toujours d'actualité pour les jeunes, surtout ceux qui n'ont pas obtenu de diplôme. Sept ans après leur sortie du système scolaire, 52 % des non-diplômés seulement ont signé un CDI, 22 % se trouvent toujours au chômage et tous les autres subissent la « galère ».
Pour les seniors, de même que pour les jeunes, la France détient la triste première place européenne des chiffres de l'emploi les plus mauvais.
Le 29 novembre dernier, M. de Villepin a déclaré que ces résultats « [n'étaient] pas à la hauteur des ambitions que nous avons pour la France ». Il ne reste plus que ses fidèles lieutenants, MM. Borloo et Larcher, pour s'extasier sur des résultats qui seraient formidables et annonceraient des lendemains radieux !
Toutefois, monsieur le ministre, la méthode Coué n'a jamais réussi à personne ; elle a toujours montré ses limites, même dans un monde où les médias peuvent, un temps seulement, d'ailleurs, faire l'opinion.
Lors de votre arrivée aux affaires, en 2002, vous avez érigé en dogme la fin de la politique publique de l'emploi. Vous avez déclaré la guerre à l'emploi public ou aidé et avez cloué au pilori les emplois jeunes et les contrats de professionnalisation et d'insertion par l'économie.
Vous n'aviez d'yeux que pour l'emploi marchand et l'engagement d'un patronat dont vous nous affirmiez qu'il serait la solution économique et sociale aux problèmes auxquels nous sommes confrontés. Exit l'emploi public aidé, hourra pour l'emploi marchand, présenté comme le remède miracle à un chômage endémique !
Cinq ans après, votre échec est terrible. M. Fillon avait juré la mort des contrats aidés, promis la fin des exonérations sans compensation, engagé la parole de l'État dans la négociation avec les partenaires sociaux. Or, rien ne s'est passé comme prévu : les chiffres désastreux de votre politique dogmatique n'ont cessé d'enfler, les contrats marchands n'ont jamais vu le jour, les exonérations se sont poursuivies sans compensation pour les comptes sociaux ni contrepartie pour l'emploi.
MM. Borloo et Larcher ont alors relancé une politique de contrats aidés, essentiellement dans le secteur public et associatif. Ils ont multiplié les stratégies favorisant les petits boulots, les CIVIC, ou contrats initiative ville qualité, et les services volontaires.
Monsieur le ministre, il vous fallait à tout prix corriger les effets dévastateurs du « tout privé » et du « tout libéral ». C'est donc à marche forcée que le Gouvernement a multiplié les dispositifs qui, aujourd'hui, produisent quelques effets, même si les statistiques du chômage de 2006 portent essentiellement la marque, outre de ce changement spectaculaire de stratégie, d'un formidable effet d'opportunité démographique.
Toutefois, contrairement à ce que d'aucuns pourraient penser, nous considérons que nul ne peut ni ne doit se satisfaire d'une montée du chômage, pas plus que s'inquiéter de sa diminution, si celle-ci est avérée.
Mon propos ne vise donc pas, soyez-en assuré, monsieur le ministre, à surfer sur la détresse des sept millions de nos concitoyens qui se trouvent privés d'emploi ou contraints de vivre avec des minima sociaux. Mon objectif est de mieux cerner les causes de nos problèmes, de repérer les impasses des chemins qui ont été empruntés et d'exposer les mesures qui nous semblent nécessaires afin de sortir notre pays de la crise économique et sociale qu'il subit.
Le 23 novembre dernier, un article du Figaro, un journal cher à notre collègue Serge Dassault