Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 1er décembre 2006 à 9h30
Loi de finances pour 2007 — Article 57, amendement 95

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Je défendrai en même temps l'amendement n° II-95, monsieur le président.

En mai dernier, le Gouvernement et les organisations patronales du secteur HCR, les hôtels, cafés et restaurants, signaient un contrat dit de « modernisation de la profession ».

Les crédits 2007 de la mission « Travail et emploi », comme les articles 57 et 57 bis rattachés, traduisent financièrement ces engagements et témoignent du renforcement de la politique de baisse du coût du travail. Politique pour le moins coûteuse eu égard notamment au nombre et à la qualité des emplois créés, M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur en ont fait état tout à l'heure.

S'agissant plus particulièrement du secteur HCR, voilà maintenant plusieurs années que, en sus des exonérations générales sur les bas salaires et des aides au titre des différentes formes de contrats aidés, ce secteur bénéficie d'une aide spécifique à l'emploi, par mois, au titre de chaque salarié à temps plein percevant une rémunération égale ou supérieure au SMIC.

Cette année encore, il nous est demandé non seulement de proroger et d'augmenter ce dispositif d'aides dans la mesure où il venait à expiration au 31 décembre 2006, ce qui correspond à une dépense supplémentaire de 100 millions d'euros, mais également d'en rajouter en créant une aide nouvelle pour l'embauche de salariés occasionnels, les « extras », représentant une dépense supplémentaire de 30 millions d'euros.

Ajoutons à cela qu'à compter du 1er juillet 2007 les employeurs de ce secteur bénéficieront aussi de la majoration des exonérations sur les bas salaires prévue pour les entreprises de moins de vingt salariés et concluons, sans hésiter, que l'emploi dans ce secteur est aveuglément et largement subventionné sans aucune contrepartie, sans réelle évaluation de l'efficacité des dépenses ainsi engagées.

Pour les tenants que vous êtes de la rigueur budgétaire, mes chers collègues, et de la réduction des dépenses publiques, une telle attitude est pour le moins paradoxale.

Pour la seule loi de finances pour 2007, au total, vous accordez, sans rien exiger en retour en termes de création d'emplois stables, correctement rémunérés, 697 millions d'euros, et ce en ayant connaissance des modestes résultats sur l'emploi des mesures passées.

Comme le souligne justement le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Dassault, le projet annuel de performance pour 2006 de la mission « Travail et emploi » n'a prévu dans ce secteur qu'une augmentation de 22 000 salariés en 2005 et de 25 000 en 2006. Quant au PAP 2007, il revoit ces modestes ambitions à la baisse, avec seulement 15 700 emplois crées en 2005 et une prévision de 16 600 pour 2006.

En outre, toujours selon M. le rapporteur spécial, « si l'on se base sur le différentiel de taux de croissance de l'emploi constaté dans le secteur concurrentiel et dans le secteur des HCR, la dépense annuelle par emploi créé ressort à plus de 30 800 euros ».

Dans ces conditions, comment ne pas s'interroger sur l'opportunité de tels choix, d'autant que, comme dans le secteur des services à la personne, les emplois ainsi subventionnés sont des emplois sous-qualifiés, précaires et très faiblement rémunérés.

Par ailleurs, la complaisance du Gouvernement à l'égard des organisations patronales de ce secteur ne les incite pas à améliorer les conditions de travail, la qualité de ce dernier et, par conséquent, l'attractivité des métiers en question.

L'actualité récente fournit un bon exemple.

Alors que le Conseil d'État venait d'annuler l'accord de 2004 dérogeant aux 35 heures et condamné les employeurs à verser l'équivalent de dix-huit mois d'heures supplémentaires à leurs salariés, le Gouvernement est passé en force, en faisant valider, lors de l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, ces dispositions relatives au temps de travail.

La semaine dernière, votre cabinet, monsieur le ministre, a reçu les organisations syndicales afin de les sonder sur la question des heures d'équivalence, autre sujet structurant pour les employeurs des hôtels, cafés et restaurants.

À cette occasion, les organisations syndicales ont unanimement demandé des contreparties, dans une grille de salaire et de durée de travail, aux soutiens financiers apportés à ce secteur. Or vous n'envisagez aucunement, si ce n'est dans vos discours, de conditionner effectivement les aides publiques à des résultats concrets.

Nous refusons cette fuite en avant coûteuse pour le budget de l'État et particulièrement dommageable aux salariés, lesquels n'ont d'autres perspectives que de travailler de nombreuses heures, sans gagner pour autant correctement leur vie.

C'est pourquoi nous proposons de supprimer les articles 57 et 57 bis du projet de loi de finances, qui augmentent l'aide apportée à ce secteur et instaurent une nouvelle aide. Tel est le sens des amendements de suppression n° II-94 et II-95.

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