Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, en nous proposant l'article 60, le Gouvernement n'est pas suspect de s'abandonner à je ne sais quelle facilité budgétaire à la veille d'une consultation électorale. Pour autant, il faudra un peu de pédagogie pour expliquer aux maîtres d'apprentissage que l'on est revenu sur cette exonération.
Le rapporteur spécial l'a rappelé, la commission des finances a estimé qu'il fallait voter cet article 60, avant tout parce que c'est une mesure de rendement qui contribue à l'équilibre, il est vrai tout relatif, du budget.
Au-delà de cette considération budgétaire, je souhaite, mes chers collègues, reprendre ici un point de doctrine que la commission des finances s'efforce de définir et que Philippe Marini et moi-même avons déjà abordé lors du débat sur les prélèvements obligatoires.
De notre point de vue, il existe au sein des prélèvements sociaux deux grandes familles : ceux qui relèvent d'une logique assurantielle, et ceux qui relèvent d'une logique de solidarité. L'assurance, dans une vision bismarckienne, doit être directement assumée par les partenaires, alors que la solidarité est à la charge de l'État, de la collectivité.
Si vous admettez ce principe, mes chers collègues, alors nous pouvons avancer et considérer que les cotisations qui contribuent au financement de la santé, au financement de la politique familiale, ressortissent à la solidarité, et donc pourraient ne plus être calculées en fonction des salaires. En revanche, pour tout ce qui relève du contrat de travail et du salaire lui-même, en particulier les pensions de vieillesse, qui sont en relation directe avec les salaires, c'est la logique de l'assurance qui doit s'appliquer.
Les accidents du travail relèvent de la logique assurantielle ; l'assiette de cotisation est le salaire ; il est logique que les partenaires sociaux en soient les gestionnaires. C'est là ce qui nous a amenés à considérer que le dispositif sonnait juste dans cette ligne de pensée que nous voudrions tenir.
Nous avons souligné à l'occasion du débat sur les prélèvements obligatoires combien il devenait nécessaire de discuter globalement des prélèvements sociaux et des impôts. Aujourd'hui, le clivage entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances apparaît de plus en plus artificiel et nous conduit quelquefois à nous opposer, certains se faisant les garants de l'équilibre de la sécurité sociale. Mais qui peut dire que les dettes de la sécurité sociale ne sont pas très largement les dettes de l'État ?
Donc, respectueuse du principe que je viens d'énoncer et qui a été exposé ici même voilà quelques semaines, la commission des finances s'est faite à l'idée qu'il était juste de prélever cette cotisation sur la base des salaires.
J'ajouterai enfin que la loi de finances a prévu une exonération de cotisations sociales intégrale pour les rémunérations au niveau du SMIC dans les entreprises employant moins de vingt personnes. Cela a des conséquences non négligeables pour ceux que nous prenons en compte en cet instant, c'est-à-dire pour les artisans, pour les maîtres d'apprentissage, qui bénéficieront globalement d'un allégement assez substantiel des cotisations sociales dont ils étaient redevables jusqu'à maintenant.
Cela étant, je comprends tout à fait ce qui motive le dépôt d'amendements ayant pour objet de supprimer le rétablissement de la cotisation.
Je ne sais pas si ce que je viens d'exposer est de nature à vous convaincre, mes chers collègues, mais nous en reparlerons, et longuement, parce que nous ne pourrons pas maintenir en l'état le financement de la protection sociale.
Nous sommes dans une économie globale, dans une économie mondialisée. Ne perdez pas de vue que tous ceux qui vont produire ailleurs s'exonèrent de toutes ces cotisations et que, si nous voulons redonner de la compétitivité au territoire national, à l'emploi en France, alors, il nous faut imaginer un autre financement de la protection sociale. Si nous taxons la production, nous nous faisons assez largement complices de délocalisations accélérées, notamment dans l'industrie.
Ne serait-ce pas aller vers une plus grande justice que de taxer la consommation ? C'est cette question qui nous conduit à l'idée de TVA sociale.