Alors que nous venons d'achever l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je vous avoue ma stupéfaction devant cette série d'amendements de suppression qui, vous l'aurez tous constaté, sont accompagnés d'exposés des motifs identiques quasiment au mot près : le lobbying de la CGPME et de l'UPA a parfaitement fonctionné !
Pour ma part, je tiens à expliquer pourquoi je suis contre la suppression de l'article 60, demandée, notamment, par la commission des affaires sociales, en totale contradiction avec les positions qu'elle a elle-même adoptées sur les questions de la prévention au travail et sans considération pour l'engagement pris à plusieurs reprises dans cet hémicycle par M. Larcher.
Ces amendements visent donc à maintenir les exonérations de cotisations sociales au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles dont bénéficient les contrats d'apprentissage et de professionnalisation.
Selon le rapporteur pour avis, les dispositions de l'article 60, en mettant fin aux exonérations de cotisations sociales patronales d'accidents du travail et de maladies professionnelles, les AT/MP, pour les deux contrats visés, occasionneraient un surcoût de 73 millions d'euros pour les entreprises concernées et décourageraient de facto les employeurs de recourir à l'apprentissage. Rien de moins !
Cette mesure, toujours selon le rapporteur pour avis, viendrait contrarier le mouvement général en faveur du développement de l'apprentissage voulu par le Gouvernement dans le cadre du plan de cohésion sociale.
Mes chers collègues, cette argumentation ne tient pas et n'est pas recevable. Il ne vous aura pas échappé qu'en la matière le Gouvernement consacre déjà des moyens financiers très importants pour le soutien de l'apprentissage : un crédit d'impôt de 1 600 euros est accordé pour chaque apprenti et peut atteindre 2 200 euros ; le fonds de modernisation de l'apprentissage dispose d'une dotation de près de 250 millions d'euros.
Surtout, vous ne pouvez nous proposer d'arbitrer entre une mesure prétendument favorable à l'emploi et une mesure incitant les employeurs à prévenir les accidents du travail.
Pour le coup, en refusant de rétablir les cotisations AT/MP pour les contrats d'apprentissage et de professionnalisation, vous allez à l'encontre de la politique conduite par M. Larcher en matière de santé au travail.
Il est avéré que le risque d'accident du travail est plus élevé pour les jeunes travailleurs que pour le reste de la population active. Le fait que les 15-29 ans, qui ne représentent que 19, 5 % de la population active, totalisent 36, 63 % du nombre d'accidents avec arrêt et 23, 47 % du nombre de journées arrêtées ne vous interpelle-t-il pas ? Comment pouvez-vous afficher un tel manque de volontarisme quand vous savez que 3, 08 % des accidents avec arrêt concernent les apprentis, alors que ceux-ci représentent seulement 1, 3 % de la population active occupée ?
À l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, j'ai personnellement défendu un amendement visant, suivant les recommandations d'un rapport publié en 2004 par l'Inspection générale des affaires sociales, à exclure les cotisations AT/MP des dispositifs d'exonération afin de préserver et de renforcer la logique préventive de la tarification des accidents du travail et maladies professionnelles. Notre proposition n'a pas été retenue.
Il n'en demeure pas moins que l'argument de la responsabilisation des entreprises face aux risques liés à la santé et à la sécurité au travail est plus que recevable : il doit s'imposer, y compris face aux impératifs économiques, et justifie à lui seul que nous nous opposions à la suppression de l'article 60 voulue par d'aucuns dans cette assemblée.
Pour ceux qui ne seraient pas convaincus par l'argument central de la prévention, qui me paraît pourtant essentiel, je reprendrai l'argument financier avancé par le rapporteur général à l'Assemblée nationale, rappelé il y a quelques instants par notre collègue M. Arthuis : si l'article 60 venait effectivement à être supprimé, le budget du ministère du travail devrait se passer de 73 millions d'euros, et un gage devrait être demandé sur la mission « Travail et emploi ». Êtes-vous prêts à cela ?