Les dirigeants, le personnel, les élèves de cet établissement et tous ceux qui s'y rendent ont attiré mon attention, et naturellement celle des huit confrères vétérinaires de notre assemblée, au nom desquels je m'exprime, sur les conditions matérielles totalement catastrophiques dans lesquelles l'enseignement vétérinaire est aujourd'hui dispensé dans cette école, autrefois prestigieuse.
Les bâtiments les plus anciens, vieux de plus d'un siècle, n'ont jamais été rénovés depuis la fin du XIXe siècle et ils ne sont plus - loin s'en faut ! - conformes aux normes actuelles en vigueur.
Les maires des plus petites communes de notre pays seraient horrifiés et scandalisés de constater l'état dans lequel sont les locaux d'une école nationale vétérinaire, en région parisienne, placée sous la responsabilité de l'État, au regard des exigences de ce même État pour les plus petits locaux dont ils sont responsables dans leur commune.
Récemment, d'importantes fuites se sont produites dans le réseau de chauffage vétuste. La température ambiante des bâtiments a chuté, atteignant moins de 12 degrés, ce qui est, vous en conviendrez, totalement incompatible avec les missions de cet établissement, principalement l'hospitalisation des animaux et les opérations chirurgicales.
Je vous laisse imaginer quelle serait votre réaction, mes chers collègues, si, après une opération chirurgicale délicate, vous étiez placés dans une salle de réveil dont la température est inférieure à douze degrés !
Les normes de sécurité électrique ne sont plus respectées depuis très longtemps, et d'importants travaux de mise en conformité sont absolument nécessaires. La salle d'autopsie est devenue totalement indigne d'une école nationale.
J'arrête là la liste des indispensables travaux de remise à niveau, car les cinq minutes qui me sont octroyées ne me suffiraient pas à tous les citer...
Il est devenu en effet vital pour l'École nationale vétérinaire de réaliser rapidement ces travaux, mais aussi de retrouver des marges de manoeuvre budgétaires.
Le seul élément un peu positif, me faisait remarquer l'un de mes vieux confrères lors d'une visite que j'ai effectuée voilà quelques semaines dans cette école, c'est que quelqu'un qui y a fait ses études voilà cinquante ou soixante ans aura l'heureuse impression de ne pas avoir vieilli, dans la mesure où les locaux et les peintures sont exactement dans l'état où ils étaient à cette époque !
En outre, au début de l'actuel exercice budgétaire, un gel de 5 % des crédits de fonctionnement a été effectué par la MIRES. Or à l'issue du débat budgétaire à l'Assemblée nationale, le « dégel » de ces crédits a été voté pour tous les établissements d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministère de l'éducation nationale. Comme l'a rappelé notre collègue Pierre Bordier, tel n'a pas été le cas pour les établissements d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministère de l'agriculture.
Cette importante mise en réserve budgétaire de 5 %- 0, 5 % pour les dépenses de personnel et 4, 5 % pour les dépenses de fonctionnement - a notamment obligé les établissements concernés à payer les personnels sur leur budget propre et à retarder la création de nouveaux postes de maîtres de conférence dans le cadre des « emplois Fillon ».
Monsieur le ministre, l'enseignement supérieur agricole aurait-il démérité à ce point qu'un traitement spécifique défavorable lui soit appliqué par ce maintien du gel sur le budget pour 2006, alors que ce gel a été levé pour tous les établissements d'enseignement supérieur placés sous l'autorité du ministère de l'éducation nationale ?
En tout cas, ce n'est pas ce que je croyais avoir entendu au cours de ces dernières années lors des épidémies de la vache folle et, tout dernièrement, de grippe aviaire, lorsque la nation tout entière, classe politique, gouvernement et ministres en tête, se félicitaient que, grâce à la qualité de la veille sanitaire exercée par le corps vétérinaire, notre pays n'avait pas eu à connaître les catastrophes que certains pays européens avaient vécues.
Même le Président de la République, lors du dernier salon de l'agriculture, rappelait à la nation toute l'attention que l'on devait porter aux sciences agricoles.
Pourtant, le budget pour 2007 n'en est pas pour autant mieux loti puisque le budget de fonctionnement de l'enseignement agricole public diminue de 0, 65 % par rapport à 2006, et perd notamment trente emplois.
Pour revenir au cas particulier de l'École nationale vétérinaire d'Alfort, qui conserve une réputation internationale, je regrette en outre que le ministère de l'agriculture ne respecte pas le contrat portant sur les années 2005-2008 qu'il a signé avec elle en 2005, contrat aux termes duquel il avait été décidé d'octroyer à l'école, compte tenu de son état catastrophique, les moyens financiers pour engager les travaux indispensables sur les bâtiments, qui n'en ont jamais subi depuis la fin du xixe siècle.
Pourtant, en 2005, seulement 750 000 euros ont été attribués sur les 2, 2 millions d'euros qui étaient prévus. Il manque, monsieur le ministre, 1, 5 million d'euros pour l'année 2005.
En 2006, seulement 330 000 euros ont été attribués sur les 2, 23 millions d'euros prévus. Il manque, monsieur le ministre, 1, 9 million d'euros pour l'année 2006.
Cela signifie que, sur les deux ans, seul 1 million d'euros a été octroyé sur les 4 millions d'euros qui étaient prévus. Il manque, monsieur le ministre, 3, 5 millions d'euros !
Est-ce là l'engagement de l'État ?
Si, aujourd'hui, 3, 545 millions d'euros sont prévus au titre de l'année 2007, sur une enveloppe totale de 5, 8 millions d'euros pour l'ensemble de l'enseignement supérieur agricole, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, à quelle hauteur le Gouvernement entend respecter ses engagements cette année ?
L'enseignement supérieur agricole français, en particulier l'enseignement vétérinaire, constitue encore, aux yeux de nombreux experts nationaux et internationaux, un modèle cité en référence. Mais n'est-ce pas déjà, monsieur le ministre, mes chers collègues, un constat du passé et ne sommes-nous pas en train de détruire consciencieusement ce que nos prédécesseurs avaient si bien su construire ?
À l'heure où cet enseignement supérieur agricole, fer de lance de l'avenir de notre agriculture, se restructure pour faire face aux défis de demain, par l'émergence de pôles de compétences associant l'ensemble des partenaires universitaires et de recherche - je pense notamment au pôle de compétitivité MédiTech -, le retrait de l'État est incompréhensible et totalement condamnable.
La filière de l'enseignement supérieur agricole français, en particulier l'enseignement vétérinaire, constitue pourtant un atout majeur dans notre capacité à former des professionnels hautement compétents, à innover et à forger les succès de notre agriculture de ce xxie siècle, dont tout le monde, et notamment le Président de la République, parle beaucoup en ce moment.
Voilà pourquoi il importe, monsieur le ministre, mes chers collègues, de « dégeler » d'abord les crédits pour 2006 nécessaires au bon fonctionnement de notre enseignement supérieur agricole. C'est évidemment la raison pour laquelle j'ai tenu à cosigner l'amendement n° II-133 rectifié bis déposé par Philippe Marini, Jacques Valade, et plusieurs autres sénateurs, qui prévoit un transfert de 2 millions d'euros en faveur de l'enseignement supérieur et la recherche agricoles.
Quant au cas particulier de l'École nationale vétérinaire d'Alfort, il convient d'agir dès aujourd'hui en lui octroyant immédiatement les crédits nécessaires à des travaux urgents. C'est en ce sens que j'ai cosigné l'amendement n° II-132 rectifié bis, déposé notamment par notre collègue Jean Bizet, dont l'objet est d'attribuer à cette école une toute petite partie seulement des sommes que l'État s'était engagé à lui verser en signant le contrat pluriannuel 2005-2008 pour sa remise à niveau.
Si nous voulons que l'« arme verte » de notre économie, l'agriculture, soit toujours dans les décennies à venir une arme de conquête économique et un outil performant du développement durable de notre pays, il est vital d'investir aujourd'hui pour son avenir. Plus tard, mes chers collègues, il sera sûrement trop tard.
Je vous inviterai tous un jour à venir visiter ce splendide établissement, et je crois que vous serez surpris de constater ce qui peut actuellement exister sur le territoire national.