Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires », s’inscrit, pour 2011, dans une grande continuité par rapport à l’exercice 2010. Elle conserve ainsi un périmètre et une organisation inchangés pour ses deux programmes.
La mission est au cœur de la politique transversale d’aménagement du territoire. Cependant, les actions de l’État participant à cette politique excèdent de loin son périmètre, avec 5, 15 milliards d’euros dans le présent projet de loi de finances pour 2011, soit plus de dix fois les crédits de la mission. La réduction des moyens de la mission en 2011 par rapport à 2010, de 7, 44 % pour les autorisations d’engagement et de 13, 44 % pour les crédits de paiement, serait totalement « soutenable », d’après les informations que j’ai pu recueillir, mais vous nous le confirmerez, monsieur le ministre.
Cette mission se singularise par des dépenses fiscales – 408 millions d’euros – supérieures à ses crédits budgétaires. J’aurai l’occasion de revenir tout à l’heure sur ce point.
Le premier programme, Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire, ou PICPAT, correspond aux moyens mis à la disposition de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, qui a abandonné, en 2010, sa dénomination de Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires, pour retrouver son ancienne appellation.
Le second programme, Interventions territoriales de l’État, dérogatoire aux règles du droit commun budgétaire, est plus couramment désigné par l’acronyme PITE. Il est composé depuis 2009 de quatre actions, qui correspondent à quatre plans interministériels de portée régionale.
Sur le fond, les actions prévues pour 2011 poursuivront celles qui ont été engagées en 2010.
Ainsi, le PICPAT, doté de 308, 63 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 292, 78 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 10, 7 % des autorisations d’engagement et de 14, 4 % des crédits de paiement par rapport à 2010, sera employé au financement de différents dispositifs.
Premièrement, les contrats État-région, dont la « génération » 2007-2013 entrera en 2011 dans sa cinquième année d’exécution.
Deuxièmement, la prime d’aménagement du territoire, la PAT.
Troisièmement, le plan d’actions en faveur des territoires ruraux, issu des Assises des territoires ruraux, et, surtout, les pôles d’excellence rurale.
Quatrièmement, les pôles de compétitivité, dotés de 7, 5 millions d’euros en autorisations d’engagement, et les « grappes d’entreprises », dotées de 8, 7 millions d’euros, qui constituent une sorte de variante des pôles de compétitivité pour des réseaux d’entreprises de petite taille. Je souhaite d’ailleurs vous interroger, monsieur le ministre, sur la modestie des montants alloués à ces politiques si utiles, surtout au regard du coût de plus de 4 milliards d’euros du crédit d’impôt recherche.
Cinquièmement, le plan d’accompagnement du redéploiement des armées, qui sera financé en 2011 exclusivement par la voie de reports de crédits de 2010.
Sixièmement, enfin, les contrats de site, les contrats de développement, les schémas directeurs d’aménagement numérique du territoire, les subventions à l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII, et à la Société du Grand Paris, qui constitue une innovation du présent projet de loi de finances.
Quant au PITE, doté de 47, 68 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 34, 9 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 22 % en autorisations d’engagement et une baisse de 3 % en crédits de paiement par rapport à 2010, il retrace, comme je l’ai indiqué, quatre actions.
La première concerne le financement de la « reconquête » de la qualité de l’eau en Bretagne, seule action du PITE dont le montant varie en 2011, avec des autorisations d’engagement en hausse de 321 % ; le plan de lutte contre les algues vertes n’y est pas pour rien.
La deuxième action correspond au plan d’investissements en Corse, qui absorbe d’ailleurs 60 % des autorisations d’engagement et plus de la moitié des crédits de paiement du programme. En outre, d’importants fonds de concours sont attendus pour cette action : 35 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui constitue une forme de « débudgétisation » regrettable.
La troisième action du programme est relative à l’écologie du marais poitevin.
La quatrième action, enfin, est le programme de santé mis en œuvre à la Guadeloupe et à la Martinique, en raison de la présence dans les sols de chlordécone, pesticide hautement toxique utilisé contre le charançon du bananier.
Quels sont les points positifs et quels sont ceux qui, en revanche, appellent une amélioration.
Du côté des aspects positifs, je retiendrai, à titre principal, le souci de « soutenabilité » des engagements pris sur les programmes de la mission. La sage décision qui a consisté à couvrir en paiement les engagements précédents depuis quelques années a porté ses fruits puisque le rattrapage opéré a permis de résorber la dette exigible du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT. Vous me confirmerez ce point tout à l’heure, monsieur le ministre. J’en profite pour attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité de ne pas relâcher cet effort de « soutenabilité », afin d’éviter de renouer avec les tensions de financement connues avant 2007.
Quant aux sujets qui me paraissent appeler des améliorations, ils ont trait aux enjeux d’évaluation.
En premier lieu, une évaluation renforcée me paraît nécessaire pour la politique des « pôles », à commencer par les pôles de compétitivité, les « grappes d’entreprises », mais aussi les pôles d’excellence rurale et le plan d’actions en faveur des territoires ruraux mis en place cette année.
En second lieu, l’évaluation que je préconise concerne les dépenses fiscales rattachées. Il s’agit, pour 2011, de quelque trente catégories de dépenses fiscales, représentant au total plus de 408 millions d’euros, je l’ai dit, dont 60 % concernent la Corse.
Ces dépenses, malgré nos recommandations répétées, ne font toujours pas l’objet d’une évaluation au regard de leurs performances. En outre, les deux tiers de ces trente dépenses fiscales sont évaluées, chacune, à un montant égal ou inférieur à 1 million d’euros ou ne sont pas chiffrées. Je m’interroge sur la pertinence d’un tel « saupoudrage » et sur les effets qui peuvent en être attendus.
Le bien-fondé de mes remarques est d’ailleurs confirmé par le rapport d’octobre 2010 du Conseil des prélèvements obligatoires, qui regrettait que « les dispositifs fiscaux en faveur de l’aménagement du territoire soient d’une efficacité incertaine ».
C’est sous le bénéfice de ces observations que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l’adoption des crédits de la mission « Politique des territoires » pour 2011.