La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Politique des territoires ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires », s’inscrit, pour 2011, dans une grande continuité par rapport à l’exercice 2010. Elle conserve ainsi un périmètre et une organisation inchangés pour ses deux programmes.
La mission est au cœur de la politique transversale d’aménagement du territoire. Cependant, les actions de l’État participant à cette politique excèdent de loin son périmètre, avec 5, 15 milliards d’euros dans le présent projet de loi de finances pour 2011, soit plus de dix fois les crédits de la mission. La réduction des moyens de la mission en 2011 par rapport à 2010, de 7, 44 % pour les autorisations d’engagement et de 13, 44 % pour les crédits de paiement, serait totalement « soutenable », d’après les informations que j’ai pu recueillir, mais vous nous le confirmerez, monsieur le ministre.
Cette mission se singularise par des dépenses fiscales – 408 millions d’euros – supérieures à ses crédits budgétaires. J’aurai l’occasion de revenir tout à l’heure sur ce point.
Le premier programme, Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire, ou PICPAT, correspond aux moyens mis à la disposition de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, qui a abandonné, en 2010, sa dénomination de Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires, pour retrouver son ancienne appellation.
Le second programme, Interventions territoriales de l’État, dérogatoire aux règles du droit commun budgétaire, est plus couramment désigné par l’acronyme PITE. Il est composé depuis 2009 de quatre actions, qui correspondent à quatre plans interministériels de portée régionale.
Sur le fond, les actions prévues pour 2011 poursuivront celles qui ont été engagées en 2010.
Ainsi, le PICPAT, doté de 308, 63 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 292, 78 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 10, 7 % des autorisations d’engagement et de 14, 4 % des crédits de paiement par rapport à 2010, sera employé au financement de différents dispositifs.
Premièrement, les contrats État-région, dont la « génération » 2007-2013 entrera en 2011 dans sa cinquième année d’exécution.
Deuxièmement, la prime d’aménagement du territoire, la PAT.
Troisièmement, le plan d’actions en faveur des territoires ruraux, issu des Assises des territoires ruraux, et, surtout, les pôles d’excellence rurale.
Quatrièmement, les pôles de compétitivité, dotés de 7, 5 millions d’euros en autorisations d’engagement, et les « grappes d’entreprises », dotées de 8, 7 millions d’euros, qui constituent une sorte de variante des pôles de compétitivité pour des réseaux d’entreprises de petite taille. Je souhaite d’ailleurs vous interroger, monsieur le ministre, sur la modestie des montants alloués à ces politiques si utiles, surtout au regard du coût de plus de 4 milliards d’euros du crédit d’impôt recherche.
Cinquièmement, le plan d’accompagnement du redéploiement des armées, qui sera financé en 2011 exclusivement par la voie de reports de crédits de 2010.
Sixièmement, enfin, les contrats de site, les contrats de développement, les schémas directeurs d’aménagement numérique du territoire, les subventions à l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII, et à la Société du Grand Paris, qui constitue une innovation du présent projet de loi de finances.
Quant au PITE, doté de 47, 68 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 34, 9 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 22 % en autorisations d’engagement et une baisse de 3 % en crédits de paiement par rapport à 2010, il retrace, comme je l’ai indiqué, quatre actions.
La première concerne le financement de la « reconquête » de la qualité de l’eau en Bretagne, seule action du PITE dont le montant varie en 2011, avec des autorisations d’engagement en hausse de 321 % ; le plan de lutte contre les algues vertes n’y est pas pour rien.
La deuxième action correspond au plan d’investissements en Corse, qui absorbe d’ailleurs 60 % des autorisations d’engagement et plus de la moitié des crédits de paiement du programme. En outre, d’importants fonds de concours sont attendus pour cette action : 35 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui constitue une forme de « débudgétisation » regrettable.
La troisième action du programme est relative à l’écologie du marais poitevin.
La quatrième action, enfin, est le programme de santé mis en œuvre à la Guadeloupe et à la Martinique, en raison de la présence dans les sols de chlordécone, pesticide hautement toxique utilisé contre le charançon du bananier.
Quels sont les points positifs et quels sont ceux qui, en revanche, appellent une amélioration.
Du côté des aspects positifs, je retiendrai, à titre principal, le souci de « soutenabilité » des engagements pris sur les programmes de la mission. La sage décision qui a consisté à couvrir en paiement les engagements précédents depuis quelques années a porté ses fruits puisque le rattrapage opéré a permis de résorber la dette exigible du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT. Vous me confirmerez ce point tout à l’heure, monsieur le ministre. J’en profite pour attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité de ne pas relâcher cet effort de « soutenabilité », afin d’éviter de renouer avec les tensions de financement connues avant 2007.
Quant aux sujets qui me paraissent appeler des améliorations, ils ont trait aux enjeux d’évaluation.
En premier lieu, une évaluation renforcée me paraît nécessaire pour la politique des « pôles », à commencer par les pôles de compétitivité, les « grappes d’entreprises », mais aussi les pôles d’excellence rurale et le plan d’actions en faveur des territoires ruraux mis en place cette année.
En second lieu, l’évaluation que je préconise concerne les dépenses fiscales rattachées. Il s’agit, pour 2011, de quelque trente catégories de dépenses fiscales, représentant au total plus de 408 millions d’euros, je l’ai dit, dont 60 % concernent la Corse.
Ces dépenses, malgré nos recommandations répétées, ne font toujours pas l’objet d’une évaluation au regard de leurs performances. En outre, les deux tiers de ces trente dépenses fiscales sont évaluées, chacune, à un montant égal ou inférieur à 1 million d’euros ou ne sont pas chiffrées. Je m’interroge sur la pertinence d’un tel « saupoudrage » et sur les effets qui peuvent en être attendus.
Le bien-fondé de mes remarques est d’ailleurs confirmé par le rapport d’octobre 2010 du Conseil des prélèvements obligatoires, qui regrettait que « les dispositifs fiscaux en faveur de l’aménagement du territoire soient d’une efficacité incertaine ».
C’est sous le bénéfice de ces observations que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l’adoption des crédits de la mission « Politique des territoires » pour 2011.
M. le président de la commission des finances applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires » a été étudiée avec beaucoup d’attention par la commission de l’économie, présidée par notre collègue Jean-Paul Emorine.
Cette mission participe à l’effort de maîtrise des dépenses publiques. Son budget, de 356 millions d’euros en autorisations d’engagement et 328 millions d’euros en crédits de paiement, est en légère diminution par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2010.
Cette baisse doit toutefois s’interpréter dans le contexte de la programmation pluriannuelle puisque les autorisations d’engagement demeurent supérieures au niveau qui avait été prévu en 2008 dans le cadre de la programmation pluriannuelle 2009-2011.
Il reste que la diminution des crédits devrait se poursuivre dans les années à venir dans la mesure où la nouvelle programmation pluriannuelle 2011-2013 prévoit une baisse supplémentaire de 10 % des autorisations d’engagement.
Au sein de cette mission, le PITE est marqué cette année par le lancement du plan contre la prolifération des algues vertes en Bretagne, avec des engagements d’un montant de 7, 5 millions d’euros dès 2011.
La plupart des opérations sont toutefois mises en œuvre avec la DATAR. C’est dans ce cadre que le Gouvernement soutient des politiques indispensables à l’attractivité de nos territoires. On peut parler, à cet égard, du programme national « Très haut débit », qui doit permettre de couvrir l’ensemble des foyers d’ici à 2025. Nous serons très attentifs à ce que le fonds d’aménagement numérique du territoire soit alimenté à une hauteur suffisante.
Par ailleurs, 15 millions d’euros seront consacrés dès 2011 au financement du plan d’action annoncé par le Gouvernement en faveur des territoires ruraux. Je crois particulièrement à l’importance des programmes concernant les maisons de santé pluridisciplinaires et la mutualisation des services essentiels à la population.
L’enveloppe prévue pour les nouveaux pôles d’excellence rurale, remarquable opération…
… dans le cadre de laquelle 400 projets, me semble-t-il, doivent être étudiés en janvier prochain, est la même que pour ceux de la première génération, soit 235 millions d’euros, dont 115 millions d’euros proviennent du FNADT.
Au-delà de cette mission proprement dite, le Gouvernement chiffre à 5, 15 milliards d’euros l’effort total de l’État en faveur de l’aménagement du territoire, qui est partagé entre seize missions différentes. Vous conviendrez avec moi, monsieur le ministre, que cet éclatement n’est pas propice, nous l’avons dit en commission, à la lisibilité de l’action publique en ce domaine. Dès lors, est-il possible d’envisager, dans les prochains budgets, la constitution d’une mission budgétaire donnant une vision plus représentative des politiques nationales d’aménagement du territoire ?
Après quelques craintes ressenties au moment de l’examen du texte à l’Assemblée nationale et, par la suite, celles qu’ont suscitées plusieurs projets d’amendement de nos collègues de la commission des finances, je me réjouis que le projet de loi de finances, dans le texte examiné par le Sénat, préserve, pour l’instant, le dispositif des zones de revitalisation rurale, les ZRR !
Tout à fait ! Notre collègue Jacques Blanc, qui est président du groupe d’études sur le développement économique de la montagne, y est très attaché et défend les ZRR avec beaucoup de ferveur !
Je souhaite que l’on préserve ce dispositif des ZRR et j’espère que les amendements qui seront déposés afin de remettre en cause partiellement ces zones, voire le zonage, ne seront pas retenus, car la France a besoin de zones rurales fortes…
… oui, vivantes, et pleines d’énergie !
Parce que la France doit s’appuyer autant sur ses villes que sur ses campagnes, dans leur diversité, nous devons approuver, compte tenu de la concurrence entre les métropoles mondiales, le projet du Grand Paris, dont certains crédits sont rattachés cette année – et c’est une première ! – à la mission « Politique des territoires ».
Toutefois, cela ne peut se faire au détriment d’un aménagement raisonné des territoires ruraux. Le Premier ministre n’a-t-il pas lui-même mercredi dernier que « la France des territoires, la France des espaces ruraux façonne notre nation » ?
Le dispositif des zones de revitalisation rurale joue, à cet égard, un rôle indispensable de correctif pour des territoires placés en situation d’inégalité démographique et économique. C’est pourquoi la commission de l’économie s’était inquiétée de la remise en cause trop brutale de l’exonération de charges pour les organismes d’intérêt général que proposait l’article 88 du projet de loi de finances. Je me réjouis que cet article ne figure plus dans le texte proposé au Sénat.
C’est à juste titre que notre assemblée a en outre permis, mercredi dernier, aux collectivités territoriales situées en ZRR de déduire la TVA sur la construction de maisons de santé.
Pour conclure, j’indique que notre commission de l’économie a approuvé les crédits de la mission « Politique des territoires », mais je ne saurais achever mon propos sans vous féliciter à nouveau, monsieur le ministre, pour votre reconduction à votre poste de ministre de l’agriculture et me réjouir que l’aménagement du territoire et la ruralité reviennent dans vos attributions : je pense en effet que ces domaines sont véritablement complémentaires.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Nathalie Goulet.
Monsieur le ministre, vous succédez à Michel Mercier dans cette tâche si excitante qui consiste à traiter des problèmes – extrêmement nombreux ! – de notre ruralité. Dans le droit fil de la conclusion de notre rapporteur pour avis, je dirai qu’il y a incontestablement une vraie cohérence dans le fait de regrouper l’agriculture et la politique des territoires, l’une allant difficilement sans l’autre !
Le programme 122 est consacré à cet objectif, d’autant plus important que les marges de manœuvre financières des collectivités rurales sont étroites du fait, d’une part, de leur faible potentiel fiscal et, d’autre part, des surcoûts importants qu’engendre précisément leur caractère rural, notamment en ce qui concerne l’entretien des réseaux, qu’il s’agisse de voirie, d’électricité, d’eau et d’assainissement ou de transport scolaire.
Pour ce qui est des ZRR, cela fait déjà plusieurs années que des sénateurs, et notamment notre collègue Claude Biwer, tirent la sonnette d’alarme sur la coexistence de deux systèmes d’exonération fiscale – mais il semble que nous ayons progressé sur ce point –, l’un touchant les ZRR, l’autre, les zones franches urbaines, alors que les deux visent le même but de dynamisation économique de zones dites « sinistrées ».
Claude Biwer avait d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à permettre la création de zones franches rurales au sein des ZRR, en préconisant quelques solutions constructives pour répondre à certains maux spécifiquement ruraux.
Je vais profiter de ma présence cette tribune, monsieur le ministre, pour évoquer la problématique d’aménagement du territoire de la zone d’Argentan, sujet qui me préoccupe beaucoup. En effet, cette zone est éligible aux aides à finalité régionale, les AFR, pour la période 2007-2013. Dans ce cadre, le taux plafond pour les grandes entreprises est de 15 %. La prime d’aménagement du territoire, la PAT, qui fait partie de ces aides, est plafonnée à 15 000 euros par emploi ou à 10 % de l’investissement.
Il se trouve que vos services sont actuellement saisis d’un dossier extrêmement important pour cette zone, qui bénéficie d’un contrat de site et qui est vraiment en pleine revitalisation. Votre circonscription n’est pas si loin d’Argentan, monsieur le ministre, et vous savez donc très bien à quelles difficultés les élus de cette région tentent de remédier.
Les dossiers de demande de financements publics ont été déposés le 28 mai dernier sur la base d’un investissement de 34 millions d’euros, impliquant la création immédiate de 30 emplois, puis de 50 à l’échéance de trois ans.
Je souhaiterais vous demander, monsieur le ministre, quelle suite vous entendez donner à ce dossier et où en est la procédure d’attribution de la PAT.
Pour conclure, de façon à n’épuiser ni le président de la commission des finances ni le temps qui nous est imparti, je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la ligne Paris-Granville.
En tant qu’élu de Normandie, vous ne pouvez pas rester totalement insensible à l’état catastrophique de cette ligne, qui ne fonctionne absolument pas et qui est pourtant essentielle au désenclavement de la route qui mène vers Granville, traversant l’Eure – votre département –, l’Orne – le mien –, le Calvados et la Manche.
Les présidents de la SNCF et de RFF s’étaient engagés à reverser sur les réseaux des trains régionaux les sommes tirées de l’économie de taxe professionnelle. Votre prédécesseur, Michel Mercier, avait repris cet engagement, ici même, dans le cadre d’une journée de la ruralité présidée par le président Larcher. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, où en est l’établissement de la somme ainsi récupérée, qui ne doit pas être négligeable ? Comment comptez-vous la redistribuer vers les réseaux de trains régionaux ?
Vous ne serez pas surpris, monsieur le ministre, si je vous demande à ce que la ligne Paris-Granville bénéficie en priorité de cette manne !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre rapporteur spécial a exposé l’analyse des moyens dévolus à la mission « Politique des territoires » et a souligné leur baisse.
Chacun ici avait salué la création du ministère en charge et de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. En dépit de divergences politiques bien naturelles, M. Michel Mercier était un vrai interlocuteur. Il y a un an, les Assises des territoires ruraux permettaient l’affichage de l’intérêt porté aux défis auxquels le monde rural se trouve confronté.
Remanié il y a presque trois semaines, le Gouvernement porte la marque de l’absence de ce ministère, dont les attributions avaient été pourtant accrues en juillet dernier.
La nouvelle géométrie ministérielle, caractérisée par ce rattachement de la ruralité à un grand ministère, durant la discussion budgétaire, est synonyme de dilution. Elle inquiète, à défaut de surprendre !
Pourtant, en juin 2009, M. Mercier, nouvellement nommé, déclarait accepter la proposition d’un ministère de plein exercice de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, « parce que les choses vont bien ensemble », ajoutant qu’il se sentait « à l’aise dans cette problématique ».
Il précisait en outre : « Le ministre de l’agriculture a en charge très clairement tout ce qui est agricole, production, alimentation, relations avec Bruxelles, qui sont essentielles pour l’agriculture, et c’est son domaine. Moi, j’ai à animer et à faire vivre l’espace rural, faire en sorte que les hommes et les femmes qui ont choisi de vivre là puissent vivre avec les mêmes facilités que ceux qui sont en ville, qu’ils aient accès aux technologies modernes, qu’il y ait la permanence des soins, l’accès à l’enseignement, la mobilité, toutes ces problématiques-là. Il faut me souhaiter du courage et de l’ardeur et de l’enthousiasme. »
Mes chers collègues, la colle de l’affichage n’a pas résisté aux pluies de l’automne ! Aujourd’hui, la ruralité se retrouve en queue de convoi, en semi-relégation.
Si, monsieur Blanc !
Ce gouvernement épouse le cycle des saisons, mais Vivaldi est remplacé par une marche funèbre, celle de Chopin, voire celle de Berlioz, pour la dernière scène d’Hamlet.
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
En effet, il y a un an, le Gouvernement affichait sur les documents officiels et sur ses sites : « La réforme des collectivités territoriales : une nouvelle impulsion pour les territoires », ou bien encore le slogan : « Avec la réforme territoriale, nous préparons l’avenir des collectivités ».
A posteriori, de telles formules prêtent à sourire !
Le 16 novembre 2009 encore, était lancée une task force d’élus au service de la réforme des collectivités territoriales. Un groupe d’élus locaux et nationaux s’engageant à la promouvoir était ainsi fièrement constitué. Et le ministre de l’intérieur de proclamer devant sa task force : « Nous sommes des messagers à la fois incessants, enthousiastes et déterminés de la politique voulue par le Président de la République et le Premier ministre au service de nos concitoyens. »
L’enthousiasme, à défaut d’un début de consistance, a surtout laissé place à la résignation, …
Quant à M. Marleix, il déclarait : « Il faut être agrégé de droit public pour comprendre qui est qui et qui fait quoi. L’urgence est là : il faut simplifier l’architecture territoriale. » Or nous nous acheminons vers une overdose de complexification.
Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez n’a rien pour soulever l’enthousiasme. L’action Attractivité économique et compétitivité des territoires subit une érosion de 35 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 20 millions d’euros en crédits de paiement. Autant d’implications en moins pour la DATAR ! L’action Développement solidaire et équilibré des territoires voit ses crédits de paiement amputés de 16 millions d’euros. Quant à la dotation d’équipement des territoires ruraux, elle n’apporte rien de plus au cumul de la dotation de développement rural et de la dotation globale d’équipement.
Le Gouvernement applique aux collectivités territoriales sa révision générale des politiques publiques, multiplie les restructurations, par exemple pour les hôpitaux, dégrade la qualité du service public, considérant que les services publics sont le problème de la France parce qu’ils nuisent à sa compétitivité.
N’oublions pas qu’une nation vivante, ce sont d’abord des territoires et des habitants traités de manière égale et considérés comme une richesse ; c’est un pacte de confiance et un contrat territorial ; ce sont des solidarités et des efforts partagés. Tous ces éléments sont au service d’un grand dessein, d’un avenir considéré comme une marche vers le progrès, et non comme un retranchement, la fin des ambitions collectives ou la démission.
Le budget de la mission que nous examinons nous renvoie à la situation de la collectivité ayant pleinement compétence en matière d’aménagement du territoire, autrement dit la région. Le comité Balladur proposait de « renforcer le rôle des régions françaises, notamment au regard de leurs homologues étrangères. » En réalité, les régions sortent exsangues de la réforme territoriale, à l’image du département, dont la capacité à agir fond comme neige au soleil.
Ainsi, en 2009, pour la première fois de leur histoire, les conseils généraux ont réduit de 3, 95 % leurs dépenses d’équipement brut, c’est-à-dire les investissements effectivement concrétisés. C’est un signe incontestable de leurs difficultés actuelles.
La réforme des collectivités traduit un objectif unique : envisager l’avenir au travers d’un dialogue simplissime, un face-à-face entre l’État et les métropoles, laissant les espaces interstitiels à un sort peu enviable, celui du chacun pour soi ou de la débrouillardise. Tout autre échelon est considéré comme un obstacle, voire un contre-pouvoir, qu’il importe de fragiliser ou de faire disparaître à terme.
Or, pour que notre pays soit attractif, il faut que tout son espace le soit ; la reprise d’une croissance économique durable nécessite des collectivités fortes, déployant leurs services à la population et investissant pour l’équipement de la nation.
En matière de technologies de l’information et de la communication, quel hiatus entre, d’une part, les déclarations officielles et offensives et, d’autre part, leurs déclinaisons concrètes, d’une lenteur qui suscite l’impatience, voire la colère ! Le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire, le CIADT, caractérisé par cette priorité numérique, remonte pourtant à 2001, voilà presqu’une décennie !
Les annonces du CIADT du 11 mai dernier sont plus qu’écornées par leur traduction budgétaire pour 2011. Le sort réservé aux zones de revitalisation rurale suscite nombre d’inquiétudes, alors que ces zones devraient s’inscrire dans la durée.
La réalité est cruelle, que ce soit en matière d’infrastructures de transport, de crédits accordés par le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, de logement, d’offre de soins. Le FNADT subit, lui aussi, une restriction de ses moyens. Les projets de pôles d’excellence rurale sélectionnés ou en cours d’arbitrage risquent fort de connaître une réponse budgétaire très insuffisante.
Cette réalité bien terne vient se greffer sur une toile de fond : la crise sans précédent que traverse, depuis trois ans, le monde agricole, en particulier toutes les filières de l’élevage.
Mes chers collègues, l’État est défaillant et exacerbe les fractures. Quelle est sa stratégie pour que la politique d’aménagement post-2013 ne soit pas réorientée sur les seuls grands pôles urbains ? A-t-il des idées claires en matière de cohésion territoriale et de péréquation ?
En effet, les projets des territoires sont plombés par l’étranglement des départements et des régions. La soumission à l’incontestable effet de ciseau entre l’accroissement des dépenses, sociales en particulier, et le gel des dotations est la traduction d’un véritable coup de poignard budgétaire, alors que la création du conseiller territorial insulte le bon sens.
À l’image du projet de budget pour 2011, cette politique témoigne d’une coupable indifférence face au désarroi non seulement des élus locaux, mais aussi des populations et des territoires qu’ils représentent.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le ministre, je me réjouis que l’aménagement du territoire soit rattaché à votre ministère.
C’est un domaine qui a beaucoup évolué au cours de son histoire, puisqu’il a été rattaché successivement à l’éducation nationale, à l’enseignement supérieur, à la santé, puis à l’intérieur, toujours avec la volonté de donner un signe. Celui qui est donné aujourd'hui, monsieur le ministre, est d’importance, et je ne peux que m’en féliciter.
Le Gouvernement a pris des engagements forts, notamment au travers des décisions du CIADT, du Grenelle de l’environnement et des Assises des territoires ruraux, engagements qui ont pour finalité de mailler les territoires en maisons de santé, de parfaire la couverture en téléphonie mobile et haut débit, de développer deux mille kilomètres supplémentaires de lignes TGV, d’avancer dans le désenclavement routier des territoires les moins bien desservis. Ce sont là des objectifs que l’on ne peut évidemment que partager, comme le font tous les membres du RDSE. Désormais, le Gouvernement doit tenir ses engagements ; il y va de la parole et de la crédibilité de l’État.
Mais force est de constater, monsieur le ministre, que ces engagements sont quelque peu contredits par les décisions politiques et les arbitrages budgétaires.
Je ne m’attarderai pas sur les chiffres pour 2011 de la mission « Politique des territoires », l’une des plus petites, qui accuse une baisse sensible par rapport à 2010. Il m’est cependant impossible de ne pas souligner la diminution de 7, 5 % en autorisations d’engagement et de 13, 5 % en crédits de paiement. Le programme Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire, qui regroupe les moyens mis à la disposition de la DATAR, se voit en particulier « allégé » de 35 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 48 millions d’euros en crédits de paiement.
La prime à l’aménagement du territoire, qui a, par le passé, joué un rôle de levier économique non négligeable pour les territoires les plus fragiles, a vu ses moyens fondre comme peau de chagrin.
Certes, la politique d’aménagement du territoire est, par essence, transversale, et bien d’autres ministères y contribuent. J’entends bien aussi l’antienne de la dette publique, de même que la crise économique qui nous oblige...
Mais justement, dans la difficile situation que connaît notre pays, permettez-moi de faire part de mon inquiétude à l’égard des territoires les moins favorisés.
J’admets que le budget pour 2011 soutient des initiatives intéressantes, comme les pôles de compétitivité, les grappes d’entreprises, les pôles d’excellence rurale, pour lesquels des moyens significatifs sont dégagés.
Ces actions ont plusieurs vertus, dont la première est d’avoir redonné confiance et fierté aux territoires, de leur avoir permis de révéler et d’exprimer des talents et, ainsi, d’avoir su créer des dynamiques positives. Les villes n’ont pas le monopole de l’excellence et de la compétence.
Cependant, la réussite de ces territoires dépend très souvent de la combinaison de multiples facteurs.
Le maintien des services de l’État et des services publics est évidemment essentiel, en particulier pour les territoires les plus isolés et à faible densité démographique. La politique menée par le Gouvernement semble répondre malheureusement à une logique de concentration et de rentabilisation dictée par la RGPP, alors qu’il s’agit avant tout pour ces territoires ruraux d’être desservis pour mieux servir une population souvent tentée par l’exode rural. Aujourd’hui, il faut se battre pour simplement maintenir des services, alors qu’il faudrait, me semble-t-il, améliorer et moderniser ces derniers. Comment dans ces conditions rendre réellement plus attractifs les territoires ruraux ?
Avec les cartes judiciaire, hospitalière, scolaire, pénitentiaire, c’est un ensemble de services de l’État et de services de proximité qui sont transférés vers les métropoles régionales ou économiques. Mais tous les départements ne sont pas irrigués par de telles métropoles !
Pour ceux qui ne le sont pas, les écarts se creusent avec les autres territoires ! De l’inégalité s’ajoute à l’inégalité. N’est-ce pas contraire à nos principes républicains de justice et d’égalité ?
L’avant-projet de schéma national des infrastructures de transport, le fameux SNIT, vient donner le coup de grâce aux territoires ruraux. Les routes nationales, pourtant restées de la compétence de l’État, les voies ferrées de fret, les transports express régionaux, les TER, sont délaissés au profit de quelques grandes lignes à grande vitesse et autres axes autoroutiers.
Ces inquiétudes sont réelles, monsieur le ministre, d’autant que vous appartenez à un gouvernement qui a fait le choix de restreindre les marges de manœuvre des collectivités territoriales, qui sont pourtant des acteurs économiques incontournables en matière d’aménagement du territoire.
Or leurs marges de manœuvre sont à tel point réduites qu’elles doivent de plus en plus suppléer aux défaillances de l’État, notamment en matière d’infrastructures ou de services au public. Comment pourront-elles continuer à le faire, entre des hausses de dépenses liées à des transferts de compétences insuffisamment compensés, la mise à mal de leur autonomie financière, le gel des dotations pour les prochaines années, sans parler des financements croisés, dont on ne sait pas trop ce qu’ils vont devenir ?
Assurément, il y a bien d’autres choses à dire concernant l’aménagement du territoire. Le maintien d’une agriculture forte et diversifiée est évidemment la condition de la vitalité du monde rural. Quand l’agriculture est en crise, c’est toute la ruralité qui souffre. De ce point de vue, je salue une nouvelle fois aujourd'hui la réunion pertinente des secteurs de l’agriculture et de l’aménagement du territoire au sein d’un même ministère.
Autre sujet de taille, le logement constitue un vrai défi. À cet égard, je m’inquiète du recentrage de la politique du logement et des aides à la pierre sur les zones tendues. S’il peut paraître justifié de soutenir la construction de logements nouveaux et l’accession dans les zones tendues, on néglige néanmoins l’importance de la demande dans les zones B2 et C et les objectifs de développement économique qui doivent y être réalisés.
En France, 30 % des ménages résident dans des communes rurales et des agglomérations de moins de 5 000 habitants. Les revenus de ces ménages sont inférieurs à ceux de nos concitoyens demeurant dans les grandes agglomérations.
Monsieur le ministre, dans un contexte difficile, avec des crédits en baisse, je m’interroge : comment pourrez-vous tenir les engagements du Gouvernement en matière d’aménagement du territoire ? Quelles réponses apporterez-vous aux territoires ruraux pour les rassurer ? Surtout, quelles perspectives la République est-elle en mesure d’offrir à la ruralité et à ceux qui la font vivre au quotidien ? Pour ma part, j’exprime ma grande confiance en votre action.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui amenés à étudier les crédits de la mission « Politique des territoires », qui, rappelons-le, est la plus petite mission du budget général, puisqu’elle représente 0, 1 % des crédits de paiement. Cette place au sein de la loi de finances n’est pas représentative de la réalité, l’ensemble des politiques publiques devant, en principe, contribuer à un aménagement équilibré du territoire.
Pour ce qui concerne les crédits affectés à cette mission, remarquons tout d’abord que les autorisations d’engagement diminuent de 7 %, tandis que les crédits de paiement chutent de près de 13, 5 %. Nous le déplorons au moment même où la solidarité nationale devrait s’exprimer pleinement, en raison de la crise économique et sociale que nous traversons. Il faut d’ailleurs noter qu’une baisse continue est prévue jusqu’en 2013.
Venons-en aux programmes constitutifs de cette mission, notamment au programme 112, Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire, qui subit globalement une diminution des crédits d’un peu plus de 10 % en autorisations d’engagement et de 14 % en crédits de paiement.
Le CIADT du 11 mai dernier a entériné le maintien de la politique de pôles dits « de compétitivité » ou « d’excellence rurale », ce que ce programme confirme. Ainsi, les pôles de compétitivité disposent pour la nouvelle période d’une enveloppe de 1, 5 milliard euros.
Aux côtés de ces pôles, nous trouvons des instruments tels que la prime d’aménagement du territoire, utilisée ici comme un amortisseur de crise.
Sur le fond, nous voyons bien la logique profonde des réformes engagées, qu’elles concernent les collectivités ou le domaine économique. Il s’agit de rationaliser, de centraliser les pouvoirs, les savoirs, les moyens au sein de pôles – je pense non seulement aux pôles de compétitivité et d’excellence rurale, mais aussi aux nouveaux pôles urbains et autres métropoles –, ce qui, de fait, creuse l’écart avec le reste du territoire.
C’est aussi une manière de mettre en concurrence des territoires au lieu de favoriser les coopérations entre eux avec la péréquation des richesses.
Une telle politique de spécialisation est totalement contraire au développement durable.
Cette construction d’une France à plusieurs vitesses est bien visible dans le projet du Grand Paris, par exemple, qui divise la région capitale entre zones de développement économique et zones désertées. Il s’articule autour d’une spéculation foncière renforcée rejetant hors de l’agglomération les populations les plus fragiles. Le phénomène métropolitain n’est donc pas utilisé pour lutter contre les inégalités ; bien au contraire, il contribue à les renforcer.
La fracture est criante dans plusieurs domaines, notamment en termes numériques. Malgré les promesses récurrentes du Gouvernement, aujourd’hui, certaines zones restent orphelines d’accès aux nouvelles technologies. Les collectivités financeront la majeure partie des investissements.
Enfin, je remarque, une nouvelle fois, que la dimension fiscale reste très importante, comme l’a souligné M. le rapporteur spécial. Ainsi, les dépenses fiscales rattachées au programme 112 atteignent un montant de 408 millions d’euros, et ce alors qu’aucune évaluation de leur efficacité n’a été réalisée. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si le Gouvernement envisage de faire un bilan de ces exonérations, qui témoignent avant tout d’une politique pointilliste ?
Examinons maintenant l’action 2 « Développement solidaire et équilibrée des territoires », qui représente le cœur de cette mission. Son budget progresse de 0, 6 %, un peu moins que l’inflation annoncée de 1, 5 %. Nous pourrions regarder ce budget de manière positive si la RGPP n’était pas passée par là.
Le nouveau ministre du budget déclare que la RGPP « se poursuivra sans altérer en aucune façon ni notre modèle social, ni la qualité de nos services publics, ni la façon dont nous vivons dans la République. » Il faut oser !
Ce n’est d’ailleurs pas l’avis de M. Henri Sterdyniak, économiste de l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE. Il déclare en effet : « La RGPP n’est pas une réforme pensée. Si l’on avait redéfini les missions, on se serait aperçu qu’il fallait peut-être dépenser un peu plus ici et un peu moins là. Mais l’on n’a pas fait ce choix. Et l’on va forcément vers une dégradation des services publics ».
Cette déclaration est illustrée par de nombreux exemples sur le terrain. Tous les secteurs sont touchés : la santé et l’éducation nationale sont mises à rude épreuve, la police aussi, où la réduction des effectifs est appliquée sans considération du surcroît des missions imposées.
À ce titre, je veux rappeler l’initiative remarquable prise par des magistrats, des médecins hospitaliers et des chercheurs, qui ont eu le courage de lancer l’Appel des appels, contre la logique comptable des réformes de la justice, de l’hôpital et de la recherche.
Il s’agit d’un fait unique, qui démontre le malaise présent aujourd’hui dans les territoires. Les services publics ne sont plus assurés dans de bonnes conditions, et c’est toute la cohésion sociale nationale qui s’en trouve mise à mal.
En effet, où sont donc les crédits pour des hôpitaux en zones rurales ? Pourquoi ferme-t-on petit à petit des tribunaux, des gendarmeries et des services de proximité ? Dans quelle mesure La Poste ne va-t-elle pas disparaître totalement de certains secteurs ?
Je ne peux pas, si j’en viens à la question de la présence territoriale des services publics, faire l’impasse sur la question du fret ferroviaire, laminé par les politiques successives de démantèlement de cette activité.
Vous avez fait le choix de ne pas adopter notre proposition de résolution, qui permettait à la fois de décréter un moratoire sur la fermeture des triages et de définir l’activité de transport de marchandises en wagon isolé d’intérêt général.
Pourtant, en reconnaissant cette dimension d’intérêt général, cela aurait donné de la force à l’ambition de développement des modes alternatifs à la route, conformément aux engagements du Grenelle.
Cette politique de casse du fret a des conséquences particulièrement inquiétantes, notamment dans ma région de Lorraine. Ainsi, le conseil économique, social et environnemental de Lorraine s’est vu contraint d’adopter une motion demandant à ce que les aménagements pour le délestage du sillon ferroviaire lorrain sur la branche Hagondange-Conflans de l’eurocorridor fret soient considérés par l’État comme contribuant à un outil essentiel pour renforcer la performance de l’eurocorridor et celle de l’axe ferroviaire du sillon lorrain métropolitain, reliant le Luxembourg et l’Allemagne.
À l’inverse de cette exigence, le site de Conflans-Jarny est en voie de démembrement, avec treize postes supprimés sur les vingt et un actuels. Apparemment, la situation évolue, mais nous trouvons cette logique du plan fret symptomatique de l’impasse de l’idéologie dominante et de son incompatibilité avec le développement durable.
Enfin, le désengagement de l’État favorise le partenariat public-privé, ou PPP, comme en témoigne, notamment, l’esprit même des pôles d’excellence rurale, les PER, puisque ne sont éligibles au sein de ce programme que les projets conçus en PPP.
Pour conclure, notons que le ministre aurait annoncé la signature, le 28 septembre dernier, d’une charte entre l’État et différents opérateurs publics s’intitulant « Plus de services au public », élément du plan d’action en faveur des territoires ruraux, dotés de 2, 3 millions d’euros en crédits de paiement pour cette année.
Que pourrons-nous faire avec une somme aussi faible ? Peut-être nous le préciserez-vous, monsieur le ministre ?
Sur le fond, cette évolution dans le vocabulaire met en exergue la différence de conception entre le service public, occupé seulement de l’intérêt général, et le service au public, dont l’objectif est d’être d’abord rentable. Force est alors de reconnaître que l’État se désengage de cette dimension d’intérêt général, au nom de la rigueur.
Ainsi, le Gouvernement impose le gel des dotations de l’État, alors même que la réforme des collectivités a placé certaines d’entre elles dans une situation financière intenable.
Je rappelle ici que, consécutivement à cette réforme, l’autonomie financière des départements est passée de 35 % à 12 % ! La perte de maîtrise financière et de leurs ressources par les collectivités est une atteinte forte à la conception républicaine qui prévalait jusqu’ici dans notre pays et qui assurait un aménagement du territoire.
Pour toutes ces raisons, nous ne pourrons voter les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous pouvons regretter que l’effort budgétaire du Gouvernement en direction de notre territoire et de son aménagement souffre d’un manque de clarté, dû à l’éparpillement des crédits d’État entre plusieurs programmes et missions.
Les rapporteurs ont d’ailleurs très bien détaillé les chiffres et l’ensemble des actions que nous devons intégrer pour avoir une vue d’ensemble des différentes politiques qui contribuent à l’aménagement du territoire.
Depuis quelques années, de nombreuses initiatives très intéressantes ont été prises. En 2009 et 2010, les Assises des territoires ruraux ont permis de dégager un nombre important de propositions qui ont été formulées par les différents acteurs locaux. Lors de ces débats, nous avons tous ressenti une très forte demande des habitants, en matière de services à la population.
La poursuite de la politique des pôles d’excellence rurale, les PER, avec le lancement d’une seconde génération d’appels à projets, est une excellente chose. Le succès des pôles d’excellence rurale, les PER, est indéniable, puisque, à l’heure actuelle, plus de 454 dossiers sont en cours d’instruction, dont 7 provenant de mon département.
Le système des grappes d’entreprises permettant d’intensifier les coopérations entre des entreprises qui appartiennent souvent à la même filière est très apprécié. Il complète les dispositifs des pôles de compétitivité et des pôles d’excellence rurale et il concourt parfaitement à développer principalement nos PME et nos TPE, ou très petites entreprises, qui ont un fort ancrage local.
Lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, le 1er octobre dernier, j’avais eu l’occasion de saluer la signature, intervenue entre l’État et neuf des principaux opérateurs publics français, d’une convention de partenariat des services publics dont l’ambition est d’accompagner le développement des territoires ruraux dans lesquels la population commence à croître.
Cette expérimentation m’apparaît tout à fait pertinente, puisqu’elle permettra, entre autres, peut-être très prochainement, de payer ses factures EDF dans les bureaux de poste, d’acheter des produits postaux à l’office du tourisme, d’avoir accès dans une mairie à un VisioGuichet permettant d’entrer en relation avec un conseiller de Pôle Emploi ou de la Caisse d’allocations familiales, la CAF, ou encore de bénéficier dans des gares de services de Pôle emploi, de la CAF, de l’assurance maladie, entre autres.
Comme le rappelait le Premier ministre lors d’un précédent congrès des maires, nos services publics ne sont pas simplement un pilier de notre modèle social et de notre cohésion, mais aussi un atout pour l’attractivité de nos territoires.
Par ailleurs, m’associe aux inquiétudes de plusieurs de mes collègues, dont Pierre Hérisson, qui nous ont signalé que, dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme de La Poste, le décret qui devait permettre à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, de calculer le coût de la mission d’aménagement du territoire de La Poste, n’est toujours pas publié.
Un territoire attractif et dynamique doit aussi, aujourd’hui, bénéficier d’un accès aux nouvelles technologies très performantes et, en particulier, au haut et très haut débit.
Mme Nathalie Goulet acquiesce.
Je tiens à saluer les efforts du Gouvernement qui a engagé la phase de lancement opérationnel du programme national sur le très haut débit.
Ce programme sera d’abord financé par les investissements d’avenir, à hauteur de 2 milliards d’euros. Les collectivités territoriales seront pleinement associées à ce programme, puisque l’appel à projets pilotes s’adresse à ces dernières, en partenariat avec les opérateurs nationaux. En outre, 500 000 euros par projet seront investis par l’État.
En revanche, malgré les différentes mesures qui ont été prises ces dernières années pour lutter contre la désertification médicale, je reste inquiet de la situation que nous rencontrons sur le terrain, dans nos cantons et nos communes.
Ceux qui partent trouvent de moins en moins de successeurs. Nos campagnes peinent à attirer de nouveaux médecins, qui se concentrent dans certaines régions comme l’Île-de-France, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, PACA. Seulement 8, 6 % des nouveaux inscrits de 2009 se sont installés comme médecins libéraux.
Nous savons tous très bien que le recours aux praticiens étrangers, notamment roumains ou bulgares, est de plus en plus fréquent. Il a ainsi augmenté de 20, 6 % en trois ans. Le président du Conseil national de l’Ordre des médecins s’est inquiété à plusieurs reprises du problème posé par le niveau de ces praticiens. Voilà quelques semaines, il mettait en garde les collectivités locales contre les agences qui, moyennant rémunération, se font fort d’attirer dans les campagnes françaises ces diplômés étrangers.
Ainsi, je compte beaucoup sur les décisions qui ont été prises, lors du Comité interministériel pour l’aménagement et le développement du territoire, le CIADT, du 11 mai dernier, qui a acté le lancement d’un programme de financement de 250 maisons de santé dans les territoires ruraux.
Ces maisons de santé, définies par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » du 21 juillet 2009, permettent de favoriser les coopérations entre les professionnels de santé, d’optimiser la prise en charge des patients et de répondre aux attentes des jeunes professionnels.
Elles pourront bénéficier de financements pour les études préalables et l’ingénierie, sous la responsabilité des agences régionales de santé, à hauteur de 50 000 euros maximum par projet, ainsi que pour leurs dépenses de fonctionnement dans le cadre de l’expérimentation de nouveaux modes de rémunération des professionnels.
Des financements pourront également leur être attribués pour l’investissement au moyen de la dotation globale d’équipement, la DGE, de la dotation de développement rural, la DDR, ou du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT, sous la responsabilité des préfets. L’État pourra prendre en charge jusqu’à 25 % du coût du projet, voire 35 % dans les territoires prioritaires identifiés par le schéma régional d’organisation des soins, le SROS, ou dans les zones de revitalisation rurale, les ZRR.
En outre, des propositions intéressantes ont été formulées par Mme Élisabeth Hubert, dans son rapport sur la médecine de proximité, qu’elle a remis à M. Nicolas Sarkozy, le 26 novembre dernier.
Le Président de la République a d’ailleurs précisé qu’il souhaitait vivement que plusieurs de ces mesures fortes puissent être prises dès 2011, pour répondre aux défis et aux priorités identifiés par Mme Élisabeth Hubert, en particulier la simplification des conditions d’exercice, l’appui à l’exercice regroupé des professionnels et l’aide à l’installation dans les zones sous-denses.
Ma dernière remarque portera sur une disposition contenue dans le dispositif des ZRR du projet de loi de finances. Si l’extension de l’exonération d’impôt sur les bénéfices aux reprises d’activité est une très bonne chose, je ne ferai pas le même commentaire sur l’article 88, qui limite aux organismes employant moins de dix personnes l’exonération de cotisations dont bénéficient les organismes d’intérêt général situés en ZZR.
Je suis tout à fait d’accord avec notre rapporteur pour avis, Rémy Pointereau, qui pense que cela risque de mettre en péril de nombreuses associations indispensables à l’animation des territoires ruraux.
Pour terminer, je déplore, avec Gérard Bailly, le terrorisme des normes de plus en plus envahissantes, coûteuses et insupportables, surtout en période de restrictions budgétaires et de maîtrise des coûts pour nos collectivités.
Monsieur le ministre, vous l’avez compris, je voterai naturellement ce budget.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon collègue et ami Martial Bourquin, retenu à Audincourt, a souhaité que je l’associe à mon propos, dans ce débat sur la mission « politique des territoires ».
Monsieur le ministre, en une heure et demie, un samedi après-midi, dans les conditions que chacun sait, traiter de la politique de l’aménagement du territoire, sujet vaste et transpolitique, sur lequel, au-delà de nos oppositions, mes chers collègues, nous pouvons trouver des voies de convergence, revient à tronquer, rétrécir le débat, qui ne peut être à la hauteur de l’enjeu que chacun veut défendre.
J’ai entendu des propos flatteurs à l’égard de telle ou telle mesure et, dans le même temps, toujours les mêmes récriminations sur les territoires qui seraient pauvres, déshérités et oubliés. Je me demande où est l’urgence : est-elle à la ville ou à la campagne ? J’entends les représentants de la campagne parler de paupérisation, ceux du territoire urbain dire l’urgence face à la violence, à la pauvreté et aux difficultés qui s’installent. Une telle différenciation n’est pas non plus à la hauteur de l’enjeu.
Dans le peu de temps qui m’est imparti, je me livrerai, moi aussi, à l’examen quelque peu rétréci des crédits.
Monsieur le ministre, cette politique de l’aménagement du territoire, déclinée sur plusieurs chapitres, dénote un manque de confiance et d’ambition pour nos territoires.
Avec une diminution des crédits de 5 % en autorisations d’engagement et de 10 % en crédits de paiement, ainsi qu’une nouvelle baisse de 10 % attendue dans les deux prochaines années, l’État se donne de moins en moins les moyens de faire vivre une politique dynamique d’aménagement du territoire.
Je l’avais déjà constaté avec votre prédécesseur, aujourd’hui garde des sceaux, M. Michel Mercier, dont je ne conteste pas, loin de là, les qualités humaines. Lors de sa venue sur le territoire que j’ai momentanément en charge, il s’était dit disposé à accorder des crédits pour telle voie, tel nœud routier, telle démolition, telle construction ou plan, mais sans vision globale de l’aménagement du territoire.
C’est en ce sens que le désengagement de l’État est manifeste.
Monsieur le ministre, comme l’avait fait votre prédécesseur l’année dernière, vous nous répondrez sans doute, pour faire passer l’amertume de la potion, que la politique des territoires va bien au-delà des crédits dédiés à cette mission. Néanmoins, les chiffres sont sans fard. Nous pouvons vous rétorquer, comme nous l’avons fait l’an passé, que le désengagement de l’État va, lui-aussi, bien au-delà de cette mission.
Je pense aux ravages de la RGPP, qui viennent d’être évoqués, au gel des dotations et à la réforme territoriale qui plonge les investissements dans l’insécurité, au ferroutage abandonné, autant de politiques gouvernementales qui vont à rebours des objectifs affichés par cette mission.
Monsieur le ministre, ne prenez pas cette remarque pour une attaque personnelle – vous savez qu’en dépit des désaccords qui peuvent nous opposer je sais reconnaître les mérites de l’action que vous menez –, mais je suis de ceux, et il en est d’autres ici, qui étaient favorables à la création d’un grand ministère de l’aménagement du territoire. Ce dernier, qui aurait bien entendu reçu les moyens nécessaires, aurait enfin été à la fois cohérent et visible sur le plan politique et comptable, en intégrant les services publics, les transports, les collectivités territoriales, le développement rural, mais aussi – pourquoi pas ? – les PME.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez affirmé que les baisses drastiques menaceraient peu la continuité des projets locaux. Je ne doute pas de votre sincérité, mais je vois mal comment il pourrait en aller ainsi.
Comment maintenir, avec la même qualité, la présence publique dans nos territoires malgré une baisse des crédits de 10 % en deux ans ? Comment espérer que la présence postale sera la même ? Comment ne pas craindre un coup d’arrêt aux PER alors que les collectivités territoriales qui les cofinancent sont exsangues et que des maisons médicalisées pourraient être entretenues, demain, via ces pôles ?
Les initiatives territoriales doivent être appuyées. Nous savons tous que les finances publiques se trouvent dans un état catastrophique. C’est vrai d'ailleurs dans tous les pays d’Europe aujourd'hui. Toutefois, la raison d’État n’est pas tout. Monsieur le ministre, on ne peut pas traiter de la même façon certains cadeaux fiscaux improductifs et des initiatives territoriales créatrices d’emplois, d’activité ou de mieux-être pour les populations.
Notre collègue Martial Bourquin préside depuis quelques mois une mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires.
Nous avons effectué de nombreux déplacements au sein des bassins industriels, dans les villes, certes, mais aussi dans les campagnes. Ces dernières, en effet, contrairement à une idée reçue, sont frappées de plein fouet par la désindustrialisation et rivalisent d’ingéniosité pour maintenir, voire pour relocaliser, des activités industrielles.
Monsieur le ministre, croyez-vous que le moment soit bien choisi pour les abandonner, pour ne pas soutenir leurs initiatives ? Les aider devrait être l’une des priorités des politiques publiques menées dans les territoires.
En fait, la politique des territoires n’est pas un parent pauvre du budget de l’État, qu’il conviendrait, pour des raisons constitutionnelles, d’inviter en bout de table aux repas familiaux. Non, bien utilisée et bien armée, elle serait plutôt l’oncle d’Amérique, pour peu qu’une volonté existe et que l’État fasse confiance, sur la durée, aux entreprises et aux collectivités et qu’il s’engage autour de projets.
Monsieur le ministre, dites-vous bien que si l’État abandonne la partie, si les collectivités sont contraintes par son désengagement à moins financer ces activités, les banques ne suivront pas et des perspectives non négligeables de création ou de relocalisation d’activités sur les territoires seront perdues.
Hier, j’ai participé à une réunion avec les responsables de Réseau ferré de France en Bourgogne, où je préside le conseil régional. Ils m’ont affirmé qu’ils devaient, dans les trois ans à venir, remettre à niveau leurs comptes. L’ajustement est cette année de 50 %, ce qui signifie que RFF enregistre encore des pertes ; il sera de 60 % l’année prochaine grâce aux actions engagées, et peut-être l’objectif de 100 % sera-t-il atteint par la suite. J’y insiste, monsieur le ministre, parce que vous êtes vous aussi l’élu d’une région, à savoir la Haute-Normandie.
J’ai demandé à ces responsables quelles seraient les conséquences de cette politique dans les prochaines années, et ils m’ont répondu – je l’avais deviné ! –, qu’elle se traduirait par un doublement des péages en trois ans dans les conventions passées avec la SNCF.
Monsieur le ministre, vous imaginez bien quel sera l’effet de cette mesure dans la région Bourgogne, pour laquelle la convention SNCF est déjà passée de 104 millions d'euros à 150 millions d'euros en six ans, parce que nous avons financé le cadencement, acheté des trains et amélioré l’offre de TER. Avec le doublement des péages en trois ans, elle montera à 185 millions d'euros.
Si la région Bourgogne, dont les cartes grises sont désormais la seule recette fiscale et qui ne peut plus jouer sur le levier de l’impôt, doit assumer une charge supplémentaire de 25 millions d'euros dans les trois ans à venir, elle le fera au détriment des investissements. Cette dépense nouvelle, qu’elle ne pourra pas assumer, est d'ailleurs constituée, je vous le rappelle, mes chers collègues, de ces crédits de fonctionnement que certains d’entre vous sont si prompts à dénoncer sur ces travées.
J’ai cité cet exemple pour souligner que la réforme des collectivités territoriales, et surtout celle des finances locales, entraînera pour toutes les collectivités, c'est-à-dire tant les communes, les intercommunalités, que, demain, les départements, des manques à gagner ou des baisses de recettes, qui empêcheront de financer le haut débit, les maisons médicales, le fret ferroviaire et les autres activités que, chaque jour, nous sommes amenés à prendre en charge.
Mon cher collègue, vous avez vanté tout à l'heure les grappes d’entreprises qui sont constituées au travers des PER. Toutefois, chaque fois que l’État crée un pôle d’excellence rurale, il demande à la collectivité concernée de participer, en sus des moyens qu’elle a déjà accordés sur son budget. Si l’on empile de nouveaux pôles en prétendant que les collectivités joueront le même rôle pour les PER que pour les TGV, l’aménagement du territoire ne progressera pas.
Telle est bien la crainte des élus locaux. En effet, l’aménagement du territoire s’est globalisé, notamment à cause de la réforme des collectivités et de celle des finances locales, et c’est bien cette évolution qui, demain, mettra les territoires en difficulté.
Monsieur le ministre, je ne parle pas de paupérisation. Comme vous, j’ai une ambition pour mon pays et pour nos territoires, mais je ne suis pas certain que nous ayons pris aujourd'hui la bonne voie. Le contexte est difficile – nous ne le nions pas –, mais d’autres choix auraient pu être réalisés. C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.
M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre, je veux souligner, après l’intervention de notre collègue de la Creuse, que je suis, pour ma part, particulièrement heureux que vous soyez aujourd’hui le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.
Sourires.
Voilà un peu plus de vingt ans, j’avais rêvé, en tant que secrétaire d’État à l’agriculture, qu’un tel portefeuille soit constitué. Celui-ci à la fois reconnaît le rôle moteur de l’agriculture pour la ruralité et l’aménagement du territoire et ouvre ce domaine d’activité vers les autres secteurs. C’est la preuve, me semble-t-il, que l’on a mesuré à quel point l’agriculture était essentielle pour maintenir la vie dans nos espaces ruraux.
En outre, je tiens à souligner, sans vouloir être désobligeant avec les autres administrations, que le ministère de l’agriculture est sans doute celui dont la dimension européenne est la plus affirmée.
Dans le rapport de la commission de l’économie – notre excellent collègue Jean-Paul Emorine, qui préside cette dernière, ne me contredira pas –, l’importance nouvelle de la politique de cohésion européenne est clairement soulignée. Voilà un an environ que s’applique le traité de Lisbonne, et l’on a oublié, parfois, que ce texte avait fait de la cohésion territoriale l’un des objectifs des politiques européennes.
Jeudi dernier, lors d’une réunion du Comité des régions de l’Union européenne à Bruxelles, j’ai interrogé M. Barroso sur cette politique européenne qui se cherche un peu. Ce qui est capital pour nous, c’est de savoir comment se traduira, à la fois dans les budgets et dans les mesures adoptées, ce nouvel objectif européen.
Monsieur le ministre, je crois qu’avec la DATAR, dont je me réjouis qu’elle ait retrouvé son nom d’origine et dont je salue le délégué interministériel, grâce à vos équipes et compte tenu de votre personnalité, vous êtes l’un des plus à même de peser sur ces sujets et de préparer l’avenir de la politique de cohésion européenne, tout comme d'ailleurs celui de la nouvelle politique agricole commune. Votre nomination est donc une chance, et je me réjouis du choix qui a été fait.
Il est vrai que nous traversons une période difficile, pendant laquelle il est essentiel que les différents secteurs de l’agriculture soient soutenus, et vous l’avez bien compris, monsieur le ministre. Nous subissons une crise mondiale et il faut partout serrer les boulons. Personne ne peut le nier, et il suffit d'ailleurs d’observer ce qui se passe dans les autres pays d’Europe ou du monde pour s’en convaincre. Ce budget est donc contraint. Toutefois, une volonté politique apparaît au travers d’un certain nombre de mesures, je me plais à le souligner.
Je veux féliciter MM. les rapporteurs et me réjouir des décisions qu’a adoptées l’Assemblée nationale dans un dossier qui me tient à cœur – merci de l’avoir rappelé, monsieur le rapporteur pour avis –, celui des zones de revitalisation rurale.
Mes chers collègues, nous étions très anxieux devant des propositions qui revenaient, en réalité, à supprimer certaines exonérations prévues dans le budget initial. Or l’Assemblée nationale a bien travaillé, il faut le reconnaître, puisqu’ont été maintenues toutes les mesures sur lesquelles un rapport quelque peu technocratique – pardonnez ma franchise, mes chers collègues – avait jeté le doute. Les technocrates n’avaient rien compris à l’importance de ces zones pour le maintien de l’emploi ! §
Je puis témoigner que, dans le département de la Lozère, ce dispositif a représenté un atout formidable pour les associations, qui ont pu remplir leur mission au service de personnes handicapées dont personne ne voulait. La Lozère a été le premier département à prendre toute la mesure de la dignité de ces personnes et à leur offrir des chances d’avenir.
Je suis fier de ce qui a été fait et de pouvoir contribuer aujourd’hui à maintenir ce dispositif. Médecin neuropsychiatre, j’ai eu le grand privilège d’être le rapporteur de la loi de 1975 en faveur des personnes handicapées, un texte ancien, mais le sujet reste d’actualité.
Mes chers collègues de la commission des finances, ne remettez surtout pas en cause les mesures concernant les zones de revitalisation rurale qui ont été adoptées par l’Assemblée nationale. Votons conformes ces dispositions, afin que personne ne soit tenté d’y revenir. Dans ce dossier, tous les acteurs se sont mobilisés et ont joué leur rôle, notamment l’Association nationale des élus de la montagne, et c’est tant mieux.
Parmi les critères invoqués pour justifier ces zones, on trouve le « déclin » démographique. Qu’est-ce à dire ? Quand un territoire a perdu des milliers d’habitants – en Lozère, nous savons ce que cela veut dire – et qu’il parvient à remonter un peu la pente, il n’est pas tiré d’affaire pour autant ! Un département dont la population totale passe de 75 000 à 76 000 habitants continue à avoir besoin de soutiens, d’investissements, d’exonérations. Il faudra donc être très prudent dans les analyses qui conduiront à revoir certaines cartes. Comme l’Union européenne le fait pour les régions qui sortent du classement ATR, c'est-à-dire qui ne sont plus éligibles aux aides à finalité régionale, parce qu’elles ne respectent plus les critères exigés, il faut créer pour les territoires concernés des périodes de transition, afin d’éviter qu’un couperet ne tombe, supprimant brutalement des acquis qui ont souvent été difficiles à obtenir.
Monsieur le ministre, nous vous faisons confiance, ainsi qu’à toute votre équipe, pour être particulièrement vigilant sur ce point. De même, je suis sûr que la Haute Assemblée, dans sa sagesse, ne remettra pas en cause les votes, tout à fait positifs, de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, je voudrais évoquer, à la suite de nombre de nos collègues, notamment de Bernard Fournier, les maisons de santé pluridisciplinaires, qui constituent une remarquable initiative.
Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.
Ceux d’entre nous qui vivent dans les territoires concernés savent qu’elles seules permettront, demain, de favoriser l’installation des médecins qui sont nécessaires.
Monsieur le ministre – il faudra d'ailleurs transmettre le message à votre collègue chargée de la santé –, qu’on cesse de nous expliquer qu’il y a assez de médecins !
Le problème est en partie imputable à M. Fabius, qui, lorsqu’il était Premier ministre, avait baissé les quotas. On n’a pas formé assez de médecins, c’est un fait acquis. Certes, on prétend que la France, par rapport à d’autres pays du monde, compte suffisamment de praticiens, mais ce n’est pas vrai !
En effet, les 35 heures ne sont appliquées dans aucun autre pays ! Or dans un pôle d’urgence comme celui de l’hôpital de Mende, entre les 35 heures et le jeu des astreintes, il faut dix-neuf médecins pour assurer les permanences. En outre, les médecins sont mobilisés par de nombreuses autres fonctions, certains s’engageant même dans la vie politique ! Ils ne sont donc pas tous sur le terrain.
D'une part, il faut revoir le, et, d'autre part, comme l’a souligné le Président de la République devant le congrès de l’Association des maires de France, en reprenant les préconisations du rapport de Mme Hubert, il est nécessaire d’instituer un système de bourses.
Que l’on ne prétende pas que l’on imposera à des médecins de s’installer dans les zones rurales. Nous ne voulons pas de gens qui viennent parce qu’ils y sont obligés !
Nous voulons que les médecins viennent parce qu’ils en ont envie. En effet, s’ils arrivent forcés et contraints, ils n’auront d’autre envie que de partir ! Par conséquent, il n’y aura pas le climat de confiance dont on a besoin dans l’exercice de la médecine. Cessons d’écouter les technocrates !
Mes chers collègues, je sais ce que c’est, car j’ai exercé la médecine et je connais les conditions de travail dans le pays rural profond. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’inciter les médecins à venir s’installer dans les territoires ruraux à l’aide d’un système de bourses de l’État. Ce dispositif était prévu, de par la loi, mais il est insuffisant. Il convient également de permettre aux départements de poursuivre le recrutement de médecins supplémentaires.
S’agissant des pôles d’excellence rurale, je dis bravo ! Il faut continuer sur cette voie, car ces structures mobilisent les efforts et la capacité d’invention. Le pays rural n’est pas à la traîne, il est capable d’aller de l’avant ! §Il est capable d’inventer et d’être un moteur dans notre société, ce dont nous avons besoin.
Concernant le numérique, j’espère que l’on mettra en place l’équivalent du FACÉ, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, car les territoires ruraux en ont besoin.
À cet égard, je vous alerte contre ceux qui voudraient remettre en cause ce fonds. En effet, ce dernier a constitué un instrument formidable pour électrifier le pays rural.
Mettons en place un dispositif similaire pour le numérique : établissons une mutualisation, faisons payer les sociétés et les consommateurs ! Ce sera une charge supplémentaire, il est vrai, mais quand on permet la vie dans l’espace rural, on ne sert pas que ceux qui y habitent. L’équilibre de l’espace rural français est déterminant pour l’aménagement du territoire dans son ensemble !
En outre, les femmes et les hommes de cette société, qui sont complètement perdus, ont besoin de repères. On parle de développement durable, mais développer le territoire durablement, c’est d’abord maintenir la vie dans les espaces ruraux ! Voilà ce qui détermine l’équilibre de la société !
C’est un message que vous porterez à Bruxelles, monsieur le ministre, et nous bénéficierons de ses retombées. Nous comptons sur vous et nous voterons les crédits que vous nous proposez !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’enthousiasme de Jacques Blanc en faveur des territoires ruraux est de bon augure, …
… et je tiens à le remercier de cette ferveur, que je partage évidemment pleinement.
C’est la première fois que je m’exprime publiquement en tant que ministre de la ruralité et de l’aménagement du territoire, et je me réjouis que ce soit dans le cadre du Sénat, à tout seigneur tout honneur.
Tout d’abord, je tiens à rendre hommage au travail remarquable qui a été accompli par mon prédécesseur M. Michel Mercier et, dans le même mouvement, vous remercier toutes et tous d’être présents un samedi après-midi et d’avoir pour cela bravé les routes enneigées afin d’examiner les crédits de la mission « Politique des territoires ».
Ensuite, en réponse aux remarques de M. François Patriat, que j’écoute toujours avec beaucoup d’attention, …
… soyez assurés de la détermination sans faille dont je ferai preuve dans l’exercice des missions qui m’ont été confiées par le Président de la République et par le Premier ministre.
Je suis déterminé – je le dis à l’attention de M. Jacques Blanc, mais également de chacun d’entre vous – à soutenir tous les territoires ruraux et à offrir à leurs habitants la qualité de service et de technologie qu’ils sont en droit d’attendre de la République.
Je le dis non seulement en tant que ministre, mais aussi comme élu d’un territoire rural, le département de l’Eure.
Je suis également totalement résolu à améliorer l’attractivité de nos territoires, à renforcer leur cohésion, ce qui suppose naturellement davantage d’égalité entre tous les territoires français, que ce soit en termes d’accès aux technologies numériques de nouvelle génération, …
… d’accès au transport – je le dis pour Nathalie Goulet –, ou – et c’est peut-être ma préoccupation première – d’accès aux soins pour tous.
En effet, je suis élu d’un département qui est classé 99e sur 100 en termes d’accès aux soins pour les citoyens qui y habitent.
Je trouve inacceptable que, dans notre République, on doive attendre six mois avant d’avoir un rendez-vous chez l’ophtalmologiste ou chez un spécialiste quand on habite dans le département de l’Eure, alors que, à quatre-vingt-dix kilomètres, plus près de la capitale, le délai d’attente n’est que de deux ou trois semaines !
Une telle inégalité est inadmissible dans notre République. L’accès aux soins pour tous dans les territoires ruraux sera donc une des priorités de ma mission.
La ruralité et l’aménagement du territoire ne se résument évidemment pas à l’agriculture, mais cette dernière reste malgré tout au cœur des défis à relever dans ces domaines. Le portefeuille ministériel dont j’ai la charge a donc une vraie cohérence ; je le dis en écho aux remarques d’Anne-Marie Escoffier.
M. Jean-Jacques Lozach s’est livré à une comparaison musicale pour qualifier les nouvelles attributions du ministère, évoquant, notamment, La marche funèbre de Chopin. Pour ma part, j’y vois plutôt une sorte de symphonie pastorale à la fois homogène, belle et puissante.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
J’en viens à des considérations plus techniques, car nous sommes censés examiner un budget. Vous me pardonnerez donc d’aborder les chiffres.
Je rappelle que le programme 112, Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire, a été doté en crédits de paiement de 292, 8 millions d'euros en 2011, 310, 6 millions d'euros en 2012 et 288, 7 millions d'euros en 2013 selon la programmation triennale. Par rapport aux 340 millions d'euros de crédits de paiement en 2010, les crédits baissent donc de 14 % en 2011.
Dans un contexte de réduction des dépenses publiques, le budget du programme 112 a été préservé et la baisse est à nuancer ; je remercie M. le rapporteur spécial, François Marc, d’avoir eu l’honnêteté de le signaler.
En effet, les dettes du programme ont été apurées. Chacun ici se souvient que, en 2008-2009, un effort de remise à niveau des crédits de paiement a été fourni grâce au plan de relance, qui a doté le programme 112 de 70 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires. Cela a permis de résorber totalement la dette exigible du FNADT, le Fonds national pour l’aménagement et le développement des territoires, en 2009. Nous avons ainsi apuré les comptes, ce qui est satisfaisant.
Le montant des crédits de paiement alloué en 2011 devrait permettre de maintenir un niveau de dette raisonnable à la fin de l’année 2011.
Par ailleurs, en 2010, le budget a été abondé de 40 millions d'euros supplémentaires pour mettre en œuvre les mesures du CIADT rural.
Enfin, le budget pour 2011 sera également abondé par des reports de crédits pour un montant de 30 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 16 millions d'euros en crédits de paiement. Ils permettront notamment – je le dis à l’attention de MM. les rapporteurs – de financer les restructurations de défense.
Tous les engagements qui ont été pris seront donc tenus. Je tiens à souligner que ce budget préserve toutes les actions engagées par le Gouvernement depuis 2009 : les plans d’excellence ruraux, les grappes d’entreprise, les pôles de compétitivité et les actions mises en œuvre par le CIADT.
Sur cette base, je fixe au programme 112 quatre grandes priorités.
La première priorité est l’accompagnement des mutations économiques des territoires. Nous voulons préserver les soutiens alloués au titre de la prime d’aménagement du territoire pour des projets créateurs d’emplois dans les zones classées AFR, c'est-à-dire éligibles aux aides à finalité régionale. Entre 2008 et 2010, plus de 13 000 emplois ont été créés grâce à ce dispositif, et plus de 11 000 emplois ont été repris ou maintenus sur la même période, ce qui justifie à mon sens le maintien de crédits importants pour le programme.
Un montant de 7, 7 millions d'euros sera consacré en 2011 par la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, la DATAR, au financement des conventions de mutation économique ou des contrats de site en cours.
Concernant les restructurations de défense, qui ont été décidées en début de quinquennat, le budget pour 2011 n’affiche pas de dépenses. Il sera en fait abondé par les reports de crédits que j’ai mentionnés précédemment.
Le plan gouvernemental d’accompagnement territorial du redéploiement des armées prévoit la mise en place de vingt-trois contrats de redynamisation de site de défense, CRDS, et de vingt-six plans locaux de redynamisation, PLR, sur la période 2009-2015.
Cette démarche est déjà bien engagée et suit le rythme des restructurations de la défense. Cinq CRDS ont été signés en 2009 ; trois CRDS et deux PLR ont été signés en 2010. Nous maintiendrons ce rythme de façon que l’ensemble des engagements puissent être tenus.
La deuxième priorité assignée au programme 112 est le renforcement de l’innovation et de la compétitivité dans les territoires.
Tout d’abord, les outils à développer sont les pôles de compétitivité et les grappes d’entreprises, qui ont montré leur efficacité au cours des années précédentes. Un montant de 11, 6 millions d'euros en crédits de paiement y est consacré en 2011, ce qui représente une augmentation de 5 % par rapport à 2010.
La DATAR, pour sa part, consacrera 7, 5 millions d'euros aux pôles de compétitivité. Ainsi que l’ont rappelé notamment Mme Evelyne Didier et M. le rapporteur spécial, François Marc, il va de soi que cette participation ne représente qu’une petite partie d’un budget global de 1, 5 milliard d'euros pour la période 2008-2011 et que tous les ministères abondent pour mettre en place ces pôles de compétitivité.
Je précise également que ces derniers font l’objet d’un audit : nous veillons attentivement qu’ils respectent les critères fixés par le Gouvernement. Par exemple, sur les treize pôles de compétitivité qui ont été soumis à un audit en 2009, sept ont été renouvelés, tandis que six, qui ne correspondaient pas aux critères de définition, ont vu leur label retiré et ont été réorientés, pour la plupart, vers des grappes d’entreprises.
Ces dernières, dont le fonctionnement donne également satisfaction, se verront attribuer un budget de 8, 7 millions d'euros au titre du programme 112.
Par ailleurs, toujours dans le cadre du renforcement de l’innovation et de la compétitivité des territoires, l’accès de tous les citoyens à la technologie numérique est un enjeu majeur.
Si nous voulons revitaliser les territoires ruraux – c’est le cas des communes rurales de l’Eure, notamment près d’Évreux – nous devons y garantir l’accès à l’internet au très haut débit et aux technologies les plus modernes auquel chaque citoyen a droit.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne ferez jamais venir un médecin de vingt-cinq ou vingt-six ans, avec son conjoint, dans une commune où il n’y a pas l’internet à très haut débit !
Chacun travaille désormais avec le numérique. Par conséquent, pour que les communes rurales soient vivantes, il faut qu’elles aient accès à un haut niveau technologique ; c’est une priorité absolue.
À cet égard, l’État s’engage à trouver une source de financement pérenne du Fonds d’aménagement numérique des territoires ; à cette fin, nous nous appuierons sur les propositions du rapport remis par mon collègue du département de l’Eure, Hervé Maurey.
La troisième priorité est de soutenir l’attractivité des territoires ruraux. Pour cela, il faut travailler dans plusieurs directions.
La première direction concerne les pôles d’excellence rurale.
Deux vagues mobiliseront, au total, 159 millions d'euros, dont 115 millions d'euros provenant du FNADT et 44 millions d'euros des différents ministères impliqués.
Nous travaillons actuellement sur la seconde vague lancée en 2010, comme l’a excellemment rappelé M. le rapporteur pour avis, Rémy Pointereau, voilà quelques instants. Pour le moment, nous en sommes à la phase d’examen des projets. Je souhaite que nous puissions trancher dès le début de l’année 2011, afin de présenter les nouveaux pôles d’excellence rurale. Le plus tôt sera à mon sens le mieux, car cela permettra d’accélérer la dynamique des pôles sélectionnés.
La deuxième direction dans laquelle nous travaillons pour promouvoir l’attractivité des territoires ruraux concerne les zones de revitalisation rurale, les ZRR, chères à M. Jacques Blanc et qui ont également été mentionnées par M. le rapporteur pour avis.
Dans le cadre de ces ZRR, nous continuerons à aider les territoires les plus fragiles. Il convient cependant – cela a été signalé par un certain nombre d’entre vous – de se méfier des redéfinitions trop rapides, ou à la serpe, du zonage de ce dispositif : le mieux étant parfois l’ennemi du bien, faisons en sorte que chacune de ces zones puisse continuer à soutenir l’attractivité du territoire.
La troisième direction essentielle dans laquelle nous travaillons pour soutenir l’attractivité des territoires concerne les plans d’actions incluant notamment le financement des maisons de santé pluridisciplinaires et l’amélioration de l’accès de la population à un socle de services publics essentiels.
À cet égard, je précise – c’est la seule divergence que j’ai avec M. Jacques Blanc, dont l’intervention était excellente – que les maisons de santé pluridisciplinaires ne sont pas, à mon avis, la seule solution pour permettre aux médecins de venir exercer dans les territoires ruraux.
C’est une solution essentielle, mais au vu de la difficulté et de l’ampleur de la tâche que nous avons à accomplir sur le sujet, il faut savoir faire feu de tout bois.
Enfin, la quatrième direction dans laquelle nous travaillons pour le soutien à l’attractivité des territoires ruraux – je réponds ici à Mme Évelyne Didier et à M. Bernard Fournier – concerne l’accès au service public.
Je rappelle qu’un accord de partenariat a été signé au mois de septembre 2010 entre l’État et onze acteurs nationaux, dont neuf opérateurs de service public. Toutes les régions sont concernées, mais seulement une partie des départements. Je souhaiterais que le dispositif soit généralisé et que, à l’automne 2011, après évaluation, tous les départements français soient concernés par cet accord national.
La quatrième priorité assignée au programme 112 est d’assurer la mise en œuvre des contrats de plan État-région.
La dotation prévue devrait permettra d’atteindre un taux d’engagements cible de 75 % par rapport à la dotation initiale. Cela représente un taux supérieur aux taux exécutés sur les contrats précédents.
Certes, on constate une baisse des crédits, mais elle n’affecte pas les projets. Elle tient simplement compte de la réalité des projets qui ont été déposés et du taux d’engagements cible.
La cinquième et dernière priorité est, dans le cadre de la réduction des déficits publics dans laquelle l’ensemble du Gouvernement est engagé, de réduire les dépenses de fonctionnement de la DATAR de 10 % sur trois ans. Le ministère dont j’ai la charge s’y est pour sa part engagé en prenant sur ses propres dépenses de fonctionnement.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance.
Je vous répète, à la fois comme ministre de la ruralité et de l'aménagement du territoire et comme élu d’un département rural, ma détermination à faire en sorte que tous nos concitoyens sur l’ensemble des territoires ruraux soient traités avec la même attention que les habitants des grandes agglomérations.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Politique des territoires », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Politique des territoires
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
Dont titre 2
10 271 974
10 271 974
Interventions territoriales de l’État
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission.
Ces crédits sont adoptés.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Politique des territoires ».
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » et du compte spécial « Participations financières de l’État ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, chaque année, les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » et du compte spécial « Participations financières de l’État » que je suis chargé d’examiner et qui portent sur plusieurs dizaines de milliards d’euros font l’objet d’un très bref débat en séance publique. Je le déplore.
Cette année, plus particulièrement, les tensions que viennent de connaître les marchés financiers démontrent l’importance de ce budget et la difficile évaluation des chiffres sur laquelle nous devons nous mettre d’accord.
Pour l’année qui s’achève, le collectif budgétaire que nous examinerons enregistrera une économie de plus de 2, 2 milliards d’euros sur la charge de la dette. Pour autant, 2010 devrait être la dernière année d’« apesanteur financière » pour notre pays, conjuguant un encours en hausse et une charge d’intérêts stable en raison du niveau historiquement bas des taux d’intérêt, que nous allons bientôt regretter.
En 2011, la charge d’intérêts s’établira à un peu plus de 45 milliards d’euros, soit une augmentation de 4, 5 milliards d'euros par rapport aux dernières estimations. Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit, quant à lui, une augmentation annuelle de la charge de la dette de plus de 4 milliards d’euros par an de 2011 à 2013 ; celle-ci provient à la fois d’une augmentation de l’encours et d’une hausse prévisible des taux d’intérêt. Il s’agit là d’une hypothèse prudente, que, par conséquent, la commission des finances a adoptée.
L’essentiel des 47 milliards d'euros provient de l’encours de la dette nominale de l’État, qui passera de 1 225 milliards d’euros à la fin de l’année 2010 à 1 315 milliards d’euros à la fin de 2011. Je constate que d’importants amortissements interviendront en 2012, à hauteur de 116 milliards d’euros. Le recours aux emprunts à moyen et long termes, qui s’établira à 186 milliards d’euros pour 2011, risque d’augmenter en 2012.
Je relève toutefois un point positif dans ce budget : la structure de l’encours témoigne d’un léger reflux de l’endettement à court terme, qui passerait de près de 19 % fin 2009 à moins de 15 % fin 2011. Je veux saluer cette évolution, car elle réduira d’autant l’exposition de notre pays au retournement des taux courts qui s’amorce. En effet, vous le savez, mes chers collègues, les intérêts des bons du Trésor, qui s’élevaient à 0, 55 % en moyenne pour 2009 et sans doute pour le premier semestre de 2010, sont en train d’atteindre 1 %. C’est tout de même une augmentation qu’il faudra payer.
Les tensions qui ont caractérisé les marchés financiers, avec l’affaire irlandaise et l’ensemble des éléments que vous connaissez, se sont un peu atténuées depuis quelques jours. De fait, les écarts de conditions de financement entre les principaux pays européens et les États-Unis se sont légèrement réduits. Toutefois, la commission des finances surveille avec beaucoup d’attention l’écart, ou spread, entre les taux français et allemand : il a diminué, alors qu’il s’est élevé à près de 45 points de base pour le court terme voilà quelques semaines. Compte tenu des déclarations de la Banque centrale européenne, il semble que les taux d’intérêt retrouvent rapidement un niveau plus raisonnable.
Je ne m’appesantirai pas sur les autres programmes de la mission, si ce n’est pour me féliciter, donc féliciter le Gouvernement, que le collectif de fin d’année apure enfin, après plusieurs années, la dette de l’État auprès du Crédit foncier de France pour le service des primes d’épargne logement.
En effet, le Crédit foncier de France servait jusqu’à présent d’élément de trésorerie à l’État jusqu’à 1 milliard d’euros. C’est terminé. J’y vois le résultat d’une mission de contrôle budgétaire, menée par mes soins auprès de cet établissement.
Monsieur le secrétaire d'État, je forme le vœu que la réforme des plans d’épargne logement annoncée par Mme la ministre de l’économie et des finances, réforme à laquelle nous allons bientôt travailler, n’aboutira pas à reconstituer ce regrettable report de charge.
J’en viens maintenant aux participations financières de l’État.
Dans le prolongement des états généraux de l’industrie, la gestion des participations de l’État est désormais axée sur la conduite d’une politique industrielle active placée sous la responsabilité d’un commissaire aux participations de l’État, chargé de reprendre en main et de réorganiser la stratégie de l’État actionnaire et de faire fonctionner l’Agence des participations de l’État.
Je n’ai pas encore très bien compris comment s’articulaient les relations entre l’Agence des participations, la Caisse des dépôts et consignations, le Fonds stratégique d’investissement, OSEO et les innombrables fonds que l’on a créés depuis quelques années pour organiser tel ou tel secteur industriel. Je tâcherai d’éclaircir ce point en conduisant, au nom de la commission des finances, une mission de contrôle sur le Fonds stratégique d’investissement pour juger sur pièces et sur place comment fonctionne le dispositif et comment le réorganiser.
Je termine par l’évaluation des crédits dédiés au désendettement de l’État.
Monsieur le ministre, je constate avec tristesse que, depuis deux ans, l’État n’a rien remboursé : la dette continue à galoper, augmentant de 50 % depuis 2002. Le projet de budget prévoit 4 milliards d’euros de crédits à cette fin, mais je crains que cette estimation ne soit purement formelle.
Je sais bien que les conditions de marché sont très variables en ce moment. Depuis quinze jours, la bourse a baissé fortement avant de remonter légèrement. Par conséquent, l’État limite les cessions d’actifs. Il n’en reste pas moins que cet objectif de désendettement n’est pas encore une priorité.
Sous le bénéfice de ses observations, la commission des finances invite le Sénat à adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » et du compte spécial « Participations financières de l’État ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai eu l’honneur d’examiner cette année, et ce pour la troisième année consécutive, en tant que rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, les crédits du compte spécial « Participations financières de l’État ».
Avant de formuler un certain nombre de remarques et de vous adresser, monsieur le secrétaire d'État, quelques questions, je rappellerai que l’examen de ces crédits intervient cette année dans un contexte qui est particulier à plusieurs titres.
Premièrement, l’année 2010 a été caractérisée par la transformation de La Poste en société anonyme depuis le 1er mars dernier, en application de la loi du 9 février 2010, qui a suscité de vifs débats au sein de notre assemblée.
Deuxièmement, l’exercice 2010 est encore marqué par la crise, qui a eu une incidence directe sur les résultats des entreprises au sein desquelles l’État détient des participations financières.
Troisièmement, le fonctionnement de l’Agence des participations de l’État, service à compétence nationale chargé d’incarner l’État actionnaire, a évolué avec la nomination, le 3 août dernier, d’un commissaire aux participations de l’État, directement rattaché au ministre de l’économie et des finances.
Quatrièmement, enfin, la politique industrielle de la France est plus que jamais au cœur de la stratégie de reprise économique, comme l’ont souligné les récents états généraux de l’industrie.
J’en viens maintenant à mes remarques.
Une fois de plus, mes chers collègues, et croyez que je le regrette, les informations transmises au Parlement sont largement insuffisantes. Les recettes, affichées de façon forfaitaire, et les prévisions de dépenses, purement « indicatives », ne peuvent en aucun cas permettre au Parlement d’émettre des commentaires sérieux ou de se prononcer de façon documentée sur la question des participations financières de l’État.
À titre d’exemple, le montant des recettes est systématiquement – cette année n’échappe pas à la règle – affiché au niveau notionnel de 5 milliards d’euros ! Nous savons, en outre, que celui-ci est souvent très éloigné des recettes réellement encaissées.
J’ai bien conscience de la spécificité de la fonction de l’État actionnaire et du caractère stratégique de certaines informations, notamment sur les projets de cession. Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, ne serait-il pas possible de communiquer au Parlement des indications lui permettant au moins d’apprécier de manière plus éclairée les orientations générales, par exemple par secteur ?
Je souhaite également vous interroger, monsieur le secrétaire d'État, sur l’augmentation du capital de La Poste. En effet, aucune indication précise n’est fournie ni sur le calendrier ni sur la manière dont cette « libération progressive » aura lieu. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point.
Par ailleurs, l’Agence des participations de l’État a pris une nouvelle orientation. La nomination d’un commissaire aux participations de l’État semble indiquer une mise au premier plan de la vision industrielle du pilotage des participations par l’État, dans le respect de ses intérêts patrimoniaux. Or la multiplicité des acteurs prenant part à la politique de l’État actionnaire ne permet pas de dégager des objectifs uniques et prioritaires.
Ma question est donc simple : cette nouvelle orientation de l’Agence des participations de l’État va-t-elle dans le sens de la définition d’une politique actionnariale de l’État plus cohérente avec, au premier plan, une stratégie d’investissement industriel solide ?
Sur ce point d’ailleurs, je me réjouis que M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial de la commission des finances, ait proposé de consacrer une mission de contrôle sur pièces et sur place sur le FSI dans le courant de l’année 2011, afin de mieux cerner le rôle de cette structure et les relations qu’elle entretient avec l’Agence des participations de l’État.
C’est au bilan et à la doctrine d’investissement du Fonds stratégique d’investissement que je me suis intéressé cette année. Les deux années d’existence de cet organisme permettent de tirer un bilan instructif.
Au 31 juillet 2010, le FSI a réalisé trente-cinq investissements directs pour un montant total de 1, 4 milliard d’euros. Je note que 30 % d’entre eux sont intervenus dans le secteur de l’industrie.
Le FSI a diversifié ses modes d’intervention, notamment grâce à des fonds sectoriels.
Si la doctrine d’investissement de ce fonds tient compte d’un certain nombre de critères, parmi lesquels figure l’intérêt collectif, elle connaît néanmoins des limites, comme par exemple le fait que le FSI n’ait à ce jour reçu que 2, 4 des 20 milliards d’euros dont il a été doté. De plus, le fonds est encore trop conservateur : il ne prend pas assez de risques sur certains dossiers, comme j’ai pu le constater dans le territoire que je préside actuellement. Enfin, le FSI est bien souvent trop peu visible dans les régions.
C’est pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que j’ai proposé à la commission de s’abstenir. Elle n’a cependant pas décidé de le faire, préférant adopter les crédits de ce compte d’affectation spéciale.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, pour cette discussion, à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Je rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour ces missions.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom du groupe UMP, qui apportera son soutien aux textes dont nous débattons, je tiens à présenter trois observations au Gouvernement.
Premièrement, si nous voulons que l’écart de nos taux d’intérêt avec nos voisins et avec les États-Unis ne se détériore pas, il est essentiel d’amorcer rapidement le désendettement de notre pays.
M. le secrétaire d’État acquiesce.
On aurait pu le faire dès cette année. En effet, les 2 milliards d’euros économisés sur les charges de la dette auraient dû être intégralement affectés au remboursement de celle-ci ! Cependant, notre système budgétaire étant compliqué, nous retrouverons ce montant en petits morceaux éparpillés dans les budgets d’autres ministères.
Pourquoi nous faut-il nous attaquer à l’endettement de notre pays ? Nous sommes jusqu’à présent protégés sur les marchés par le fait que nos emprunts sont légèrement moins élevés que ceux de l’Allemagne. Or cette dernière devant retrouver plus rapidement que nous un déficit budgétaire convenable, elle diminuera ses emprunts. Par conséquent, si nous demeurons, après l’Italie, le pays européen qui emprunte le plus, nous risquons de connaître des difficultés dès 2012.
Deuxièmement, nous venons de clore une période de taux d’intérêt très faibles.
Cependant, la masse de notre dette comprend des obligations indexées. Je sais bien qu’un crédit légèrement supérieur à 2 milliards d’euros est prévu dans le budget qui nous est présenté pour faire face à une augmentation de l’inflation qui nous obligerait à payer plus cher les obligations indexées. Pour autant, nous devons faire très attention, dans la période qui s’ouvre, à ne pas recourir trop souvent aux obligations assimilables du Trésor, les OAT, indexées, parce qu’elles constituent une bombe à retardement qui risque de compromettre le nécessaire retour des finances publiques à l’équilibre financier.
Enfin, troisièmement, j’ai indiqué tout à l’heure que les participations financières de l’État posaient un certain nombre de problèmes. Lorsque le Fonds stratégique d’investissement a été créé, l’État et la Caisse des dépôts et consignations lui ont apporté de l’argent frais, ainsi que des titres de participation, à hauteur de 7 milliards d’euros pour l'État et également 7 milliards d’euros pour la Caisse des dépôts.
Je me pose les questions suivantes : qui gère aujourd'hui ces participations ? Le Fonds stratégique fait-il ce qu’il veut de ces dernières, par exemple, les vendre, réaliser des arbitrages, procéder à des augmentations de capital ? Est-ce la Caisse des dépôts qui continue à les gérer ?
Personne n’en sait rien, et je ne parviens à obtenir aucune indication sur la façon dont les choses se passent à ce sujet. Il s’agit tout de même d’une somme de 14 milliards d’euros qui doit servir à financer les interventions du Fonds stratégique !
En allant sur place, j’ai bon espoir de trouver enfin les réponses aux questions que je pose. En effet, il convient de remettre de l’ordre dans la gestion des participations de l’État, particulièrement compliquée depuis que la crise a nécessité la création de certains organismes comme, par exemple, la société publique de participation intervenant dans le secteur bancaire. Dans un contexte de mondialisation, la politique des petites enveloppes est dépassée !
Monsieur le secrétaire d’État, les trois mots suivants de référence en matière d’action publique dans ce domaine doivent être décloisonnement, décentralisation et évaluation. Nous manquons en particulier d’évaluation. Même si c’est un terme à la mode, je le reconnais, il correspond à une nécessité.
Si nous ne respectons pas les impératifs de décloisonnement, de décentralisation et d’évaluation, nous risquons de faire de mauvaises affaires…
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le compte spécial « Participations financières de l’État » et la mission « Engagements financiers de l’État » font partie des thèmes de discussion sacrifiés sur l’autel d’un ordre du jour surchargé. Pourtant, il s’agit là des engagements financiers et du remboursement de la dette, c’est-à-dire d’un besoin de financement de 189, 4 milliards d’euros, la dette négociable étant en forte croissance et s’élevant aujourd’hui à 1315, 1 milliards d’euros.
Cette « toute petite » mission est jointe au compte spécial « Participations financières de l’État », relative, en substance, au contrôle exercé par l'État actionnaire. Au chapitre de cet actionnaire, nous trouvons le Fonds stratégique d’investissement.
À ce stade, je me permettrai de faire un petit rappel historique dans ce domaine, monsieur le secrétaire d’État, puisque nous n’avions pas eu l’honneur de vous voir au banc du Gouvernement.
Dès le mois de février 2008, j’ai publié un certain nombre d’articles pour la constitution d’un fonds souverain en France. J’ai porté ce projet à l’Élysée, et la création du Fonds stratégique d’investissement m’apparaissait comme une bonne idée.
Néanmoins, je me suis toujours montrée attentive à sa gouvernance et à sa stratégie. C’est la raison pour laquelle, le 22 octobre dernier, le Sénat, à ma demande, avait débattu de ce sujet à l’occasion d’une question orale que j’avais déposée.
Où en est-on aujourd’hui ? Le rapporteur spécial de la commission des finances, Jean-Pierre Fourcade, comme le rapporteur pour avis de la commission de l’économie, François Patriat, sont tous deux extrêmement critiques quant à la gestion du FSI.
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons constitué dans cette maison une mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires, au sein de laquelle nous auditionnons des chefs d’entreprise et des élus pour évaluer, juger et jauger les procédés d’intervention de l’État dans les territoires. En tant que vice-présidente de cette mission, je vous répète, monsieur le secrétaire d’État, mon opposition complète à l’absence de lisibilité du FSI.
Je conteste que cet organisme puisse réaliser, grandeur nature – c’est du moins ce qui apparaît de l’extérieur –, une sorte de Monopoly, en jonglant avec notre déficit budgétaire et en distribuant des dividendes et des salaires impressionnants, sans aucune considération pour les salariés et les conséquences territoriales des actions menées.
Je conteste que des investissements publics puissent servir, comme dans l’entreprise Nexans, à licencier des personnels. Ainsi, les suppressions d’emplois sont au nombre de 2 200, en dix ans, chez Alcatel-Lucent, où la participation de la Caisse des dépôts atteint 0, 8 %, de 27 600 chez France Télécom, où la participation de l’État s’élève à 13, 23 %, de 300 chez Air Liquide, de 700 chez Technip, malgré un investissement de 113 millions d’euros du Fonds stratégique d’investissement en 2009.
Je pourrais également égrener la liste des entreprises du CAC 40 qui, en cinq ans, ont détruit plus de 39 400 emplois tout en engrangeant des dizaines de milliards d’euros d’aides de l’État, en participation ou en crédit d’impôt.
Un récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires estime à 172 milliards d’euros par an le manque à gagner que représentent les niches sociales et fiscales dont profitent ces entreprises, qui réalisent des bénéfices en délocalisant et en licenciant leurs personnels en France.
Je conteste que l’argent du Fonds stratégique d’investissement puisse servir à verser des dividendes, des parachutes dorés ou des retraites chapeaux, comme cela a été le cas.
J’attends avec impatience les résultats de l’enquête de la commission des finances et d’un contrôle extérieur du Fonds stratégique d’investissement.
Tout cela mériterait plus de cinq minutes de temps de parole, mais n’en doutez pas, monsieur le secrétaire d'État, le sujet est loin d’être clos.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est la troisième fois que j’interviens aujourd’hui à cette tribune et, cette fois-ci, c’est au nom de Michel Teston qui, pour des raisons de transport, n’a pas pu être présent pour interroger le Gouvernement sur un sujet qui lui tient à cœur, La Poste.
Pour justifier la transformation du groupe La Poste en une société anonyme à capitaux publics, le président de la République, le Premier ministre, le ministre de l’industrie, ainsi que le président de La Poste, ont fait référence à la nécessité de doter cette entreprise de moyens plus importants.
Ainsi, dans une lettre adressée aux maires le 16 octobre 2009, le Premier ministre écrivait notamment : « La transformation du statut de l’entreprise est nécessaire pour que ses fonds propres soient renforcés. La loi confirmera que ces capitaux devront rester à 100 % publics. Elle permettra l’apport de 2, 7 milliards d’euros de capitaux publics. Le Gouvernement s’y est engagé ».
Dans un article du 22 décembre 2009, Le Monde citait Christian Estrosi, alors ministre en charge de ce dossier, qui expliquait que le changement de statut de La Poste en une société anonyme visait avant toute chose à permettre la recapitalisation de La Poste par l’État et la Caisse des dépôts et consignations.
Quant au président de La Poste, Jean-Paul Bailly, auditionné le 25 novembre 2009 par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, il précisait : « plus que jamais, La Poste a besoin d’investir, d’innover, pour se moderniser et pour développer de nouveaux services. Plus que jamais, donc, elle a besoin de capitaux et des 2, 7 milliards d’euros évoqués par la commission Ailleret ». Il affirmait également : « La Poste qui, depuis l’origine, est sous-capitalisée, a donc impérativement besoin d’être recapitalisée ».
Selon le Gouvernement, l’ouverture totale à la concurrence du secteur postal, en 2011, et la nécessité pour La Poste de lutter à armes égales avec ses concurrents justifiaient une augmentation de capital et, partant, un changement du statut du groupe.
Malgré la détermination de l’opposition, tout particulièrement sénatoriale, qui ne l’entendait pas ainsi, considérant qu’il y avait d’autres moyens pour l’État d’accompagner La Poste dans l’exercice d’au moins deux de ses missions de service public, le changement de statut a été adopté et La Poste est devenue une société anonyme depuis le 1er mars dernier.
On est donc en droit d’attendre du Gouvernement qu’il tienne ses engagements en dotant rapidement La Poste des moyens qu’il jugeait nécessaire de lui accorder.
Où en sommes-nous ? Pour l’heure, la Caisse des dépôts et consignations ne semble pas se précipiter pour apporter sa participation, fixée au total à 1, 5 milliard d’euros.
Quant à l’État, nous constatons que le compte spécial « Participations financières de l’État » retrace les opérations en capital concernant les participations financières de l’État pour le programme 731, ainsi que celles relatives au désendettement pour le programme 732.
Au titre du programme 731, un montant de 890 millions d’euros est prévu pour des augmentations de capital, des dotations en fonds propres et autres avances d’actionnaires et prêts assimilés. Le groupe La Poste est fléché.
Comme je l’ai moi-même souligné tout à l'heure dans mon rapport pour avis, monsieur le secrétaire d'État, je juge tout à fait insuffisantes les informations communiquées sur ces prévisions de dépenses : aucune indication n’est fournie ni sur le calendrier de l’augmentation du capital de La Poste ni sur la manière dont la libération progressive des fonds aura lieu.
Je rappelle d’ailleurs que M. Jean-Dominique Comolli, commissaire aux participations de l’État, auditionné par la commission de l'économie du Sénat le 20 octobre dernier, n’avait alors fourni aucune précision supplémentaire à ce sujet.
Faut-il en conclure que l’augmentation du capital du groupe La Poste n’est pas si urgente que cela ? Dans l’affirmative, comment croire que le changement de statut ait été réalisé uniquement pour renforcer les fonds propres de La Poste ?
Telles sont, monsieur le secrétaire d'État, les questions que nous vous posons aujourd’hui, que nous avions déjà soulevées lors de l’examen du texte relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, et auxquelles nous attendons des réponses.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, mon intervention sera, je le crains, d’un apport bien faible par rapport à tout ce que nous venons d’entendre et à ce que nous avons lu un peu plus tôt.
Je dois saluer l’impartialité et l’esprit critique de notre excellent rapporteur spécial, car, à le lire, chacun peut en effet comprendre les difficultés auxquelles nous sommes et serons confrontés dans les prochaines années, et celles auxquelles nous aurions pu échapper si…
Mais les choix budgétaires ont été autres au cours des années antérieures. Aujourd’hui, je crois avoir compris qu’il est de notre devoir impérieux de panser les plaies ouvertes.
Sur le plan de la méthode, peut-être faudrait-il adopter une démarche qui n’échappe pas à la pratique mise en œuvre par la loi organique relative aux lois de finances, s’agissant tant de la présentation stratégique des programmes que des objectifs et indicateurs de performance, dont l’absence, cela a été souligné, rend aujourd’hui le projet annuel de performances fort peu consistant.
Comment encore accepter – cela a également été relevé – que les administrations se dispensent de répondre aux questionnaires budgétaires, ou du moins se fassent tirer l’oreille.
S’agissant des missions, je ne commenterai pas la mission « Engagements financiers de l’État » : la progression de la charge d’intérêts en dit suffisamment long sur l’encours de la dette.
Sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », je veux saluer l’évidente priorité donnée à la revitalisation de notre politique industrielle ou, tout au moins, à la volonté et à l’espoir de revitalisation de cette politique.
Je relève la volonté du Gouvernement de mettre à contribution l’État actionnaire face à la crise. Sur ce point, le rapport présente largement les actions engagées tant par la SNCF que la RATP, La Poste, EDF ou GDF-Suez. Mais n’est-ce pas là simplement un juste retour de ce que l’État donne à ces entreprises publiques ?
Je relève encore la création du Fonds stratégique d’investissement dont la mission est venue s’installer à côté de celle de l’Agence des participations de l’État.
Je crains, comme notre rapporteur spécial, de ne pas bien comprendre, sinon la différence, du moins la complémentarité entre ces deux institutions.
Mais je crains bien plus encore de ne pas comprendre ce qu’est la stratégie gouvernementale en matière de réindustrialisation de notre pays ! La région Midi-Pyrénées, à laquelle j’appartiens, est bien placée pour s’interroger sur son devenir industriel dans deux domaines majeurs, l’aéronautique et l’automobile, qui ne me semblent pas avoir été soutenus à la hauteur des enjeux auxquels ils sont exposés.
J’en viens, enfin, au programme « Épargne » concernant le financement des primes d’épargne logement. Je me contenterai presque de relever les questions posées par notre rapporteur spécial : une programmation budgétaire systématiquement défaillante, une évaluation initiale n’ayant jamais tenu compte du report de charges accumulé, la forte diminution du montant des primes en 2009 et 2010 devant conduire à envisager l’apurement définitif du découvert auprès du Crédit foncier.
Ces questions viennent s’ajouter à celles que chacun se pose face à la volonté du Gouvernement d’augmenter, semble-t-il, le nombre des foyers pouvant accéder à l’achat de leur résidence principale.
Les mesures proposées qui se superposent – loi Besson, loi Scellier, les dispositifs de défiscalisation – ne montrent pas clairement les objectifs visés. S’agit-il de favoriser l’accession à la propriété ? Si oui, quelle propriété : habitation principale ou résidence secondaire ? À moins qu’il ne s’agisse de soutenir le secteur immobilier et du bâtiment, mis à mal, c’est un fait, par la crise ambiante et peut-être aussi par la venue sur le marché de ces trop nombreux faux auto-entrepreneurs ?
Monsieur le secrétaire d’État, les intervenants qui m’ont précédée ont souligné, comme je le fais à mon tour, les limites de ce budget, même si d’aucuns ont relevé les améliorations apportées.
Avec le plus grand nombre des membres du groupe RDSE auquel j’appartiens, nous nous montrerons prudents sur ce budget et nous nous abstiendrons.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées de l ’ UMP, ainsi qu’au banc des commissions.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il est de bon ton de se lamenter depuis quelque temps sur le niveau particulièrement élevé qu’aurait atteint la dette publique : 87 % du produit intérieur brut.
On nous dit que nos engagements européens, entre autres, motiveraient un effort particulier de notre pays pour réduire, autant que faire se peut, cette dette publique. Nous devrions, pour cela, user des outils les plus performants que peuvent constituer la réduction des dépenses publiques et une réforme fiscale tendant à accroître les recettes de l’État, comme de la sécurité sociale, sans mettre en question la compétitivité de nos entreprises.
Derrière ce qu’il faut bien appeler une langue de bois assez largement répandue sur cette question de la dette publique, il importe de revenir bel et bien à l’essentiel.
D’où provient, en effet, la dette publique ? Qu’est-ce qui a créé ce véritable boulet que nous risquons de traîner pendant encore quelques années et qui pèse sur les comptes de l’État, comme sur ceux de la protection sociale, puisque nous discutions il y a peu encore de la prolongation de l’existence de la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS ?
Quelques bonnes âmes nous répètent à l’envi que c’est l’excès de dépenses publiques qui est à l’origine de la dette publique française.
La démonstration me semble erronée : les pays européens confrontés ces temps derniers aux plus grandes difficultés financières – Grèce, Portugal, Irlande, Espagne – ne sont pas ceux où les dépenses publiques sont les plus importantes, ni d’ailleurs ceux dans lesquels le poids des prélèvements obligatoires est le plus élevé.
C’est même plutôt l’inverse, à l’examen de la situation toute particulière que la Commission européenne semble faire de l’Irlande. Ce pays a, de manière artificielle et dangereuse sur le moyen terme, assis son développement économique sur l’application concrète des principes de fiscalité compétitive largement encouragée par une construction européenne fondée sur la libre concurrence.
La faiblesse relative des dépenses publiques et des prélèvements ne dispense pas de connaître endettement public massif et risque d’impasse budgétaire. Cela, en revanche, permet d’aller plus au fond. En fait, le facteur principal de la progression de nos déficits réside dans la compétition fiscale lancée il y a vingt-cinq ans et dans la course à la réduction du coût du travail qui l’a accompagnée.
Baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, mise en cause avant disparition de la taxe professionnelle et réduction des cotisations sociales ont coûté aux comptes de l’État plus de 500 milliards d’euros de 1985 à 2006.
Quand on y ajoute les multiples mesures ayant modifié l’assiette de l’impôt sur les sociétés, on atteint des sommes encore plus considérables.
La Cour des comptes, par le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires rédigé à la demande de l’Assemblée nationale, a ainsi établi que les mesures cumulatives d’allégement des cotisations sociales et d’impôt sur les sociétés coûtaient 172 milliards d’euros aux comptes publics. En un an, 10 % de l’encours de la dette publique !
Pour notre part, nous sommes pratiquement convaincus que c’est bel et bien ce recours massif à la réduction des impôts qui est à la source de l’endettement public que nous connaissons aujourd’hui, et ce sans résultat évident sur la situation économique et sociale. Nous comptons près de 4 millions de chômeurs, bien plus qu’en 1985 quand le mouvement conjoint de baisse des impôts et de flexibilité du travail a été lancé.
C’est un endettement qui se trouve, de surcroît, être un « mauvais » endettement puisqu’il ne finance plus l’effort d’équipement de la nation, vu la faiblesse de l’investissement d’État aujourd’hui.
Alors, tout en indiquant que nous ne voterons pas les crédits de la mission « Engagements financiers », nous conclurons en disant qu’il est temps d’arrêter le gaspillage des deniers publics et de réformer profondément notre fiscalité pour rétablir au bénéfice de l’État, de la sécurité sociale, comme des collectivités locales les outils financiers nécessaires à leur action au service des populations. §
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances – il n’est pas présent dans l’hémicycle en cet instant mais, comme il a longuement assisté au débat, je veux saluer sa présence – messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens, tout d’abord, à saluer la qualité des travaux accomplis par la commission des finances et la commission de l’économie de la Haute Assemblée. Les rapports de MM. Jean-Pierre Fourcade, François Patriat et Jean-Pierre Demerliat ont apporté un éclairage utile bien sûr au Parlement, mais également au Gouvernement.
Je voudrais, d’abord, répondre aux questions qui ont été soulevées par les rapporteurs et par les intervenants en commençant par les « Engagements financiers de l’État ». Après quoi, j’essaierai de vous présenter notre vision nouvelle du rôle de l’État actionnaire.
Je commencerai par les observations relatives à la dette. Jean-Pierre Fourcade a fait un certain nombre de remarques et son rapport fait une présentation intéressante, qui souligne, d’ailleurs, l’effort important du Gouvernement en matière de réduction du déficit. Le besoin de financement devrait diminuer de 50 milliards d’euros par rapport à 2010. Cet effort est considérable même s’il n’enraye pas totalement l’accroissement de la dette. Je sais, monsieur Fourcade, que vous auriez aimé, comme beaucoup de parlementaires ici, que l’on aille beaucoup plus loin.
Je reviens également sur la question de la détention de 70, 6 % de la dette négociable française par les non-résidents. Lorsqu’on décompose ce chiffre, on constate qu’il permet à la France d’atteindre un équilibre satisfaisant dans lequel environ un tiers de sa dette est détenu par des résidents, un tiers par des non-résidents ressortissants de la zone euro et un dernier tiers par des non-résidents situés hors de la zone euro.
Il faut rappeler, à titre de comparaison, selon les chiffres fournis par le FMI pour l’année 2008, qu’un peu moins de 60 % de la dette allemande détenue par des non-résidents l’était par des personnes situées hors de la zone euro – contre 50 % pour la France.
Sur le fond, cette politique de diversification poursuivie par notre pays, mais aussi par tous les émetteurs les mieux notés de la zone euro – Allemagne, Pays-Bas – vise à diminuer le coût de la charge de la dette en étendant l’espace de la concurrence pour l’achat des titres de dette française. Elle constitue donc un gage de sécurité, mais également – et c’est à souligner – une marque de confiance dans notre économie.
Cher Jean-Pierre Fourcade, vous avez eu raison de parler de la crise, en insistant, d’ailleurs, sur ses conséquences.
Je voudrais revenir sur la question des obligations indexées, que vous avez soulevée. Elles permettent de diversifier la base d‘investisseurs de la France. C’est d’ailleurs ce qui conduit à faire baisser les taux auxquels nous empruntons, comme vous l’avez opportunément rappelé tout à l’heure.
L’État n’a pas d’objectif intangible en la matière. Il estime cependant qu’une proportion de 10 % des émissions constituerait une bonne cible.
Il faut enfin rappeler que les obligations indexées ont une vertu contracyclique. Elle mérite d’être retenue en période de crise !
Ainsi, en 2009, avec la crise, la charge d’indexation n’a pas dépassé 84 millions d’euros. En 2010, elle est attendue à 2, 2 milliards d’euros, puis à 2, 5 milliards d’euros en 2011, en lien avec la sortie de crise et le retour de la croissance.
Pour ce qui concerne les appels en garantie de l’État, vous avez indiqué votre souhait de voir mieux apparaître, dans le projet annuel de performance, les enjeux financiers et les risques associés des garanties accordées par l’État.
Il convient de noter, d’abord, que tous ces éléments sont détaillés dans le rapport annuel sur les opérations effectuées par la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la Coface, pour le compte de l’État, rapport qui est transmis chaque année au Parlement.
Il contient notamment, pour chaque procédure, une analyse de l’encours – par pays, par catégorie de risque, par secteur – et une présentation du résultat technique avec une explication sur l’évolution des différents postes – primes, indemnités, récupérations. Il détaille aussi les nouvelles affaires prises en garanties et les frais de gestion par procédure.
S’agissant du projet annuel de performance proprement dit, il contient, de façon certes plus synthétique, la présentation du portefeuille des garanties gérées par la Coface pour le compte de l’État – dans la partie présentation du programme et des actions –, les encours, les recettes, les résultats techniques des garanties gérées par la Coface pour le compte de l’État – détaillés dans la présentation stratégique du projet annuel de performance sur les garanties liées au développement international de l’économie française – et les coûts de gestion des procédures – renseignés dans la justification au premier euro.
Concernant l’épargne, monsieur le rapporteur, vous avez posé des questions sur le financement de l’épargne logement. Vous y avez récemment consacré un rapport auquel vous avez fait référence tout à l’heure et dont je tiens à souligner la qualité. L’État s’en est d’ailleurs largement inspiré dans les décisions prises par la suite.
Vous nous avez interrogés sur la méthode de budgétisation. Il est vrai que les décalages successifs depuis 2006 entre les ouvertures de crédits en loi de finances initiale et les volumes de primes effectivement versés par le Crédit foncier de France, CFF, pour le compte de l’État ont conduit à l’existence d’un découvert auprès de cette institution. Des ouvertures de crédits sont néanmoins intervenues en cours de gestion en 2006, en 2007 et en 2008 pour contenir le montant du découvert contracté par l’État envers le CFF. Ces ouvertures de crédits en cours de gestion ont été au rendez-vous. En 2010, l’effort d’apurement de la dette sera poursuivi pour réduire encore la dette à l’égard du CFF – 963 millions d’euros en 2008, contre environ 15 millions d’euros prévus à la fin de l’année 2010.
Vous avez relevé, monsieur Fourcade, l’insuffisante budgétisation. Elle ne relève pas d’une démarche délibérée de l’État, mais trouve essentiellement son origine dans la difficulté à prévoir une dépense très fortement dépendante des détenteurs de PEL, plan épargne logement, et de CEL, compte épargne logement, qui sont bien sûr attentifs à l’évolution des facteurs économiques et fiscaux.
À cet égard, nous savons qu’en 2011 et 2012 les primes versées par le Crédit foncier de France connaîtront une augmentation en raison de l’arrivée à maturité de dix ans de la génération des PEL de 2002 bénéficiant d’un montant de primes acquises important.
Un travail de prévision approfondi a été conduit afin de retenir la prévision la plus fiable et la plus cohérente. L’inscription des crédits prévus en 2011, soit 1, 1 milliard d’euros, devrait raisonnablement permettre de faire face à cette échéance.
J’en viens à votre question sur la maîtrise et le contrôle des frais de gestion et des commissions de gestion du Crédit foncier de France. Une mission de l’Inspection générale des finances relative aux opérations de l’épargne logement est prévue courant 2011, qui pourrait donner lieu à un audit auprès du Crédit foncier de France sur ces deux sujets.
Enfin, sur la réforme en cours du PEL, vous comprendrez que je sois bref, puisque le nouveau dispositif sera discuté au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. La réforme, telle qu’elle sera présentée par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, s’appliquera pour les PEL ouverts à compter du 1er mars 2011.
Ce que l’on peut retenir à ce stade, c’est l’idée d’un resserrement des conditions d’octroi de la prime et son verdissement – abaissement du montant de la prime à 1 000 euros, et son maintien à 1 525 euros en cas de projet immobilier « vert » exclusivement.
J’évoquerai maintenant les participations financières de l’État.
S’agissant des nouvelles missions de l’État actionnaire, le Président de la République a annoncé lors de la conclusion des états généraux de l’industrie, vous le savez, que l’État actionnaire devait contribuer activement à la politique industrielle de notre pays, ambition réaffirmée à l’occasion de la nomination d’un Commissaire aux participations de l’État, Jean-Dominique Comolli, le 3 août dernier.
Cette nouvelle vision industrielle du pilotage de ses participations repose sur plusieurs mesures.
Le suivi stratégique des entreprises à participation publique est amélioré grâce à des réunions régulières entre les ministres concernés et les dirigeants de l’entreprise ; onze réunions ont déjà été organisées par Christine Lagarde depuis juillet dernier avec les principales entreprises, parmi lesquelles on peut notamment citer La Poste, France Télécom, Thalès, EADS, Renault, GDF Suez, EDF.
Nous disposons d’une meilleure compréhension de la répartition par pays des investissements, de l’emploi, de la valeur ajoutée des entreprises.
Le rapport sur l’État actionnaire qui a été remis à votre assemblée dans le cadre du débat budgétaire, communément appelé « le jaune », retrace les principaux résultats de la première enquête réalisée en ce sens, et les chiffres sont encourageants.
Mme Nathalie Goulet est dubitative.
Ces chiffres confirment l’efficacité des mesures mises en œuvre par le Gouvernement pour promouvoir le développement industriel en France. Vous savez tous l’attachement du Président de la République, du Gouvernement et de la majorité – vous l’avez rappelé, monsieur Fourcade, madame Goulet – pour le développement industriel de notre pays.
Enfin, parmi les mesures annoncées à cette occasion se trouvent également la nomination – et c’est important – d’administrateurs représentant l’État compétents en matière industrielle, une meilleure anticipation des nominations des dirigeants, et une attention renouvelée sur les ressources humaines et les dispositifs de détection et de prévention des situations de détresse mis en place par les entreprises.
Pour ce qui concerne l’État actionnaire et la sortie de crise, je prendrai deux exemples, qui répondent, d’ailleurs, à un certain nombre des interventions.
Le premier, ce sont les ex-Chantiers de l’Atlantique. Nous en avons beaucoup parlé avec Mme la sénatrice Nathalie Goulet hier ; elle y a fait référence aujourd’hui.
La construction navale était face à une crise sans précédent, et il ne fallait pas laisser tomber les « Chantiers ».
L’État s’est fortement impliqué, d’abord en commandant un bâtiment de protection et de commandement, BPC, dans le cadre du plan de relance, et en se mobilisant pour permettre, par le recours aux outils de crédit export, la commande de deux paquebots en avril et en juin 2010. Je l’ai dit hier, ils représentent chacun 5 millions d’heures de travail, soit plusieurs centaines de millions d’euros.
Second exemple, – je m’adresse particulièrement à Mme Escoffier, qui semblait s’étonner que l’on ne soutienne pas le secteur automobile – un plan de soutien a été mis en place pour le secteur automobile, comprenant la prime à la casse et l’octroi de prêts aux constructeurs automobiles pour plus de 6 milliards d’euros. Si ce n’est pas soutenir le secteur automobile...
Aujourd’hui, les résultats sont meilleurs. Les constructeurs ont, d’ailleurs, commencé à rembourser ces prêts par anticipation, ce qui montre à quel point le moment choisi pour aider le secteur a été propice. Aujourd’hui, en période de sortie de crise, ce secteur va mieux.
On peut également citer le Fonds stratégique d’investissement, le FSI, qui a suscité de nombreuses remarques tant de MM. Fourcade et Patriat que de Mmes Goulet et Escoffier.
Comme l’a dit François Patriat, le FSI a bien réalisé, à la fin du mois d’octobre, 35 investissements directs pour un montant de 1, 4 milliard d’euros. Je vous demande néanmoins de ne pas oublier les 2, 55 milliards d’euros auxquels nous parvenons si l’on prend en compte les investissements indirects, effectués notamment par le Fonds sectoriel InnoBio sur les questions de santé.
L’articulation des rôles de l’Agence des participations de l’État, l’APE, et du FSI a été qualifiée de floue par Jean-Pierre Fourcade. Je me réjouis que ce dernier contribue à l’éclaircir, car j’ai bien compris qu’il était décidé à effectuer un contrôle sur place. C’est une très bonne chose, qui permettra à la Haute Assemblée de constater combien cette articulation est au contraire limpide. Puisque le FSI n’est pas venu jusqu’à vous, il est bon que vous alliez jusqu’à lui.
En réalité, le FSI, pour les fonds propres, avec, de surcroît, l’APE concernent les grandes entreprises. Jean-Pierre Fourcade a posé des questions sur l’articulation avec OSEO : cet établissement accorde d’autres financements, comme des avances remboursables, des prêts, qui s’adressent plus aux PME.
Je crois pouvoir vous dire que le FSI, qui a pour objectif de réaliser des investissements minoritaires, pour une durée limitée, dans le capital d’entreprises stratégiques, peut se féliciter de son action.
« Décloisonnement », « décentralisation » et « évaluation », soit DDE : c’est sans doute l’inconscient du bâtisseur Jean-Pierre Fourcade qui parlait. §J’ai bien noté, en tout cas, qu’il s’y intéresse de manière toute particulière.
Les participations apportées au FSI, sur lesquelles nous a interrogé Jean-Pierre Fourcade, s’élèvent à 14 milliards d’euros. L’État a apporté pour 7 milliards d’euros de titres, France Télécom, 14 % du capital, Aéroports de Paris, 9 %, STX France – les ex-Chantiers de l’Atlantique –, 33 %. L’État a gardé un siège aux côtés du FSI dans le conseil d’administration de cette entreprise, et le FSI gère de façon quotidienne les participations minoritaires qui ont été apportées par la Caisse des dépôts et consignations.
J’entends bien que plusieurs acteurs interviennent, mais je ne doute pas que vous serez rassurés et que vous constaterez que l’articulation se déroule au contraire dans d’excellentes conditions.
J’aborderai maintenant le budget 2011 et les principales opérations envisagées.
Comme l’ont bien noté MM. les rapporteurs pour avis, c’est dans ce cadre rénové que s’inscrit le projet de budget.
Néanmoins, cette stratégie industrielle passe aussi par des opérations financières. Ainsi, afin de ne pas risquer de révéler des informations de marché qui pourraient être mal utilisées, la présentation budgétaire de ce compte d’affectation spéciale comporte une dimension « conventionnelle ».
J’ai bien noté les demandes de Jean-Pierre Fourcade concernant l’amélioration de la qualité des réponses aux questionnaires budgétaires. Que les parlementaires demandent une telle amélioration est devenue une habitude.
Mme Nathalie Goulet pointe du doigt sa montre.
Je propose, peut-être pour apporter plus de clarté à la Haute Assemblée, que les services de l’Agence des participations de l’État reprennent davantage d’informations de ce rapport dans leurs réponses aux questionnaires budgétaires.
Mme Nathalie Goulet pointe de nouveau du doigt sa montre.
Cela vous évitera ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, d’être obligés de chercher des éléments dans le rapport. J’invite donc l’APE à faciliter le travail des parlementaires en regroupant le maximum d’informations à l’occasion des questionnaires budgétaires, ou en renvoyant peut-être de manière plus précise au rapport État actionnaire.
Mme Nathalie Goulet pointe encore du doigt sa montre.
S’agissant de la suggestion de M. Patriat d’une meilleure prise en compte, dans les objectifs de performance, de la dimension industrielle de la gestion, la stabilité des indicateurs a été préférée, mais la dimension industrielle a, elle-aussi, été largement reprise dans le cadre du rapport, en particulier avec l’exploitation de la revue industrielle demandée à chaque entreprise, que j’évoquais au début de mon propos.
Jean-Pierre Fourcade et François Patriat, y compris au nom de son collègue Michel Teston, retenu par ailleurs, ont évoqué la question de La Poste.
Dans les opérations dont nous savons d’ores et déjà qu’elles se dérouleront en 2011 – je le dis pour Jean-Pierre Fourcade –, l’une des plus importantes est sans doute l’augmentation de capital de La Poste portant sur 2, 7 milliards d’euros, dont 1, 2 milliard d’euros apportés par l’État et le reste par la Caisse des dépôts et consignations, qui seront libérés sur plusieurs années en fonction des besoins de La Poste.
L’excédent actuel du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » permettra de faire face au premier semestre 2011 à la première tranche d’augmentation du capital de La Poste.
Je le dis à Jean-Pierre Fourcade, qui le comprendra aisément, les consultations avec la Commission européenne, qui est particulièrement tatillonne sur ces questions, ne permettent pas de donner une date exacte.
Certes, mais je l’ai dit moi-même ! C’est évidemment urgent. J’entendais tout à l’heure que, parce que nous aurions pris un peu de retard, ou qu’une visibilité immédiate ferait défaut, ce ne serait pas prioritaire. C’est tout le contraire !
Doit-on pour autant prendre le risque de se faire retoquer au niveau européen ? Nous n’allons pas vous offrir ce plaisir !
M. le secrétaire d’État regarde les travées de l’opposition.
Le versement de la première tranche de capital, pour environ un quart du montant, aura lieu si possible dès la fin de l’année ou au début de 2011, comme je le disais tout à l’heure.
Tels sont les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter, y compris concernant les enjeux de l’État actionnaire. J’ai essayé d’être le plus complet possible. Je vous remercie, les uns et les autres, de la qualité du travail que vous avez effectué à travers vos rapports et vos interventions. Le Gouvernement en a tenu compte avec beaucoup de précision pour prendre un certain nombre de décisions. Je pense notamment, monsieur Fourcade, à la question des participations financières de l’État, ou à celle de la dette, qui sont des préoccupations tant du Gouvernement que de la Haute Assemblée.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et au banc des commissions. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.
Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Engagements financiers de l’État
Charge de la dette et trésorerie de l’État (crédits évaluatifs)
Appels en garantie de l’État (crédits évaluatifs)
Épargne
Majoration de rentes
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission.
Ces crédits sont adoptés.
Nous allons maintenant procéder au vote des crédits du compte spécial « Participations financières de l’État », figurant à l’état D.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Participations financières de l’État
Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État
Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte spécial.
Ces crédits sont adoptés.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » et du compte spécial « Participations financières de l’État ».
Le Sénat va maintenant examiner les crédits de la mission « Provisions ».
La parole est à M. le président de la commission des finances, en remplacement de M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais m’efforcer de suppléer notre excellent collègue Jean-Pierre Demerliat, qui n’a pas pu se rendre disponible cet après-midi pour l’examen des crédits de cette mission « Provisions », que nous avions dû reporter.
À titre liminaire, je formulerai quelques observations générales sur cette mission.
En premier lieu, il s’agit d’une mission originale : en effet, elle est constituée de deux dotations-programmes regroupant des crédits destinés à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances, et qui sont ensuite répartis en tant que de besoin, en cours d’exercice, entre les autres missions.
En outre, et conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, c’est une mission « spécifique », dénuée de stratégie de performance, dont les deux programmes ne font l’objet d’aucun objectif ni indicateur.
J’en viens à présent aux demandes de crédits formulées pour les deux dotations composant la présente mission. D’un montant global initial de 259, 7 millions d’euros, ces crédits en ont fait, une nouvelle fois, la mission la moins dotée du budget général.
Permettez-moi d’entrer dans le détail des dotations.
La dotation du programme Provision relative aux rémunérations publiques a vocation à financer les mesures générales en matière de rémunérations publiques dont la répartition, par programme, ne pourrait être déterminée a priori avec précision.
Pour 2011, dans le projet de loi de finances initial déposé à l’Assemblée nationale, le ministère du budget avait estimé utile de prévoir un montant de 59 millions d’euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement afin de « faire face à d’éventuels besoins d’ajustements en gestion sur la dépense de titre 2 ». S’il est compréhensible que la gestion de la masse salariale de la fonction publique puisse nécessiter une certaine souplesse – nous l’avons vu avec le décret d’avance de la fin d’année 2010 –, la commission des finances considère que cette dotation n’a pas vocation à financer des aléas de gestion en matière de rémunération, ce qui, en outre, pourrait s’apparenter à un contournement du principe de fongibilité asymétrique.
Il faut toutefois souligner que, à l’issue d’une deuxième délibération, l’Assemblée nationale a annulé la totalité des crédits initialement inscrits sur cette dotation, afin de « gager » une partie des ouvertures de crédits consenties, à titre reconductible, sur les autres missions.
La dotation du programme Dépenses accidentelles et imprévisibles, comme son nom l’indique, assure les crédits nécessaires à des dépenses accidentelles, imprévisibles, et urgentes. Il s’agit notamment des charges qu’occasionneraient des catastrophes naturelles, en France ou à l’étranger, ou des événements extérieurs qui nécessiteraient le rapatriement de Français.
Au titre de cette dotation, le projet de loi de finances pour 2011 prévoyait initialement 200, 7 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement. En deuxième délibération, l’Assemblée nationale a minoré ces crédits de 90 millions d’euros, afin de « gager », pour l’essentiel, les moyens supplémentaires inscrits, à titre non reconductible, sur les autres missions, conformément aux souhaits exprimés par sa commission des finances.
Sous le bénéfice des observations que je viens de présenter, la commission des finances a décidé de vous recommander, mes chers collègues, l’adoption sans modification des crédits de la mission « Provisions ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Je rappelle que l’intervention générale vaut explication de vote pour cette mission.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président-rapporteur, mes chers collègues, je me ferai très brève, s’agissant d’une mission destinée à faire face aux dépenses accidentelles, imprévisibles ou urgentes, en France comme à l’étranger, et aux mesures générales en matière de rémunérations.
Sur le premier point, chacun peut entendre que le caractère accidentel et imprévisible de la dépense ne permet que de faire un constat a posteriori, et en rien a priori. La provision 2010 a servi pour partie à couvrir les dépenses attachées à l’acquisition des vaccins contre la grippe A/H1N1, et il me semble que les rapports sur les conditions d’acquisition et d’utilisation de ces vaccins ont été suffisamment éloquents pour que je ne revienne pas sur une utilisation de la mission « Provisions » qui n’a pas pleinement servi l’intérêt général.
Sur le deuxième volet de la mission, j’ai entendu nombre de réflexions, venant parfois des médias, pour alerter les fonctionnaires sur le risque encouru en cette fin d’année de ne pas pouvoir être payés !
Fredaine, fredaine… Une nouvelle fois, comme chaque année, revient le même refrain, qui souligne soit une volonté de désinformation, soit de l’incompétence. Je ne sais choisir entre ces deux mots, ou plutôt entre ces deux maux.
En revanche, je voudrais, monsieur le secrétaire d’État, vous interroger plus avant, ainsi que M. le président de la commission, sur la fragilité des données dont disposent les administrations, qui devraient pouvoir savoir, presque à l’euro près, ce que coûtent les fonctionnaires et agents de la fonction publique.
N’y a-t-il pas là comme un défaut, une carence des systèmes informatiques censés assurer la paie des personnels ? N’aurait-on pas assez prévu d’outils performants pour répondre à cette absolue nécessité de comptabiliser nos ouailles ?
Voilà, monsieur le secrétaire d’État, le sens de cette courte intervention, qui, au demeurant, ne veut en rien signifier une opposition à ce projet de budget. Je vous remercie des précisions que vous voudrez bien m’apporter.
Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP et au banc des commissions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’avais, cet après-midi, la charge de représenter devant vous le Gouvernement lors de l’examen de deux missions budgétaires.
J’ai essayé, dans mon premier discours, d’être le plus complet possible, car de nombreuses interventions méritaient, me semble-t-il, une réponse détaillée.
Vous me permettrez d’être extrêmement bref pour ce deuxième discours, d’autant que M. le président de la commission des finances a tout dit, ou presque. J’ajouterai simplement, à propos des « dépenses indéterminées » qu’il a évoquées, qu’il s’agit de dépenses accidentelles ou imprévisibles, en lien avec des catastrophes naturelles en France et à l’étranger ou avec des événements extérieurs qui peuvent nécessiter le rapatriement de Français d’un pays étranger.
Comme l’a souligné M. le président Arthuis, les deux dotations ont été modifiées par l'Assemblée nationale, et il me semble que le Sénat s’apprête à valider les choix effectués par le Palais-Bourbon. Sur ces questions, le Gouvernement ne peut par conséquent que s’en remettre à la sagesse du Parlement, car, comme vous le savez, il est à son écoute.
Je ne serai pas plus long, en vous remerciant les uns et les autres de siéger si nombreux un samedi après-midi.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et au banc des commissions.
Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Provisions », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Provisions
Provision relative aux rémunérations publiques
Dont titre 2
0
0
Dépenses accidentelles et imprévisibles
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission.
Ces crédits sont adoptés.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Santé ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Santé » rassemble, pour 2011, 1, 22 milliard d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement. Son poids est donc très limité, puisqu’il représente moins de 1 % des dépenses d’assurance maladie.
L’architecture budgétaire de la mission est, une nouvelle fois, profondément remaniée. Elle ne comprendra plus que deux programmes : un programme 204 élargi, Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, et le programme 183, Protection maladie. Si ce remaniement a le mérite de renforcer la lisibilité de la mission puisqu’il permet de regrouper l’ensemble des crédits destinés au financement des politiques de santé mises en œuvre par les agences régionales de santé, les fameuses ARS, il se réalise, cependant, au prix d’une plus grande rigidité de l’architecture de la mission.
En effet, le programme 204 est désormais composé à 90 % de dotations destinées aux vingt-six ARS et aux onze opérateurs de la mission. Quant au programme 183, les marges de manœuvre sont étroites puisqu’il regroupe des crédits « contraints » : les dotations de l’aide médicale de l’État, l’AME, et du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante.
De façon générale, je relève que la programmation pluriannuelle de la mission reflète les contraintes fixées à l’ensemble du budget de l’État : si les plafonds de crédits de la mission augmentent de 2 % en 2011, ils progressent de seulement 0, 4 % en 2012 et diminuent de 0, 2 % en 2013. Ce sont surtout les opérateurs qui subissent les objectifs d’économies du Gouvernement : leurs dotations et leur plafond d’emplois sont globalement en forte diminution.
Je suis, manière générale, favorable à ces mesures. En effet, j’ai souvent attiré l’attention, madame la secrétaire d’État, sur l’augmentation forte des moyens et des effectifs dédiés aux nombreux opérateurs du ministère de la santé. J’ai été néanmoins surpris que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ne reçoive pas de subvention en 2011. J’y reviendrai d’ailleurs à l’occasion de l’examen des amendements.
Je souhaite aborder maintenant quelques points plus ponctuels. Je salue, tout d’abord, les efforts de revalorisation de deux principaux postes de dépenses qui ont fait, par le passé, l’objet de sous-budgétisations récurrentes : la formation médicale et l’aide médicale de l’État.
La grippe A est le deuxième point que je souhaite évoquer : si la révision à la baisse des dépenses liées à la campagne de vaccination est positive du point de vue tant de la santé publique que des finances publiques, elle n’en entraîne pas moins de nouvelles difficultés de suivi des crédits destinés à la gestion des risques sanitaires. La résiliation d’une partie des commandes de vaccins conduit en effet à « une remise à zéro des comptes » de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, difficile à apprécier. Les travaux de la Cour des comptes sur le coût de la campagne de vaccination, demandés par la commission des affaires sociales, devraient nous apporter prochainement des éclaircissements, puisqu’ils sont attendus, me semble-t-il, pour le 15 décembre.
L’année 2011 sera également marquée par la première année de plein exercice des ARS. Si j’approuve cette réforme, j’insiste néanmoins sur la nécessité de renforcer l’information sur les crédits qui leur sont destinés, laquelle nous fait encore trop largement défaut, madame la secrétaire d’État. Si la globalisation de leurs crédits est la contrepartie de leur autonomie, il est cependant indispensable de disposer, au moment du projet de loi de finances – ce qui n’est pas le cas –, d’une information consolidée sur les crédits destinés aux ARS, de même que, en aval, au moment de l’examen du projet de loi de règlement.
Plus ponctuellement, je souhaite attirer l’attention sur une certaine tendance au saupoudrage des crédits de la mission, qu’il s’agisse du financement d’études ou colloques, ou du versement de subventions à des associations. La pertinence de ces mesures au regard de leur coût n’est pas toujours aisée et leur rattachement à la mission pas évident.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d’adopter sans modification les crédits de la mission « Santé » ainsi que les articles 86 bis à 86 nonies.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. le président de la commission des finances applaudissent également.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, à périmètre reconstitué, le budget de la mission « Santé » progresse cette année de 2 %, ce qui, dans le contexte budgétaire actuel, marque l’engagement de l’État en faveur de la santé et dans trois domaines en particulier : la lutte contre le cancer, la formation initiale de médecin, avec l’augmentation du numerus clausus et l’aide médicale de l’État, qui ne sera plus sous-dotée cette année.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite aborder trois thèmes qui me paraissent particulièrement importants : l’adéquation des moyens des agences sanitaires à leurs missions, les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance des agences et l’aide médicale de l’État.
Tout d’abord, un sujet de satisfaction : l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, issue de la fusion de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, et de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, est opérationnelle depuis juillet 2010. Même s’il est trop tôt pour se prononcer sur la viabilité du rapprochement opéré, les premiers mois de la nouvelle agence ont montré l’intérêt que peuvent avoir les démarches de rapprochement et de rationalisation. L’ANSES semble engagée dans un renforcement de son rôle d’expertise susceptible de rallier l’ensemble des personnels dans un projet commun.
Il reste à ce stade une seule ombre au tableau : le maintien dans le périmètre de l’ANSES de la régulation du médicament vétérinaire. Cette compétence me paraîtrait plutôt devoir être confiée à l’AFSSAPS, afin d’éviter que l’ANSES ne soit à la fois expert et régulateur.
Le souci de rationalisation et d’efficacité ne doit cependant pas conduire à entraver l’action des agences. Ainsi, la réduction de la dotation de l’Institut de veille sanitaire, l’INVS, risque de poser pour 2011 des difficultés car cet institut est tout à la fois engagé dans un programme de restructuration immobilière en même temps qu’il doit intensifier l’effort demandé par ses missions. L’épisode de la grippe A/H1N1 a mis en relief la nécessité de renforcer la qualité de l’épidémiologie et de la prévision dans notre pays, ce qui ne peut se faire qu’à partir d’investissements. Nous devrons donc être particulièrement vigilants sur l’évolution des crédits des agences et nous assurer que l’obligation d’une réduction de 10 % de leurs crédits sur les trois prochaines années est compatible avec l’exercice de leurs missions.
J’en viens maintenant au deuxième thème, l’indépendance des agences.
L’affaire du Mediator, dont je ne souhaite pas ici aborder le fond, montre de manière exemplaire l’importance des études en matière de pharmacovigilance. Pour le Mediator, la notification par les praticiens des événements indésirables survenus lors de son usage s’est avérée insuffisante pour alerter suffisamment tôt sur les dangers qu’il présentait ; c’est seulement l’étude menée à partir des fichiers de la Caisse nationale de l’assurance maladie, la CNAM, qui a prouvé le lien entre ce médicament et les accidents cardiaques.
... et donc les financer. De plus, le fait que le financement de l’AFSSAPS dépende de taxes affectées reposant sur les bénéfices des entreprises pharmaceutiques a suscité – vous l’avez lu comme moi – de nombreuses critiques. J’espère, madame la secrétaire d’État, que nous pourrons progresser ensemble sur cette question au travers des amendements qui sont proposés par la commission des affaires sociales.
Je souhaite, enfin, c’est le troisième thème, aborder la question de l’aide médicale de l’État, l’AME.
Le principe de l’aide médicale de l’État découle de la loi du 24 vendémiaire an II, qui disposait dans son article 18 que « tout malade, domicilié de droit ou non, qui sera sans ressources, sera secouru ou à son domicile de fait, ou à l’hospice le plus voisin ». Elle a été organisée par la loi du 15 juillet 1893 relative à l’aide médicale gratuite, qui précise qu’elle concerne les indigents français et étrangers, puis réformée par la loi du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle, la CMU.
L’AME est un dispositif contrôlé et régulé. Les rapports de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et du Parlement ont montré qu’elle remplit efficacement son rôle.
Dès lors, la commission des affaires sociales ne pense pas qu’une partie des amendements adoptés par l’Assemblée nationale soient adaptés à leur objet.
Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question à l’occasion de la discussion des amendements qui vous sont proposés.
Sous réserve d’un amendement qu’elle vous soumet, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Santé ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.
J’indique au Sénat que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Évelyne Didier.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant toute chose, je voudrais vous faire part de ma vive réprobation face à la suppression décidée par le Gouvernement de la dotation d’État qui alimentait jusqu’à cette année encore l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS. Certes, si l’on se borne à un raisonnement purement comptable, cette mesure représente une économie de 10 millions d’euros auxquels on peut ajouter 20 millions d’euros supplémentaires puisqu’il est prévu de reconduire cette mesure jusqu’en 2013.
Mais il est difficile d’imaginer que les activités de l’Agence n’en soient pas affectées. J’ai pu constater que le rapporteur spécial tout comme le rapporteur pour avis partagent cette analyse.
Or, cette agence exerce des missions essentielles puisque, aux termes de l’article L. 5311-1 du code de la santé publique, c’est elle qui notamment « prend [...] des décisions relatives à l’évaluation, aux essais, à la fabrication, à la préparation, à l’importation, à l’exportation, à la distribution en gros, au conditionnement, à la conservation, à l’exploitation, à la mise sur le marché, à la publicité, à la mise en service ou à l’utilisation des produits à finalité sanitaire destinés à l’homme […] ». Rien que cela !
En outre, on sait que d’une manière globale notre système sanitaire est déjà bien fragile. En effet, les pouvoirs publics, au moment où ils ont institué la Haute Autorité de santé, n’ont pas su saisir l’occasion qui se présentait pour rationaliser l’architecture des agences sanitaires et régler le problème de coordination des missions qu’elles se partagent. À titre d’exemple, la dichotomie opérée entre les activités exercées par la commission d’autorisation de mise sur le marché abritée par l’AFSSAPS et celle dite « de la transparence », chargée de l’évaluation de l’efficacité des mêmes produits de santé et qui siège au sein de la Haute Autorité de santé, est éloquente. Plus largement, avec la multiplication des agences sanitaires indépendantes, on comprend que c’est l’autorité même de l’État en matière de santé publique et, par voie de conséquence, son crédit qui sont mis à mal.
Dans ce contexte, la quasi-disparition des financements publics accordés à l’AFSSAPS appelle deux remarques de fond.
Tout d’abord, la situation du financement de cette agence qui prévalait jusqu’à cette année – elle était financée à 90 % par des taxes versées par les laboratoires, les 10 % restants consistant en des subventions publiques – ne permettait déjà pas que l’État finance en totalité les missions dont il reste pourtant le garant – veille sanitaire, pharmacovigilance et inspections. Dans ces conditions, la suppression de la subvention publique dont bénéficiait l’Agence va à l’encontre de ce que le rapport d’information intitulé « Médicament : restaurer la confiance », rendu public par le Sénat en 2005, avait préconisé afin qu’elle puisse exercer ses missions en toute indépendance.
De plus, asseoir les ressources de l’Agence sur le seul produit des taxes versées par les entreprises pharmaceutiques apparaît périlleux. En effet, comment croire que cette dernière puisse travailler à l’abri de toute pression dès lors que son équilibre financier dépend exclusivement du nombre de dossiers qu’elle traite ?
L’affaire du Mediator, qui succède à d’autres scandales sanitaires comme celui du Vioxx, vient témoigner des défaillances de notre système de contrôle du médicament.
Notre système, et ce probablement en raison des liens trop étroits entre les firmes pharmaceutiques et l’expertise, a été amené à autoriser la mise sur le marché ainsi que le maintien de médicaments inutiles et parfois même dangereux. Ainsi, 90 % des nouveaux produits mis sur le marché pour la seule année 2009 n’apportaient aucune amélioration du service médical rendu par rapport à des médicaments déjà existant et la plupart du temps d’un prix inférieur. On mesure par ce seul exemple le gaspillage de fonds publics auquel conduit un tel système.
Rien ne permet de penser que cela va cesser.
Pis, le financement intégral de l’AFSSAPS par le produit des taxes versées par les industriels, notamment au moment du dépôt de leurs dossiers devant la commission d’autorisation de mise sur le marché, va fragiliser encore un peu plus une AFSSAPS déjà bien mal en point. Elle risque d’être conduite, par ce désengagement des pouvoirs publics, à multiplier le nombre d’instructions de dossiers pour disposer des moyens nécessaires à son fonctionnement, la quantité plutôt que la qualité !
La décision du Gouvernement de ne plus subventionner l’AFSSAPS n’est donc pas seulement un signe de faiblesse face aux industriels, c’est aussi une décision contraire aux intérêts de la santé publique.
D’une manière plus générale, il est frappant de constater que le Gouvernement a placé son projet de budget « santé » pour 2011 sous le signe du renoncement.
Avec une hausse d’à peine 2 % de ses crédits de paiement, il enregistre, en effet, une augmentation très modérée, pour ne pas dire homéopathique. Ce très léger relèvement s’explique par les dépenses consenties par le Gouvernement en faveur de la formation médicale initiale. Votre prédécesseur, madame la secrétaire d’État, a en effet précisé le 2 novembre dernier devant l’Assemblée nationale que le Gouvernement avait décidé cette année d’honorer l’engagement pris au début de l’année 2009 lors du débat sur la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », ou HPST, et de porter à 8 000 le numerus clausus, afin d’augmenter le nombre de futurs spécialistes de médecine générale.
Cette mesure va dans le bon sens ; elle ne saurait toutefois suffire à elle seule. L’augmentation du nombre de places disponibles en médecine générale, en effet, ne garantit pas qu’elles soient in fine toutes occupées. En outre, on constate que trop de diplômés de médecine générale renoncent encore à s’installer en qualité d’omnipraticien.
C’est pourquoi nous considérons que des mesures plus volontaristes s’imposent : rendre par exemple obligatoire pour les jeunes diplômés l’exercice de la médecine de premier recours pendant trois ans pourrait constituer une réponse plus opérante à la situation de pénurie, même si, nous vous l’accordons, ce n’est pas la panacée. Il faudrait également prendre d’urgence des mesures concernant l’installation des médecins. S’arc-bouter sur la préservation de leur liberté d’installation conduit à des aberrations dont les patients sont les premières victimes : ceux qui vivent dans les territoires ruraux ou encore dans les quartiers populaires ont d’ores et déjà difficilement accès à un médecin généraliste.
Par ailleurs, force est de constater que les deux dispositions votées avec la loi HPST concernant la démographie médicale – l’obligation faite aux médecins de prévenir de leur absence et pour les praticiens installés en zone « surdense » de consulter dans les zones « sous-denses » via les contrats solidaires – ne sont plus à l’ordre du jour puisque votre prédécesseur a finalement, compte tenu de leur caractère vexatoire à l’égard du personnel médical, décidé de les suspendre purement et simplement. Dans un tel contexte, on comprend que l’efficacité de la hausse du numerus clausus ne peut qu’être limitée ; c’est le seul levier pourtant que le Gouvernement consent à utiliser.
Cette question lancinante de l’accès aux soins nous conduit à évoquer, pour les déplorer, les dispositions visant à réduire l’accès à l’aide médicale de l’État introduites dans le projet de budget de la santé pour 2011 par l’Assemblée nationale. En la matière, beaucoup de critiques peuvent être apportées ; j’y reviendrai à l’occasion de la défense des amendements de suppression que mon groupe a déposés.
Cette décision est d’autant plus regrettable qu’elle s’accompagne d’une nouvelle réduction des crédits alloués à la prévention. Ceux-ci baissent de presque 5 % pour les crédits de paiement et de 2 % pour les autorisations d’engagement. Alors que les comportements à risque se développent et que des maladies sexuellement transmissibles telles que la syphilis réapparaissent, ces mesures d’économies prises en matière de prévention nous semblent incompréhensibles.
Pour conclure, je regrette la réduction importante des moyens octroyés par l’État à la mise en œuvre de l’action 12 du programme 204. Cette réduction de crédits, il est vrai, n’a rien de surprenant ; elle est la conséquence directe du transfert de cette mission à l’industrie pharmaceutique dans le droit fil de la politique du Gouvernement de privatisation de notre système de santé.
Déjà en 2009, à l’occasion de la lecture de la loi « HPST », un amendement gouvernemental offrant la possibilité aux firmes pharmaceutiques de participer au financement de l’éducation thérapeutique avait été voté. Cette décision anticipait déjà le recul budgétaire que l’on observe aujourd’hui ainsi que le transfert de cette mission de service public vers le secteur commercial.
C’est là une belle opportunité offerte aux entreprises pharmaceutiques qui, au travers de ces actions d’accompagnement, peuvent s’engager dans des opérations lucratives de fidélisation des patients.
Une fois de plus, il faut bien reconnaître que les laboratoires pharmaceutiques sont très réactifs et qu’ils ont su anticiper en faisant évoluer leurs méthodes de communication.
Aussi, vous le comprendrez, en raison de toutes ces carences – dont certaines ont été relevées par M. le rapporteur – le groupe CRC-SPG ne peut que voter contre le budget proposé pour cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous abordons l’examen des crédits relatifs à la mission « Santé ».
En termes budgétaires, les crédits de cette mission sont en progression de près de 4 % au titre des autorisations d’engagement et de plus de 2 % pour les crédits de paiement. Cette augmentation est principalement due, d’une part, à l’accroissement de l’effort de l’État en faveur de la formation médicale et, d’autre part, à l’aide médicale de l’État, qui voit ses crédits réévalués de 10 % en 2011, connaissant une progression de 53 millions d’euros.
Ce budget a dû également tenir compte de la réorganisation et de la modernisation de l’offre de soins issues de la dernière réforme hospitalière adoptée par notre majorité.
La création des agences régionales de santé, les ARS, a conduit à un transfert de crédits : ceux qui étaient octroyés au programme relatif à l’offre de soins et à la qualité du système de soins ont été réaffectés au programme Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins. Regroupant ainsi l’ensemble des crédits d’intervention des ARS dans ce programme, à l’exception des dépenses de fonctionnement, la maquette budgétaire sort profondément transformée de cette réforme pour l’exercice 2011.
L’action menée par le Gouvernement pour renforcer la lisibilité et la souplesse de gestion du système ne peut qu’être saluée.
Toutefois, nous nous interrogeons sur les effectifs des ARS. Même si celles-ci manifestent parfois une tendance relativement bureaucratique par rapport au corps médical, nous notons aujourd'hui que les crédits concernant ces effectifs semblent s’inscrire en baisse par rapport à 2010, année durant laquelle 9 591 équivalents temps plein avaient été financés. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, nous rassurer sur cette question ?
Il apparaît essentiel de donner aux organismes de santé les moyens nécessaires pour faire face aux plans de prévention et de promotion de santé qui se multiplieront en 2011. Cette année devrait être notamment consacrée à l’élaboration d’une nouvelle loi de santé publique, qui devrait fixer les priorités en matière de santé publique et améliorer la gouvernance du système de santé au niveau national.
Outre l’action sur les déterminants, la poursuite du plan cancer II, avec le déploiement du dépistage organisé en région, reste l’un des enjeux majeurs de la santé publique. Précédemment, sous l’impulsion du Sénat, des crédits à hauteur de 5 millions d’euros par an ont été affectés à la politique relative aux cellules souches issues du sang de cordon ombilical. Nous aimerions savoir, madame la secrétaire d'État, si vous avez l’intention de continuer à promouvoir cette politique.
L’importance des dépenses consacrées à ces actions démontre la volonté de faire évoluer les comportements individuels. Ces démarches nous apparaissent essentielles pour notre pays, qui dispose d’un système de santé principalement orienté vers le soin et où l’effort en matière de prévention doit être renforcé.
C’est pourquoi nous sollicitons de votre part, madame la secrétaire d'État, des engagements forts pour nous assurer que ces missions ne pâtiront pas du changement de périmètre du programme et du recul des crédits prévus pour les dépenses de personnel.
J’en viens à la question de l’accès à des soins de qualité.
Cette nouvelle action lancée par votre ministère vise à assurer un bon niveau de formation des professionnels de santé, à promouvoir la recherche en médecine, ou encore à optimiser l’organisation des soins. Nous nous réjouissons que les crédits qui nous sont présentés pour la modernisation de l’offre de soins soient en augmentation de 21 %. Cet accroissement, qui mérite d’être souligné, permettra notamment de financer les stages extrahospitaliers pour les futurs médecins et la HAS, la Haute Autorité de santé, laquelle contribue notoirement au renforcement de la qualité des soins.
Madame la secrétaire d'État, en venant tout à l’heure au Sénat, j’ai croisé une manifestation sur les maladies rares. J’aimerais savoir où en est le plan Maladies rares, singulièrement en matière de recherche.
Il s’agit aussi de répondre au problème que pose la démographie médicale.
La répartition du corps médical sur le territoire doit faire l’objet d’un vaste effort de la part de notre majorité. Cela passe notamment par un numerus clausus efficace. Plusieurs réformes sont intervenues concernant la formation des professionnels de la santé, mais certaines zones, notamment en milieu rural ou qui sont touchées par des problèmes d’insécurité, restent dépourvues en termes de démographie médicale.
Nous aimerions savoir, madame la secrétaire d'État, si vous entendez poursuivre les efforts engagés en la matière. Quelles mesures prévoyez-vous de prendre pour favoriser le développement de l’attractivité des zones rurales et des banlieues touchées par les questions d’insécurité, dans lesquelles un nombre grandissant de médecins n’osent plus aller.
Enfin, je souhaite attirer votre attention sur le budget consacré à la lutte contre la drogue. Si ce budget connaît, pour 2011, une baisse de 19 %, pour revenir à 23 millions d’euros, la lutte contre la drogue reste bien sous l’égide de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, qui a impulsé, cette année, des actions ministérielles tout à fait dynamiques pour lutter contre la drogue.
Avec l’apport du fonds de concours, la MILDT disposera d’ailleurs de 12 millions d’euros de crédits supplémentaires par rapport à 2010, un effort qui doit être souligné.
Deux leviers auxquels les Français sont majoritairement favorables semblent désormais essentiels à cette action : la réduction des risques et la répression, facettes d’un même problème. En effet, la drogue est un problème collectif, et non un simple choix personnel.
Un consommateur de drogue, outre le fait qu’il se met en danger, est dangereux pour les autres. Aussi faut-il, hélas ! tempérer les résultats témoignant d’un recul de la consommation de drogues légales ou illégales, car on observe l’apparition de drogues nouvelles, qu’il est facile de se procurer et dont les effets sont totalement délétères, et un phénomène de retour de certaines drogues telles que la cocaïne et l’héroïne. Leur image valorisée dans certains milieux cache leurs conséquences désastreuses et irrémédiables à longue échéance sur les réseaux synaptiques du cerveau.
Enfin, autre phénomène inquiétant, l’augmentation du nombre de jeunes âgés de moins de vingt-cinq ans vivant dans des conditions de précarité extrême et se livrant à une consommation de drogue aux risques accrus.
Dès 1988, Michèle Barzach avait lancé une politique de réduction des risques. Aujourd’hui, il faut également nous concentrer sur la réinsertion sociale et le sevrage des usagers qui peuvent encore bénéficier de ces mesures.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous donner quelques assurances en la matière ?
En dépit d’un contexte de maîtrise des dépenses, le projet de loi de finances pour 2011 réalise un équilibre entre économies budgétaires indispensables et soutien nécessaire aux personnes les plus vulnérables, et nous nous en réjouissons.
La France est l’un des pays qui accorde le plus d’attention aux dépenses de santé et assure l’un des plus hauts niveaux de protection sociale au monde. Il s’agit, pour nous, de préserver ce modèle, fondé sur la solidarité, en le rendant le plus efficace et le plus rationnel possibles.
C’est pourquoi le groupe UMP a choisi de contribuer à sa pérennité et à sa modernisation en votant les crédits de la mission « Santé ». §
Mais j’en viens au budget qui nous occupe aujourd'hui.
Pas de surprise, la mission « Santé » est, elle aussi, frappée par les restrictions budgétaires voulues par le Gouvernement ! Les ministres se succèdent, mais, quels qu’ils soient, ils ne comprennent pas, n’admettent pas que la santé ne dépend pas d’une logique comptable, qu’elle est non pas un luxe, mais un droit inscrit dans notre Constitution.
Parlons de la prévention.
Le programme Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins voit ses crédits diminuer de près de 5 % et la prévention ne représente qu’un tiers de ces crédits ! Aussi peu d’argent pour la prévention, c’est dramatique !
Quand on est face à des épidémies de cancer, quand le nombre de malades du sida ne cesse d’augmenter, quand l’amiante n’en finit pas de faire des victimes, …
… le principe de précaution devrait être également appliqué dans le domaine de la santé, ce qui permettrait d’éviter, à terme, des dépenses plus lourdes.
Il faut agir fortement sur les causes des maladies, qui sont de plus en plus souvent liées à la mauvaise qualité de l’air, de l’eau, de nos aliments, à nos modes de vie.
Mais la prévention fait partie d’une autre approche de la santé, une approche globale, qui mettrait l’accent sur l’éducation en matière de santé, qui s’appuierait sur une médecine du travail indépendante et proposerait une meilleure offre de soins sur l’ensemble du territoire. Manifestement, vous ne souscrivez pas à cette approche, madame la secrétaire d'État.
Après avoir tenté de faire passer un cavalier législatif sur la médecine du travail, censuré par le Conseil Constitutionnel, rien n’arrête le Gouvernement.
La semaine dernière, c’est l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, chargée de proposer des solutions pour améliorer les conditions de travail et prévenir le stress et les pénibilités, qui a vu son budget diminuer de 10 %. Quel cynisme, alors que votre ministère regroupe désormais santé et travail ! De plus, c’est en contradiction avec les conclusions du rapport d’information sénatorial sur le stress au travail !
Et où en est-on de l’instance de garantie de l’indépendance de l’expertise demandée par le Grenelle 1 ? Le texte évoquait une « instance d’appel en cas d’expertises contradictoires ». Une telle structure aurait eu une utilité certaine dans la gestion de la grippe A/H1N1 et aurait peut-être évité que des conseillers à la solde des grands groupes pharmaceutiques ne se laissent entraîner dans un conflit d’intérêt en surestimant les commandes de vaccin et en entretenant un mensonge d’État.
Un rapport sur l’opportunité de créer cette instance de garantie devait être remis par le Gouvernement au Parlement en août dernier. Or toujours rien ! J’aimerais savoir où nous en sommes, ou, plutôt, j’aimerais savoir où vous en êtes, madame la secrétaire d'État.
Et pendant ce temps, la part des frais de santé augmente dans le budget des ménages, surtout, évidemment, chez les plus modestes et chez ceux qui souffrent de pathologies chroniques.
Par ailleurs, les crédits de personnels ne sont pas abordés dans cette mission, mais une chose est sûre : nos hôpitaux manquent de personnels. Entre les centres IVG qui ferment et l’AP-HP qui subit des réductions drastiques d’infirmiers et de médecins, comment assurer un service public de qualité ?
Au-delà d’un service public de qualité, est-ce trop demander que ce service soit accessible à tous ?
Dans le programme Protection maladie, la majorité présidentielle s’en prend à l’aide médicale de l’État, l’AME, qui bénéficie aux personnes en situation irrégulière vivant en France et dont les revenus ne dépassent pas 634 euros par mois.
Parmi les bénéficiaires de l’AME, les pathologies graves sont surreprésentées, tels les problèmes neurologiques, cardiaques et le VIH.
Comme l’indique M. Jégou dans son rapport, les dépenses d’AME « répondent à un double objectif humanitaire et de santé publique ».
Je précise d’ailleurs que le montant de ces dépenses s’élevait, en 2009, à 540 millions d’euros, ce qui représente moins de 0, 3 % des 160 milliards d’euros de dépenses de la branche maladie de la sécurité sociale.
Chers collègues, comptez-vous sincèrement restreindre l’accès aux soins pour ces personnes qui vivent déjà dans une extrême précarité ?
Vous savez pertinemment, et le rapporteur lui-même l’a souligné, qu’obliger des malades insolvables à payer aurait pour effet de les faire renoncer à ces soins.
C’est inhumain. Et nous aurons l’occasion d’y revenir lors des amendements déposés par ma collègue Alima Boumediene-Thiery.
Alors, madame la secrétaire d’État, résumons votre projet : moins de prévention, moins de personnels dans les hôpitaux, mais toujours plus de frais pour les malades et de nombreux médicaments qui ne sont pas remboursés ; les accidentés du travail vont maintenant payer des impôts sur leurs indemnités journalières ; quant aux sans-papiers vivant sous le seuil de pauvreté, ils devront payer pour accéder aux soins !
Mme Marie-Thérèse Hermange proteste.
Parce que les écologistes sont pour une véritable citoyenneté de la santé pour toutes et tous, s’inscrivant dans une logique de progrès, prenant en compte les contraintes environnementales, indépendante des intérêts privés, nous voterons contre le budget de la mission « Santé ».
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, fixés à 1, 22 milliard d’euros pour 2011, les crédits de la mission « Santé » augmentent de 2 % en crédits de paiement par rapport à 2010. Cette légère progression recouvre en réalité des évolutions contrastées, entre les programmes et à l’intérieur même de ceux-ci. Je ne les détaillerai pas ici, le rapporteur s’en est excellemment chargé.
Permettez-moi seulement de faire quelques remarques sur les éléments marquants de ce budget. L’année 2010 a vu la mise en place des agences régionales de santé, créées par la loi HPST. Il ne serait pas inutile, madame la secrétaire d’État, que soit dressé un bilan de la manière dont cela s’est passé et de dire si les problèmes de coordination nationale des ARS, de leurs relations avec la CNAM sont réglés. Je pense traduire là le sentiment général interrogatif en soulignant combien nous attendons de ces structures. Comme l’a dit le rapporteur spécial, la présentation globalisée de leurs moyens ne permet plus un contrôle ex ante par le Parlement. Nous l’avons voulu ainsi, mais nous resterons vigilants ex post.
Autre élément marquant de ce budget : le vent de rigueur qui frappe les nombreux opérateurs de la mission, et en particulier l’AFSSAPS qui ne bénéficie d’aucune subvention de l’État sur la période 2011-2013. En sa qualité de rapporteur de la mission « sécurité sanitaire » durant plusieurs années, mon excellent collègue Gilbert Barbier a souvent dénoncé le chevauchement entre les compétences des différentes agences, source d’incohérence et de dispersion des moyens. Avec lui, je ne peux donc qu’approuver les mesures prises aujourd’hui.
Cela étant, l’exemple du Benfluorex démontre amplement la nécessité de renforcer la pharmacovigilance. Pourquoi le Médiator a-t-il pu rester si longtemps sur le marché, alors que les alertes sur la dangerosité de la molécule datent de plus de dix ans ? Y a-t-il eu conflit d’intérêt ? Il appartiendra à l’IGAS saisie de répondre à ces questions et de déterminer les éventuelles responsabilités. Qu’il me soit au moins permis, à ce stade, d’appeler à plus de transparence dans les procédures et décisions des diverses agences. Les comptes rendus de réunion de l’AFSSAPS sont certes publics, mais on ne sait pas qui dit quoi et qui vote quoi. De surcroît, le financement de cette agence par les seuls laboratoires interpelle forcément ; il accrédite l’idée d’un mélange des genres, peu opportun.
Troisième sujet de préoccupation, la baisse des crédits destinés à l’éducation à la santé – ils diminuent de 11% – et de ceux qui sont consacrés à la prévention des risques infectieux et environnementaux – la réduction atteint 20 %. Madame la secrétaire d’État, le plan cancer est évidemment une priorité qui justifie un effort supplémentaire – ses crédits ont crû de 23% –, mais n’oublions pas une autre maladie qui continue de faire des ravages, je veux parler du sida. On dénombre 7 000 à 8 000 nouvelles contaminations chaque année et quelque 50 000 personnes ignorent leur séropositivité. C’est dire la nécessité d’une vraie politique de dépistage.
Gardons à l’esprit qu’un euro dépensé dans la prévention, c’est autant, sinon beaucoup plus, d’économisé dans le soin. La grande loi de santé publique, promise par votre prédécesseur pour cette année, se fait malheureusement attendre !
Au chapitre des satisfecit, je note le très net effort consenti en faveur de la formation initiale des professionnels de santé, avec une augmentation de 21, 6 %. La nouvelle spécialité de médecine générale mérite une attention particulière face au problème de la démographie médicale. Ce problème, pour l’heure, n’est pas tant le nombre de médecins, qui, d’après le dernier atlas du Conseil national de l’Ordre, est stabilisé à un niveau élevé, que leur répartition sur le territoire. L’Île-de-France compte 222 spécialistes pour 100 000 habitants, soit le double de la Picardie, que je connais bien pour y avoir là des enfants médecins, et je ne parle pas d’une zone reculée rurale comme mon propre département de l’Aveyron.
Il est indispensable d’agir sur les facteurs déterminants de l’installation des médecins. Roselyne Bachelot a mis en place plusieurs outils, notamment le contrat d’engagement de service public. Il est sans doute trop tôt pour évaluer leur efficacité et leurs conséquences sociologiques. Mais nous devons aller plus loin, au risque d’une grave désorganisation de notre système de soins et d’un surcoût financier, les patients étant conduits à s’orienter vers l’hôpital.
Mon collègue Gilbert Barbier l’a déjà dit dans cette enceinte : les mesures coercitives ne sont pas la bonne méthode ; elles sont dissuasives. Les médecins associent déjà au statut libéral de fortes contraintes ; il n’est qu’à voir les chiffres : seulement 8, 6 % des nouveaux inscrits à l’Ordre en 2009 ont fait le choix de l’exercice libéral. Ce faible attrait se vérifie même en radiologie, discipline souvent pointée du doigt comme la plus lucrative. Les jeunes médecins sont aussi de plus en plus nombreux à devenir « remplaçants » plutôt que de s’installer. Et ce n’est pas le recours aux praticiens étrangers, dont la formation est parfois insuffisante, qui permettra de résoudre le problème.
Le rapport d’Élisabeth Hubert, remis vendredi dernier au Président de la République, propose un ensemble de mesures intéressantes. Quelques-unes ont déjà été relevées, notamment lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale : appui à l’exercice regroupé, refonte totale des tarifs de consultation, rémunération spécifique et incitative pour l’exercice en zones sous-denses, développement de la télémédecine.
L’idée d’un recours à de nouveaux modes de rémunération, de type forfaitaire, semble progresser au sein de la communauté médicale. C’est évidemment une question lourde d’enjeux financiers. En tout état de cause, c’est la négociation conventionnelle qui devra en déterminer les contours.
L’enjeu des dix prochaines années sera très certainement le développement des systèmes d’informations et de la télémédecine. La télésanté peut être source d’économies. Sur ce point, les médecins de ville ont fait des progrès mais les liens entre l’hôpital et l’ambulatoire sont encore trop limités.
Enfin, je dirai un dernier mot sur l’aide médicale de l’État. Depuis 2002, le nombre de bénéficiaires de ce dispositif a augmenté de 40 %, entraînant une envolée des dépenses. Le sujet est complexe. D’un côté, il y a une exigence humanitaire et sanitaire ; de l’autre, il y a, je dois le reconnaître, des abus, l’AME servant parfois de médecine du travail pour les filières de travail clandestin et favorisant une certaine forme de tourisme médical.
Sans attendre le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et de l’Inspection générale des finances, l’IGF, l’Assemblée nationale a souhaité réformer le dispositif, en recentrant le panier de soins des bénéficiaires sur les actes à service médical suffisant, en créant un droit de timbre annuel de trente euros et en limitant le nombre d’ayants droit.
Ces dispositions sont-elles applicables sur le terrain ? Madame la secrétaire d’État, je crois que là, il nous faut travailler et réfléchir en toute sérénité. Le groupe RDSE auquel j’ai l’honneur d’appartenir sera partagé, comme à l’habitude, entre ceux qui iront dans le sens de ce budget et ceux qui, inquiets de l’évolution de l’exercice de la médecine dans notre pays, s’abstiendront ou voteront contre ce budget.
M. Jean Desessard applaudit.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, Mme Hermange ayant donné la position du groupe de l’UMP sur ce budget, je voudrais m’exprimer comme responsable du comité d’évaluation de la loi Hôpital, patients, santé et territoires. Je ferai quatre observations.
Première observation : la gouvernance hospitalière se met en place dans de bonnes conditions. Le fameux conflit entre les directeurs d’hôpitaux et les médecins est apaisé. Nous avons suffisamment interrogé à la fois les conférences de directeurs d’hôpitaux, quelle que soit leur taille, et les conférences des présidents de CME, ou commissions médicales d’établissements, pour voir que cela fonctionne bien.
Il y a deux difficultés. La première est que nombre de directeurs d’hôpitaux ont pris l’habitude de réunir des comités exécutifs, beaucoup plus larges que le directoire, et, par conséquent, l’administration actuelle des hôpitaux est composée de trois assemblées : un directoire élargi, un conseil de surveillance et une commission médicale d’établissement. Aussi, le problème de l’harmonisation des pouvoirs et des responsabilités entre les trois assemblées va constituer demain le problème de fond de la gestion hospitalière.
La deuxième difficulté est plus sérieuse : l’organisation des pôles à l’intérieur des établissements hospitaliers, qui a fait l’objet de l’excellent rapport Vallet, montre que la notion de délégation de pouvoirs à la fois financière et de gestion des personnels des directeurs vers les chefs de pôle ne se fait pas. Notre comité, et ce sera un de ses travaux importants, ira voir sur place comment cela fonctionne.
Deuxième observation : la coopération hospitalière démarre bien. Nous sommes allés à la fois en Lorraine et en Picardie. Nous avons vu le rapprochement de Metz et Nancy, qui est quelque chose d’extraordinaire. Nous avons également vu des opérations très intéressantes autour de Beauvais. En revanche, le groupement de coopération sanitaire, qui devrait évoluer vers un établissement de santé, ne fonctionne pas. C’est une formule creuse, qu’il faudra donc remettre en état de fonctionner.
En ce qui concerne la coopération pour les petits établissements hospitaliers et les élus locaux, il y a simplement une difficulté qui consiste à éviter que celle-ci ne se traduise par une centralisation. Et comme nous voulons développer l’offre de soins de qualité sur tout le territoire, il faut être très vigilant quant à l’organisation de ces communautés hospitalières.
Troisième observation : comme l’a dit ma collègue Mme Hermange, les ARS sont de grosses administrations. Concernant les contacts avec les directeurs d’hôpitaux, les élus ou les préfets de département – le préfet de région présidant le conseil de surveillance de l’ARS, cela se passe bien – qui se sentent un peu isolés dans cette organisation, il faudra veiller à la mise en place de rapports plus solides sur le plan local avec les ARS.
Depuis un an que les directeurs d’ARS sont mis en place, on les a très souvent réunis à Paris. Madame la ministre, ne cédez pas à la tentation de les appeler tous les matins dans votre cabinet : ils doivent être un peu sur le terrain, pour voir les directeurs d’hôpitaux, les médecins, les universitaires.
MM. Jacques Gautier et André Dulait applaudissent.
Laissez-les un peu organiser et travailler sur place ; facilitez-leur l’opération ! C’est d’ailleurs l’objet de la proposition de loi que j’ai déposé à la commission des affaires sociales.
Enfin, quatrième et dernière observation, il y a un défi très important devant nous : la création des instituts hospitaliers universitaires, les fameux IHU. On a prévu un crédit de 850 millions d’euros pour en réaliser cinq. Évidemment, on a trente projets et la réaction instinctive du commissaire aux investissements, M. Ricol, et de ses collègues, notamment M. Tavernier, a été de dire qu’il n’était pas question de faire un IHU dans chaque CHU. Par conséquent, le problème des cinq, voire six ou sept, IHU que l’on doit réaliser est tout à fait important pour deux raisons.
La première raison est que cela va attirer un certain nombre de jeunes qui vont vouloir travailler dans ces IHU qui vont tout de suite prendre une dimension internationale. C’est sans doute par ce biais que l’on fera revenir en France de jeunes praticiens ou de jeunes universitaires qui sont partis aux États-Unis ou ailleurs.
La deuxième raison tient à ce que cela va donner à l’ensemble de notre équipement hospitalier une réputation internationale importante.
Donc, madame la ministre, puisque vous codirigez cette opération avec la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, prenez toute votre part dans le choix des cinq IHU. C’est un défi essentiel pour la qualité de notre médecine et pour la réputation de nos établissements.
Tels sont les propos que je voulais tenir dans les cinq minutes qui m’étaient imparties. Ils constituent le début d’un rapport d’étape. Vous aurez un rapport définitif beaucoup plus approfondi dans quelques mois. Je crois avoir cerné les problèmes, y compris celui de la démographie médicale, qui est évoqué par tous les intervenants et auquel nous devons nous attaquer. Un problème d’une telle importance ne peut être réglé par une ou deux formules. C’est l’ensemble de la formation des futurs médecins, de leur installation dans le paysage local, de leur implantation dans les quartiers que nous mettons en place dans les collectivités qui est en cause. C’est un grand sujet, qui fera évidemment aussi l’objet de notre rapport.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Payet et M. Jean Desessard applaudissent également.
M. Jean Desessard applaudit.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, une politique de santé publique est une politique qui parvient à réduire les inégalités face à la santé.
Or, de ce point de vue, et c’est le seul qui vaille, les indicateurs les plus récents – le rapport statistique annuel du Secours catholique
Mme Marie-Thérèse Hermange s’exclame.
Ces indicateurs nous montrent, d’une part, le cumul des difficultés qui font que les mêmes additionnent les revenus les plus bas, le moindre niveau de diplôme et les conditions de travail les plus dures et, d’autre part, la corrélation de ces difficultés cumulées avec le taux de retard ou de renoncement aux soins.
Ces déterminants socioéconomiques se retrouvent dans tous les domaines de morbidité, qu’il s’agisse de maladies cardiovasculaires, de cancers, d’accidents, de problèmes dentaires ou de santé mentale.
Selon l’Enquête sur la santé et la protection sociale 2008 de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, l’IRDES, publiée en juin 2010, sur une période de dix ans, le taux de renoncement à des soins pour des raisons financières augmente de 1998 à 2000, chute fortement de 2000 à 2002 et augmente constamment depuis. Il est inversement proportionnel au niveau de vie, lui-même corrélé au niveau d’études.
La mesure individuelle de fragilité sociale, au moyen du score d’évaluation de la précarité et des inégalités de santé dans les centres d’examens de santé, dit « score Épices », établit l’augmentation des comportements à risques et des renoncements aux soins, y compris préventifs, la dégradation de l’état de santé physique et mentale selon le degré de précarité qui génère un plus grand nombre de personnes en affection de longue durée, ou ALD.
Je m’en réfère, en tout premier lieu, à ces indicateurs parce qu’ils synthétisent, à l’échelon national, les dégradations que nous constatons auprès de nos concitoyens et dans les services locaux, parce qu’il s’agit incontestablement de questions de santé publique et parce que ces indicateurs, sauf erreur de ma part, sont singulièrement absents du bleu budgétaire pourtant consacré à la mission « Santé ».
Nous connaissons pourtant toujours en France ce paradoxe qui oppose niveau de soins et niveau de prévention : notre système de santé est l’un des meilleurs au monde, notre espérance de vie ne cesse de croître, notre fécondité reste parmi les plus élevées en Europe, mais la mortalité des ouvriers et employés reste trois fois plus importante que celle des cadres supérieurs, la différence d’espérance de vie à la naissance est de plus de dix ans entre les zones nord et sud, et le taux de prématurité varie du simple au triple selon le niveau scolaire de la mère...
Ce que je veux souligner ici avec insistance, c’est à la fois le caractère évitable de ces pathologies sociales liées à la précarité, la source considérable d’économies que constituerait un investissement massif en politique de prévention, mais aussi le caractère impérativement transversal qui en conditionne l’efficacité.
Mais nos récents débats sur le projet de réforme des retraites ont suffisamment montré, avec la vassalisation de la médecine du travail et une conception de la pénibilité réduite à une invalidité avérée d’au moins 10 %, que ce gouvernement n’a pas intégré cette nécessaire notion de transversalité.
Les données financières de cette mission « Santé » confirment que la prévention n’est pas un impératif de ce gouvernement. Inscrit dans la rigueur générale, l’ensemble des crédits du programme 204, Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, régresse de près de 5 %. S’il faut se féliciter de l’augmentation des crédits de formation initiale, le reste est saupoudrage, cela a été dit. L’examen détaillé des actions est même inquiétant.
L’objectif annoncé de l’action 12, Accès à la santé et éducation à la santé, en faveur de la prévention des grossesses indésirables, est démenti par la diminution des budgets alloués au Planning familial, les fermetures de centres d’interruption volontaire de grossesse et la grande discrétion des campagnes de sensibilisation sur la contraception.
L’objectif de l’action 13, Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins, que constituent toujours sida, hépatite et tuberculose, est mis à mal par la baisse des crédits de 15 %. Le dernier rapport public annuel de la Cour des comptes, du 9 février 2010, et l’Avis conjoint du Conseil national du sida et de la Conférence nationale de santé relatif au projet de plan national VIH/sida du 17 juin 2010 font état d’une politique inefficace face aux défis actuels, d’absence de moyens, de plan timoré en matière de dépistage et de traitement, et surtout d’un manque de cohérence entre les politiques publiques s’agissant des personnes migrantes – j’y reviendrai –, des détenus, des usagers de drogues, des prostituées... De plus, le budget lié à la prévention de la santé au travail chute de 15 % et celui de l’éducation à la santé baisse d’un tiers depuis trois ans...
Au-delà se pose même un réel problème d’évaluation des politiques de santé publique. En termes de lisibilité, la nouvelle maquette budgétaire ne favorise pas les comparaisons et la globalisation des crédits du programme Prévention et sécurité sanitaire ne permettra plus d’avoir connaissance en amont des politiques menées, puisqu’elles ne sont plus détaillées par type d’action.
En termes d’efficacité, les opérateurs de l’État sont non seulement frappés par la baisse de leurs effectifs et de leurs financements – c’est le cas de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS, qui est la plus touchée, de l’Institut de veille sanitaire, l’INVS, de l’Agence de biomédecine et de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES –, mais aussi par le maintien d’une confusion d’intérêts qui nécessite un réexamen détaillé de la cartographie de ces agences, comme cela est d’ailleurs recommandé dans un récent rapport parlementaire.
Nous sommes apparemment unanimes à regretter que la lisibilité du budget ne soit pas meilleure que les politiques qu’il porte.
La loi de santé publique annoncée nous permettra peut-être enfin d’appréhender les choses de manière complète, d’avoir une vision générale de la santé en France et de ses financements, tous budgets compris, de l’État et de la sécurité sociale, afin de proposer une politique plus volontaire de réduction des inégalités, ce qui n’est malheureusement toujours pas le cas aujourd’hui.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, sur le temps qui m’est imparti, je voudrais maintenant me faire le porte-parole de notre collègue René Teulade, ancien ministre, qui souhaitait s’exprimer ainsi.
Ce budget peut être considéré comme un budget annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont nous venons de terminer récemment l’examen.
Cette année, l’architecture budgétaire de cette mission est une nouvelle fois remaniée, ce qui ne favorise pas les comparaisons. De plus, l’entrée en application de la loi HPST, votée en 2009, a des conséquences fortes sur la loi de finances.
La mise en place des agences régionales de santé provoque le regroupement des crédits dans le programme 204, Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins. Ce regroupement, peu lisible, masque une nette diminution des crédits.
Les opérateurs, notamment l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, subissent les objectifs de réduction de dépenses du Gouvernement.
Lors de la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale avait été soulevé le problème du Mediator, interdit l’an dernier par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Nous pouvons nous interroger sur l’opportunité de réduire aujourd’hui les crédits de cette agence quand celle-ci doit bénéficier de moyens nécessaires pour garantir la santé des Français en contrôlant la sécurité et la qualité des produits de santé distribués dans le pays.
Un désaccord, le même jour, avait été également exprimé sur les amendements adoptés lors de la première lecture à l’Assemblée nationale concernant l’aide médicale de l’État. Le Gouvernement avait répondu qu’ils étaient « hors sujet », ces dispositions étant contenues dans le projet de loi de finances. Nous y voilà !
On ne peut, bien sûr, qu’approuver l’augmentation des crédits destinés à l’aide médicale de l’État depuis 2008. Relevant de la solidarité nationale, cette aide est entièrement financée par l’État. Elle représente 588 millions d’euros pour 2011. Environ 215 000 personnes en ont bénéficié en 2009. Cette aide, qui existe depuis 1893, était, à l’époque, destinée à tous les démunis.
Depuis 2007, l’aide médicale de l’État a subi de nombreux aménagements. Madame la secrétaire d'État, votre politique, qui n’est pas seulement marquée par la réduction des dépenses publiques, tente, depuis une dizaine d’années, de remettre en cause cette aide, marqueur de la solidarité républicaine offerte à des personnes en grande difficulté.
Après une tentative de remise en cause de l’aide médicale de l’État lors de l’examen du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, l’Assemblée nationale a adopté le 2 novembre, avec l’avis favorable du Gouvernement, le démantèlement de l’aide médicale de l’État : restriction du panier de soins aux seuls actes dont le service médical est important ou modéré, …
… récupération des sommes indûment versées aux bénéficiaires et, pour finir, création d’un droit d’entrée annuel par adulte bénéficiaire.
Sans attendre les conclusions de la mission conjointe de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances, les amendements adoptés par l’Assemblée nationale remettent en cause l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière, au mépris des considérations de santé publique, des valeurs éthiques et déontologiques qui devraient fonder nos actions de solidarité et de soins, bref, au mépris de la solidarité promue par notre République dans ses principes et, au premier chef, celui de la fraternité.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Jean Desessard applaudissent également.
Madame la secrétaire d'État, l’année dernière, s’est tenu au palais de l’Élysée, sous la présidence du chef de l’État, un comité interministériel qui a validé la création d’une filière hospitalo-universitaire à la Réunion et à Mayotte, soit une communauté de 1 million d’habitants.
Nous devons remercier – je parle également au nom de ma collègue Anne-Marie Payet, ici présente – les divers gouvernements qui se sont succédé, tout particulièrement celui-ci, des efforts qu’ils ont accompli pour combler le retard qui est le nôtre en matière de santé et d’égalité devant la santé – c’est quand même l’un des premiers devoirs de l’État ! –, efforts qui ont porté leurs fruits. Progressivement, nous rattrapons donc notre retard et l’espérance de vie rejoint celle de la métropole.
Toutefois, d’autres retards persistent ; ce sera le sens de mon intervention qui sera brève. En effet, je serai suffisamment concis et précis pour ne pas utiliser mon temps de parole de cinq minutes.
Madame la secrétaire d'État, nous aimerions que vous nous indiquiez si, grâce au plan Hôpital 2012, le département de la Réunion et le nouveau département français de Mayotte bénéficieront des crédits qui vous ont été demandés par les autorités locales, celles du monde hospitalier comme les représentants de l’État sur place.
Pour le centre hospitalier Félix-Guyon de Saint-Denis de la Réunion, nous avons demandé la création indispensable du bâtiment dédié aux soins critiques dont nous avons besoin. Nous souhaitons que la moitié de son coût, à savoir 40 millions d’euros, soit financée par le plan Hôpital 2012.
Le Groupe hospitalier Sud-Réunion, GHSR, a besoin d’un investissement de 80 millions d’euros. L’hôpital en financera la moitié, mais nous souhaitons obtenir l’autre moitié.
Dans l’ouest de l’île, qui n’a pas de structure hospitalière publique digne de ce nom, l’hôpital Gabriel-Martin est insuffisant pour la communauté de vie d’environ 200 000 habitants. Nous souhaitons obtenir avec Mayotte la moitié de l’investissement de 140 millions d’euros nécessaire pour le pôle sanitaire.
Je souhaite que vous puissiez me répondre favorablement. À un moment où l’industrie du bâtiment traverse une crise, comme en métropole, nous pourrions faire d’une pierre deux coups : soigner les malades et l’économie !
Je vous remercie par avance, madame la secrétaire d'État.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord souligner l’excellence des travaux qui ont été conduits par la commission des finances et la commission des affaires sociales, et qui trouvent leur traduction dans les rapports de MM. Jean-Jacques Jégou et Alain Milon.
Nous sommes réunis aujourd’hui pour l’examen des crédits de la mission « Santé ». Le montant en crédits de cette mission budgétaire est certes modeste, comparé à ceux qui sont retracés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui a été examiné le mois dernier, mais ils n’en sont pas pour autant moins importants.
Vous l’avez noté, monsieur le rapporteur, l’architecture budgétaire a profondément évolué. Cette mission ne recouvre désormais plus que deux programmes.
Le premier, le programme 204, Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, a fusionné avec l’ancien programme 171. Ainsi sont regroupés sur un même programme l’ensemble des crédits de la mission « Santé » destinés au financement des politiques de santé mises en œuvre sur le terrain par les agences régionales de santé.
La lisibilité et la souplesse de gestion sont renforcées. Les agences régionales de santé recevront donc désormais les contributions de deux programmes du budget de l’État : le programme 124, pour le fonctionnement, et le programme 204, pour les interventions.
Le second programme, le 183, Protection maladie, qui, lui est inchangé en termes de structure, recouvre les crédits ouverts au titre de l’aide médicale de l’État et du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA.
J’évoquerai tout d’abord l’évolution globale des moyens consacrés à cette mission. Elle va, comme la plupart des missions du budget de l’État, participer à la maîtrise de nos comptes publics, mais avec un peu moins de rigueur que d’autres.
Ces moyens affichent ainsi une progression limitée à 2 % sur la période 2011-2013.
Pour 2011, les crédits s’établissent à 1, 221 milliard d’euros, soit 23, 4 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2010. Contrairement à ce qui se passe pour d’autres missions, nous n’intégrons pas dans celle-ci les crédits afférents aux personnels concourant à la mise en œuvre de la protection maladie, puisqu’ils sont portés par la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Si nous voulions faire des comparaisons utiles et apprécier véritablement le périmètre d’action de la mission « Santé », monsieur Jégou, il conviendrait d’y ajouter environ 550 millions d’euros. Si l’on tient compte des contributions des régimes d’assurance maladie, les ARS disposeront au total d’un budget supérieur à 1 milliard d’euros en 2011.
Pour autant, comme vous l’avez fait remarquer, madame Hermange, les ARS, comme les autres opérateurs de l’État, verront leurs effectifs diminuer. Ils s’établiront en 2011 à 9 447 emplois. C’est un gain de productivité de 1, 5 %, conforme aux lignes directrices élaborées par le Premier ministre pour la construction du budget.
Je souhaiterais d’ailleurs dire quelques mots sur le premier bilan que nous pouvons faire de ces nouvelles structures, monsieur Fourcade. Après une phase de préfiguration de six mois, les ARS ont été créées au 1er avril 2010, en application de la loi HPST. Les articulations avec les acteurs régionaux sont donc encore pour partie en voie de constitution.
Les ARS ont procédé rapidement à la mise en place de leurs conseils de surveillance, qui se sont réunis pour la première fois en juin-juillet.
Toutes les agences ont disposé de protocoles provisoires pour organiser leurs relations avec les préfectures de leur région. En juillet 2010, cinq ARS avaient déjà conclu leurs protocoles définitifs et au moins trois autres étaient sur le point d’y parvenir.
Lieux majeurs de la démocratie sanitaire et de l’association des acteurs de santé, les nouvelles conférences régionales de santé et de l’autonomie, les CRSA, ont été rapidement mises en place : 21 étaient constituées en juillet 2010. Les cinq autres ARS ont réuni leur CRSA en septembre 2010.
L’élaboration et l’adoption des projets régionaux de santé, les PRS, prévues pour la fin de l’année 2011, seront aussi l’occasion de structurer leurs relations et leur partenariat avec les acteurs de santé régionaux.
Avec la mise en place des agences régionales de santé, le Gouvernement a en outre souhaité maintenir le montant des moyens consacrés aux projets régionaux de santé publique. Ces crédits ne seront donc pas impactés par la norme de diminution des crédits d’intervention. Ils connaîtront même une légère augmentation de 2 millions d’euros l’année prochaine, leur montant atteignant ainsi 189 millions d’euros.
Au regard de la contrainte budgétaire, cet effort n’est pas négligeable. Il est surtout stratégique car le développement des politiques régionales de santé bénéficiera d’un maximum de marges de manœuvre.
Les choix que nous avons faits dans ce projet de loi de finances permettront ainsi de renforcer les priorités de l’État en matière de santé publique.
Il s’agit, tout d’abord, de favoriser le développement de la formation médicale initiale et continue et vous avez souligné cet effort, madame Hermange.
Les moyens budgétaires consacrés à cette priorité du Président de la République augmenteront de 20, 3 % en 2011, soit plus de 20 millions d’euros.
Les crédits des actions de formation médicale initiale des professions médicales et paramédicales, désormais regroupées au sein du programme 204, s’élèveront à 121, 5 millions d’euros en 2011, soit une progression de 20 %. Ces moyens permettront la prise en charge des dépenses effectuées pour les formations extrahospitalières à hauteur de 115, 3 millions d’euros, dépenses en croissance forte compte tenu de l’augmentation continue du numerus clausus. Elles permettront de financer 410 stagiaires extrahospitaliers, 3 100 internes stagiaires en médecine générale chez des médecins généralistes agréés, 5 760 étudiants de quatrième et de cinquième année en stage de deuxième cycle auprès d’un médecin généraliste et, enfin, près de 1 300 internes en médecine générale en stage de sixième semestre.
Cette dotation nous permettra également le financement du dispositif de « l’année recherche » pour 6, 1 millions d’euros : plus de 180 « années recherche » seront ainsi proposées aux internes en formation.
Madame Hermange, monsieur Fourcade, vous avez évoqué les problèmes liés au développement de l’attractivité des zones rurales. Sans les méconnaître, je souhaite cependant envisager la médecine libérale de manière positive.
Par rapport à ses voisins européens, la France dispose d’un nombre très important de médecins. Par ailleurs, nos dépenses de santé ne cessent d’augmenter, ce qui montre combien l’État est soucieux de la qualité des soins sur notre territoire.
Comme l’a annoncé le Président de la République, les médecins généralistes bénéficieront d’une revalorisation en 2011 : l’augmentation du tarif du C, qui passera à 23 euros.
Par ailleurs, les mesures prévues dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires, promulguée en juillet 2009, pour lutter contre la désertification médicale sont d’ores et déjà opérationnelles, et il faut s’en féliciter.
La rapidité de cette mise en œuvre témoigne de l’importance du sujet pour le Gouvernement et de sa volonté de répondre aux inquiétudes des Français.
Dès à présent, les étudiants en médecine et les internes peuvent postuler à un contrat d’engagement de service public. Le Président de la République a indiqué cette semaine que 400 contrats leur sont d’ores et déjà offerts.
Concrètement, ces futurs médecins s’engagent à exercer en zone sous-dense, pour une durée équivalant à celle de leurs études. En contrepartie de cet engagement, ils reçoivent une allocation de 1 200 euros par mois. Vous le voyez, madame Didier, nous ne restons pas inactifs.
Pour favoriser le développement de la formation, il convient de noter les actions de formation médicale continue des professions médicales et paramédicales, qui bénéficieront au total de 2 millions d’euros en 2011. Je vous rappelle que la formation médicale continue est remplacée par le développement professionnel continu, le DPC, nouveau dispositif mis en place par l’article 59 de la loi HPST. Afin de structurer sa mise en œuvre, une convention est actuellement en cours d’élaboration pour le financement de la Fédération des spécialités médicales, la FSM, au travers de six comités opérationnels concernant le DPC, les conflits d’intérêt ou encore les actions de coopération.
Il s’agit, ensuite, au sein du programme 204, de l’évolution des moyens alloués aux opérateurs. La plupart devront, comme pour les autres missions du budget de l’État, réaliser des gains de productivité.
J’ai bien conscience de l’importance de l’effort qui leur est demandé. Dans le cas particulier de l’AFSSAPS, que vous avez évoqué, l’absence de dotation s’explique par le niveau élevé de son fonds de roulement de 37, 8 millions d’euros au 31 décembre 2009 et de près de 35 millions d’euros au 31 décembre 2010 pour le prévisionnel. Ces marges de manœuvre permettront donc de compenser les subventions versées jusque-là.
Je sais, monsieur Milon, que vous n’êtes pas très favorable à une telle solution. Toutefois, il ne s’agit pas dans notre esprit d’un désengagement de l’État. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de revenir sur cette question, madame Didier, au cours de l’examen des amendements.
L’autre poste de dépenses, qui enregistre une forte augmentation, est celui des crédits alloués à l’aide médicale de l’État, inscrits au sein du programme 183. Il progresse de 53 millions d’euros et fait l’objet d’une dotation de 588 millions d’euros pour 2011. Plusieurs articles rattachés seront examinés tout à l’heure. Ce n’est pas un petit débat, car l’AME représente 45 % des crédits de la mission « Santé ».
Selon moi, il convient, dans un premier temps, de dépassionner ce débat. Depuis l’adoption par l’Assemblée nationale d’amendements visant à réformer l’AME, j’ai entendu de nombreux commentaires, souvent très excessifs.
Il ne s’agit pas de stigmatiser, de remettre en cause l’accès aux soins, ou encore d’exclure.
Nous sommes face à une politique publique à laquelle L’État consacre plus de 1 demi-milliard d’euros. Il ne paraît donc pas anormal de souhaiter que cette politique soit gérée au mieux. Je considère même que c’est une condition essentielle de son acceptation par nos concitoyens.
Depuis le début de l’examen de ce projet de loi de finances, vous avez pu le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, mission budgétaire après mission budgétaire, un immense chantier d’économies et de rationalisation a été mis en œuvre. II n’y a pas de raison pour qu’un dispositif entraînant près de 600 millions d’euros de dépenses par an en soit exclu a priori.
J’ai cependant bien conscience qu’il s’agit d’un sujet sensible : aussi en reviendrai-je à quelques éléments essentiels.
Tout d’abord, il n’y a pas de dérive financière de l’AME. Le coût global du dispositif évolue en effet de la même façon que les dépenses de santé : depuis 2002, le coût réel de l’AME a progressé de 43 %, augmentation à comparer à l’évolution des dépenses sous ONDAM réellement constatées, qui ont, quant à elles, progressé de 35 %. La hausse des dépenses tient donc essentiellement à l’évolution du nombre de bénéficiaires, qui a progressé de 40 % depuis 2002.
Ensuite, les dépenses ont augmenté de 13 % de 2008 à 2009. Cela s’explique pour moitié par la hausse des effectifs : en un an seulement 13 000 bénéficiaires supplémentaires ont été enregistrés. Cela s’explique également pour moitié par la forte augmentation des dépenses d’AME relevées dans les établissements de santé : elles ont progressé de 14, 9 % en 2009. Vous le savez, les hôpitaux concentrent 70 % des dépenses de l’AME. Or, le passage à la T2A à 100 % a conduit certains d’entre eux à être plus vigilants sur l’exhaustivité de la facturation à l’assurance maladie. Cet effet « bonne gestion » est assez normal.
Enfin, troisième point, plus factuel, un titulaire de l’AME ne doit pas disposer de droits plus étendus qu’un étranger titulaire de la CMU-C, bien que cette conception semble présente dans bien des esprits. Au contraire, à niveau égal de ressources, les bénéficiaires de la CMU-C sont mieux protégés, puisqu’ils bénéficient du panier de soins dentaires et optiques, dont le niveau de remboursement est supérieur aux tarifs de base de la sécurité sociale.
Plus fondamentalement, les bénéficiaires de l’AME ne sont pas exonérés d’une logique de droits et de devoirs qui irrigue notre système de prise en charge. Par exemple, depuis 2008, comme tous les assurés, ils doivent accepter les médicaments génériques, lorsqu’ils existent, afin de pouvoir bénéficier du tiers payant, obligation qui n’existait pas auparavant. C’est bien le moins qu’on puisse leur demander.
Partant de ces rappels, je considère que plusieurs des propositions dont nous allons discuter tout à l’heure vont dans le bon sens, car elles permettront d’améliorer le pilotage et la gestion du dispositif. Ce que nous voulons, c’est préserver un dispositif de prise en charge qui a fait ses preuves et qui est le plus large en Europe, avec ceux de l’Espagne et du Portugal. Toutefois, ce dispositif ne pourra recueillir l’adhésion que s’il est bien géré et bien contrôlé.
Je pense notamment à l’instauration d’un droit d’entrée annuel par adulte bénéficiaire de l’AME. Cette mesure permettrait de couvrir les frais d’ouverture du dossier et les coûts de fabrication de la carte sécurisée qui est remise à chaque bénéficiaire, sans pour autant provoquer de renoncement aux soins.
Cette solution est préférable, par exemple, à une mesure qui viserait à une participation directe au fil de l’eau des bénéficiaires de l’AME. Il y aurait, dans ce cas, un risque financier sur les médecins libéraux chargés de calculer et de recouvrer le ticket modérateur.
Je pense également au recentrage du panier des bénéficiaires de l’AME sur les actes ou prestations dont le service médical rendu est le plus important. Cette mesure, qui ne serait évidemment pas applicable aux mineurs, participe d’une réelle démarche médicalisée. Elle est préférable à une restriction de prise en charge des soins des titulaires de l’AME aux seuls soins urgents, qui serait facilement contournée et conduirait à engorger les services d’urgences des hôpitaux.
D’autres dispositions permettent d’améliorer le contrôle des dépenses et la lutte contre les abus et les fraudes. Je pense, par exemple, à l’article 86 ter, qui vise à instaurer un contrôle systématique pour les soins hospitaliers au-delà d’un certain seuil de dépenses fixé par décret en Conseil d’État, ou à l’article 86 quater, qui vise à permettre aux caisses d’assurance maladie de récupérer les sommes indûment versées, procédure que les caisses maîtrisent parfaitement, beaucoup mieux que les services de l’État.
L’agrément administratif ne remet pas en cause l’accès aux soins. Il interviendra à l’occasion du service de prestations particulièrement coûteuses, dans un but de lutte contre la fraude.
Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que, pour les bénéficiaires de la CMU de base et de la CMU complémentaire, les conditions de stabilité de la résidence en cours de droits peuvent être vérifiées à tout moment et, le cas échéant, donner lieu à la suspension ou à la suppression des prestations.
Un décret en Conseil d’État fixera le seuil et précisera la notion de soins inopinés, mais cet agrément ne sera exigé ni pour les soins de ville ni pour les soins hospitaliers inopinés, qu’ils soient urgents ou simplement non programmés.
Je voudrais dire un mot, en réponse à Mme Hermange, sur la lutte contre les addictions.
L’objectif du ministère de la santé est de prévenir les consommations et de prendre en charge les personnes dépendantes. Mais, au sein de cette approche, une politique spécifique est destinée à réduire les risques graves chez les usagers de drogues qui ne peuvent pas s’arrêter de consommer.
Avec 130 000 personnes substituées, 15 millions de seringues distribuées par an, 130 centres d’accueil spécialement dédiés à la réduction des risques, la France est un des pays où la proportion d’overdoses mortelles et l’épidémie de VIH chez les usagers de drogues ont le plus diminué. Néanmoins, l’épidémie d’hépatite C se maintient encore à un niveau important, tandis qu’une frange des usagers de drogues tend à se couper du dispositif de prise en charge.
À cet égard, un rapport d’expertise de l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, a proposé, cet été, d’étoffer l’offre de réduction des risques en expérimentant notamment des centres d’injection supervisée. Le but était d’accueillir des usagers de drogues dans des locaux dédiés pour qu’ils puissent consommer leur drogue dans les meilleures conditions sanitaires et sous supervision de personnel soignant.
Après avoir pris connaissance de ce rapport d’expertise, le Gouvernement a estimé que ces centres n’étaient pas une réponse adaptée pour lutter contre l’hépatite C et améliorer l’état de santé des usagers de drogues précaires, et que ces problématiques pouvaient être prises en compte de manière plus efficace.
Des propositions sont à l’étude pour renforcer et améliorer le dépistage et la prise en charge des hépatites, l’offre de seringues, l’accès à la substitution, ainsi que pour promouvoir des dispositifs innovants permettant d’entrer en contact avec les usagers les plus précaires.
Par ailleurs, madame Hermange, nous lançons, la semaine prochaine, une campagne sur la toxicomanie et la parentalité.
Je voudrais également apporter quelques éléments de réponse par rapport à un certain nombre d’autres interpellations.
S’agissant, monsieur le rapporteur spécial, du suivi des crédits relatifs aux épidémies, notamment à celle de la grippe A/H1N1, les crédits votés dans ce cadre sont, avant tout, prévisionnels. Or, comme vous le savez, une crise implique de nombreux acteurs – ministères, assurance maladie, collectivités locales, etc. – qui ne partagent pas leurs outils informatiques. Des aléas surviennent, qui rendent nécessaires des ajustements. Nous devons donc attendre les remontées des factures pour établir le coût global d’une épidémie, coût que, par conséquent, nous ne pouvons connaître que bien après la crise.
Mme Hermange m’a interrogée sur le plan maladies rares. Nous travaillons en réalité sur une deuxième version de ce plan, qui sera annoncée d’ici à la fin de l’année. La recherche y aura toute sa place.
Par ailleurs, madame Hermange, les moyens de l’Agence de la biomédecine augmenteront effectivement au titre du plan cancer et du financement de nouvelles banques de sang placentaire. Le financement de ces banques sera ainsi porté à plus de 9 millions d’euros, grâce à des crédits en provenance de l’assurance maladie. Compte tenu des 1, 3 million d’euros apportés par l’agence sur ses ressources propres, près de 11 millions d’euros, au total, seront consacrés aux banques de sang placentaire en 2011.
Monsieur Desessard, je vous informe que la Délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire, la DILGA, élaborera bien un rapport pour tirer les enseignements de la crise liée à la pandémie grippale H1N1.
Enfin, je voudrais vous rassurer, monsieur Virapoullé, les territoires de l’océan Indien bénéficieront, comme tous les autres, du plan Hôpital 2012. Ils ne seront pas oubliés, mais, au moment où je vous parle, je ne peux pas m’engager sur des montants précis.
Telles sont, en quelques mots, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je voulais vous apporter sur les moyens consacrés à la mission « Santé » dans ce projet de loi de finances pour 2011.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Santé », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Santé
Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins
Protection maladie
L'amendement n° II-277, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins
Protection maladie
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Cet amendement tend à supprimer les crédits de l’action n° 11, Pilotage de la politique de santé publique, afin d’obtenir le rétablissement de la dotation de l’État à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé par redéploiement de crédits au sein du programme 204, Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins.
La mission de pharmacovigilance est une mission régalienne. Elle ne peut pas être crédible si on la soupçonne de s’exercer sous la pression des laboratoires pharmaceutiques. Or laisser l’ensemble des crédits de l’AFSSAPS provenir de taxes prélevées sur l’industrie, c’est malheureusement donner le sentiment du désengagement de l’État et c’est nuire à l’action de l’agence.
Voilà pourquoi nous demandons le rétablissement de cette dotation.
Je suis conscient que le fonds de roulement de l’agence devrait lui permettre de passer l’année 2011, même en l’absence de subvention. Mais la subvention de l’État devrait permettre de renforcer la pharmacovigilance. Elle devrait surtout financer les études qui permettent de compléter le signalement des effets indésirables. On sait l’importance qu’ont eue ces études dans l’affaire du Mediator et il est de la responsabilité de l’État de donner à l’agence les moyens de les conduire.
À ce stade, madame la secrétaire d’État, il n’y a aucun engagement de l’État en faveur de l’AFSSAPS, ni pour 2011 ni pour 2012. A minima, nous souhaitons que le Gouvernement s’engage sur le rétablissement de la dotation pour 2012.
Cet amendement, mon cher collègue, nous pose quelques difficultés. Il tend à supprimer des crédits de paiement, mais non les autorisations d’engagement correspondantes. En outre, la suppression atteint 86 millions d’euros, alors que la dotation versée à l’AFSSAPS en 2010 s’est élevée à seulement 10 millions d’euros.
Néanmoins, votre proposition soulève un point que la commission des finances a également relevé : en 2011, l’AFSSAPS ne recevra pas de dotation de l’État, compte tenu du rendement des taxes qui lui sont affectées et de son fonds de roulement.
Outre qu’il convient de s’assurer que cette décision ne remet pas en cause sa capacité à remplir ses missions, une telle évolution soulève également des interrogations quant à son indépendance. L’AFSSAPS, chargée notamment de délivrer les autorisations de mise sur le marché des produits de santé, serait désormais, en quasi-totalité, financée par des taxes affectées issues du secteur de l’industrie du médicament.
La commission des finances vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous savez comme moi qu’il nous est impossible de redéployer 86 millions d’euros au sein du programme 204. Aussi, je conçois donc cet amendement comme un amendement d’appel.
En 2010, la dotation de l’État à l’AFSSAPS a été légèrement inférieure à 10 millions d’euros. Cela représente moins de 9 % de son budget primitif, plus de 90 % de ses recettes provenant des taxes payées par les industriels du secteur des produits de santé, notamment sur leur chiffre d’affaires.
Nous avons supprimé la subvention à l’agence pour 2011 pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, l’AFSSAPS a un fonds de roulement très élevé, comme je l’ai indiqué tout à l’heure dans mon intervention. Il atteint près de 35 millions d’euros en cette fin d’année.
Ensuite, ses recettes lui permettront d’assurer le programme d’investissements prévu, notamment dans le cadre du plan de développement des systèmes d’information.
Ce n’est pas parce que l’État ne verse plus une dotation budgétaire qu’il se désengage, car, enfin, c’est bien lui qui autorise l’AFSSAPS à percevoir ces taxes et qui a encadré cette taxation pour lui permettre de fonctionner.
D’ailleurs, il existe bien d’autres structures publiques qui fonctionnent sans subvention budgétaire directe de l’État, sur la seule base de taxes ou de redevances. Elles n’en sont pas moins bien gérées et l’implication de l’État n’en est pas moins forte.
Je pense, par exemple, au contrôle aérien, dont le budget est financé en totalité par les taxes et redevances. On ne peut pas dire que le contrôle aérien n’assure pas la sécurité des personnes !
Enfin, changer le mode de financement d’une agence sans la déstabiliser nécessiterait un examen approfondi, auquel nous ne pouvons procéder à l’occasion de l’examen d’un amendement.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, Xavier Bertrand et moi-même avons voulu immédiatement faire toute la lumière sur l’affaire du Mediator, en chargeant l’Inspection générale des affaires sociales d’examiner tous les aspects du dossier, tant du côté de l’AFSSAPS que de celui des industriels pharmaceutiques.
À la lumière des conclusions de ce rapport, je vous propose de réexaminer, le cas échant, les modalités de financement de l’AFSSAPS. Mais, bien évidemment, je ne peux pas m’engager devant vous à ce qu’une dotation soit de nouveau inscrite, l’an prochain, au bénéfice de l’agence.
C’est pourquoi, monsieur le rapporteur pour avis, je vous demande également de bien vouloir retirer votre amendement.
Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-277 est-il maintenu ?
La réponse que la commission des affaires sociales attendait du Gouvernement, en déposant cet amendement, ne portait pas tant sur l’année 2011, parce que, effectivement, nous savons tous que l’AFSSAPS dispose, pour cet exercice, d’un fonds de roulement lui permettant largement d’ouvrer dans ses domaines de compétence.
Néanmoins, nous sommes tout de même en train de parler de sécurité sanitaire et de sécurité des médicaments. Donc, si l’année 2011 ne pose aucun problème, il est nécessaire de se pencher sur les finances dont disposera l’AFSSAPS dès 2012.
Comme nous l’avions prévu au sein de la commission des affaires sociales, je vais retirer mon amendement, mais nous prenons note de l’engagement de Mme la secrétaire d’État à ce que nous revoyions, dès 2012, le problème du financement de l’AFSSAPS.
L'amendement n° II-277 est retiré.
Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Santé », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission.
Ces crédits sont adoptés.
Je rappelle que les articles 86 bis à 86 nonies, rattachés pour leur examen à la mission « Santé », ont été réservés jusqu’après le vote de l’article 51.
Nous en arrivons aux articles de récapitulation des crédits.
Tous les crédits afférents aux missions ayant été examinés, le Sénat va maintenant statuer sur les articles qui portent récapitulation de ces crédits.
Le service de la séance a procédé à la rectification de l’état B, compte tenu des votes intervenus dans le cadre de la seconde partie. Les états B, C, D et E ont été annexés au « dérouleur ».
J’appellerai successivement l’article 48 et l’état B annexé relatif aux crédits des missions, l’article 49 et l’état C annexé relatif aux crédits des budgets annexes, l’article 50 et l’état D annexé relatif aux crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers, l’article 51 et l’état E annexé relatif aux autorisations de découvert au titre des comptes de commerce et des comptes d’opérations monétaires.
TITRE IER
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2011. – CRÉDITS ET DÉCOUVERTS
I. – CRÉDITS DES MISSIONS
Il est ouvert aux ministres, pour 2011, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 378 534 007 333 € et de 368 560 251 764 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.
RÉPARTITION, PAR MISSION ET PROGRAMME, DES CRÉDITS DU BUDGET GÉNÉRAL
BUDGET GÉNÉRAL
En euros
Mission
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Action extérieure de l'État
Action de la France en Europe et dans le monde
Dont titre 2
548 022 669
548 022 669
Diplomatie culturelle et d'influence
Dont titre 2
88 091 824
88 091 824
Français à l'étranger et affaires consulaires
Dont titre 2
190 896 508
190 896 508
Présidence française du G 20 et du G8
Administration générale et territoriale de l'État
Administration territoriale
Dont titre 2
1 435 932 254
1 435 932 254
Vie politique, cultuelle et associative
Dont titre 2
18 219 928
18 219 928
Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur
Dont titre 2
328 809 911
328 809 911
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales
Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires
Forêt
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation
Dont titre 2
270 223 505
270 223 505
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture
Dont titre 2
651 943 666
651 943 666
Aide publique au développement
Aide économique et financière au développement
Solidarité à l'égard des pays en développement
Dont titre 2
221 377 202
221 377 202
Développement solidaire et migrations
Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation
Liens entre la nation et son armée
Dont titre 2
101 696 295
101 696 295
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant
Dont titre 2
12 345 468
12 345 468
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale
Dont titre 2
2 001 165
2 001 165
Conseil et contrôle de l'État
Conseil d'État et autres juridictions administratives
Dont titre 2
275 947 207
275 947 207
Conseil économique, social et environnemental
Dont titre 2
30 797 421
30 797 421
Cour des comptes et autres juridictions financières
Dont titre 2
181 405 829
181 405 829
Culture
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Dont titre 2
634 203 342
634 203 342
Défense
Environnement et prospective de la politique de défense
Dont titre 2
569 087 651
569 087 651
Préparation et emploi des forces
Dont titre 2
15 491 300 987
15 491 300 987
Soutien de la politique de la défense
Dont titre 2
1 031 717 235
1 031 717 235
Équipement des forces
Dont titre 2
1 869 692 673
1 869 692 673
Direction de l'action du Gouvernement
Coordination du travail gouvernemental
Dont titre 2
244 511 848
244 511 848
Protection des droits et libertés
Dont titre 2
52 856 597
52 856 597
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées
Écologie, développement et aménagement durables
Infrastructures et services de transports
Sécurité et circulation routières
Sécurité et affaires maritimes
Météorologie
Urbanisme, paysages, eau et biodiversité
Information géographique et cartographique
Prévention des risques
Dont titre 2
38 800 000
38 800 000
Énergie, climat et après-mines
Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer
Dont titre 2
3 205 221 067
3 205 221 067
Économie
Développement des entreprises et de l'emploi
Dont titre 2
419 202 774
419 202 774
Tourisme
Statistiques et études économiques
Dont titre 2
367 322 803
367 322 803
Stratégie économique et fiscale
Dont titre 2
146 197 740
146 197 740
Engagements financiers de l'État
Charge de la dette et trésorerie de l'État (crédits évaluatifs)
Appels en garantie de l'État (crédits évaluatifs)
Épargne
Majoration de rentes
Enseignement scolaire
Enseignement scolaire public du premier degré
Dont titre 2
17 992 044 010
17 992 044 010
Enseignement scolaire public du second degré
Dont titre 2
29 237 954 828
29 237 954 828
Vie de l'élève
Dont titre 2
1 770 799 984
1 770 799 984
Enseignement privé du premier et du second degrés
Dont titre 2
6 339 469 799
6 339 469 799
Soutien de la politique de l'éducation nationale
Dont titre 2
1 343 465 021
1 343 465 021
Enseignement technique agricole
Dont titre 2
819 636 251
819 636 251
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local
Dont titre 2
6 990 296 236
6 990 296 236
Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État
Dont titre 2
94 114 116
94 114 116
Conduite et pilotage des politiques économique et financière
Dont titre 2
423 918 725
423 918 725
Facilitation et sécurisation des échanges
Dont titre 2
1 096 586 784
1 096 586 784
Entretien des bâtiments de l'État
Fonction publique
Dont titre 2
250 000
250 000
Immigration, asile et intégration
Immigration et asile
Dont titre 2
39 923 712
39 923 712
Intégration et accès à la nationalité française
Justice
Justice judiciaire
Dont titre 2
2 036 702 415
2 036 702 415
Administration pénitentiaire
Dont titre 2
1 809 828 599
1 809 828 599
Protection judiciaire de la jeunesse
Dont titre 2
428 198 453
428 198 453
Accès au droit et à la justice
Conduite et pilotage de la politique de la justice
Dont titre 2
100 025 281
100 025 281
Médias, livre et industries culturelles
Presse, livre et industries culturelles (ligne rétablie)
Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique
Action audiovisuelle extérieure
Presse (ligne supprimée)
Livre et lecture (ligne supprimée)
Industries culturelles (ligne supprimée)
Outre-mer
Emploi outre-mer
Dont titre 2
110 371 766
110 371 766
Conditions de vie outre-mer
Politique des territoires
Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire
Dont titre 2
10 271 974
10 271 974
Interventions territoriales de l'État
Pouvoirs publics
Présidence de la République
Assemblée nationale
Sénat
La Chaîne parlementaire
Indemnités des représentants français au Parlement européen
Conseil constitutionnel
Haute Cour
Cour de justice de la République
Provisions
Provision relative aux rémunérations publiques
Dont titre 2
0
0
Dépenses accidentelles et imprévisibles
Recherche et enseignement supérieur
Formations supérieures et recherche universitaire
Dont titre 2
1 592 911 187
1 592 911 187
Vie étudiante
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources
Recherche spatiale
Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle
Dont titre 2
99 752 400
99 752 400
Recherche duale (civile et militaire)
Recherche culturelle et culture scientifique
Enseignement supérieur et recherche agricoles
Dont titre 2
178 521 272
178 521 272
Régimes sociaux et de retraite
Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres
Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins
Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers
Relations avec les collectivités territoriales
Concours financiers aux communes et groupements de communes
Concours financiers aux départements
Concours financiers aux régions
Concours spécifiques et administration
Remboursements et dégrèvements
Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs)
Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs)
Santé
Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins
Protection maladie
Sécurité
Police nationale
Dont titre 2
8 118 067 264
8 118 067 264
Gendarmerie nationale
Dont titre 2
6 494 165 941
6 494 165 941
Sécurité civile
Intervention des services opérationnels
Dont titre 2
155 952 199
155 952 199
Coordination des moyens de secours
Solidarité, insertion et égalité des chances
Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales
Actions en faveur des familles vulnérables
Handicap et dépendance
Égalité entre les hommes et les femmes
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative
Dont titre 2
779 824 217
779 824 217
Sport, jeunesse et vie associative
Sport
Jeunesse et vie associative
Travail et emploi
Accès et retour à l'emploi
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail
Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail
Dont titre 2
592 510 540
592 510 540
Ville et logement
Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables
Aide à l'accès au logement
Développement et amélioration de l'offre de logement
Politique de la ville
Totaux
L'article 48 et l’état B sont adoptés.
(Conforme)
Il est ouvert aux ministres, pour 2011, au titre des budgets annexes, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 2 191 609 586 € et de 2 192 026 371 €, conformément à la répartition par budget annexe donnée à l’état C annexé à la présente loi.
RÉPARTITION, PAR MISSION ET PROGRAMME, DES CRÉDITS DES BUDGETS ANNEXES
BUDGETS ANNEXES
(Conforme)
En euros
Mission
Autorisations
d'engagement
Crédits
de paiement
Contrôle et exploitation aériens
Soutien aux prestations de l'aviation civile
Dont charges de personnel
1 087 763 110
1 087 763 110
Navigation aérienne
Transports aériens, surveillance et certification
Formation aéronautique
Publications officielles et information administrative
Edition et diffusion
Dont charges de personnel
32 337 732
32 337 732
Pilotage et activités de développement des publications
Dont charges de personnel
41 855 468
41 855 468
Totaux
L'article 49 et l’état C sont adoptés.
Il est ouvert aux ministres, pour 2011, au titre des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 159 669 686 287 € et de 165 614 686 287 €, conformément à la répartition par compte donnée à l’état D annexé à la présente loi.
RÉPARTITION, PAR MISSION ET PROGRAMME, DES CRÉDITS DES COMPTES D'AFFECTATION SPÉCIALE ET DES COMPTES DE CONCOURS FINANCIERS
I. – COMPTES D'AFFECTATION SPÉCIALE
(Non modifié)
(En euros)
Mission
Autorisations
d'engagement
Crédits
de paiement
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Radars
Fichier national du permis de conduire
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers
Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières
Désendettement de l'État
Développement agricole et rural
Développement et transfert en agriculture
Recherche appliquée et innovation en agriculture
Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique
Projets de lutte contre la déforestation dans le cadre du financement précoce
Actions des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce
Gestion du patrimoine immobilier de l'État
Contribution au désendettement de l'État
Contribution aux dépenses immobilières
Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien
Désendettement de l'État
Optimisation de l'usage du spectre hertzien
Participations financières de l'État
Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État
Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État
Pensions
Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité
Dont titre 2
48 221 500 000
48 221 500 000
Ouvriers des établissements industriels de l'État
Dont titre 2
1 827 196 892
1 827 196 892
Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions
Dont titre 2
15 800 000
15 800 000
Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
Contribution à l’exploitation des services nationaux de transport conventionnés
Contribution au matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés
Totaux
II. – COMPTES DE CONCOURS FINANCIERS
En euros
Missions
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Accords monétaires internationaux
Relations avec l'Union monétaire ouest-africaine
Relations avec l'Union monétaire d'Afrique centrale
Relations avec l'Union des Comores
Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics
Avances à l'Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune
Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics
Avances à des services de l'État
Avances à l'audiovisuel public
France Télévisions
ARTE France
Radio France
Contribution au financement de l'action audiovisuelle extérieure
Institut national de l'audiovisuel
Avances au fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres
Avances au titre du paiement de l'aide à l'acquisition de véhicules propres
Avances au titre du paiement de la majoration de l'aide à l'acquisition de véhicules propres en cas de destruction simultanée d'un véhicule de plus de quinze ans
Avances aux collectivités territoriales
Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie
Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes
Prêts à des États étrangers
Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure
Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France
Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers
Prêts aux États membres de l'union européenne dont la monnaie est l'euro
Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Prêts et avances à des particuliers ou à des associations
Prêts pour le développement économique et social
Prêts à la filière automobile
Prêts et avances au Fonds de prévention des risques naturels majeurs
Totaux
L'article 50 et l’état D sont adoptés.
(Conforme)
I. – Les autorisations de découvert accordées aux ministres, pour 2011, au titre des comptes de commerce, sont fixées au montant de 20 579 609 800 €, conformément à la répartition par compte donnée à l’état E annexé à la présente loi.
II. – Les autorisations de découvert accordées au ministre chargé de l’économie, pour 2011, au titre des comptes d’opérations monétaires, sont fixées au montant de 400 000 000 €, conformément à la répartition par compte donnée à l’état E annexé à la présente loi.
RÉPARTITION DES AUTORISATIONS DE DÉCOUVERT
(Conforme)
I. – COMPTES DE COMMERCE
En euros
Numérodu compte
Intitulé du compte
Autorisation de découvert
Approvisionnement des armées en produits pétroliers
Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire
Couverture des risques financiers de l’État
Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État
Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État
Section 1 Opérations relatives à la dette primaire et gestion de la trésorerie
17 500 000 000
Section 2 Opérations de gestion active de la dette au moyen d’instruments financiers à terme
1 700 000 000
Gestion des actifs carbone de l’État
Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels d’armement complexes
Liquidation d’établissements publics de l’État et liquidations diverses
Opérations commerciales des domaines
Opérations industrielles et commerciales des directions départementales et régionales de l’équipement
Régie industrielle des établissements pénitentiaires
Total
II. COMPTES D’OPÉRATIONS MONÉTAIRES
En euros
Numérodu compte
Intitulé du compte
Autorisation de découvert
Émission des monnaies métalliques
Opérations avec le Fonds monétaire international
Pertes et bénéfices de change
Total
L'article 51 et l’état E sont adoptés.
Le Sénat va maintenant examiner les articles et amendements portant article additionnel rattachés aux missions dont l’examen a été réservé jusqu’après après le vote de l’article 51.
J’appelle en discussion les articles 86 bis à 86 nonies ainsi que les amendements portant article additionnel après l’article 86 septies, qui sont rattachés, pour leur examen, aux crédits de la mission « Santé ».
Santé
Les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles sont remplacés par des 1° à 4° ainsi rédigés :
« 1° Les frais définis aux 1° et 2° de l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale. Toutefois, ces frais peuvent être exclus de la prise en charge, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, et à l’exclusion des mineurs, pour les actes, les produits et les prestations dont le service médical rendu n’a pas été qualifié de moyen ou d’important ou lorsqu’ils ne sont pas destinés directement au traitement ou à la prévention d’une maladie ;
« 2° Les frais définis aux 4° et 6° du même article L. 321-1 ;
« 3° Les frais définis à l’article L. 331-2 du même code ;
« 4° Le forfait journalier institué par l’article L. 174-4 du même code pour les mineurs et, pour les autres bénéficiaires, dans les conditions fixées au septième alinéa du présent article. »
Je souhaite tout d’abord lever une inquiétude s’agissant des prestations liées à l’aide médicale d’État, l’AME : contrairement à ce que l’on entend parfois, les bénéficiaires de l’AME n’ont pas plus de droits que les titulaires de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C. Ces derniers sont mieux protégés, car ils ont accès à des remboursements de soins dentaires et optiques supérieurs aux tarifs de la sécurité sociale, et ne peuvent se voir appliquer de dépassements d’honoraires. Les bénéficiaires de l’AME, en revanche, peuvent se voir appliquer ces dépassements.
Dans l’ensemble, le coût moyen des soins pour les titulaires de l’AME s’élève à 2 055 euros, contre 2 188 euros pour les assurés sociaux. De plus, les premiers ont recours aux médicaments génériques dans la même proportion que les seconds. Il n’est donc pas légitime d’affirmer que l’AME représente une charge financière disproportionnée par rapport à l’assurance maladie dont bénéficie le reste de la population.
L’article 86 bis ouvre la possibilité d’exclure de la prise en charge des soins et transports sanitaires « les actes, les produits et les prestations dont le service médical rendu n’a pas été qualifié de moyen ou d’important ou lorsqu’ils ne sont pas destinés directement au traitement ou à la prévention d’une maladie ». Cette exclusion sera déterminée dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.
La commission des affaires sociales comprend les objectifs visés par cet article. Elle s’interroge cependant sur le moyen choisi pour y parvenir. En effet, la demande de soins des titulaires de l’AME correspond, d’après les données fournies par le ministère et les associations d’aide aux migrants, à des soins de première nécessité.
Lors du débat à l’Assemblée nationale, la fécondation in vitro et les cures thermales ont été citées comme exemples de soins susceptibles d’être exclus du panier accessible par l’AME ; ils n’emportent pas la conviction.
Les cures thermales reposent sur le paiement par le curiste de son hébergement, sans prise en charge : il n’est donc pas étonnant qu’aucun titulaire de l’AME n’ait, à ce jour, bénéficié de tels soins. L’Agence de la biomédecine ne recense pas non plus de titulaires de l’AME ayant bénéficié d’une fécondation in vitro. De toute façon, les équipes médicales refusent de s’engager dans un tel processus avec des personnes dont la situation est économiquement et socialement précaire, au nom du bien-être de l’enfant.
La responsabilité des soignants, et particulièrement des médecins, dans les soins qu’ils prescrivent est la meilleure garantie de l’absence de dérives de l’aide médicale d’État. Il est particulièrement difficile de faire intervenir le pouvoir réglementaire dans la relation entre le médecin et son malade.
Par ailleurs, l’article entend limiter l’attractivité de l’aide médicale d’État pour répondre au risque d’une immigration fondée sur le besoin de soins non essentiels. Il n’est pas impossible que la perspective d’obtenir des soins joue, pour une part, dans la décision d’immigration des personnes qui se savent malades. Mais tel n’est pas le cas de la majorité des titulaires de l’AME. En effet, ceux-ci n’ont fait l’objet d’aucune prise en charge ni d’aucun dépistage dans leur pays d’origine, et sont principalement des personnes jeunes – 72 % d’entre eux sont âgés moins de quarante ans, d’après les chiffres fournis par la direction de la sécurité sociale –, physiquement capables d’entreprendre le voyage qui les conduira en France.
L’attractivité du système de soins français peut être plus importante pour les étrangers souffrant de maladies graves, mais ces derniers ne sont pas des titulaires de l’AME. En application de l’article L. 313–11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ils ont en effet la possibilité de bénéficier de la CMU et de la CMU-C.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des affaires sociales vous proposera un amendement de suppression de cet article.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les sénatrices et sénateurs écologistes se prononceront pour la suppression de l’article 86 bis, qui tend à limiter le bénéfice de l’AME aux actes ou aux prestations dont le service médical rendu est considéré comme moyen ou important.
Cette mesure est l’expression la plus radicale et la plus contestable de la stigmatisation de l’étranger en situation irrégulière initiée par le Gouvernement.
Sans parler d’humanisme, cette valeur qui fait cruellement défaut dans votre politique, je souhaite évoquer les dangers d’une telle mesure en termes de santé publique.
D’abord, cette disposition est un contresens en termes de rationalité des coûts, puisque nous savons que la médecine préventive est essentielle pour la prévention de pathologies qui peuvent évoluer, si elles ne sont pas soignées, vers d’autres maladies plus graves. À ce moment-là, effectivement, ces pathologies coûteront cher !
Le bilan coût-avantage de cette disposition fait apparaître son inutilité budgétaire : quelques économies réalisées, aujourd’hui, sur le dos des étrangers sans papiers se transformeront en plusieurs millions d’euros dépensés, demain, pour soigner des pathologies graves qui n’auront pu être détectées à temps !
La visée de cet article est absurde, tout comme le sont les justifications avancées pour soutenir son adoption : nous avons ainsi appris qu’il existait un réseau d’étrangers sans papiers coutumiers de la cure thermale et de la chirurgie esthétique !
Comment peut-on imaginer qu’une personne qui dispose de moins de 634 euros par mois pour vivre, ce qui induit une situation de grande précarité, puisse songer à une cure thermale, alors qu’elle se débat chaque jour pour survivre ?
L’article 86 bis est populiste et discriminatoire, et véhicule, au moyen d’accusations mensongères, des préjugés que l’on pourrait qualifier de xénophobes et qui sont indignes de notre République. §
C’est pourquoi nous voterons les amendements de suppression de cet article.
Je ne peux pas laisser dire que les étrangers ne sont pas accueillis au sein de notre système hospitalier !
Vous êtes un élu parisien, monsieur Desessard. Je vous invite donc à vous rendre ce soir, au choix, dans le service des urgences des hôpitaux Lariboisière, Tenon, Robert Debré, dans toutes les maternités de l’Assistance publique, ou bien encore dans les services des urgences dentaires de la Pitié-Salpêtrière, ou ophtalmiques de l’Hôtel-Dieu : vous constaterez que tout un chacun est accueilli à l’hôpital et que la dimension humaine est bien présente dans la politique française de santé !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° II-156 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L’amendement n° II-213 est présenté par MM. Teulade, Daudigny, Godefroy, Le Menn et Gillot, Mmes Printz, Alquier, Campion, Demontès, Ghali, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° II-278 est présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° II-287 rectifié est présenté par M. Collin et Mme Escoffier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° II-37, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l’amendement n° II-156.
Cet article, issu de l’adoption d’un amendement déposé à l’Assemblée nationale, nous interroge autant qu’il nous inquiète.
Il nous interroge, parce qu’il tend à préciser que les dépenses de santé mentionnées à l’article L. 321–1 du code de la sécurité sociale pourraient ne plus être prises en charge par l’aide médicale d’État si le service médical rendu n’a pas été qualifié de moyen ou d’important, ou s’il n’est pas destiné directement au traitement ou à la prévention de maladies.
Pour se prononcer sur cet article, il convient de se reporter aux frais qu’il vise : les frais de médecine générale et spéciale. On voit mal comment cette disposition pourrait être appliquée raisonnablement. L’AME prenant la forme d’une dispense de frais, qui pourra décider que la consultation d’un médecin généraliste par le bénéficiaire de l’AME n’est pas justifiée par l’état de santé de ce dernier ? S’agira-t-il d’un contrôle avant consultation, ou bien permettrez-vous aux médecins consultés de juger par eux-mêmes si cette consultation relève, ou non, de la prise en charge par l’AME ?
Si je pose cette question, c’est parce que nous sommes inquiets. Personne n’ignore que les bénéficiaires de l’AME sont dans un état de grande précarité. Nul ne peut le nier, puisque l’une des conditions essentielles d’attribution de cette aide réside dans le fait de disposer de revenus inférieurs à 634 euros ! L’annonce lors de la consultation – surtout d’un médecin spécialiste ! – de la non-prise en charge de l’avance de frais sera synonyme, pour ces personnes, d’un renoncement aux soins.
Nous voyons dans cet article une manière subtile, mais efficace, de rendre légal ce qui ne l’est pas actuellement : la discrimination en matière d’accès aux soins dont sont victimes les bénéficiaires de l’AME. N’oublions pas que, pour certaines spécialités, le taux de refus de soins prononcés contre les bénéficiaires de l’AME est de 30 % !
En agissant ainsi, les auteurs de l’amendement initial, qui est devenu un article de ce projet de loi de finances, espèrent que le refus de soins prononcé par le médecin se transformera, de fait, en renoncement aux soins de la part du patient.
Cet article, inséré par l’Assemblée nationale, vise également à soumettre à conditions la prise en charge à 100 % des actes de réadaptation fonctionnelle et de rééducation consécutifs à un accident – qui pourrait croire qu’il existe des fraudes en la matière ? –, ou encore de matériels et médicaments contraceptifs, une mesure qui aurait pour effet de priver les femmes de ce droit fondamental, leur liberté de décider elles-mêmes si elles souhaitent, ou non, être enceintes.
Par ailleurs, cet article est profondément redondant par rapport au droit en vigueur. En effet, l’article L. 321–1 du code de la sécurité sociale dispose déjà que les dépenses de santé les plus importantes doivent être justifiées par l’état de santé du patient : ne sont visés que les soins ou les actes qui sont, pour reprendre les termes mêmes de cet article 86 bis, « destinés directement au traitement ou à la prévention d’une maladie ».
C’est le cas des frais d’interventions chirurgicales, qui doivent être, selon l’article L. 321–1 du code de la sécurité sociale, « nécessaires pour l’assuré et les membres de sa famille ».
C’est aussi le cas de la couverture des frais de transport : à leur égard, le même article dispose, d’ores et déjà, que les patients concernés doivent se trouver « dans l’obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à leur état ».
Cet article participe non pas d’une réflexion visant à améliorer la qualité de nos dépenses publiques, mais plutôt d’une autre, qui concerne l’accueil des populations immigrées sur notre territoire.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° II-213.
L’offensive politique actuelle menée à l’encontre de l’AME n’est pas nouvelle : ce dispositif est régulièrement remis en cause depuis une dizaine d’années. Les coups portés, qu’ils le soient par voie réglementaire ou par voie législative, n’ont cessé de rigidifier ou de grignoter l’accès aux soins des étrangers les plus précaires.
Pour prendre un exemple récent, il suffit de se reporter à l’examen, en octobre dernier, du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité par l’Assemblée nationale. Au cours de ce débat, un amendement restreignant l’accès à un titre de séjour des étrangers gravement malades a été adopté, tandis qu’un autre tendant à multiplier les obstacles administratifs à l’obtention de l’AME et à réserver l’accès aux soins aux cas urgents a été renvoyé à l’examen du projet de loi de finances pour 2011. Nous y voilà donc : ce qui était prévisible est arrivé !
Mardi 2 novembre, lors de l’examen des crédits de la mission « Santé » à l’Assemblée nationale, le démantèlement de l’AME s’est accéléré, avec l’adoption de plusieurs amendements cautionnés par Mme Bachelot, alors ministre de la santé.
La restriction du panier de soins, qui fait l’objet de l’article 86 bis, constitue une remise en cause des soins dispensés aux bénéficiaires de l’AME ; elle est, par là même, en contradiction avec une politique de santé publique cohérente.
Cette limitation de la prise en charge des soins aux seuls bénéficiaires d’un service médical rendu qualifié d’important ou de moyen ne peut que restreindre l’accès aux soins, à la prévention, en amont, et au suivi médical. Tout cela ne peut qu’aboutir à des prises en charge tardives et à une dégradation de l’état de santé des personnes concernées.
Il n’est pas inutile de rappeler, par ailleurs, que le panier de soins de l’AME est déjà réduit : ce n’est pas, et de loin, le panier de soins universel que certains ont parfois évoqué.
En effet, si l’on établit une comparaison avec les bénéficiaires de la CMU-C, par exemple, force est de constater que ni les titulaires de l’AME ni leurs enfants ne bénéficient d’une prise en charge effective des prothèses dentaires et des lunettes.
En outre, contrairement à ce que d’aucuns n’ont pas manqué d’asséner à plusieurs reprises à l’Assemblée nationale, il est avéré que, à revenu équivalent, les personnes en situation irrégulière bénéficient d’une couverture maladie moins importante que les Français ou les étrangers en situation régulière. Et plus encore que d’autres personnes vivant dans la précarité, elles se voient opposer des refus de soins, devenus très fréquents.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-278.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° II-287 rectifié.
Monsieur le président, si vous me le permettez, je défendrai également, dans un même élan, les amendements que mon groupe a déposés sur les articles 86 ter, quater et quinquies, à savoir les amendements n° II-288 rectifié, II-289 rectifié et II-290 rectifié.
Devant la prétendue augmentation continue des dépenses de l’aide médicale d’État, l’Assemblée nationale a souhaité réformer ce dispositif de solidarité nationale. Ainsi, quatre articles additionnels ont été insérés dans le projet de loi de finances pour 2011, rattachés à la mission « Santé ».
Avec plusieurs de mes collègues, nous nous interrogeons sur l’intérêt de ces articles. S’agit-il seulement d’encadrer un dispositif afin de maîtriser son évolution financière ? Ou bien existerait-il d’autres raisons qui trouveraient leur origine dans des débats sur l’immigration, dont nous aurons bientôt à connaître ?
Il y a, à mes yeux, une seule et incontournable exigence sur ce point : elle est humanitaire et sanitaire ! Je connais bien ce problème, pour avoir été, en d’autres temps et en d’autres lieux, confrontée au devoir d’accepter ou de refuser l’accès aux soins de certains de ces étrangers. L’absence récurrente – et personne n’en parle ! – d’une carte sanitaire mondiale valable est un handicap majeur. Vous le savez, cette absence doit être corrélée au problème que nous évoquons ici !
La France est certainement l’un des pays au monde qui fait preuve de la plus grande générosité envers les étrangers, ces derniers étant toutefois contraints de séjourner sur notre territoire en situation irrégulière et fragile.
Nous sommes, au groupe RDSE, comme tous sur ces travées, attachés à cette France républicaine, celle des droits de l’homme. Les articles adoptés par l’Assemblée nationale sont non seulement humainement discriminants, mais encore contre-productifs en termes de santé publique et économiquement inefficaces.
C’est pourquoi, nous proposons de les supprimer.
La sagesse, d’ailleurs, voudrait que nous attendions – comme l’a signalé M. le rapporteur pour avis –, au moins, le rapport conjoint de l’IGAS et de l’IGF. Il sera toujours temps de réfléchir sereinement, et non dans la précipitation comme l’ont fait nos collègues députés ! §
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
Si vous me le permettez, monsieur le président, je donnerai l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements déposés sur les articles 86 bis, 86 ter, 86 quater et 86 quinquies.
Ces amendements tendent en effet presque tous à supprimer ces articles, insérés par l’Assemblée nationale, ayant pour objet d’encadrer davantage le dispositif de l’aide médicale d’État. De fait, ces articles tendent à recentrer le panier de soins des bénéficiaires de l’AME sur les actes au service médical modéré ou important, à prévoir un contrôle préalable pour certains actes de la condition de résidence et à donner la possibilité aux caisses de récupérer les sommes indûment versées, ainsi qu’à créer un droit de timbre annuel.
Je souhaite rappeler quatre éléments.
Premièrement, la principale préoccupation de la commission des finances concernant l’AME a toujours été la sincérité de la budgétisation de la dotation qui y était destinée. En effet, il s’agit d’un poste de dépenses qui a fait l’objet d’une sous-budgétisation récurrente les précédentes années, comme je le disais dans ma dernière intervention. Sur ce point, il convient toutefois de reconnaître que des efforts ont été accomplis depuis 2007 : d’une part, les dotations initiales ont été revalorisées et, d’autre part, les dettes de l’État à l’égard de la sécurité sociale ont été apurées en 2007 et en 2009.
Des mesures nouvelles sont également prévues dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2010, qui sera examiné dans quelques jours au Sénat.
Deuxièmement, les dépenses d’AME répondent, comme l’indique le projet annuel de performances de la mission « Santé », a un double objectif humanitaire et de santé publique. Les mesures proposées pour en maîtriser le coût doivent donc rechercher un juste équilibre entre l’amélioration de l’efficacité du dispositif et le maintien d’un accès aux soins satisfaisant des étrangers en situation irrégulière.
Je me réjouis, de ce point de vue, que l’Assemblée nationale n’ait pas retenu certaines propositions de nos collègues députés tendant à recentrer le panier de soins des bénéficiaires de l’AME sur les seuls soins urgents.
Troisièmement, comme le notait la mission conjointe de l’IGF et de l’IGAS de 2007 sur ce sujet, le dispositif de l’AME, qui représente 588 millions d’euros, demeure de taille relative au regard des dépenses totales d’assurance maladie, qui s’élèvent à 167 milliards d’euros. En revanche, il revêt un caractère symbolique puisqu’il dépend de la politique d’immigration que l’on choisit. Ce sujet dépasse ainsi largement le cadre de l’examen de la mission « Santé ».
Enfin, je relève que ces dispositions ont été introduites à l’Assemblée nationale avant que la nouvelle mission conjointe de l’IGF et de l’IGAS n’ait rendu ses conclusions. Celles-ci devaient être connues à la fin du mois de novembre. Or, à ce jour, elles n’ont pas été transmises à notre commission. Pourriez-vous, madame la secrétaire d’État, nous faire part de l’état d’avancement de ces travaux ? Ces éléments pourraient peut-être éclairer notre assemblée.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des finances s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cet article 86 bis a pour objet la restriction du panier de soins des bénéficiaires de l’AME aux seuls actes dont le service rendu est faible ou qui ne sont pas destinés au traitement ou à la prévention d’une maladie.
Il ne s’agit donc pas de stigmatiser les bénéficiaires de l’AME ! Cet article prévoit que les soins pris en charge doivent être vraiment utiles et importants afin d’éviter que certaines personnes puissent abuser de ce système. Les actes, produits ou prestations concernés seront précisés par décret. En fait, l’article vise essentiellement les médicaments remboursés à 15 %, les cures thermales ou encore le traitement de la stérilité. Ils ne seront donc aucunement à la discrétion du médecin.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de ces quatre amendements.
Monsieur le président, je tiens à réagir aux propos de Mme la secrétaire d’État, car on ne peut laisser dire que ces articles visent simplement à corriger certains prétendus abus. Il n’est qu’à se reporter aux débats de l’Assemblée nationale. En effet, l’un de nos collègues députés a tranquillement expliqué que certains étrangers venaient en France pour profiter de la prise en charge, au titre de l’AME, des cures thermales ! Or l’on sait pertinemment – ce n’est pas moi qui le dis, ce sont l’IGAS et l’IGF qui l’affirment – que les dépenses de l’AME restent inférieures de près de 800 euros aux dépenses engagées par l’assurance maladie pour un affilié au régime général !
À qui veut-on faire croire que ces dispositions ont pour objet de lutter contre les abus ? Il faut être sérieux et cesser de dire n’importe quoi ! Vous voulez nous faire prendre des vessies pour des lanternes !
J’ajoute que, si un certain nombre de ressortissants de l’Union européenne bénéficiaient de la CMU, comme c’était le cas avant 2008, nous ne nous poserions pas ces questions sur l’AME.
Ces questions spécifiques aux ressortissants européens ont une dimension communautaire et appellent un traitement particulier.
Enfin, j’apprécie la décision de la commission des finances de s’en remettre à la sagesse de notre assemblée, et je souhaite que cette sagesse puisse s’exprimer.
Je mets aux voix les amendements identiques n° II-156, II-213, II-278 et II-287 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, l'article 86 bis est supprimé, et l’amendement n° II-37 n’a plus d’objet.
I. – L’article L. 251-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf pour les soins délivrés aux mineurs et pour les soins inopinés, la prise en charge mentionnée au premier alinéa est subordonnée, pour les soins hospitaliers dont le coût dépasse un seuil fixé par décret en Conseil d’État, à l’agrément préalable de l’autorité ou organisme mentionné à l’article L. 252-3 du présent code. Cet agrément est accordé dès lors que la condition de stabilité de la résidence mentionnée au même article L. 252-3 est respectée et que la condition de ressources mentionnée à l’article L. 251-1 est remplie. La procédure de demande d’agrément est fixée par décret en Conseil d’État. »
II. – Le dernier alinéa de l’article L. 252-3 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois le service des prestations est conditionné au respect de la stabilité de la résidence en France, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
L’article 86 ter prévoit, lui, l’obligation d’un accord préalable des caisses pour les soins hospitaliers les plus coûteux et celle de résidence en France pendant la durée des soins.
L’évolution des dépenses n’est pas disproportionnée dans le cadre de l’AME par rapport à celle de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM. Il s’agit, en effet, d’une augmentation de 43 %, comme Mme la secrétaire d’État l’a précisé tout à l’heure, alors que, sur la même période, elle s’élève à 35 % pour le reste des assurés sociaux.
L’augmentation des dépenses hospitalières, dont nous avons parlé, expliquerait, d’après les services du ministère de la santé, la moitié de la hausse du coût de l’AME depuis 2008. Or cette croissance est moins due à une recrudescence du nombre des soins ou à leur plus grande complexité qu’à la nouvelle tarification adoptée par les hôpitaux. Je vous renvoie à ce qu’a dit, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle, sur le problème des groupes homogènes de séjours et des tarifs journaliers de prestations.
Si la commission des affaires sociales admet la nécessité d’une obligation de résidence pendant les soins, elle ne peut, cependant, se rallier à la mise en place d’un agrément préalable des caisses pour les soins hospitaliers coûteux.
En effet, cette disposition ne paraît pas pouvoir être réellement efficace dès lors que, comme le reconnaissent les auteurs des amendements correspondants à l’Assemblée nationale, les soins inopinés ne peuvent être soumis à cette procédure d’agrément préalable.
Celle-ci s’apparente à un réexamen systématique des conditions d’accès à l’AME, dont la durée moyenne actuelle est de vingt-trois jours. Ainsi, soumettre la conduite d’examens à un délai si long ne peut que conduire à aggraver la situation sanitaire du malade.
Une telle procédure est également susceptible de pousser les bénéficiaires de l’AME à retarder leur demande de soins, détériorant également leurs conditions de santé.
Elle risque, enfin, de transformer les examens planifiés en soins inopinés, lesquels perdraient ainsi toute leur efficacité.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales vous propose de supprimer l’obligation d’agrément préalable tout en maintenant celle de résidence pour l’accès aux soins et aux prestations.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° II-38 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° II-157 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° II-214 rectifié est présenté par MM. Teulade, Daudigny, Godefroy, Le Menn et Gillot, Mmes Printz, Alquier, Campion, Demontès, Ghali, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° II-288 rectifié est présenté par M. Collin et Mme Escoffier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° II–38.
Par cet amendement, nous, les sénatrices et sénateurs écologistes, demandons la suppression de l’article 86 ter, qui conditionne le bénéfice de la prise en charge pour certains soins au titre de l’AME à un agrément préalable.
Cette disposition laisse à penser qu’une majorité d’étrangers fraudent. Après la fraude documentaire des candidats à l’immigration, voici revenu le mythe de l’étranger fraudeur aux soins !
Selon les chiffres-chocs soumis, le dispositif de l’AME subirait 50 % de fraudes. Mais que recouvre exactement ce chiffre de la révision générale des politiques publiques ?
Premièrement, si l’on regarde de plus près, ces fraudes ont été constatées sur la totalité des contrôles effectués, exercés non pas de manière aveugle, mais sur dénonciation ou suspicion de fraude.
Dès lors, dans un cas suspicieux sur deux, la fraude présumée n’existe pas ! Il serait donc utile de préciser que les cas de fraude concernent les opérations où celle-ci est présumée, et non leur ensemble.
Deuxièmement, je souhaite vous soumettre également un chiffre éloquent : 70 % des AME correspondent à des frais d’hospitalisation. Admettez, mes chers collègues, qu’il semble très difficile de commettre des fraudes lorsqu’une hospitalisation est en cause ! À mon souvenir, il n’y a eu ni substitution d’identité enregistrée ni chirurgie esthétique constatée !
Le raisonnement de la majorité s’écroule donc devant cette évidence : l’AME est utilisée principalement à la fois pour des pathologies importantes, mais également en dernier lieu, car l’étranger sans papiers ne profite pas d’un système. Au contraire, il a plutôt tendance à attendre le dernier moment pour recourir aux soins. Le système d’AME que vous proposez va encore aggraver cette situation.
J’ajoute, mes chers collègues, que nous doutons de l’efficacité du dispositif qui est proposé. Demander un agrément préalable revient non seulement à alourdir la procédure, mais également à transférer sur les professionnels de santé les charges de l’AME.
Avec ou sans accord, les professionnels dispenseront les soins, car quelquefois, l’urgence ou la gravité des pathologies justifieront une réaction immédiate.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter cet amendement de suppression.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° II-157.
À ce stade des débats, il ne me paraît pas inutile de rappeler précisément ce dont on parle. Aux dires de certains, on pourrait croire que les dépenses liées à l’AME coûtent une somme considérable à notre pays. En réalité, il n’en est rien puisque le rapport de l’IGAS et de l’IGF précise qu’elles représentent moins de 0, 3 % des 160 milliards d’euros de dépenses engagées par l’assurance maladie, tous régimes confondus. Le prétexte avancé est donc fallacieux.
Constater la faiblesse de ces dépenses ne nous interdit toutefois pas de réfléchir et de chercher à limiter la fraude, ce qui est tout à fait légitime. Or les articles que nous examinons, dont les dispositions sont, dans la pratique, irréalisables, ne participent pas de ce débat raisonné. Ils constituent une charge en règle contre l’AME, contre la tradition de notre pays en matière d’accueil et, en définitive, contre les politiques de prévention et la santé publique.
L’article 86 ter, qui vise ni plus ni moins à soumettre l’exercice de la médecine à l’octroi d’une autorisation préalable, n’y fait pas exception.
On peut d’ailleurs craindre que cette mesure ne soit qu’une phase, une expérimentation destinée à réduire la prise en charge par la dépense publique, fiscale ou sociale, en conditionnant l’ensemble des actes médicaux onéreux à une autorisation préalable.
Par ailleurs, nous regrettons que cette disposition, qui constitue un acte de méfiance à l’égard de la communauté médicale, renvoie la délivrance de cette autorisation aux préfets, l’article L. 252-3 du code de l’action sociale et des familles faisant tout à la fois référence au « directeur de la caisse primaire d’assurance maladie des travailleurs salariés » et au « représentant de l’État dans le département ». Ces derniers ne disposent d’aucune légitimité en termes de santé. On peut même craindre que cette disposition, présentée comme une mesure de rationalisation des dépenses de santé, ne permette en fait aux préfets de disposer d’éléments complémentaires afin de participer de manière plus fructueuse, si j’ose dire, à la politique de lutte contre l’immigration.
Pour toutes ces raisons, et parce que cette disposition semble vraiment contraire aux idées fondamentales de notre pays qui garantissent l’accès de tous à la santé, le groupe CRC-SPG propose la suppression de l’article 86 ter.
M. Jean Desessard applaudit.
La parole est à Mme Bernadette Bourzai, pour présenter l'amendement n° II-214 rectifié.
Tout d’abord, je crois utile de rappeler certaines évidences et d’exposer certains faits, qui, s’ils semblent incontestables et acquis pour certains, ne le sont pas pour d’autres, à moins, peut-être, qu’ils ne feignent de les ignorer...
Rappelons donc que, pour accéder à l’AME, les étrangers en situation irrégulière doivent déjà aujourd’hui satisfaire à des conditions strictement contrôlées, c'est-à-dire être présents depuis plus de trois mois sur le territoire, vivre en France de façon permanente et habituelle, disposer de ressources inférieures à 634 euros par mois.
Par ailleurs, le droit à l’aide médicale d’État est actuellement valable pour une durée d’un an renouvelable. Aussi, tous les ans, les demandeurs doivent apporter toutes les preuves nécessaires pour l’obtenir et se soumettre aux contrôles de leur identité, de leur résidence, de leurs ressources.
Cette procédure, qui, on le voit bien, est exigeante, rend difficile l’obtention de l’AME. N’oublions pas tout de même que les associations consacrent une partie importante de leur temps de travail à accompagner vers le droit à la santé et l’accès aux soins les bénéficiaires qui ont du mal à rassembler tous les justificatifs nécessaires.
De plus, ces difficultés d’accès à l’AME sont déjà source de ruptures de prise en charge au moment du renouvellement annuel.
L’article 86 ter vise à soumettre à l’agrément préalable des caisses primaires d’assurance maladie et au contrôle systématique des conditions de ressources et de stabilité de résidence les soins hospitaliers dont le montant dépasserait un seuil fixé par décret en Conseil d’État, le coût du forfait hospitalier journalier étant également concerné. Il ne peut qu’engendrer des lourdeurs administratives préjudiciables à la délivrance des soins aux personnes concernées.
Une telle disposition non seulement retardera la prise en charge médicale et provoquera des discontinuités graves dans les soins et la prévention, mais pourra aussi conduire à un renoncement pur et simple des demandes d’agrément, en raison de démarches insurmontables devant être renouvelées fréquemment.
De surcroît, elle créera nécessairement une charge administrative supplémentaire, dont les hôpitaux et les caisses primaires d’assurance maladie gagneraient à se passer.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l’amendement n° II-288 rectifié.
Ayant vous-même été préfet voilà quelques années, ma chère collègue, vous auriez pu être appelée à prendre des décisions comme celles qu’a exposées tout à l’heure Mme Didier.
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
Monsieur le président, je confirme que la commission des finances s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
L’article 86 ter vise à instaurer une double condition : la stabilité de la résidence durant l’ensemble de la période des droits ouverts et la délivrance d’un agrément préalable du représentant de l’État ou de la caisse primaire d’assurance maladie pour une hospitalisation dont le coût est supérieur à un seuil fixé par décret du Conseil d’État. L’agrément sera obligatoire à l’occasion du service de prestations particulièrement coûteuses, afin de lutter contre la fraude.
Je voudrais rappeler que, pour les bénéficiaires de la CMU de base et de la CMU complémentaire, la condition de stabilité de la résidence peut être vérifiée à tout moment et, le cas échéant, donner lieu à suspension ou suppression des prestations.
L’agrément en question ne sera exigé ni pour les soins de ville ni pour les soins hospitaliers inopinés, qu’ils soient urgents ou simplement programmés. Je l’ai d’ailleurs précédemment indiqué.
Je précise de nouveau qu’un décret en Conseil d’État fixera le seuil et précisera la notion de soins inopinés.
Par conséquent, le Gouvernement demande aux auteurs de ces quatre amendements identiques de bien vouloir les retirer.
Je mets aux voix les amendements identiques n° II-38, II-157, II-214 rectifié et II-288 rectifié.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.
L'amendement n° II-279, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
L'amendement est adopté.
L'article 86 ter est adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt-et-une heures quarante.