Intervention de François Patriat

Réunion du 4 décembre 2010 à 14h30
Loi de finances pour 2011 — Politique des territoires

Photo de François PatriatFrançois Patriat :

Nous avons effectué de nombreux déplacements au sein des bassins industriels, dans les villes, certes, mais aussi dans les campagnes. Ces dernières, en effet, contrairement à une idée reçue, sont frappées de plein fouet par la désindustrialisation et rivalisent d’ingéniosité pour maintenir, voire pour relocaliser, des activités industrielles.

Monsieur le ministre, croyez-vous que le moment soit bien choisi pour les abandonner, pour ne pas soutenir leurs initiatives ? Les aider devrait être l’une des priorités des politiques publiques menées dans les territoires.

En fait, la politique des territoires n’est pas un parent pauvre du budget de l’État, qu’il conviendrait, pour des raisons constitutionnelles, d’inviter en bout de table aux repas familiaux. Non, bien utilisée et bien armée, elle serait plutôt l’oncle d’Amérique, pour peu qu’une volonté existe et que l’État fasse confiance, sur la durée, aux entreprises et aux collectivités et qu’il s’engage autour de projets.

Monsieur le ministre, dites-vous bien que si l’État abandonne la partie, si les collectivités sont contraintes par son désengagement à moins financer ces activités, les banques ne suivront pas et des perspectives non négligeables de création ou de relocalisation d’activités sur les territoires seront perdues.

Hier, j’ai participé à une réunion avec les responsables de Réseau ferré de France en Bourgogne, où je préside le conseil régional. Ils m’ont affirmé qu’ils devaient, dans les trois ans à venir, remettre à niveau leurs comptes. L’ajustement est cette année de 50 %, ce qui signifie que RFF enregistre encore des pertes ; il sera de 60 % l’année prochaine grâce aux actions engagées, et peut-être l’objectif de 100 % sera-t-il atteint par la suite. J’y insiste, monsieur le ministre, parce que vous êtes vous aussi l’élu d’une région, à savoir la Haute-Normandie.

J’ai demandé à ces responsables quelles seraient les conséquences de cette politique dans les prochaines années, et ils m’ont répondu – je l’avais deviné ! –, qu’elle se traduirait par un doublement des péages en trois ans dans les conventions passées avec la SNCF.

Monsieur le ministre, vous imaginez bien quel sera l’effet de cette mesure dans la région Bourgogne, pour laquelle la convention SNCF est déjà passée de 104 millions d'euros à 150 millions d'euros en six ans, parce que nous avons financé le cadencement, acheté des trains et amélioré l’offre de TER. Avec le doublement des péages en trois ans, elle montera à 185 millions d'euros.

Si la région Bourgogne, dont les cartes grises sont désormais la seule recette fiscale et qui ne peut plus jouer sur le levier de l’impôt, doit assumer une charge supplémentaire de 25 millions d'euros dans les trois ans à venir, elle le fera au détriment des investissements. Cette dépense nouvelle, qu’elle ne pourra pas assumer, est d'ailleurs constituée, je vous le rappelle, mes chers collègues, de ces crédits de fonctionnement que certains d’entre vous sont si prompts à dénoncer sur ces travées.

J’ai cité cet exemple pour souligner que la réforme des collectivités territoriales, et surtout celle des finances locales, entraînera pour toutes les collectivités, c'est-à-dire tant les communes, les intercommunalités, que, demain, les départements, des manques à gagner ou des baisses de recettes, qui empêcheront de financer le haut débit, les maisons médicales, le fret ferroviaire et les autres activités que, chaque jour, nous sommes amenés à prendre en charge.

Mon cher collègue, vous avez vanté tout à l'heure les grappes d’entreprises qui sont constituées au travers des PER. Toutefois, chaque fois que l’État crée un pôle d’excellence rurale, il demande à la collectivité concernée de participer, en sus des moyens qu’elle a déjà accordés sur son budget. Si l’on empile de nouveaux pôles en prétendant que les collectivités joueront le même rôle pour les PER que pour les TGV, l’aménagement du territoire ne progressera pas.

Telle est bien la crainte des élus locaux. En effet, l’aménagement du territoire s’est globalisé, notamment à cause de la réforme des collectivités et de celle des finances locales, et c’est bien cette évolution qui, demain, mettra les territoires en difficulté.

Monsieur le ministre, je ne parle pas de paupérisation. Comme vous, j’ai une ambition pour mon pays et pour nos territoires, mais je ne suis pas certain que nous ayons pris aujourd'hui la bonne voie. Le contexte est difficile – nous ne le nions pas –, mais d’autres choix auraient pu être réalisés. C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas les crédits de cette mission.

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