Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant toute chose, je voudrais vous faire part de ma vive réprobation face à la suppression décidée par le Gouvernement de la dotation d’État qui alimentait jusqu’à cette année encore l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS. Certes, si l’on se borne à un raisonnement purement comptable, cette mesure représente une économie de 10 millions d’euros auxquels on peut ajouter 20 millions d’euros supplémentaires puisqu’il est prévu de reconduire cette mesure jusqu’en 2013.
Mais il est difficile d’imaginer que les activités de l’Agence n’en soient pas affectées. J’ai pu constater que le rapporteur spécial tout comme le rapporteur pour avis partagent cette analyse.
Or, cette agence exerce des missions essentielles puisque, aux termes de l’article L. 5311-1 du code de la santé publique, c’est elle qui notamment « prend [...] des décisions relatives à l’évaluation, aux essais, à la fabrication, à la préparation, à l’importation, à l’exportation, à la distribution en gros, au conditionnement, à la conservation, à l’exploitation, à la mise sur le marché, à la publicité, à la mise en service ou à l’utilisation des produits à finalité sanitaire destinés à l’homme […] ». Rien que cela !
En outre, on sait que d’une manière globale notre système sanitaire est déjà bien fragile. En effet, les pouvoirs publics, au moment où ils ont institué la Haute Autorité de santé, n’ont pas su saisir l’occasion qui se présentait pour rationaliser l’architecture des agences sanitaires et régler le problème de coordination des missions qu’elles se partagent. À titre d’exemple, la dichotomie opérée entre les activités exercées par la commission d’autorisation de mise sur le marché abritée par l’AFSSAPS et celle dite « de la transparence », chargée de l’évaluation de l’efficacité des mêmes produits de santé et qui siège au sein de la Haute Autorité de santé, est éloquente. Plus largement, avec la multiplication des agences sanitaires indépendantes, on comprend que c’est l’autorité même de l’État en matière de santé publique et, par voie de conséquence, son crédit qui sont mis à mal.
Dans ce contexte, la quasi-disparition des financements publics accordés à l’AFSSAPS appelle deux remarques de fond.
Tout d’abord, la situation du financement de cette agence qui prévalait jusqu’à cette année – elle était financée à 90 % par des taxes versées par les laboratoires, les 10 % restants consistant en des subventions publiques – ne permettait déjà pas que l’État finance en totalité les missions dont il reste pourtant le garant – veille sanitaire, pharmacovigilance et inspections. Dans ces conditions, la suppression de la subvention publique dont bénéficiait l’Agence va à l’encontre de ce que le rapport d’information intitulé « Médicament : restaurer la confiance », rendu public par le Sénat en 2005, avait préconisé afin qu’elle puisse exercer ses missions en toute indépendance.
De plus, asseoir les ressources de l’Agence sur le seul produit des taxes versées par les entreprises pharmaceutiques apparaît périlleux. En effet, comment croire que cette dernière puisse travailler à l’abri de toute pression dès lors que son équilibre financier dépend exclusivement du nombre de dossiers qu’elle traite ?
L’affaire du Mediator, qui succède à d’autres scandales sanitaires comme celui du Vioxx, vient témoigner des défaillances de notre système de contrôle du médicament.
Notre système, et ce probablement en raison des liens trop étroits entre les firmes pharmaceutiques et l’expertise, a été amené à autoriser la mise sur le marché ainsi que le maintien de médicaments inutiles et parfois même dangereux. Ainsi, 90 % des nouveaux produits mis sur le marché pour la seule année 2009 n’apportaient aucune amélioration du service médical rendu par rapport à des médicaments déjà existant et la plupart du temps d’un prix inférieur. On mesure par ce seul exemple le gaspillage de fonds publics auquel conduit un tel système.