Ces indicateurs nous montrent, d’une part, le cumul des difficultés qui font que les mêmes additionnent les revenus les plus bas, le moindre niveau de diplôme et les conditions de travail les plus dures et, d’autre part, la corrélation de ces difficultés cumulées avec le taux de retard ou de renoncement aux soins.
Ces déterminants socioéconomiques se retrouvent dans tous les domaines de morbidité, qu’il s’agisse de maladies cardiovasculaires, de cancers, d’accidents, de problèmes dentaires ou de santé mentale.
Selon l’Enquête sur la santé et la protection sociale 2008 de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, l’IRDES, publiée en juin 2010, sur une période de dix ans, le taux de renoncement à des soins pour des raisons financières augmente de 1998 à 2000, chute fortement de 2000 à 2002 et augmente constamment depuis. Il est inversement proportionnel au niveau de vie, lui-même corrélé au niveau d’études.
La mesure individuelle de fragilité sociale, au moyen du score d’évaluation de la précarité et des inégalités de santé dans les centres d’examens de santé, dit « score Épices », établit l’augmentation des comportements à risques et des renoncements aux soins, y compris préventifs, la dégradation de l’état de santé physique et mentale selon le degré de précarité qui génère un plus grand nombre de personnes en affection de longue durée, ou ALD.
Je m’en réfère, en tout premier lieu, à ces indicateurs parce qu’ils synthétisent, à l’échelon national, les dégradations que nous constatons auprès de nos concitoyens et dans les services locaux, parce qu’il s’agit incontestablement de questions de santé publique et parce que ces indicateurs, sauf erreur de ma part, sont singulièrement absents du bleu budgétaire pourtant consacré à la mission « Santé ».
Nous connaissons pourtant toujours en France ce paradoxe qui oppose niveau de soins et niveau de prévention : notre système de santé est l’un des meilleurs au monde, notre espérance de vie ne cesse de croître, notre fécondité reste parmi les plus élevées en Europe, mais la mortalité des ouvriers et employés reste trois fois plus importante que celle des cadres supérieurs, la différence d’espérance de vie à la naissance est de plus de dix ans entre les zones nord et sud, et le taux de prématurité varie du simple au triple selon le niveau scolaire de la mère...
Ce que je veux souligner ici avec insistance, c’est à la fois le caractère évitable de ces pathologies sociales liées à la précarité, la source considérable d’économies que constituerait un investissement massif en politique de prévention, mais aussi le caractère impérativement transversal qui en conditionne l’efficacité.
Mais nos récents débats sur le projet de réforme des retraites ont suffisamment montré, avec la vassalisation de la médecine du travail et une conception de la pénibilité réduite à une invalidité avérée d’au moins 10 %, que ce gouvernement n’a pas intégré cette nécessaire notion de transversalité.
Les données financières de cette mission « Santé » confirment que la prévention n’est pas un impératif de ce gouvernement. Inscrit dans la rigueur générale, l’ensemble des crédits du programme 204, Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, régresse de près de 5 %. S’il faut se féliciter de l’augmentation des crédits de formation initiale, le reste est saupoudrage, cela a été dit. L’examen détaillé des actions est même inquiétant.
L’objectif annoncé de l’action 12, Accès à la santé et éducation à la santé, en faveur de la prévention des grossesses indésirables, est démenti par la diminution des budgets alloués au Planning familial, les fermetures de centres d’interruption volontaire de grossesse et la grande discrétion des campagnes de sensibilisation sur la contraception.
L’objectif de l’action 13, Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins, que constituent toujours sida, hépatite et tuberculose, est mis à mal par la baisse des crédits de 15 %. Le dernier rapport public annuel de la Cour des comptes, du 9 février 2010, et l’Avis conjoint du Conseil national du sida et de la Conférence nationale de santé relatif au projet de plan national VIH/sida du 17 juin 2010 font état d’une politique inefficace face aux défis actuels, d’absence de moyens, de plan timoré en matière de dépistage et de traitement, et surtout d’un manque de cohérence entre les politiques publiques s’agissant des personnes migrantes – j’y reviendrai –, des détenus, des usagers de drogues, des prostituées... De plus, le budget lié à la prévention de la santé au travail chute de 15 % et celui de l’éducation à la santé baisse d’un tiers depuis trois ans...
Au-delà se pose même un réel problème d’évaluation des politiques de santé publique. En termes de lisibilité, la nouvelle maquette budgétaire ne favorise pas les comparaisons et la globalisation des crédits du programme Prévention et sécurité sanitaire ne permettra plus d’avoir connaissance en amont des politiques menées, puisqu’elles ne sont plus détaillées par type d’action.
En termes d’efficacité, les opérateurs de l’État sont non seulement frappés par la baisse de leurs effectifs et de leurs financements – c’est le cas de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS, qui est la plus touchée, de l’Institut de veille sanitaire, l’INVS, de l’Agence de biomédecine et de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES –, mais aussi par le maintien d’une confusion d’intérêts qui nécessite un réexamen détaillé de la cartographie de ces agences, comme cela est d’ailleurs recommandé dans un récent rapport parlementaire.
Nous sommes apparemment unanimes à regretter que la lisibilité du budget ne soit pas meilleure que les politiques qu’il porte.
La loi de santé publique annoncée nous permettra peut-être enfin d’appréhender les choses de manière complète, d’avoir une vision générale de la santé en France et de ses financements, tous budgets compris, de l’État et de la sécurité sociale, afin de proposer une politique plus volontaire de réduction des inégalités, ce qui n’est malheureusement toujours pas le cas aujourd’hui.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, sur le temps qui m’est imparti, je voudrais maintenant me faire le porte-parole de notre collègue René Teulade, ancien ministre, qui souhaitait s’exprimer ainsi.
Ce budget peut être considéré comme un budget annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont nous venons de terminer récemment l’examen.
Cette année, l’architecture budgétaire de cette mission est une nouvelle fois remaniée, ce qui ne favorise pas les comparaisons. De plus, l’entrée en application de la loi HPST, votée en 2009, a des conséquences fortes sur la loi de finances.
La mise en place des agences régionales de santé provoque le regroupement des crédits dans le programme 204, Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins. Ce regroupement, peu lisible, masque une nette diminution des crédits.
Les opérateurs, notamment l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, subissent les objectifs de réduction de dépenses du Gouvernement.
Lors de la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale avait été soulevé le problème du Mediator, interdit l’an dernier par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Nous pouvons nous interroger sur l’opportunité de réduire aujourd’hui les crédits de cette agence quand celle-ci doit bénéficier de moyens nécessaires pour garantir la santé des Français en contrôlant la sécurité et la qualité des produits de santé distribués dans le pays.
Un désaccord, le même jour, avait été également exprimé sur les amendements adoptés lors de la première lecture à l’Assemblée nationale concernant l’aide médicale de l’État. Le Gouvernement avait répondu qu’ils étaient « hors sujet », ces dispositions étant contenues dans le projet de loi de finances. Nous y voilà !
On ne peut, bien sûr, qu’approuver l’augmentation des crédits destinés à l’aide médicale de l’État depuis 2008. Relevant de la solidarité nationale, cette aide est entièrement financée par l’État. Elle représente 588 millions d’euros pour 2011. Environ 215 000 personnes en ont bénéficié en 2009. Cette aide, qui existe depuis 1893, était, à l’époque, destinée à tous les démunis.
Depuis 2007, l’aide médicale de l’État a subi de nombreux aménagements. Madame la secrétaire d'État, votre politique, qui n’est pas seulement marquée par la réduction des dépenses publiques, tente, depuis une dizaine d’années, de remettre en cause cette aide, marqueur de la solidarité républicaine offerte à des personnes en grande difficulté.
Après une tentative de remise en cause de l’aide médicale de l’État lors de l’examen du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, l’Assemblée nationale a adopté le 2 novembre, avec l’avis favorable du Gouvernement, le démantèlement de l’aide médicale de l’État : restriction du panier de soins aux seuls actes dont le service médical est important ou modéré, …