Je souhaiterais d’ailleurs dire quelques mots sur le premier bilan que nous pouvons faire de ces nouvelles structures, monsieur Fourcade. Après une phase de préfiguration de six mois, les ARS ont été créées au 1er avril 2010, en application de la loi HPST. Les articulations avec les acteurs régionaux sont donc encore pour partie en voie de constitution.
Les ARS ont procédé rapidement à la mise en place de leurs conseils de surveillance, qui se sont réunis pour la première fois en juin-juillet.
Toutes les agences ont disposé de protocoles provisoires pour organiser leurs relations avec les préfectures de leur région. En juillet 2010, cinq ARS avaient déjà conclu leurs protocoles définitifs et au moins trois autres étaient sur le point d’y parvenir.
Lieux majeurs de la démocratie sanitaire et de l’association des acteurs de santé, les nouvelles conférences régionales de santé et de l’autonomie, les CRSA, ont été rapidement mises en place : 21 étaient constituées en juillet 2010. Les cinq autres ARS ont réuni leur CRSA en septembre 2010.
L’élaboration et l’adoption des projets régionaux de santé, les PRS, prévues pour la fin de l’année 2011, seront aussi l’occasion de structurer leurs relations et leur partenariat avec les acteurs de santé régionaux.
Avec la mise en place des agences régionales de santé, le Gouvernement a en outre souhaité maintenir le montant des moyens consacrés aux projets régionaux de santé publique. Ces crédits ne seront donc pas impactés par la norme de diminution des crédits d’intervention. Ils connaîtront même une légère augmentation de 2 millions d’euros l’année prochaine, leur montant atteignant ainsi 189 millions d’euros.
Au regard de la contrainte budgétaire, cet effort n’est pas négligeable. Il est surtout stratégique car le développement des politiques régionales de santé bénéficiera d’un maximum de marges de manœuvre.
Les choix que nous avons faits dans ce projet de loi de finances permettront ainsi de renforcer les priorités de l’État en matière de santé publique.
Il s’agit, tout d’abord, de favoriser le développement de la formation médicale initiale et continue et vous avez souligné cet effort, madame Hermange.
Les moyens budgétaires consacrés à cette priorité du Président de la République augmenteront de 20, 3 % en 2011, soit plus de 20 millions d’euros.
Les crédits des actions de formation médicale initiale des professions médicales et paramédicales, désormais regroupées au sein du programme 204, s’élèveront à 121, 5 millions d’euros en 2011, soit une progression de 20 %. Ces moyens permettront la prise en charge des dépenses effectuées pour les formations extrahospitalières à hauteur de 115, 3 millions d’euros, dépenses en croissance forte compte tenu de l’augmentation continue du numerus clausus. Elles permettront de financer 410 stagiaires extrahospitaliers, 3 100 internes stagiaires en médecine générale chez des médecins généralistes agréés, 5 760 étudiants de quatrième et de cinquième année en stage de deuxième cycle auprès d’un médecin généraliste et, enfin, près de 1 300 internes en médecine générale en stage de sixième semestre.
Cette dotation nous permettra également le financement du dispositif de « l’année recherche » pour 6, 1 millions d’euros : plus de 180 « années recherche » seront ainsi proposées aux internes en formation.
Madame Hermange, monsieur Fourcade, vous avez évoqué les problèmes liés au développement de l’attractivité des zones rurales. Sans les méconnaître, je souhaite cependant envisager la médecine libérale de manière positive.
Par rapport à ses voisins européens, la France dispose d’un nombre très important de médecins. Par ailleurs, nos dépenses de santé ne cessent d’augmenter, ce qui montre combien l’État est soucieux de la qualité des soins sur notre territoire.
Comme l’a annoncé le Président de la République, les médecins généralistes bénéficieront d’une revalorisation en 2011 : l’augmentation du tarif du C, qui passera à 23 euros.
Par ailleurs, les mesures prévues dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires, promulguée en juillet 2009, pour lutter contre la désertification médicale sont d’ores et déjà opérationnelles, et il faut s’en féliciter.
La rapidité de cette mise en œuvre témoigne de l’importance du sujet pour le Gouvernement et de sa volonté de répondre aux inquiétudes des Français.
Dès à présent, les étudiants en médecine et les internes peuvent postuler à un contrat d’engagement de service public. Le Président de la République a indiqué cette semaine que 400 contrats leur sont d’ores et déjà offerts.
Concrètement, ces futurs médecins s’engagent à exercer en zone sous-dense, pour une durée équivalant à celle de leurs études. En contrepartie de cet engagement, ils reçoivent une allocation de 1 200 euros par mois. Vous le voyez, madame Didier, nous ne restons pas inactifs.
Pour favoriser le développement de la formation, il convient de noter les actions de formation médicale continue des professions médicales et paramédicales, qui bénéficieront au total de 2 millions d’euros en 2011. Je vous rappelle que la formation médicale continue est remplacée par le développement professionnel continu, le DPC, nouveau dispositif mis en place par l’article 59 de la loi HPST. Afin de structurer sa mise en œuvre, une convention est actuellement en cours d’élaboration pour le financement de la Fédération des spécialités médicales, la FSM, au travers de six comités opérationnels concernant le DPC, les conflits d’intérêt ou encore les actions de coopération.
Il s’agit, ensuite, au sein du programme 204, de l’évolution des moyens alloués aux opérateurs. La plupart devront, comme pour les autres missions du budget de l’État, réaliser des gains de productivité.
J’ai bien conscience de l’importance de l’effort qui leur est demandé. Dans le cas particulier de l’AFSSAPS, que vous avez évoqué, l’absence de dotation s’explique par le niveau élevé de son fonds de roulement de 37, 8 millions d’euros au 31 décembre 2009 et de près de 35 millions d’euros au 31 décembre 2010 pour le prévisionnel. Ces marges de manœuvre permettront donc de compenser les subventions versées jusque-là.
Je sais, monsieur Milon, que vous n’êtes pas très favorable à une telle solution. Toutefois, il ne s’agit pas dans notre esprit d’un désengagement de l’État. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de revenir sur cette question, madame Didier, au cours de l’examen des amendements.
L’autre poste de dépenses, qui enregistre une forte augmentation, est celui des crédits alloués à l’aide médicale de l’État, inscrits au sein du programme 183. Il progresse de 53 millions d’euros et fait l’objet d’une dotation de 588 millions d’euros pour 2011. Plusieurs articles rattachés seront examinés tout à l’heure. Ce n’est pas un petit débat, car l’AME représente 45 % des crédits de la mission « Santé ».
Selon moi, il convient, dans un premier temps, de dépassionner ce débat. Depuis l’adoption par l’Assemblée nationale d’amendements visant à réformer l’AME, j’ai entendu de nombreux commentaires, souvent très excessifs.
Il ne s’agit pas de stigmatiser, de remettre en cause l’accès aux soins, ou encore d’exclure.
Nous sommes face à une politique publique à laquelle L’État consacre plus de 1 demi-milliard d’euros. Il ne paraît donc pas anormal de souhaiter que cette politique soit gérée au mieux. Je considère même que c’est une condition essentielle de son acceptation par nos concitoyens.
Depuis le début de l’examen de ce projet de loi de finances, vous avez pu le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, mission budgétaire après mission budgétaire, un immense chantier d’économies et de rationalisation a été mis en œuvre. II n’y a pas de raison pour qu’un dispositif entraînant près de 600 millions d’euros de dépenses par an en soit exclu a priori.
J’ai cependant bien conscience qu’il s’agit d’un sujet sensible : aussi en reviendrai-je à quelques éléments essentiels.
Tout d’abord, il n’y a pas de dérive financière de l’AME. Le coût global du dispositif évolue en effet de la même façon que les dépenses de santé : depuis 2002, le coût réel de l’AME a progressé de 43 %, augmentation à comparer à l’évolution des dépenses sous ONDAM réellement constatées, qui ont, quant à elles, progressé de 35 %. La hausse des dépenses tient donc essentiellement à l’évolution du nombre de bénéficiaires, qui a progressé de 40 % depuis 2002.
Ensuite, les dépenses ont augmenté de 13 % de 2008 à 2009. Cela s’explique pour moitié par la hausse des effectifs : en un an seulement 13 000 bénéficiaires supplémentaires ont été enregistrés. Cela s’explique également pour moitié par la forte augmentation des dépenses d’AME relevées dans les établissements de santé : elles ont progressé de 14, 9 % en 2009. Vous le savez, les hôpitaux concentrent 70 % des dépenses de l’AME. Or, le passage à la T2A à 100 % a conduit certains d’entre eux à être plus vigilants sur l’exhaustivité de la facturation à l’assurance maladie. Cet effet « bonne gestion » est assez normal.
Enfin, troisième point, plus factuel, un titulaire de l’AME ne doit pas disposer de droits plus étendus qu’un étranger titulaire de la CMU-C, bien que cette conception semble présente dans bien des esprits. Au contraire, à niveau égal de ressources, les bénéficiaires de la CMU-C sont mieux protégés, puisqu’ils bénéficient du panier de soins dentaires et optiques, dont le niveau de remboursement est supérieur aux tarifs de base de la sécurité sociale.
Plus fondamentalement, les bénéficiaires de l’AME ne sont pas exonérés d’une logique de droits et de devoirs qui irrigue notre système de prise en charge. Par exemple, depuis 2008, comme tous les assurés, ils doivent accepter les médicaments génériques, lorsqu’ils existent, afin de pouvoir bénéficier du tiers payant, obligation qui n’existait pas auparavant. C’est bien le moins qu’on puisse leur demander.
Partant de ces rappels, je considère que plusieurs des propositions dont nous allons discuter tout à l’heure vont dans le bon sens, car elles permettront d’améliorer le pilotage et la gestion du dispositif. Ce que nous voulons, c’est préserver un dispositif de prise en charge qui a fait ses preuves et qui est le plus large en Europe, avec ceux de l’Espagne et du Portugal. Toutefois, ce dispositif ne pourra recueillir l’adhésion que s’il est bien géré et bien contrôlé.
Je pense notamment à l’instauration d’un droit d’entrée annuel par adulte bénéficiaire de l’AME. Cette mesure permettrait de couvrir les frais d’ouverture du dossier et les coûts de fabrication de la carte sécurisée qui est remise à chaque bénéficiaire, sans pour autant provoquer de renoncement aux soins.
Cette solution est préférable, par exemple, à une mesure qui viserait à une participation directe au fil de l’eau des bénéficiaires de l’AME. Il y aurait, dans ce cas, un risque financier sur les médecins libéraux chargés de calculer et de recouvrer le ticket modérateur.
Je pense également au recentrage du panier des bénéficiaires de l’AME sur les actes ou prestations dont le service médical rendu est le plus important. Cette mesure, qui ne serait évidemment pas applicable aux mineurs, participe d’une réelle démarche médicalisée. Elle est préférable à une restriction de prise en charge des soins des titulaires de l’AME aux seuls soins urgents, qui serait facilement contournée et conduirait à engorger les services d’urgences des hôpitaux.
D’autres dispositions permettent d’améliorer le contrôle des dépenses et la lutte contre les abus et les fraudes. Je pense, par exemple, à l’article 86 ter, qui vise à instaurer un contrôle systématique pour les soins hospitaliers au-delà d’un certain seuil de dépenses fixé par décret en Conseil d’État, ou à l’article 86 quater, qui vise à permettre aux caisses d’assurance maladie de récupérer les sommes indûment versées, procédure que les caisses maîtrisent parfaitement, beaucoup mieux que les services de l’État.
L’agrément administratif ne remet pas en cause l’accès aux soins. Il interviendra à l’occasion du service de prestations particulièrement coûteuses, dans un but de lutte contre la fraude.
Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que, pour les bénéficiaires de la CMU de base et de la CMU complémentaire, les conditions de stabilité de la résidence en cours de droits peuvent être vérifiées à tout moment et, le cas échéant, donner lieu à la suspension ou à la suppression des prestations.
Un décret en Conseil d’État fixera le seuil et précisera la notion de soins inopinés, mais cet agrément ne sera exigé ni pour les soins de ville ni pour les soins hospitaliers inopinés, qu’ils soient urgents ou simplement non programmés.
Je voudrais dire un mot, en réponse à Mme Hermange, sur la lutte contre les addictions.
L’objectif du ministère de la santé est de prévenir les consommations et de prendre en charge les personnes dépendantes. Mais, au sein de cette approche, une politique spécifique est destinée à réduire les risques graves chez les usagers de drogues qui ne peuvent pas s’arrêter de consommer.
Avec 130 000 personnes substituées, 15 millions de seringues distribuées par an, 130 centres d’accueil spécialement dédiés à la réduction des risques, la France est un des pays où la proportion d’overdoses mortelles et l’épidémie de VIH chez les usagers de drogues ont le plus diminué. Néanmoins, l’épidémie d’hépatite C se maintient encore à un niveau important, tandis qu’une frange des usagers de drogues tend à se couper du dispositif de prise en charge.
À cet égard, un rapport d’expertise de l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, a proposé, cet été, d’étoffer l’offre de réduction des risques en expérimentant notamment des centres d’injection supervisée. Le but était d’accueillir des usagers de drogues dans des locaux dédiés pour qu’ils puissent consommer leur drogue dans les meilleures conditions sanitaires et sous supervision de personnel soignant.
Après avoir pris connaissance de ce rapport d’expertise, le Gouvernement a estimé que ces centres n’étaient pas une réponse adaptée pour lutter contre l’hépatite C et améliorer l’état de santé des usagers de drogues précaires, et que ces problématiques pouvaient être prises en compte de manière plus efficace.
Des propositions sont à l’étude pour renforcer et améliorer le dépistage et la prise en charge des hépatites, l’offre de seringues, l’accès à la substitution, ainsi que pour promouvoir des dispositifs innovants permettant d’entrer en contact avec les usagers les plus précaires.
Par ailleurs, madame Hermange, nous lançons, la semaine prochaine, une campagne sur la toxicomanie et la parentalité.
Je voudrais également apporter quelques éléments de réponse par rapport à un certain nombre d’autres interpellations.
S’agissant, monsieur le rapporteur spécial, du suivi des crédits relatifs aux épidémies, notamment à celle de la grippe A/H1N1, les crédits votés dans ce cadre sont, avant tout, prévisionnels. Or, comme vous le savez, une crise implique de nombreux acteurs – ministères, assurance maladie, collectivités locales, etc. – qui ne partagent pas leurs outils informatiques. Des aléas surviennent, qui rendent nécessaires des ajustements. Nous devons donc attendre les remontées des factures pour établir le coût global d’une épidémie, coût que, par conséquent, nous ne pouvons connaître que bien après la crise.
Mme Hermange m’a interrogée sur le plan maladies rares. Nous travaillons en réalité sur une deuxième version de ce plan, qui sera annoncée d’ici à la fin de l’année. La recherche y aura toute sa place.
Par ailleurs, madame Hermange, les moyens de l’Agence de la biomédecine augmenteront effectivement au titre du plan cancer et du financement de nouvelles banques de sang placentaire. Le financement de ces banques sera ainsi porté à plus de 9 millions d’euros, grâce à des crédits en provenance de l’assurance maladie. Compte tenu des 1, 3 million d’euros apportés par l’agence sur ses ressources propres, près de 11 millions d’euros, au total, seront consacrés aux banques de sang placentaire en 2011.
Monsieur Desessard, je vous informe que la Délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire, la DILGA, élaborera bien un rapport pour tirer les enseignements de la crise liée à la pandémie grippale H1N1.