Je souhaite tout d’abord lever une inquiétude s’agissant des prestations liées à l’aide médicale d’État, l’AME : contrairement à ce que l’on entend parfois, les bénéficiaires de l’AME n’ont pas plus de droits que les titulaires de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C. Ces derniers sont mieux protégés, car ils ont accès à des remboursements de soins dentaires et optiques supérieurs aux tarifs de la sécurité sociale, et ne peuvent se voir appliquer de dépassements d’honoraires. Les bénéficiaires de l’AME, en revanche, peuvent se voir appliquer ces dépassements.
Dans l’ensemble, le coût moyen des soins pour les titulaires de l’AME s’élève à 2 055 euros, contre 2 188 euros pour les assurés sociaux. De plus, les premiers ont recours aux médicaments génériques dans la même proportion que les seconds. Il n’est donc pas légitime d’affirmer que l’AME représente une charge financière disproportionnée par rapport à l’assurance maladie dont bénéficie le reste de la population.
L’article 86 bis ouvre la possibilité d’exclure de la prise en charge des soins et transports sanitaires « les actes, les produits et les prestations dont le service médical rendu n’a pas été qualifié de moyen ou d’important ou lorsqu’ils ne sont pas destinés directement au traitement ou à la prévention d’une maladie ». Cette exclusion sera déterminée dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.
La commission des affaires sociales comprend les objectifs visés par cet article. Elle s’interroge cependant sur le moyen choisi pour y parvenir. En effet, la demande de soins des titulaires de l’AME correspond, d’après les données fournies par le ministère et les associations d’aide aux migrants, à des soins de première nécessité.
Lors du débat à l’Assemblée nationale, la fécondation in vitro et les cures thermales ont été citées comme exemples de soins susceptibles d’être exclus du panier accessible par l’AME ; ils n’emportent pas la conviction.
Les cures thermales reposent sur le paiement par le curiste de son hébergement, sans prise en charge : il n’est donc pas étonnant qu’aucun titulaire de l’AME n’ait, à ce jour, bénéficié de tels soins. L’Agence de la biomédecine ne recense pas non plus de titulaires de l’AME ayant bénéficié d’une fécondation in vitro. De toute façon, les équipes médicales refusent de s’engager dans un tel processus avec des personnes dont la situation est économiquement et socialement précaire, au nom du bien-être de l’enfant.
La responsabilité des soignants, et particulièrement des médecins, dans les soins qu’ils prescrivent est la meilleure garantie de l’absence de dérives de l’aide médicale d’État. Il est particulièrement difficile de faire intervenir le pouvoir réglementaire dans la relation entre le médecin et son malade.
Par ailleurs, l’article entend limiter l’attractivité de l’aide médicale d’État pour répondre au risque d’une immigration fondée sur le besoin de soins non essentiels. Il n’est pas impossible que la perspective d’obtenir des soins joue, pour une part, dans la décision d’immigration des personnes qui se savent malades. Mais tel n’est pas le cas de la majorité des titulaires de l’AME. En effet, ceux-ci n’ont fait l’objet d’aucune prise en charge ni d’aucun dépistage dans leur pays d’origine, et sont principalement des personnes jeunes – 72 % d’entre eux sont âgés moins de quarante ans, d’après les chiffres fournis par la direction de la sécurité sociale –, physiquement capables d’entreprendre le voyage qui les conduira en France.
L’attractivité du système de soins français peut être plus importante pour les étrangers souffrant de maladies graves, mais ces derniers ne sont pas des titulaires de l’AME. En application de l’article L. 313–11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ils ont en effet la possibilité de bénéficier de la CMU et de la CMU-C.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des affaires sociales vous proposera un amendement de suppression de cet article.