Cet article, issu de l’adoption d’un amendement déposé à l’Assemblée nationale, nous interroge autant qu’il nous inquiète.
Il nous interroge, parce qu’il tend à préciser que les dépenses de santé mentionnées à l’article L. 321–1 du code de la sécurité sociale pourraient ne plus être prises en charge par l’aide médicale d’État si le service médical rendu n’a pas été qualifié de moyen ou d’important, ou s’il n’est pas destiné directement au traitement ou à la prévention de maladies.
Pour se prononcer sur cet article, il convient de se reporter aux frais qu’il vise : les frais de médecine générale et spéciale. On voit mal comment cette disposition pourrait être appliquée raisonnablement. L’AME prenant la forme d’une dispense de frais, qui pourra décider que la consultation d’un médecin généraliste par le bénéficiaire de l’AME n’est pas justifiée par l’état de santé de ce dernier ? S’agira-t-il d’un contrôle avant consultation, ou bien permettrez-vous aux médecins consultés de juger par eux-mêmes si cette consultation relève, ou non, de la prise en charge par l’AME ?
Si je pose cette question, c’est parce que nous sommes inquiets. Personne n’ignore que les bénéficiaires de l’AME sont dans un état de grande précarité. Nul ne peut le nier, puisque l’une des conditions essentielles d’attribution de cette aide réside dans le fait de disposer de revenus inférieurs à 634 euros ! L’annonce lors de la consultation – surtout d’un médecin spécialiste ! – de la non-prise en charge de l’avance de frais sera synonyme, pour ces personnes, d’un renoncement aux soins.
Nous voyons dans cet article une manière subtile, mais efficace, de rendre légal ce qui ne l’est pas actuellement : la discrimination en matière d’accès aux soins dont sont victimes les bénéficiaires de l’AME. N’oublions pas que, pour certaines spécialités, le taux de refus de soins prononcés contre les bénéficiaires de l’AME est de 30 % !
En agissant ainsi, les auteurs de l’amendement initial, qui est devenu un article de ce projet de loi de finances, espèrent que le refus de soins prononcé par le médecin se transformera, de fait, en renoncement aux soins de la part du patient.
Cet article, inséré par l’Assemblée nationale, vise également à soumettre à conditions la prise en charge à 100 % des actes de réadaptation fonctionnelle et de rééducation consécutifs à un accident – qui pourrait croire qu’il existe des fraudes en la matière ? –, ou encore de matériels et médicaments contraceptifs, une mesure qui aurait pour effet de priver les femmes de ce droit fondamental, leur liberté de décider elles-mêmes si elles souhaitent, ou non, être enceintes.
Par ailleurs, cet article est profondément redondant par rapport au droit en vigueur. En effet, l’article L. 321–1 du code de la sécurité sociale dispose déjà que les dépenses de santé les plus importantes doivent être justifiées par l’état de santé du patient : ne sont visés que les soins ou les actes qui sont, pour reprendre les termes mêmes de cet article 86 bis, « destinés directement au traitement ou à la prévention d’une maladie ».
C’est le cas des frais d’interventions chirurgicales, qui doivent être, selon l’article L. 321–1 du code de la sécurité sociale, « nécessaires pour l’assuré et les membres de sa famille ».
C’est aussi le cas de la couverture des frais de transport : à leur égard, le même article dispose, d’ores et déjà, que les patients concernés doivent se trouver « dans l’obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à leur état ».
Cet article participe non pas d’une réflexion visant à améliorer la qualité de nos dépenses publiques, mais plutôt d’une autre, qui concerne l’accueil des populations immigrées sur notre territoire.