Intervention de Jean Desessard

Réunion du 4 décembre 2010 à 21h45
Loi de finances pour 2011 — Article 86 quinquies nouveau

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

M. le rapporteur pour avis s’est livré à un plaidoyer remarquable en faveur de la suppression de cet article, plaidoyer qui rejoint l’objet de notre amendement.

L’article 86 quinquies prévoit d’instaurer une participation forfaitaire de 30 euros pour que l’étranger en situation irrégulière puisse bénéficier de l’AME. La création de ce droit d’entrée est tout à la fois dangereuse, injuste et inefficace.

Cette mesure est dangereuse, car elle vise à stigmatiser les étrangers en faisant croire qu’ils sont la cause du déficit public de la France. Selon une logique bien rodée, que nous avons souvent l’occasion de dénoncer, le Gouvernement fait payer les plus pauvres et continue d’exonérer les plus riches.

En réalité, cette disposition fait peser sur les plus pauvres un nouveau prélèvement, qui n’existe pas pour les autres catégories de la population. Je rappelle que les personnes bénéficiant de l’AME disposent d’un revenu inférieur à 634 euros par mois ; elles sont donc dans le dénuement le plus total. Cette somme leur permet à peine de se loger et de se nourrir et, le plus souvent, elle ne suffit pas.

Ajouter le paiement de 30 euros participe de cette précarité et l’aggrave. C'est la raison pour laquelle cette disposition rompt avec la tradition républicaine d’aide sociale et d’accueil de la France. Mes chers collègues, dois-je vous rappeler que les secours aux démunis sont conditionnés non par la contribution des intéressés, mais par leur besoin de soins ?

Aujourd'hui, cette participation est de 30 euros. Demain, elle pourrait augmenter, comme ce fut le cas pour le forfait hospitalier, emportant avec elle une partie des étrangers sans papiers qui ne pourraient plus s’en acquitter. Il s'agirait d’une atteinte à la santé de ces personnes, qui seraient privées des soins élémentaires pour des raisons de rationalisation budgétaire, le tout dans la précipitation et alors qu’un rapport, qui sera disponible dans deux mois tout au plus, a été demandé sur ce sujet à l’IGAS et à l’IGF.

Dans ce contexte, madame la secrétaire d’État, votre empressement à légiférer sans données économiques objectives ne traduit-il pas une volonté d’exploitation politicienne ? Il est facile de le constater !

Pour conclure, j'ajoute que cette disposition non seulement serait un frein dans l’accès aux soins pour les plus pauvres, mais entraînerait un effet nul sur les finances publiques. Les 6 millions d'euros que la majorité entend économiser seront très vite compensés par des retards de soins et par les frais de fonctionnement engagés pour collecter ces sommes.

L’article 86 quinquies met donc en place un dispositif inique, discriminatoire, injuste et contre-productif sur le long terme. C'est pourquoi nous en demandons la suppression.

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