Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 4 décembre 2010 à 21h45
Loi de finances pour 2011 — Article 86 quinquies nouveau

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Je voudrais dire à ma collègue de droite, puisqu’elle s’est adressée à ses « collègues de gauche », que nous sommes en effet farouchement hostiles à la fraude – que cet article entend fallacieusement combattre – et tout à fait partisans de la sanction des fraudeurs.

Ce que nous reprochons à ce texte, ce n’est pas de s’attaquer à la fraude, c’est de stigmatiser l’étranger, de l’assimiler au fraudeur et de confondre la politique de la santé avec celle de l’émigration. C’est tout à fait différent !

Nous voici confrontés à la mesure la plus emblématique du cynisme des auteurs de ce texte : sous couvert d’économies, l’instauration d’un droit d’entrée annuel de 30 euros par adulte.

L’idée de mettre à contribution ceux qui apparaissent pourtant comme les plus démunis n’est pas nouvelle. Elle est considérée quelquefois comme une mesure équitable et juste, puisqu’il s’agirait, si l’on reprend les termes mêmes utilisés à l’Assemblée nationale par Mme Bachelot, de permettre, avec « un forfait modique, de 30 euros […] de couvrir les frais d’établissement de la carte et de responsabiliser les personnes ».

Cette mesure est bien évidemment inéquitable et injuste, tout autant que dangereuse et contre-productive d’un point de vue médical aussi bien que financier. Elle constitue une remise en cause inédite du principe fondateur de l’aide sociale de notre pays, selon lequel les secours aux démunis sont seulement conditionnés par le besoin de soins, et non par la contribution des intéressés.

Il n’est pas inutile d’ajouter que, à revenus équivalents, ni les bénéficiaires de l’assurance maladie ni ceux de la CMU-C n’ont de droits d’entrée à payer ni de reste à charge dans la prestation.

Je le répète, les personnes concernées gagnent moins de 634 euros par mois. Certaines ont des ressources nulles ou presque. Si une somme de 30 euros peut paraître faible, elle représente au minimum 5 % des revenus mensuels des personnes les plus pauvres. Pour un couple, la participation s’élèverait à 60 euros, à payer en une seule fois.

Cette contribution annuelle ne pourra avoir – si elle est maintenue – qu’un effet négatif sur l’accès aux soins des bénéficiaires de l’AME et un impact financier tout à fait illusoire sur la dynamique de la dépense.

En réalité, un tel droit d’entrée ne pourra que pousser ces personnes à renoncer aux soins, ou alors à choisir, au sein d’une même famille, qui sera couvert par l’AME et qui restera dépourvu de couverture santé.

Dans le meilleur des cas, ces personnes se verront contraintes de repousser le plus tardivement possible la dépense, si bien que des pathologies simples, qui auraient pu être parfaitement soignées en amont, dégénéreront en complications graves et coûteuses.

Lorsqu’une personne a besoin de soins, l’humanité et le bon sens veulent qu’on les lui accorde. En effet, comment ne pas assister une personne en souffrance parce qu’elle n’a pas les papiers nécessaires ?

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