Je commencerai par faire observer que, sur cet article, un grand nombre d’amendements ont été déposés par tous les groupes parlementaires, ce qui doit être interprété comme un signal d’alerte quant aux conséquences négatives qu’il entraînerait, s’il était adopté.
La suppression de l’exonération dont bénéficient les particuliers employeurs pèsera sur les ménages qui emploient des aides ménagères, des gardes d’enfant ou toute personne pour les aider dans divers domaines.
Nous relevons d’ailleurs que ce champ de compétences a été fortement élargi par ce Gouvernement, ce qui conduit en conséquence à une extension du champ des exonérations correspondantes. Supprimer des exonérations dans l’année qui suit leur mise en place relève d’une particulière incohérence, qui mérite d’être soulignée.
Par ailleurs, le coût de la suppression des exonérations accordées aux associations pèsera sur les structures gestionnaires et les principaux financeurs. Il est estimé à 62 millions d'euros pour les conseils généraux, à 32 millions d'euros pour la sécurité sociale et à 38 millions d'euros pour les autres intervenants.
En d’autres termes, nous sommes en présence d’une nouvelle débudgétisation, qui pèsera tant sur les ménages que sur les structures.
Pour les utilisateurs de services à domicile, il en résultera un inévitable ralentissement du recours à ces services.
Ainsi, des ménages réduiront les heures dont ils ont besoin. Cette diminution de l’aide apportée au financement de la famille pèsera sur les femmes, notamment sur les mères. Nous ne nous faisons aucune illusion sur ce point, le partage des tâches étant ce qu’il est.
Le nombre même de particuliers employeurs qui recourent aujourd’hui à des aides à domicile montre que nous ne sommes pas en présence de catégories privilégiées. Il s’agit le plus souvent de ménages où les femmes, parfois seules, exercent une activité et doivent assumer une charge de travail et des horaires importants.
S’agissant de femmes parvenues à un certain niveau de qualification et de responsabilités, c'est-à-dire, cette fois, des classes moyennes, cet article sera très sérieusement pénalisant.
Il suffit de passer un moment au Sénat et de s’y entretenir avec les agents d’accueil, les journalistes de Public-Sénat, les administrateurs ou les assistants parlementaires – la mienne est en tout cas à votre disposition pour vous expliquer son organisation –, pour comprendre qui sera pénalisé par le présent dispositif.
Ce seront des jeunes femmes qui ne peuvent jamais, du fait de leurs responsabilités ou de leur emploi, être à l’heure pour récupérer leur enfant à la sortie de l’école ou de la crèche. Quand les enfants sont grands, ces femmes doivent, en plus de tout le reste, payer les frais de scolarité et de cantine de leurs enfants. S’ils sont en bas âge, c’est la crèche au taux plein qu’il leur faut payer, car leurs salaires sont décents. Certaines mères doivent même s’offrir les services d’une « nounou » à temps partiel, chargée de récupérer les grands à l’école et les petits à la crèche.
Ce sont ces femmes-là que vous pénaliserez !
En ce qui concerne les services à la personne, le problème est analogue. De nombreuses heures d’aide seront supprimées. Plusieurs estimations, réalisées par les structures concernées, nous sont parvenues. Si elles sont exactes, 54 000 bénéficiaires seront touchés, et 11 500 emplois sont menacés.
Là encore, on cherche la cohérence du dispositif en matière d’emploi : qui prendra le relais des intervenants ? Qui occupera ces emplois, indispensables aux personnes fragiles et aux familles ?
Il y va non seulement d’un grand nombre d’emplois mais aussi, sans doute, de la qualité du service rendu par les structures touchées par ces réductions budgétaires. Ce sont tous les efforts réalisés pour la qualification et la formation des intervenants, surtout en direction des publics jeunes et âgés, qui risquent d’être atteints.
J’ai conscience de la longueur de mon propos, monsieur le président, mais je vous demande votre indulgence.
La troisième victime directe de cette mesure, ce sont les salariés. Il est clair que l’on s’achemine vers des suppressions d’emploi et vers la réapparition du travail au noir ou, en tout cas, la dissimulation partielle des heures effectuées.
Je me permettrais également de souligner que les salariés dont il s’agit – dans les structures spécialisées comme chez les particuliers – sont dans leur immense majorité des femmes, souvent peu qualifiées.
Quel que soit le point de vue adopté, l’article 90 est purement et simplement préjudiciable. Choisir entre l’une ou l’autre de ses cibles – soit le salarié, soit l’employeur –, c’est choisir entre la peste et le choléra !