Intervention de Philippe Marini

Réunion du 4 décembre 2010 à 21h45
Loi de finances pour 2011 — Article 90

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général de la commission des finances :

Ma chère collègue, non, réduire les déficits, ce n’est pas une plaisanterie ! Vous êtes peut-être au courant de ce qui se passe autour de nous, et des enjeux attachés à la conduite d’une politique budgétaire responsable ?... Il est de mon devoir de les rappeler, non seulement à vous, mais à l’ensemble de nos collègues, sur quelque travée qu’ils siègent, y compris à mes amis les plus proches.

Seconde branche de l’alternative, nous réalisons sur d’autres postes budgétaires – en particulier dans les crédits de la mission « Travail et emploi », que Mme la secrétaire d’État défend ce soir – des économies à due concurrence. L’exercice ne serait certainement pas facile et conduirait, à mon avis, à pénaliser les publics fragiles, beaucoup plus que ne le fera la suppression de cet abattement de cotisations sociales.

La prise de conscience de cet enjeu budgétaire m’a donc poussé à contrarier mon penchant naturel, qui allait dans le sens des présents amendements. Je voudrais toutefois ajouter deux autres considérations.

Tout d’abord, il ne me semble pas exact d’affirmer que la remise en cause des exonérations sociales encouragera vraiment le travail au noir. §Personne n’est tenu de partager toutes mes opinions, chers collègues, mais qu’il me soit permis de les exprimer !

D’une part, l’intérêt à déclarer ses salariés reste réel sur le plan financier. D’autre part, au regard du droit du travail, les risques encourus par les employeurs de travailleurs non déclarés sont très graves : en d’autres termes, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Les contrôles existent et ils se multiplieront. C’est d’ailleurs ce que l’on doit souhaiter.

Ensuite, du point de vue budgétaire, nous avons voté, dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, une nouvelle norme de dépense : la stabilisation en valeur des dépenses de l’État, hors pensions et charge de la dette. En principe, du moins si nous faisons ce que nous disons, nous devrions la respecter pour la première fois dans le présent projet de loi de finances.

Si l’article 90 était remis en cause sans économies budgétaires à due concurrence – à la vérité, je n’ai d’ailleurs pas lu d’amendements déposés en ce sens par nos excellents collègues lors de l’examen des crédits –, le surcroît de dépenses pour l’État – lié à la nécessité de prolonger la compensation à la sécurité sociale du coût total de l’abattement – serait tel qu’il n’y aurait aucune chance que nous respections la norme.

Cela laisserait donc à penser que la parole du Premier ministre n’est que du vent, et que nous nous asseyons sur une norme que nous avons nous-mêmes édictée il n’y a guère que quelques jours, en adoptant la loi de programmation des finances publiques ! Serait-ce bien raisonnable ? Serait-ce très cohérent ?

En cette période de tourmente dans la zone euro et de crise des dettes souveraines – calmée sans doute pour quelques jours, pas plus –, inutile de vous dire ce qui pourrait advenir des États ne respectant pas leurs engagements et les règles de gouvernance de leurs finances publiques !

Pour l’ensemble de ces raisons, j’espère que vous n’en voudrez pas trop à la commission des finances, mes chers collègues, de souhaiter que l’article 90 soit adopté conforme.

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