Intervention de Nicole Bonnefoy

Réunion du 18 mai 2010 à 22h10
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 1er

Photo de Nicole BonnefoyNicole Bonnefoy :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le titre Ier de ce texte vise à définir et à mettre en œuvre une politique publique de l’alimentation. C’est un projet ambitieux, qui pouvait laisser augurer de grandes avancées en matière de santé publique.

En effet, avec la dégradation des pratiques alimentaires et toutes leurs conséquences, il semblait indispensable que les pouvoirs publics se saisissent concrètement de cette question pour y apporter des réponses.

Très investie sur ce sujet, j’attendais beaucoup de ce texte. Malheureusement, le résultat n’est pas à la hauteur de mes espérances.

Pourtant, on trouve dans ce titre Ier des dispositions importantes. Je pense notamment à celles qui tendent à assurer une aide alimentaire aux plus démunis, à améliorer la qualité de nos aliments ou encore à promouvoir l’éducation nutritionnelle.

Le problème qui se pose porte donc non sur le fond, mais sur les moyens réels qui devraient être mis en œuvre pour atteindre ces objectifs.

C’est ainsi qu’il est proposé de renforcer le contrôle des repas servis dans la restauration scolaire afin que soient respectées des règles nutritionnelles. Très bien ! Mais vous ne proposez rien pour permettre aux collectivités en charge de ces questions d’améliorer la qualité des aliments qu’elles achètent.

Vous proposez aussi qu’il soit possible d’imposer aux producteurs transformateurs et distributeurs la transmission de données techniques ou économiques relatives à leurs activités. Mais rien n’indique que ce contrôle pourra donner lieu à des sanctions en cas non-respect des obligations en question.

En l’état, ce texte n’est qu’un ensemble de recommandations et de préconisations très générales, qui ne précisent ni les moyens dégagés pour atteindre les objectifs affichés ni les sanctions effectivement mises en place en cas de manquement à certaines règles.

Cette politique publique de l’alimentation est donc, malheureusement, beaucoup trop vague !

C’est très décevant, car il est aujourd’hui essentiel que les pouvoirs publics mettent en place des mesures claires et concrètes favorisant l’accès à une nourriture de qualité pour tous.

Vous le savez, les enjeux d’une politique de l’alimentation sont des enjeux majeurs, à commencer par celui de la santé. En effet, les maladies cardiovasculaires, l’hypertension artérielle ou encore le diabète ont, bien souvent, pour origine une alimentation déséquilibrée et de mauvaise qualité. L’obésité se développe aussi de façon très inquiétante et touche particulièrement les plus jeunes et les catégories sociales les moins favorisées.

Il apparaît donc indispensable que des mesures claires et normatives, avec des moyens bien précisés, soient prises pour lutter contre la dégradation des pratiques alimentaires, parallèlement à la mise en place d’une véritable éducation nutritionnelle, à destination des enfants comme des adultes. De simples recommandations ne suffiront pas !

Le groupe socialiste reviendra, tout au long de l’examen de l’article 1er, sur cette nécessité par le biais de nombreuses propositions.

Alors que vous avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, qu’il nous fallait une alimentation « sûre et saine », je veux vous interpeller sur une problématique totalement occultée dans ce projet de loi, celle de l’utilisation des pesticides.

Nous savons tous que les pesticides comportent des risques pour les agriculteurs utilisateurs, les consommateurs et l’environnement. Or la France est le troisième consommateur de pesticide d’Europe, avec 5, 4 kilogrammes par hectare et par an. Ce constat est très alarmant quand on connaît l’incidence de l’utilisation des pesticides sur le développement de certaines pathologies : problèmes neurologiques, stérilité, cancers ou maladie de Parkinson.

Il aurait donc été indispensable que la question des pesticides soit abordée dans ce texte, en lien avec la mise en place d’une politique de l’alimentation « saine, sûre et de qualité ».

Mais, derrière cette question, il y a celle de l’industrialisation massive de l’agriculture, qui conduit trop souvent à substituer la quantité à la qualité. Il nous faut donc promouvoir une politique agricole alternative, dans laquelle la qualité des aliments, le respect de nos terroirs et la promotion des filières courtes soient autant de priorités. Nous ne pouvons plus nous en tenir à des considérations d’abord économiques.

À cet égard, je suis extrêmement étonnée de constater que ce titre Ier n’aborde ni la question du mode de production ni celle de la juste rémunération des agriculteurs. Comment mener une politique de l’alimentation favorisant la consommation de produits de qualité si nous ne donnons pas la possibilité aux agriculteurs de vivre décemment de leur activité ? En effet, dans sa rédaction actuelle, le texte n’interdit pas de mener cette politique avec des produits importés, au détriment des agriculteurs français.

Pour conclure, je dirai que la politique publique de l’alimentation qui nous est proposée n’est pas à la hauteur des enjeux fondamentaux - économiques, environnementaux et de santé publique – qu’elle soulève. Je redoute que la politique de l’alimentation qui est ici affichée ne relève, une fois de plus, que de l’effet d’annonce et ne contribue finalement à pérenniser un système libéral, destructeur à plusieurs titres.

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