Intervention de Jacques Muller

Réunion du 18 mai 2010 à 22h10
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 1er

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

Je salue l’intitulé du titre Ier, « Définir et mettre en œuvre une politique publique de l’alimentation », car il permet de rappeler implicitement que le premier objectif de l’agriculture est de nourrir les hommes, et non les voitures. Je fais ici référence au lobbying intense qui s’est déployé il y a quelques mois pour empêcher que le mot « agrocarburant » figure dans la loi ; mais c’est finalement par une opération de greenwashing que la dénomination « biocarburant » a été présente.

Je me félicite donc que le sujet de l’alimentation soit abordé, car, comme les autres, notre pays souffre de la « malbouffe », et ce à plusieurs titres.

Tout d’abord, ce phénomène crée des problèmes de santé publique. Sans revenir sur cet aspect, car il a déjà été évoqué, je veux simplement rappeler un chiffre qui croît de manière linéaire depuis une quinzaine d’années dans notre pays, celui de l’obésité : chaque année, le nombre de personnes atteintes d’obésité augmente de 5 % par an. Cela signifie qu’il double tous les quinze ans et qu’en 2020 plus d’un tiers de la population française sera touché par ce fléau. Il faut donc y remédier.

Ensuite, sur le plan sociologique, la déstructuration des repas entraîne une perte de la relation humaine. Aujourd’hui, les enfants monologuent devant leur ordinateur et leur console de jeux en grignotant n’importe quoi au lieu de partager une vie de famille.

Enfin, il y a la dimension culturelle, sur laquelle je ne reviens pas non plus, car notre ami Fortassin l’a déjà évoquée.

Cela étant, le véritable problème tient à ce que l’on n’articule pas la politique alimentaire avec la politique agricole : tel qu’il est rédigé, le texte pourrait permettre de développer une politique de l’alimentation de qualité reposant sur des importations. Certains grands pays sont d’ailleurs capables de nous fournir à des prix très bas de la nourriture de très grande qualité, même à haute valeur environnementale, ou HVE.

L’articulation de la politique alimentaire et de la politique agricole suppose que nous agissions dans deux directions.

Premièrement, il nous faut parvenir à la souveraineté alimentaire. Nous devons avant tout produire pour satisfaire la demande intérieure. Or, nous sommes bien obligés de le constater, une partie non négligeable de notre agriculture, la plus productiviste d’ailleurs, est tournée vers l’exportation.

J’ai entendu tout à l’heure que l’on remettait au goût du jour un vieux concept datant d’il y a trente ans : le « pétrole vert ». Or les exportations se font vers des marchés fragilisés et ne se maintiennent qu’à coup de subventions européennes. Il est donc grand temps de recentrer l’agriculture vers les besoins de notre population, ce qui nous permettrait de nous appuyer sur des circuits plus courts.

Deuxièmement, il nous faut définir le type d’agriculture que nous voulons.

Je n’aime pas trop l’expression d’« agriculture durable », qui est devenue un fourre-tout. Parlons plutôt d’« agriculture soutenable », ce qui implique un système d’exploitation plus autonome. À ce titre, je voudrais répondre à l’intervention de M. le ministre dans la discussion générale.

Monsieur le ministre, la prise en compte de la problématique énergétique de l’agriculture française ne saurait se limiter à la promotion de la méthanisation sur les exploitations agricoles. Bien sûr, c’est une excellente chose, et nos voisins allemands se sont engagés avec succès dans cette direction. Il s’agit en effet de produire de l’énergie renouvelable et de manière parfaitement décentralisée.

Mais le problème de fond, le problème numéro un réside ailleurs, et il est particulièrement préoccupant : c’est le degré extrêmement élevé de dépendance de notre agriculture vis-à-vis des énergies fossiles. Celle-ci dépend en effet du pétrole, notamment à travers le gazole, mais aussi et surtout à travers les engrais de synthèse et les pesticides, dont la fabrication exige énormément d’énergie. Aussi, tant que nos systèmes de production agricole n’iront pas vers une utilisation plus économe de ces intrants, nous serons hors sujet !

Je le répète, nous devons articuler la politique alimentaire avec une politique agricole soutenable, s’inscrivant dans une perspective de souveraineté alimentaire.

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