Intervention de Christian Gaudin

Réunion du 30 novembre 2009 à 10h00
Loi de finances pour 2010 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Christian GaudinChristian Gaudin, rapporteur spécial de la commission des finances :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, Philippe Adnot ayant déjà évoqué l’évolution budgétaire connue de la mission, sur le fondement des inscriptions dans ce projet de loi de finances, permettez-moi, en introduction, de rappeler que les crédits dont bénéficient la recherche et l’enseignement supérieur seront, sans doute, modifiés de manière significative par le futur emprunt national, annoncé par le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès, le 22 juin 2009.

Madame la ministre, vous avez présenté vingt-neuf projets à la commission coprésidée par les anciens Premiers ministres, Michel Rocard et Alain Juppé. Il semble que vous ayez été entendue puisque, dans les recommandations qu’elle a remises au Président de la République, cette commission préconise un effort massif, de l’ordre de 25 milliards d’euros, en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Dès lors, même si les ultimes arbitrages ne sont pas encore rendus et si le Parlement ne devrait être saisi qu’en janvier ou février prochains, nous souhaiterions vous entendre, d’abord, sur votre vision de ce que devraient permettre ces nouveaux moyens dans vos domaines de compétences. En particulier, pouvez-vous nous assurer qu’il ne s’agira pas d’un simple rattrapage de dépenses de fonctionnement ou d’entretien en retard ?

Nous souhaiterions vous entendre, ensuite, sur la capacité d’absorption de ces futurs crédits par les opérateurs de la mission, notamment les universités et les organismes de recherche, ou encore, puisque l’on parle beaucoup de « logique de projets », par l’Agence nationale de la recherche, l’ANR.

Enfin, nous souhaiterions également vous entendre sur le calibrage de l’emprunt. Le montant envisagé de 25 milliards d’euros représente une année de budget de notre mission. Pensez-vous qu’une telle somme permettra de donner la capacité d’impulsion nécessaire pour changer la position de la France dans l’économie de la connaissance ?

Pour en revenir aux crédits « ordinaires », le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » reste le grand programme de financement de la recherche et des principaux organismes publics de ce domaine.

Ses crédits s’élèvent à 5, 227 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 5, 198 millions d’euros en crédits de paiement, soit 20, 9 % des crédits de paiement de la mission. Les crédits de paiement affichent une augmentation de 2, 8 % à périmètre constant par rapport à 2009.

L’évolution des moyens est conforme aux contrats d’objectifs signés par l’État avec les différents opérateurs. J’approuve personnellement cette évolution d’autant plus volontiers que 2009 a été l’année durant laquelle la réforme de deux grands organismes, le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, s’est concrétisée.

Pour prendre le cas le plus emblématique, celui du CNRS, un décret du 29 octobre 2009 traduit sa réorganisation en dix instituts thématiques, qui doivent incarner des disciplines fortes. Ces instituts fonctionneront selon une logique d’allocation de moyens aux meilleures équipes dans leurs disciplines, plutôt que dans l’opérationnel proprement dit. Le CNRS n’abandonnera pas complètement toutefois son rôle d’opérateur, mais celui-ci devrait se limiter aux équipements les plus « structurants » à l’échelon national.

Cette réforme rejoint pleinement les orientations données par le Président de la République et devrait contribuer à responsabiliser plus les acteurs que dans l’organisation passée, où la reconduction des moyens aux laboratoires était souvent plus « automatique ».

Cela dit, il faudra voir la mise en place concrète des instituts et vérifier, en particulier, que la répartition des rôles avec l’Agence nationale de la recherche est tout à fait claire. Madame la ministre, je souhaiterais que vous nous apportiez des précisions sur cette question.

Il subsiste, au sein du programme 172, une action de diffusion de la culture scientifique et technique. Dans la mesure où celle-ci est assurée non plus par les services du ministère, mais par l’opérateur national de référence issu du regroupement du Palais de la découverte et de la Cité des sciences, ce nouvel établissement bénéficiera-t-il des ressources du programme 172 relatif au pilotage et à l’animation de la culture scientifique, mais aussi des moyens alloués aux politiques territoriales de développement durable, les D2RT, pour assurer cette mission, en particulier auprès des acteurs locaux de la culture scientifique et technique ?

Alors même que, pour les raisons évoquées, la mission Culture scientifique de votre ministère a été dissoute, pourriez-vous nous préciser la manière dont vos services contribueront à l’action que cet opérateur aura en la matière, notamment pendant la première année de sa mise en place ?

Enfin, à propos de ce programme 172, je me félicite de l’introduction, par l’Assemblée nationale, de l’article 54 de ce projet de loi de finances, rattaché à la mission. Aux termes de cet article, les EPST pourront embaucher en contrat à durée indéterminée, ou CDI, des personnels de recherche et certains cadres de catégorie A. Il s’agit là d’une mesure importante, qui ne remet pas en cause, certes, le statut des chercheurs, mais qui introduit de la souplesse dans le système, afin de mieux répondre aux besoins de certains profils de chercheurs.

J’en viens au programme « Recherche spatiale ».

D’une part, j’observe que la subvention octroyée au Centre nationale d’études spatiales, le CNES, soit 584 millions d’euros, est conforme au contrat d’objectifs. Plus que de ce chiffre, le CNES semble soucieux de l’exécution de son budget 2009 du fait des gels de crédits.

D’autre part, je constate que 2010 sera la dernière année où la participation de la France à l’Agence spatiale européenne, l’ESA, sera plafonnée à 685 millions d’euros. Dès 2011, conformément aux engagements pris par le Gouvernement devant la commission des finances le 18 février dernier, ce chiffre devrait être porté à 770 millions d’euros, de manière à éteindre notre dette en 2015. En attendant, cette dette pourrait s’élever à près de 358 millions d’euros à la fin de 2010.

Enfin, madame la ministre, je souhaite vous interroger sur le projet Pléiades, mené par le CNES. Il s’agit d’un grand programme partenarial d’observation de la terre, pour des applications de défense et de sécurité civile. Or, du fait du changement de statut du CNES au regard de la TVA, le 1er janvier 2007, il semble manquer environ 80 millions d’euros pour financer cet important projet. Pouvez-vous nous indiquer comment, avec votre collègue, le ministre de la défense Hervé Morin, vous comptez agir pour faire face à cette situation ?

Madame la ministre, monsieur le ministre, à côté des crédits publics, vous savez que, pour encourager l’effort privé de recherche et de développement, la France dispose d’un puissant outil fiscal, le crédit d’impôt recherche.

Il s’agit là d’une dépense fiscale majeure, surtout depuis la réforme de la loi de finances pour 2008, qui a triplé le taux de la part « en volume » du crédit d’impôt recherche, supprimé la part « en accroissement » et déplafonné ce crédit d’impôt.

En excluant l’effet de la mesure de relance consistant à rembourser immédiatement le crédit d’impôt recherche à toutes les entreprises en 2009 et en 2010, ce qui a soutenu du reste la trésorerie de ces entreprises, cette dépense fiscale devrait s’élever à environ 2, 5 milliards d’euros en 2010 et, sans doute, à 4 milliards d’euros par an en « rythme de croisière ».

Un tel montant nous oblige à mesurer l’efficacité réelle du crédit d’impôt recherche. Je sais que le Gouvernement y travaille. Mais j’ai également souhaité effectuer un contrôle budgétaire sur cette question, en tant que rapporteur spécial.

Je n’ai pas encore achevé mes travaux, ne disposant pas de façon significative des données retraçant, notamment, l’utilisation du crédit d’impôt recherche depuis la réforme de 2008, et je ne livrerai donc mes conclusions à la commission des finances qu’au début de 2010.

D’ores et déjà, je tiens à souligner qu’il me semble nécessaire de conserver les « grands équilibres » du crédit d’impôt recherche pendant au moins quelques années, pour deux raisons.

D’une part, les entreprises, s’agissant de dépenses sur lesquelles elles s’engagent souvent à moyen et à long terme, ont besoin de stabilité fiscale. Il en va de la crédibilité de la France, d’autant que le crédit d’impôt recherche commence à être bien connu à l’étranger.

D’autre part, les changements de règles pénalisent, en premier lieu, les entreprises qui ont le moins les moyens de faire de la veille législative et de s’adapter, c’est-à-dire les PME.

Or, s’il est clair que les grandes entreprises sont les plus grands bénéficiaires de la réforme en chiffres absolus, les petites entreprises y ont également gagné. Les intéressés eux-mêmes et leurs représentants sont unanimes sur ce point et sont souvent de chauds partisans d’une réforme qui a rendu le système plus clair, tant le calcul de l’accroissement était complexe et, en fait, désincitatif pour les petites structures.

Sur la répartition sectorielle, il a pu être dit que les services étaient la branche la plus favorisée, en particulier le secteur de la banque et de l’assurance. Or, corrigés de l’effet holding qui est un biais important des précédentes études, les derniers chiffres disponibles montrent que l’industrie pèse plus de la moitié du crédit d’impôt recherche et les banques moins de 2 %.

Madame la ministre, monsieur le ministre, il est donc probable que, au terme de mes travaux, je ne plaide pas pour de profonds changements d’un système qui a fait de la France une terre plus attractive pour la recherche et le développement, même en temps de crise, et qui mérite d’être testé sur la durée.

Cependant, je donnerai probablement quelques pistes pour améliorer le système.

Il nous faudra, tout d’abord, un fichier plus précis, permettant de mieux identifier les secteurs d’activités des entreprises qui sont derrière les holdings bénéficiant du crédit d’impôt, comme la traçabilité des sous-traitants intervenant dans l’utilisation de cette mesure.

Il faudra, également, renforcer la sécurité juridique du crédit d’impôt recherche, surtout pour des PME qui l’associent encore trop souvent au contrôle fiscal.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion