Intervention de Ivan Renar

Réunion du 30 novembre 2009 à 10h00
Loi de finances pour 2010 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Ivan RenarIvan Renar :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, avec 2, 02 % de son PIB consacrés à la dépense intérieure de recherche et développement, DIRD, en 2008, la France se situe désormais au quatorzième rang mondial. Malgré les apparences d’augmentation des moyens de l’enseignement supérieur et de la recherche, le pays voit son effort de recherche reculer depuis 2002.

À ce constat préoccupant, s’ajoute le fait que le taux de croissance de la DIRD française est dorénavant, je cite le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, « le plus bas des pays de l’OCDE » et « significativement en dessous de la moyenne OCDE ». Comment pourrait-on alors se satisfaire de choix budgétaires qui prévalent à nouveau dans le projet de budget de la MIRES pour 2010 ?

En premier lieu, je tiens à saluer les chercheurs enseignants-chercheurs et personnels d’universités et d’organismes, à plus d’un titre : d’abord, pour la qualité de leur travail. Malgré la faiblesse des moyens budgétaires qui leur sont attribués, en dépit d’un manque de considération de la part de leur autorité de tutelle, ils permettent à notre pays de se maintenir au sixième rang mondial pour les publications et au deuxième rang européen pour le nombre de lauréats du Conseil européen de la recherche.

Par ailleurs, grâce à leur mobilisation de l’année dernière, ils auront contribué à ce qu’aucun poste ne soit supprimé en 2010 et à ce que le début de carrière des enseignants-chercheurs soit enfin revalorisé.

Pour autant, le compte n’y est pas. S’il est urgent d’établir une planification pluriannuelle de l’emploi scientifique, aucun poste ne sera créé en dépit des besoins réels de l’enseignement supérieur et de la recherche, encore accrus par la mise en œuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.

Compte tenu de la stagnation du nombre de docteurs et de la perte considérable d’attractivité du doctorat pour les étudiants en master, la France voit son potentiel de recherche sévèrement menacé, même si chacun s’accorde à dire que la recherche et l’enseignement supérieur sont au cœur de la société de demain.

Peut-on espérer inciter les jeunes à se tourner vers les carrières scientifiques quand les perspectives d’emploi sont plus qu’incertaines ? Comment affirmer aux jeunes chercheurs et enseignants-chercheurs qu’ils jouent un rôle clé dans l’avenir du pays et ne leur proposer que des postes à durée déterminée, générant ainsi des préoccupations relatives à la pérennité de l’emploi qui accaparent tout autant l’esprit que les travaux de recherche eux-mêmes ?

Selon l’intersyndicale recherche et enseignement supérieur, à l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité, l’INRETS, les précaires constituent près de la moitié des effectifs. Au CNRS, plus de 12 000 personnes, hors apprentis et stagiaires, ont été accueillies temporairement en 2008, soit un cinquième des effectifs de l’organisme.

À l’INSERM, les précaires ont triplé entre 2005 et 2008 ; il faut en moyenne sept années de contrat à durée déterminée en post-doctorant pour y être recruté comme chargé de recherche première classe.

Dans les universités, les tâches d’enseignement sont réalisées, selon les sources ministérielles, par plus de 24 000 enseignants précaires en CDD et, parfois, en CDI, sans aucune perspective de carrière. Des services entiers, comme le service de français langue étrangère, sont confiés à des personnels hors statuts. Plus du tiers des ingénieurs, administratifs, techniciens et ouvriers de service, IATOS, sont en CDD.

Dans les documents budgétaires, on parle désormais en équivalent temps plein, ETP, officiellement pour décompter correctement les temps partiels. En fait, l’objectif est qu’on ne puisse plus distinguer entre précaires et statutaires. La précarité est devenue une véritable plaie dans l’ensemble de notre système d’enseignement et de recherche.

J’en viens au crédit d’impôt recherche. Aux incertitudes liées à l’efficacité du dispositif qui, en 2010, absorbera 1, 530 milliard d’euros, il y aurait tout lieu de substituer une dépense budgétaire permettant de rétablir les postes supprimés en 2009 et de recruter les quelque 2 000 enseignants-chercheurs requis par la mise en place de l’équivalence travaux pratiques - travaux dirigés.

Pour favoriser l’emploi scientifique dans le secteur privé, il serait pertinent de conditionner l’octroi du crédit d’impôt recherche à l’embauche de docteurs. La répétition fixant la notion, j’espère qu’un jour cette proposition sera enfin entendue et adoptée.

Par ailleurs, le recours de plus en plus systématique aux primes nuit à la coopération, aux partenariats entre personnels et équipes, et engendre une mise en concurrence généralisée contraire à la culture de la recherche.

Il serait plus que judicieux de revaloriser les carrières de l’ensemble des personnels et, ainsi, de remédier à des situations anormales, telles que l’inversion de carrière des maîtres de conférence.

Il est d’autant plus indispensable de renoncer à ce système de primes que son financement entraîne la destruction d’emplois, comme cela est le cas dans certains organismes. On voit ici les ravages de la fongibilité asymétrique !

Madame la ministre, même dans le cadre d’un budget contraint, d’autres choix sont possibles. Encore faut-il vouloir soutenir le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche et avoir confiance en ses capacités, en l’engagement de ses personnels dans la production et la transmission des connaissances. On ne devient pas chercheur ou enseignant-chercheur par hasard : cela relève d’une véritable passion, d’une vocation, voire d’un sacerdoce, en tout cas d’une aspiration profonde. Et le pays, pour être pleinement maître de son destin, a un besoin impératif de ces scientifiques qui éclairent l’avenir de leurs connaissances. Ce ne sont malheureusement pas de simples annonces qui permettront à la France d’être mieux armée pour faire face aux défis de demain.

La progression du budget pour 2010, dont il faut donner acte, est bien moins réjouissante que ne l’affirme le Gouvernement : la mission « Recherche et enseignement supérieur » ne progresse que de 0, 7 milliard d’euros par rapport à 2009, soit une très légère hausse en euros constants. Encore faut-il soustraire 130 millions d’euros affectés aux retraites, qui n’étaient pas inscrits dans les précédents budgets. Avec 2, 2 % d’augmentation hors retraites, les crédits des organismes varient globalement peu par rapport à 2009, même si les logiques sélectives actuelles menacent sérieusement de nombreux laboratoires dont les recherches sont considérées comme secondaires.

Les crédits de fonctionnement des universités demeurent insuffisants pour faire face aux charges créées par la mise en œuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités ou à de nouvelles obligations telles que la gratification des stagiaires accueillis dans les laboratoires universitaires.

Soulignant le manque de moyens auquel ils doivent faire face, les présidents d’université avertissent même qu’ils pourraient être contraints « d’utiliser l’augmentation des crédits du plan licence pour faire face aux nouvelles charges incompressibles ». Pour prévenir ce risque, un effort supplémentaire de 200 millions à 250 millions d’euros dès 2010 serait nécessaire.

Les partenariats public-privé se voient allouer 420 millions d’euros. Comment interpréter ce chiffre dès lors que l’on sait que 220 millions d’euros figuraient déjà dans la loi de finances de 2009 et ont été reportés ? Surtout, il y a fort à parier que cette somme ne sera pas utilisée l’année prochaine, sachant qu’il n’y a pas, ou peu, de partenariats public-privé susceptibles d’être financés dès 2010 et qu’il faut en moyenne dix-huit mois pour mener à terme ce type de projets. De l’art d’afficher des augmentations budgétaires en répétant des lignes comptables déjà votées…

De ce point de vue, le peu de sincérité du projet de budget présenté au Parlement est déconcertant. Faut-il rappeler que, ces dernières années, on a vu s’accroître les annulations de crédits entre le budget voté initialement et le budget effectivement réalisé ?

De même, le cumul des autorisations d’engagement et des crédits de paiement ainsi que les transferts entre lignes budgétaires permettent de masquer la faiblesse de l’effort de l’État.

J’en viens à la situation des étudiants, qui, eux aussi, devront faire face au manque de moyens des établissements d’enseignement supérieur.

Tout d’abord, ils ne connaîtront guère d’amélioration des conditions d’enseignement. Comment en effet supprimer les cours en amphithéâtre en première année ou imposer vingt heures hebdomadaires d’enseignement dans toutes les filières sans recruter des enseignants-chercheurs ? Le plan licence, censé enrayer l’échec en premier cycle, risque bien d’être mort-né, les universités étant humainement et financièrement incapables de le mettre en œuvre.

Autre sujet de préoccupation pour les étudiants, la mise en place du dixième mois de bourse pour la rentrée 2010, sur laquelle le Président de la République s’était engagé, n’a pas été budgétisée. Le Gouvernement indique qu’elle le sera dans le courant de l’année, en fonction de la mise en œuvre de l’allongement de l’année universitaire par les établissements. Faut-il cependant rappeler que les activités pédagogiques exigent la présence des étudiants dès les premières semaines de septembre dans la quasi-totalité des universités et que, depuis la réforme LMD, plus des trois quarts des étudiants reprennent les cours avant la mi-septembre, sans percevoir d’aide ?

Que dire du logement étudiant ? En 2009, les objectifs du plan Anciaux n’auront, une fois encore, pas été atteints : deux tiers des réhabilitations et moins de la moitié des constructions prévues ont été effectivement réalisées.

Si les besoins en nouveaux logements sont estimés à 6 400 par an jusqu’en 2014, les crédits prévus à cet effet pour 2010 ne permettront d’en construire que 3 800. Sans nier l’effort consenti pour les réhabilitations, on doit toutefois relever qu’un recul de la pénurie de logements étudiants dans les années à venir est peu probable. Sur ce point également, il eût été plus que souhaitable de mettre en place une politique plus volontariste.

Madame la ministre, la recherche et l’enseignement supérieur sont les priorités affichées du Gouvernement. Prenez donc exemple sur les États-Unis

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