Intervention de Catherine Dumas

Réunion du 30 novembre 2009 à 10h00
Loi de finances pour 2010 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Catherine DumasCatherine Dumas :

Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, vous avez présenté votre budget pour 2010 comme « le budget des engagements tenus ».

Je me réjouis pour ma part de la réforme en profondeur engagée par l’État en faveur aussi bien de la recherche que de l’enseignement supérieur, qui nous permet aujourd’hui d’affirmer notre présence dans la compétition mondiale.

En 2010, les moyens consacrés à l’enseignement supérieur par le Gouvernement progresseront de 1 milliard d’euros, conformément à l’engagement quinquennal du Président de la République. Cela fait suite à une année 2009 qui a été exceptionnelle pour le budget de l’enseignement supérieur, grâce au plan de relance de l’économie.

Pour la troisième année consécutive, l’enseignement supérieur et la recherche constituent la première priorité budgétaire du Gouvernement. Je tiens donc tout d’abord à vous adresser mes félicitations, madame la ministre : cela concrétise parfaitement l’engagement de campagne du Président de la République de faire de la connaissance un pilier d’une croissance durable et du développement social.

Le premier axe de ce projet de budget est consacré au renforcement de l’attractivité des métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche par l’allocation utile et légitime de moyens à des améliorations concrètes des carrières et du pouvoir d’achat.

Ces mesures vont permettre, dès l’année 2010, une augmentation des salaires des jeunes maîtres de conférence ou encore une progression très marquée des possibilités de promotion. Il me semble effectivement très important de susciter les vocations et de pouvoir ensuite conserver nos talents dans le giron de l’enseignement universitaire.

Parce que le paysage de la recherche française est en pleine mutation, le deuxième volet du projet de budget pour 2010, dédié au soutien à la réforme de la recherche, vient conforter ces évolutions de manière inédite. Allouer des crédits importants au renforcement de l’attractivité des carrières, à l’accompagnement de la réforme des organismes, à la structuration du paysage de la recherche en instituts et en alliances, et, enfin, à la valorisation de l’excellence des laboratoires va assurément dans le bon sens.

La recherche privée n’est pas oubliée dans le contexte actuel de crise économique. Le crédit d’impôt recherche intervient ainsi comme un « amortisseur » de la crise et permet le maintien des dépenses de recherche et développement.

Le troisième axe – accompagner la réforme des universités et les étudiants vers la réussite – me semble lui aussi pertinent, avec notamment le plan « réussir en licence », qui bénéficie d’une augmentation de crédits de plus de 66 millions d’euros. Un effort particulier est réalisé en faveur de l’immobilier universitaire et des bourses.

Je souhaiterais également évoquer la situation des établissements d’enseignement supérieur privé.

Sur l’initiative du sénateur Jean-Claude Carle, un amendement tendant à augmenter les crédits destinés à ces établissements de 4, 5 millions d’euros a été déposé ; Jean-Léonce Dupont le défendra tout à l’heure, mais je souhaiterais aborder cette question dès maintenant.

L’enseignement supérieur privé regroupe 60 000 étudiants dans des grandes écoles d’ingénieurs ou de management, des universités ou des facultés. Il accueille 2, 5 % des étudiants et dispense 10 % des diplômes de l’enseignement supérieur au niveau du grade de master.

Ses établissements participent pleinement aux missions de service public de l’enseignement supérieur. Leur gouvernance associative autonome, leur proximité avec les entreprises, leur taille humaine, l’intensité de la formation des étudiants contribuent à leur qualité et à leurs performances. Les résultats obtenus sont probants : les établissements facultaires présentent des taux de succès dans les premiers cycles très supérieurs à la moyenne nationale et l’adéquation des formations aux besoins de la société garantit une insertion professionnelle réussie.

Lors d’une rencontre parlementaire organisée en juin dernier, vous avez déclaré, madame la ministre, que vous travailliez à faire de la diversité du système de formation français une force pour tous. À cette fin, vous souhaitez que tous les établissements qui le veulent puissent signer un contrat avec l’État, qui leur fixera des objectifs qualitatifs à atteindre en termes non seulement de formation, mais aussi de recherche, sur la base d’une auto-évaluation.

Cette contractualisation, souhaitée depuis de nombreuses années – promise d’ailleurs par Jack Lang en 1992 – serait mise en place dès l’an prochain. Je tiens, madame la ministre, à saluer votre détermination sur ce point. Comme vous l’avez précisé, l’objectif est non seulement d’entamer un dialogue contractuel avec les établissements, mais aussi de les inscrire dans une dynamique de site ainsi que dans une stratégie pédagogique et scientifique établie en cohérence avec les autres établissements, face à une concurrence internationale accrue.

Le saut qualitatif que représente cette contractualisation exige que l’État prenne des engagements qui soient à la hauteur de ceux que devront prendre les établissements privés associatifs. Je me réjouis de l’effort du Gouvernement, qui a compris toute l’importance de cette étape, mais cet effort ne sera pas suffisant au regard des nouvelles exigences.

En définitive, madame la ministre, ce projet de budget est celui d’une ambition inédite : un État engagé comme jamais aux côtés de ses universités et de ses organismes de recherche, des universités mobilisées pour favoriser la réussite des étudiants, une recherche publique renforcée et mieux coordonnée pour valoriser l’excellence, des carrières attractives pour l’ensemble des personnels, une recherche privée dynamisée et encouragée.

Le volume et la répartition des crédits me semblent légitimes et efficaces pour consolider les bases de notre système universitaire et, surtout, pour préparer l’avenir de notre recherche. Dans la compétition désormais mondialisée, ce budget donnera véritablement à notre pays les armes nécessaires pour relever les défis du futur.

Madame la ministre, je souhaite enfin évoquer une filière qui me tient beaucoup à cœur et qui, bien que reposant principalement sur des savoir-faire et des techniques traditionnels, doit profiter elle aussi du soutien des pouvoirs publics en matière d’enseignement supérieur et de recherche.

Je voudrais en effet attirer votre attention et celle de M. le ministre chargé de l’industrie sur la nécessité, pour notre pays, d’engager enfin une politique volontariste de défense, de promotion et de valorisation de nos métiers d’art et savoir-faire traditionnels.

Le rapport sur ce thème que j’ai eu l’honneur de rendre voilà quelques semaines au Premier ministre a permis d’identifier les difficultés concrètes de cette filière prestigieuse mais trop méconnue, qui est pourtant une extraordinaire source de richesse humaine, culturelle et économique pour notre pays.

Loin de l’image passéiste à laquelle on les renvoie trop souvent, ce sont des métiers bien actuels et, pour beaucoup, résolument tournés vers le futur. J’ai ainsi pu constater que les succès à l’export de cette filière étaient intimement liés au souci permanent des professionnels de réinventer leur métier, à leur capacité à intégrer le design pour renouveler sans cesse leurs créations et conserver un temps d’avance sur la concurrence. Les artisans d’art ont également la volonté de promouvoir en leur sein des formations de très haut niveau toujours plus adaptées aux réalités économiques et techniques de notre époque.

Parmi mes nombreuses propositions, un certain nombre de mesures concrètes, simples à mettre en œuvre sans nécessairement engendrer de dépenses excessives, ont été soumises au Premier ministre.

J’ai ainsi proposé de mettre en place un pôle d’excellence de la création en Île-de-France, sur le modèle des pôles de compétitivité. Ce pôle d’excellence, qui concentrerait sur un seul site des centres de formation et de recherche ainsi que des centres de production, permettrait d’attirer les jeunes talents et, bien sûr, de promouvoir le développement économique de la filière. Ce projet pourrait se développer à partir d’un pôle « textile et mode » qui consacrerait la place fondamentale de la capitale en la matière.

Sa création s’inscrit parfaitement dans la réflexion que vous avez engagée ces derniers temps, monsieur le ministre chargé de l’industrie, et trouverait assurément sa place dans le cadre des futurs pôles d’excellence du Grand Paris. Je ne manquerai pas, d’ailleurs, de revenir sur ce projet à l’occasion des débats parlementaires consacrés au Grand Paris.

Ce pôle d’excellence pour les métiers d’art pourrait également héberger de nouvelles formations de haut niveau, menant par exemple à un diplôme supérieur des métiers d’art, permettant aux élèves les plus motivés d’évoluer d’un CAP vers un niveau bac+5, pour répondre à un réel besoin de qualification. La déclinaison d’un enseignement supérieur pour ces métiers est une réelle nécessité, comme j’ai pu l’observer à de nombreuses reprises au cours de ma mission parlementaire.

J’ajoute, sur ce sujet de la formation, qu’une initiative très intéressante de la Société d’encouragement aux métiers d’art a permis il y a quelques années la création, à l’université de Marne-la-Vallée, d’une licence professionnelle « entrepreneuriat, reprise et création d’entreprise dans les métiers d’art » ouverte aux titulaires d’une formation de niveau bac+2. Cette démarche, réellement pertinente et utile, mériterait assurément d’être généralisée sur le plan national.

Parallèlement, la recherche et la création, omniprésentes dans ces métiers, doivent être soutenues. Les organismes d’appui comme OSEO doivent donc désormais inclure le design dans leur définition de l’innovation et dans les critères d’attribution de leurs aides.

De même, pour permettre aux petites et moyennes entreprises du secteur de lutter à armes égales avec les pays à bas coût de main-d’œuvre qui copient allègrement leurs créations, j’ai déposé un amendement au projet de loi de finances ayant pour objet la prorogation du crédit d’impôt spécialement institué pour permettre à ces entreprises artisanales de compenser partiellement les dépenses engagées pour la recherche et la création ou pour le dépôt et la protection juridique de leurs modèles.

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