Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 30 novembre 2009 à 10h00
Loi de finances pour 2010 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, forts de douze programmes associant six ministères pour un budget de 25 milliards d’euros, en progression de 1, 8 milliard d’euros sur deux ans, la recherche et l’enseignement supérieur restent incontestablement des priorités pour 2010, et ce malgré un contexte budgétaire particulièrement délicat.

Ce projet de budget et les choix annoncés pour le grand emprunt nous rappellent que c’est en effet en investissant dans l’économie de la connaissance que l’on répondra aux défis qui nous attendent.

Le groupe centriste ne manque jamais une occasion de le rappeler, que ce soit lors des débats parlementaires, en particulier, chaque année, sur le projet de loi de finances, ou au travers des missions d’information que nous menons – je pense, à cet instant, à la mission « jeunesse », qui vient de s’achever : l’éducation, la culture au sens large et la recherche sont les investissements pour l’avenir, les fondamentaux pour une croissance durable.

Comme l’écrit le metteur en scène et professeur associé à l’Institut d’études européennes de l’université de Paris VIII Vincennes-Saint-Denis Marc Le Glatin : « Tout va aller très vite. D’autant que l’Histoire, sans doute par un de ces caprices dont elle est familière, a parfaitement synchronisé les mutations de la biosphère et de l’infosphère. Les contraintes environnementales et les bouleversements de la circulation des signes vont imposer dans les dix ans qui viennent des décisions politiques radicales […] ».

Si l’on avait besoin de s’en convaincre, la conjoncture actuelle issue de la crise, marquée par l’atonie de pans entiers de notre économie, met en exergue la nécessité de renforcer la recherche et l’innovation et d’adapter les formations à l’évolution des métiers : croissance verte, nouvelles technologies, nouvelles énergies, nouvelles formes de mobilité, santé, développement du numérique – les sujets ne manquent pas.

Pour y parvenir, nous devons combler nos manques. Ainsi je me réjouis de votre volonté, madame la ministre, de voir créer au sein du CNRS un institut de l’informatique. Nous sommes en effet perfectibles en ce domaine.

Nous devons également structurer la recherche et les formations afférentes autour de pôles d’excellence pouvant rivaliser sur les plans européen et international. Pour autant, madame la ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur le risque qu’engendrerait, à travers les appels d’offres, la concentration des moyens sur quelques gros pôles, qui bénéficieraient ainsi d’une forme de reconnaissance exclusive.

Nous sortons tout juste de l’élaboration de la loi portant réforme de l’hôpital, et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Évoquons l’exemple des instituts hospitalo-universitaires de recherche : on voit se profiler le risque que les investissements ne profitent qu’à six ou sept pôles, notamment de grands établissements lyonnais ou franciliens essentiellement monothématiques. Or il est indispensable de soutenir et de faire également labelliser par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, des centres plus modestes, plurithématiques, mais associant des chercheurs cliniciens et des chercheurs fondamentaux sur des sujets essentiels, tels l’Institut cardio-vasculaire ou l’Institut génétique et cancer dans ma région.

Dans notre monde désormais globalisé, le renforcement des coopérations et des échanges s’avère essentiel. Il y a quelques semaines, notre commission était en mission au Brésil, où elle a pu s’entretenir, avec des universitaires et médecins français et brésiliens réunis en symposium scientifique, du potentiel de développement qu’engendreraient ces coopérations si elles étaient suivies et soutenues.

Dans ce contexte de mutation accélérée, le nouveau cadre de l’autonomie de l’université se révèle donc primordial.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur spécial, en 2010, plus de 60 % des universités ont fait le choix de l’autonomie, comme le permet la loi relative aux libertés et responsabilités des universités de 2007. C’est la gestion de près de 100 000 emplois qui sera donc transférée aux universités.

Nous sommes favorables à l’autonomie des universités, dès lors que celle-ci permet une gestion plus adéquate, plus dynamique et plus réactive des moyens et des services des stages, d’insertion professionnelle, de documentation. Bien entendu, il faut être vigilant sur les critères de calcul retenus dans le cadre du nouveau système d’allocation des moyens en fonction de l’efficience des universités. La prise en compte de l’insertion professionnelle des étudiants dans l’évaluation de l’efficience des universités nous semble faire aujourd’hui défaut.

Toutefois, on peut souhaiter que la logique d’autonomisation des universités soit davantage assumée, notamment en termes de gestion de leur patrimoine immobilier, de partenariat et de mutualisation des moyens des universités entre elles.

Parce que, outre ces évolutions, la réhabilitation de l’immobilier des universités reste une action indispensable, nous voterons, madame la ministre, les crédits qui y sont affectés.

Au sein de la même mission, 170 millions d’euros sont consacrés au plan « réussir en licence ».

Tant le taux d’échec important à l’université – plus de 50 % – que le taux de chômage important des jeunes diplômés révèlent les nombreuses failles du système. Les 170 millions d’euros déployés marquent une volonté claire de renforcer l’orientation et l’encadrement pédagogique des étudiants. Nous l’avons dit et répété, l’orientation doit être une priorité et un continuum. Le succès du plan « réussir en licence » dépendra aussi de la capacité à réformer en profondeur l’orientation des jeunes dès le lycée. C’est une question fondamentale, qui devra faire l’objet de toutes les attentions dans le cadre de la réforme annoncée du lycée.

Notre mission « jeunesse » a d’ailleurs suggéré la création d’un service public de l’orientation. Il est en effet indispensable que lycéens comme étudiants puissent bénéficier d’un appui, afin de ne pas subir, mais bien de choisir leur cursus d’enseignement supérieur au regard de leurs projets personnels et de leurs capacités.

Par ailleurs, en termes d’indicateurs de résultats, le succès du plan « réussir en licence », et plus généralement de l’enseignement supérieur, doit se mesurer à l’aune des résultats obtenus en matière d’intégration professionnelle, du nombre de brevets déposés, du nombre d’entreprises créées, du maintien sur le territoire des diplômés des universités.

La réussite en licence dépend aussi, bien sûr, des conditions dans lesquelles les étudiants peuvent suivre leur cursus. En ce sens, on peut se réjouir des mesures mises en place au titre du programme « Vie étudiante », et notamment de l’augmentation des crédits permettant de financer les aides sociales aux étudiants, c’est-à-dire les bourses, ainsi que le logement étudiant. Ce sont en effet 26 millions d’euros qui seront consacrés à l’amélioration des dispositifs sociaux et 10 millions d’euros à la réalisation des opérations « logement étudiant » prévues par les contrats de plan État-région.

Un léger bémol doit cependant être apporté : il aurait été souhaitable que le présent projet de loi de finances prévoie le financement du dixième mois de bourse, comme le Président de la République s’y était engagé le 29 septembre dernier.

L’action relative au logement étudiant comporte, quant à elle, des avancées réelles, au regard de besoins il est vrai considérables. En effet, le parc social de logements étudiants ne peut accueillir aujourd’hui que 7 % de l’ensemble des étudiants. Malgré les efforts entrepris pour augmenter l’offre de logements – je pense notamment au plan Anciaux –, il ne fait pas de doute qu’un effort soutenu doit encore être consenti.

Enseignement, insertion professionnelle et recherche : les enjeux, nous le voyons bien, sont considérables. Aussi convient-il qu’aux côtés de l’État, stratège et volontariste, les régions, bien que ne disposant pas directement de compétence en la matière, puissent accompagner le mouvement.

Dans le domaine de la recherche, les régions doivent continuer à promouvoir, à piloter et à cofinancer des clusters, soutenir la créativité et l’innovation, renforcer la dynamique entrepreneuriale.

En effet, l’accélération des mutations économiques, technologiques et sociales rend plus que jamais nécessaire une adaptation continuelle des formations aux besoins futurs, par un exercice permanent de projection, d’anticipation et de prospective. C’est notamment par le biais des plans régionaux de développement des formations, les PRDF, dont les régions ont la charge depuis 2004, que ces adaptations pourront s’opérer.

II me semble donc important d’envisager des coopérations encore plus étroites entre l’État et les régions, entre les régions et les universités, afin de garantir des conditions optimales de développement de l’enseignement et de la recherche dans notre pays.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion