Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2010 donne la priorité budgétaire à la recherche et à l’enseignement supérieur. Je précise d’ailleurs, madame la ministre, que votre budget est le seul qui échappe à la règle de la non-compensation d’un départ à la retraite sur deux énoncée dans la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Le maintien des effectifs est une bonne chose, mais il n’y a toujours pas de création d’emplois prévue, encore moins de plan d’intégration des personnels sous statuts précaires ; au contraire, un nouveau sujet d’inquiétude apparaît : le transfert de 60 000 emplois aux universités.
La commission Rocard-Juppé, mise en place en vue du grand emprunt, vient de rendre sa copie. Dans son rapport, elle conclut à la nécessité de consacrer d’urgence davantage de moyens financiers à la recherche et à l’enseignement supérieur, qu’elle qualifie de « priorités absolues ». Elle propose d’investir 16 milliards d’euros au titre de cette mission. Les classements internationaux, de leur côté, font état de « prestations médiocres ». Il s’avère, en outre, que les moyens accordés à l’enseignement supérieur en France sont aujourd’hui inférieurs à la moyenne de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE.
Le Gouvernement a tiré les conséquences de ce constat et consacre un effort supplémentaire de 1, 8 milliard d’euros à ce budget.
Je ne peux, en neuf minutes, disséquer chaque ligne de crédits. Je voudrais donc essentiellement évoquer la situation des universités et des IUT, ainsi que celle des enseignants, s’agissant plus précisément de leur recrutement.
L’urgence de voir émerger « des campus capables de concurrencer les meilleurs mondiaux » et de débloquer les moyens afférents n’est contestée par personne : c’est l’objectif du fameux plan Campus.
À cet égard, mon département, la Haute-Garonne, est plutôt bien loti. L’État, dans le cadre du plan de relance, s’est d’ores et déjà engagé à hauteur de 527 millions d’euros pour le projet d’aménagement des principaux sites universitaires de Toulouse. Les collectivités territoriales combleront la différence. De plus, le campus de Toulouse, grâce à son potentiel d’attractivité et d’excellence scientifique, a été labellisé, avec onze autres, pour faire partie du plan éponyme. Neuf autres universités ont obtenu un label « campus prometteur et innovant ».
Même si je me réjouis que Toulouse soit bien placée, je m’inquiète de l’existence de disparités territoriales, entérinées par le projet de budget pour 2010, dans le cadre des opérations « campus ». Les universités sont inégalement traitées, et ces disparités se ressentent dans tous les domaines. En 2010, cinquante et une universités, soit 60 % d’entre elles, auront fait le choix de l’autonomie. La loi de 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a pourtant réduit celle des instituts universitaires de technologie, les IUT.
Le réseau des IUT compte 115 établissements. Par leur implantation dans les villes de taille moyenne et leur lien étroit avec les entreprises, ils assurent un maillage fin du territoire et jouent un rôle majeur dans l’aménagement du territoire universitaire.
En France, les IUT fonctionnent en réseau, avec les mêmes programmes et les mêmes diplômes. Ils assurent ainsi une égalité des chances presque parfaite aux étudiants, dont le taux d’insertion dans l’emploi dépasse 90 %. Ils constituent donc un modèle de formation technologique et professionnelle, auquel je veux rendre un hommage appuyé.
S’ils bénéficiaient auparavant d’une dotation d’État, ils doivent désormais négocier leurs moyens avec chaque présidence d’université. La circulaire de mars dernier, censée leur permettre de préserver une certaine autonomie de gestion, n’est pas du tout respectée dans les faits. Permettez-moi de vous citer, madame la ministre : « Il est normal que les IUT s’inscrivent dans la stratégie globale de l’université où ils ont un rôle majeur à jouer en termes de professionnalisation des formations. »
Pourtant, la liste des IUT concernés par ce manque d’autonomie, voire « maltraités », n’a cessé de s’allonger depuis le mois de janvier. Ils sont cinquante-neuf à être aujourd’hui confrontés à de gros problèmes dans leurs relations avec leur université de rattachement. Les obstacles à l’autonomie des IUT sont nombreux et constituent un véritable handicap pour leur développement : refus de contrats d’objectifs et de moyens, centralisation des fonctions et des budgets, coupes financières, retrait de personnels… Dans certains cas, ces difficultés aboutissent même à la remise en cause des diplômes délivrés.
Le DUT est pourtant un diplôme national, largement reconnu par les entreprises et par les Français, qui ouvre de surcroît des débouchés sur le marché de l’emploi. C’est à mes yeux un diplôme d’excellence.
Des projets trop différents, d’une université à l’autre et d’un territoire à l’autre, entraîneraient des disparités territoriales pouvant aller jusqu’à la disparition d’un réseau dont la pertinence est pourtant reconnue, y compris au plan international. Dans l’actuel contexte de crise, particulièrement cruel pour les jeunes, nous ne pouvons nous le permettre. Le système a fait ses preuves ; il est de notre devoir de le sauver.
D’ailleurs, pour la première fois en quarante ans, les responsables des IUT se sont très largement mobilisés afin d’obtenir des réponses concrètes à leurs questions sur l’avenir de ces formations. C’est dire si la crise des IUT est grave : la peur de voir disparaître ce réseau et sa culture – certes minoritaire, mais pourtant fondamentale au sein de l’université ! – est palpable.
Le 10 novembre dernier, vous avez reçu, madame la ministre, les directeurs, présidents et chefs de département d’IUT, venus vous demander un soutien efficace pour surmonter la crise. Vous avez réaffirmé, à cette occasion, votre volonté politique de faire vivre et de développer les filières technologiques.
La question des missions et du positionnement des IUT au sein des universités autonomes doit être réglée une bonne fois pour toutes. En effet, dénouer les tensions dans l’urgence, au cas par cas, ne constitue pas une solution pérenne. Il est indispensable de stabiliser durablement la situation des IUT dans l’enseignement supérieur. Toutes les universités font actuellement leurs choix budgétaires pour 2010 : les tensions doivent impérativement être apaisées avant Noël. Madame la ministre, pouvez-vous vous engager aujourd’hui, devant la représentation nationale, à régler ce problème dans les plus brefs délais ?
Avant de terminer, j’aborderai l’autre sujet qui me préoccupe, celui de la réforme des concours, du recrutement et de la formation des enseignants. Engagée en juin 2008, elle ne devrait finalement pas être mise en place avant 2011. Au-delà de l’avenir des IUFM et des enseignants, c’est celui de notre jeunesse qui est en cause. Cette réforme permettrait avant tout aux étudiants des IUFM de voir leur diplôme enfin reconnu pour ce qu’il est. Jusqu’à présent, il était considéré comme de niveau bac+3, alors que le cursus dure cinq ans. De plus, le diplôme délivré par les IUFM au terme de la formation n’est pas reconnu par les universités ! Je suis d’accord avec la réintégration des IUFM au sein des facultés et la transformation du cursus en master, mais je m’oppose, en revanche, à la suppression de l’année de stage systématique et rémunérée, tout comme à ce que les enseignements dispensés soient essentiellement théoriques.
La formation professionnelle des enseignants devrait désormais être placée sous la responsabilité de l’université, qui, en cinq ans, délivrera une formation universitaire professionnelle permettant aux lauréats des concours de prendre en charge des classes dès la rentrée suivant l’obtention du master.
C’est l’université qui organisera, en licence et en master, une formation comportant une initiation aux pratiques des métiers de l’enseignement, dès le cursus de licence. Toutefois, les modalités de cette organisation varieront selon l’université et le parcours choisi, ce qui engendrera une véritable fracture territoriale, alors que l’enseignement est et doit rester une mission régalienne de l’État, qui doit garantir un égal accès pour tous à un enseignement scolaire de même qualité sur l’ensemble du territoire.
Selon moi, le cursus du master est inadapté à la réalité du métier d’enseignant, qui nécessite, d’une part, la maîtrise de connaissances adaptées à la polyvalence nécessaire des professeurs des écoles ou à la bivalence des professeurs de lycée – les professeurs des écoles enseignent une dizaine de disciplines, y compris l’éducation musicale et les arts plastiques –, et, d’autre part, une formation des étudiants à la dimension didactique et pédagogique de leur futur métier, qui les rendra capables de prendre en charge une classe.
La principale question est évidemment de savoir comment seront réellement préparés les futurs enseignants. Désormais, n’importe quel étudiant titulaire d’un master monodisciplinaire ou, au mieux, bidisciplinaire pourrait-il prétendre au concours pour devenir enseignant titulaire ?
Bien d’autres questions – celles des résidences universitaires pour les doctorants étrangers, du financement des bourses, du logement étudiant, de la médecine universitaire préventive, de la promotion de la vie associative et de la pratique du sport, par exemple – restent sans réponse, alors qu’elles me paraissent essentielles. Dans tous ces domaines, nous sommes loin du compte.
En l’absence de réponses satisfaisantes à toutes ces questions, à titre personnel, je préfère m’abstenir.