J’aborderai enfin le dossier, conflictuel et toujours nébuleux, de la « mastérisation » de la formation des enseignants et de la disparition des instituts universitaires de formation des maîtres.
Après les dernières propositions ministérielles, les questions et les inquiétudes restent nombreuses. Même la Conférence des présidents d’université juge sévèrement la réforme, qui, selon elle, « n’est pas à la hauteur des enjeux et ne permettra pas d’atteindre les objectifs qu’elle se donne : améliorer la formation des futurs enseignants en élevant leur niveau de recrutement au niveau du master.
« Les propositions formulées mettent en évidence un malentendu profond sur la mastérisation et une méconnaissance de la réalité des cursus universitaires et des parcours étudiants. »
En effet, il est tout à fait dommageable de surcharger à ce point l’année universitaire de master 2, qui va concentrer l’obtention du master, la préparation du concours et les stages, à moins qu’il ne s’agisse de constituer un vivier de vacataires contractuels pour compenser les baisses d’effectifs de fonctionnaires. De plus, quelles modalités de réorientation pourront être proposées aux étudiants recalés au concours à l’issue du premier trimestre de master 2, et pour quel projet professionnel viable ? En outre, l’organisation du concours au premier trimestre du master 2 constituera une aubaine pour les préparations privées durant l’été !
D’ores et déjà, certains rectorats envisagent « d’utiliser » – il n’y a pas d’autre terme – les étudiants en master 2 pour remplacer un enseignant absent à hauteur de dix-huit heures par semaine ou répartir le service d’un enseignant entre deux étudiants. De là à voir dans cette réforme, madame la ministre, le moyen de pallier la suppression de 3 000 emplois d’enseignant-remplaçant, il n’y a qu’un pas.
Cette hypothèse n’est pas une pure vue de l’esprit. Les suppressions de postes ont conduit à un mode de fonctionnement en flux tendu, si bien que pour pouvoir afficher un taux de remplacement en progression avec des effectifs d’enseignants-remplaçants toujours plus réduits, il est fait appel à tout licencié, fût-il dépourvu de toute expérience d’enseignement, formation professionnelle ou compétence pédagogique. Or, dans votre refonte de la formation des enseignants, ce sont précisément ces volets qui sont fragilisés ! C’est la raison pour laquelle elle est refusée par les universitaires et les enseignants.
Nous vous demandons, madame la ministre, de prendre en compte les propositions des acteurs de l’enseignement supérieur pour élaborer une réforme de la formation des enseignants qui garantisse une véritable élévation de leur qualification, y compris professionnelle, en mettant davantage l’accent sur la pédagogie, et qui permette d’assurer la mixité sociale du recrutement.