Intervention de Robert Hue

Réunion du 30 novembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Action extérieure de l'état

Photo de Robert HueRobert Hue :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez que je profite de cette brève intervention pour vous faire part, d’abord, de quelques considérations générales sur notre politique étrangère, en souhaitant par ailleurs que notre assemblée puisse pleinement débattre de ces sujets en d’autres circonstances.

Ici même, l’année dernière, je déplorais une forme certaine d’hyperactivité diplomatique du Président de la République, agaçant alors plus d’un chef d’État et provoquant de fortes crispations. J’ai aujourd’hui le sentiment que la France, et avant tout son Président, à s’être trop agitée, s’est sensiblement affaiblie.

La crise financière a secoué la planète, la donne a changé, mais, malheureusement, nous n’en avons ni pris toute la mesure ni engagé les actions qui convenaient. Ainsi, la crise aurait pu et dû être l’occasion pour l’Union européenne de promouvoir un autre modèle économique, social et écologique, pour apparaître enfin aux yeux des peuples européens comme une protection contre les ravages d’un système capitaliste financiarisé à l’extrême. Mais la trop grande faiblesse de son budget ne lui permet pas de répondre aux enjeux actuels.

La politique extérieure des États-Unis, comme nous le craignions à l’époque, n’a pas gagné en clarté depuis l’élection de Barack Obama, et ce pour des raisons de politique intérieure que chacun peut comprendre.

Nous nous retrouvons embourbés dans le conflit afghan et nous n’arrivons pas à nous imposer en tant que partenaire des pays émergents. À ce propos, quid de l’Inde ? Quant à notre position de refus d’une entrée à terme de la Turquie dans l’Union européenne, elle n’est guère tenable. Nous avons réintégré le commandement de l’OTAN. Parallèlement, en Afrique, la poursuite d’une politique d’un autre âge est dangereuse.

Le 26 août dernier, à l’occasion de la traditionnelle Conférence des ambassadeurs, le Président de la République a fait quelques déclarations, l’une d’elles portant sur la limitation des bonus bancaires. À cet égard, il est à noter que toutes ces déclarations d’intention ne sont guère suivies d’effet, mais c’est un autre débat. Il a également menacé l’Iran d’un « renforcement très substantiel des sanctions », au cas où Téhéran ne répondrait pas favorablement aux propositions de reprise des négociations avec les Occidentaux sur son programme nucléaire, en ajoutant : « La France soutiendrait alors des sanctions économiques sévères, à la hauteur de l’enjeu, au Conseil de sécurité [de l’ONU] et au Conseil européen ».

Monsieur le ministre, voilà une position très dure, qui, jusqu’à ces derniers jours, ou plutôt ces dernières heures, détonnait avec vos propres propos tendant à prôner l’ouverture d’un dialogue et semblait nous mettre à la remorque des États-Unis de l’époque Bush. Quelle est, aujourd’hui, en temps réel, serais-je tenté de dire, notre position sur cette question du nucléaire iranien ?

Nous sommes frappés par l’absence de vision à long terme et l’indécision dont fait preuve le Gouvernement. Cette dernière est la conséquence de notre perte d’autonomie stratégique depuis notre réintégration pleine et entière du commandement militaire de l’OTAN, sans avoir exigé la moindre contrepartie. Vous semblez ainsi suspendu aux mesures que doit annoncer le président Obama, lequel a bien du mal, justement, à se soustraire à la doctrine guerrière privilégiée par l’ancienne administration de son pays.

Comme l’a souligné avec force ma collègue Michelle Demessine au cours du débat sur l’Afghanistan qui s’est tenu, ici même, le 16 novembre dernier, c’est en affirmant clairement des objectifs de paix, en équilibrant habilement actions militaires et actions humanitaires et de développement, que nous pourrons, dans le même temps, œuvrer à un processus de retrait de nos troupes.

C’est pourquoi, je vous le redemande, il est nécessaire de réintégrer pleinement l’ONU dans la résolution de ce conflit et proposer l’organisation d’une conférence régionale. Ne me répondez surtout pas qu’une telle décision revient aux Nations unies ! Une proposition reste une proposition : pour qu’elle soit refusée, encore faut-il avoir le courage et l’envie de la proposer. Nous devons sortir du « tout-militaire » en Afghanistan !

En ce qui concerne l’Afrique, je ne reviendrai pas sur les discours à forts relents colonialistes que nous avons souvent évoqués ici même. La France se doit d’être claire avec son passé et de traiter tous les pays de ce continent avec le respect auquel ils ont droit, tout en veillant à la préservation des libertés partout dans le monde.

À ce propos, j’évoquerai la Guinée. La réponse à la demande de l’instauration d’une cour pénale internationale formulée par la France se fait attendre. Il est urgent que cesse toute coopération avec le régime militaire de Moussa Dadis Camara. Quelle est votre position sur ce sujet, monsieur le ministre ?

Enfin, concernant le conflit au Proche-Orient, malgré le gel annoncé, la colonisation s’intensifie. Quant à l’Union pour la Méditerranée, pourtant si prometteuse, elle semble, à bien des égards, au point mort.

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