Je réserve toutefois à mon collègue Michel Billout le soin de revenir sur cette question.
J’en viens maintenant au projet de budget proprement dit.
En définitive, la même question revient chaque année : « Avons-nous les moyens de nos ambitions ? » La réponse est : « Non ! » Les crédits attribués pour 2010 sont insuffisants. Les lignes budgétaires ne sont pas plus claires que la politique extérieure de la France dans son ensemble. Tout cela manque, précisément, de ligne directrice.
L’une de mes grandes inquiétudes porte sur le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique », essentiel pour l’influence et le rayonnement de la France à l’étranger. Faisant l’objet d’un partage pour le moins opaque entre ce dernier et le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement », les lignes budgétaires manquent de lisibilité.
Malgré une augmentation de 40 millions d’euros, répartie entre 2009 et 2010, la portée du programme 185 continue de diminuer. En effet, les crédits consacrés à notre diplomatie d’influence devraient passer de 92 millions d’euros en 2009 à 80 millions d’euros en 2010 et à 77 millions d’euros en 2011 !
La révision générale des politiques publiques est en route, le plan de rigueur étant d’une extrême sévérité. Conséquence immédiate : la fermeture, depuis 2002, de onze centres et instituts culturels et de deux alliances françaises, lesquels jouent pourtant un rôle essentiel aux côtés de nos ambassadeurs en rendant possible la promotion de notre culture et de notre langue.
Les crédits relatifs à ces réseaux, plus particulièrement les subventions accordées aux alliances françaises, enregistrent une baisse de 21 %, passant de 17, 3 à 14, 1 millions d’euros en 2010.
Par ailleurs, je regrette profondément la situation dramatique dans laquelle se trouve l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir tiré le signal d’alarme depuis plusieurs années !
Asphyxiée financièrement, l’AEFE ne peut répondre à la croissance des besoins. Chaque année, il faudrait scolariser 5 000 enfants supplémentaires dans notre réseau, mais celui-ci est saturé. Le fonds de roulement s’élève à moins de 15 millions d’euros en 2009, ce qui ne représente que quelques jours de fonctionnement.
Pour faire face à cette situation, une augmentation des frais de scolarité a été instaurée dès le mois de septembre dernier. Cette disposition, parfaitement discriminatoire pour de nombreuses familles et signant de fait le désengagement de l’État en la matière, a été fortement contestée.
La France poursuivra donc la rationalisation de son réseau en 2010 : deux nouvelles fermetures sont annoncées en Italie, ainsi que des suppressions d’effectifs en Espagne. En tout, 255 emplois disparaîtront, en vertu de la règle du non-remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite. Vous-même, monsieur le ministre, n’avez pas exclu des licenciements secs en « dernier recours ». Pouvez-vous rassurer les personnels du ministère et les agents consulaires, lesquels, confrontés à un flou incroyable depuis deux ans, n’entraperçoivent qu’un sombre avenir ? Croyez-vous que l’influence de la France dans le monde se trouve grandie par tant de reculs ?
Je saisis l’occasion qui m’est donnée pour redire mon inquiétude quant au projet de classification des ambassades françaises en trois niveaux, qui fait toujours l’objet d’une réelle incompréhension dans les pays concernés. Certains pays seraient-ils donc moins importants que d’autres ? La diplomatie ou simplement la prise en compte des intérêts de nos ressortissants demeurant dans les pays les moins bien dotés ne revêtent-elles qu’une importance mineure ? Tout cela n’est pas vraiment compréhensible et, permettez-moi de le dire, fort peu diplomatique.
Ce type de réorganisation s’apparente à un vrai jeu de massacre ! En procédant ainsi, quel message la France veut-elle transmettre ?
En outre, la réforme aboutira au regroupement à Nantes d’une très grande partie des activités d’état civil, initialement dévolues aux consulats, plus particulièrement dans les pays du Maghreb. Les personnels de Nantes dénoncent une réforme à marche forcée, sans aucune concertation. Ils redoutent non seulement, je l’ai déjà rappelé, des suppressions de poste, mais aussi une dégradation de leurs conditions de travail. Contrairement à ce qu’affirment de nombreux parlementaires de la majorité, cette réforme affaiblira considérablement notre diplomatie d’influence à l’étranger.
Le temps me manque malheureusement pour évoquer des sujets aussi divers que l’audiovisuel extérieur, le train de vie du ministère §la nouvelle politique de flux migratoire ou encore le futur établissement à caractère industriel et commercial à vocation culturelle. Je le sais, des courriers circulent entre les administrations sur ce dernier sujet. Peut-être aurez-vous le temps, monsieur le ministre, de nous en dire quelques mots, avant que le texte final ne soit élaboré et n’arrive en discussion devant le Sénat.
Il est également indispensable que le Parlement soit informé directement, et en temps utile, des décisions de politique étrangère du Gouvernement, pour pouvoir en débattre et voter. Si tel était le cas, nous pourrions, lors du débat budgétaire, nous intéresser plus précisément aux modalités propres à la loi de finances. Il est pour le moins significatif que, aujourd’hui, nous soyons contraints de réserver une grande partie de notre temps de parole pour émettre notre avis sur la politique étrangère.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget manquant cruellement d’ambition pour la France, le groupe CRC-SPG votera contre.
Je souhaite cependant rendre hommage à tous les personnels de nos représentations diplomatiques en poste en France ou à l’étranger, qui, dans un contexte particulièrement difficile, font de leur mieux pour représenter notre pays, comme j’ai encore pu le constater moi-même, voilà quelques semaines, à l’occasion d’un déplacement d’une délégation de la commission des affaires étrangères à l’ONU. Sachez-les entendre ! §