… en vue d’un juste rééquilibrage entre la part de notre PIB dans la richesse mondiale et notre contribution, et cela, précisément, par rapport aux pays émergents, comme l’Inde et la Chine.
D’ailleurs, ce rééquilibrage des participations dans les enceintes onusiennes devrait non pas se limiter au seul niveau de la contribution financière, mais s’accompagner du respect d’un code de valeurs communes et entraîner l’envoi d’un minimum de moyens humains effectifs – effectifs, monsieur le ministre – dans la gestion des crises.
Pour étayer mon propos, permettez-moi de citer l’exemple de la très active et très efficace diplomatie chinoise sur le continent africain.
Au Soudan, nous nous impliquons pleinement pour restaurer le dialogue entre ce pays et le Tchad et créer les conditions d’une sortie de crise au Darfour – vous y avez très largement participé, monsieur le ministre, vos déplacements à Khartoum en témoignent – par les voies tant diplomatique que militaire, je pense en particulier à l’opération Épervier.
En revanche, la République populaire chinoise, la RPC, au nom du respect de la sacro-sainte règle de non-ingérence, est parvenue à implanter dans ce pays deux usines d’armement léger, ce qui conduit à contourner les embargos sur les ventes d’armes.
Parallèlement, la Chine doit investir dans les matières premières et les produits du sol du fait de son développement industriel exponentiel. Comme elle se trouve dans une situation de déficit énergétique, la volonté de maintenir son taux de croissance l’incite à se fournir auprès de différents pays du continent africain, dont les sous-sols sont riches en pétrole, fer, cuivre ou uranium.
Ainsi, au Soudan, les investissements chinois dans les champs pétrolifères se chiffrent en milliards, au moment même où ce pays sert de refuge à des groupes appartenant à la nébuleuse Al Qaïda.
Rappelons d’ailleurs que la China National Petroleum Corporation a investi 8 milliards de dollars dans des opérations conjointes d’exploration et que, parallèlement, elle détient 40 % du principal consortium de forage pétrolier du pays…
Le 16 novembre dernier, s’est tenu à Rome le sommet de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, à l’issue duquel la sonnette d’alarme a été tirée pour la énième fois afin de tenter d’intéresser les grandes puissances à la crise alimentaire mondiale.
L’Afrique – faut-il le rappeler ? – est dramatiquement touchée par la famine depuis déjà des années et elle ne parvient pas encore à l’autosuffisance alimentaire. Pour exemple, je prendrai le cas du Niger, dont les surfaces cultivables sont très limitées et qui, à ce titre, bénéficie assez largement des programmes d’aide alimentaire mondiaux.
Les exportations de minerai d’uranium de ce pays, à un moment où les cours sont au plus haut, ne devraient-elles pas assurer sa sécurité alimentaire ? Or tel n’est pas le cas, parce que les ressources naturelles exportées vers la Chine sont gagées avec des prêts concessionnels chinois dont le remboursement s’effectue en quantité et en temps.
J’évoquerai un dernier point, peut-être le plus inquiétant pour notre diplomatie : les réserves financières chinoises hissent la RPC au rang des premiers bailleurs de fonds au Soudan, au Nigeria, en Angola et en Égypte.
Le montant total des prêts d’origine chinoise à la fin du premier semestre de 2007 s’élevait déjà à 20 milliards de dollars. Dès lors, monsieur le ministre, permettez-moi de manifester quelque inquiétude face à une telle concurrence en termes de diplomatie financière…
Mes chers collègues, mon objectif n’est pas de stigmatiser la Chine, mais je souhaiterais que s’opère une « péréquation » de participation financière et humaine ainsi que d’obligations morales entre les puissances contributrices à l’ONU, sinon, à terme, alors que nous affrontons encore les affres de notre passé colonial en Afrique, la diplomatie française n’aura pour unique argument que le rôle de « moralisatrice » qu’elle joue dans les enceintes internationales et elle observera, sur le terrain, un véritable recul de son influence, à tous égards.