Intervention de Michel Billout

Réunion du 30 novembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Action extérieure de l'état

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année dernière, à l’occasion de l’examen des crédits concernant les actions extérieures de l’État, je concluais ainsi mon intervention sur la situation au Proche-Orient : « L’objectif de création d’un véritable État palestinien garde toute sa pertinence. Pour lui donner ses chances, notre gouvernement doit donc prendre ses responsabilités au sein de l’Union européenne en exigeant une prise de position claire sur la levée du blocus imposé à Gaza, sur l’arrêt de la colonisation comme conditions préalables à l’existence de quelconque partenariat. »

Depuis, la situation s’est, hélas !, considérablement dégradée. En décembre 2008, l’armée israélienne déclenchait l’opération « Plomb durci » qui allait se solder, côté palestinien, par 1 434 morts, dont 82 % de victimes civiles, et, côté israélien, par 13 morts, dont 3 civils.

Nos collègues Jean François-Poncet et Monique Cerisier-ben Guiga, missionnés par notre commission des affaires étrangères, se sont rendus à Gaza quelques jours après la fin des hostilités. Ils ont rédigé un excellent rapport, dont je recommande la lecture, dans lequel ils ont longuement développé leur analyse de la situation.

Je les citerai concernant les conséquences de l’opération « Plomb durci » : « L’impact sur l’opinion internationale, choquée par l’extrême brutalité de l’armée israélienne, fut profondément négatif. Plusieurs ONG, notamment israéliennes, ont recensé les violations du droit international humanitaire commises par l’armée israélienne. »

Les deux rapporteurs ont été frappés par « la sélectivité et la précision des frappes israéliennes qui ont systématiquement visé les infrastructures : écoles, hôpitaux, bâtiments administratifs, occasionnant un nombre élevé de victimes civiles […]. Dans deux cas au moins, des bombes au phosphore ont été utilisées, l’une sur l’hôpital du Croissant rouge, l’autre sur le dépôt des Nations unies. »

Ces conclusions de nos deux collègues sont à mettre en parallèle avec le rapport de la mission mandatée par l’ONU sous la responsabilité du juge Richard Goldstone.

En effet, ce rapport établit que les attaques de l’armée israélienne contre Gaza avaient été « délibérément disproportionnées afin de punir, terroriser et humilier la population civile ».

Il ajoute : « Les opérations militaires de Gaza ont été, selon le Gouvernement israélien, minutieusement et longuement planifiées. Alors que le Gouvernement israélien s’est efforcé de faire passer ces opérations comme une réponse aux attaques de roquettes dans l’exercice de son droit à la légitime défense, la mission considère que ce plan a été dirigé, au moins en partie, contre une cible différente : le peuple de Gaza en tant que tel. »

Nous aurions pu légitimement attendre des États-Unis, de la France et de l’Union européenne des prises de position courageuses incitant fortement l’État d’Israël et les Palestiniens désormais encore plus divisés à reprendre le chemin de la paix.

Si les premières déclarations du président Obama ont donné des signes extrêmement positifs en ce sens, le peu de fermeté de son administration, face à la poursuite de la colonisation de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie, ainsi que les déclarations contradictoires d’Hillary Clinton ont renforcé au contraire le Gouvernement israélien dans sa politique de violence et de mépris à l’égard des Palestiniens.

L’attitude de la France, quant à elle, à l’égard du rapport Goldstone est consternante ! Ses représentants à l’Assemblée générale de l’ONU ont tout simplement refusé de prendre part au vote qui devait conduire à son adoption. L’Union européenne est d’ailleurs apparue très divisée, faisant voler en éclats toute illusion d’une position commune sur le dossier.

Sur le plan économique, c’est encore pire. Alors que l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël est subordonné à l’application d’une clause prévoyant que les relations entre les parties doivent être fondées sur le respect des droits de l’homme, le respect de la démocratie et sur l’engagement d’Israël à réaliser des progrès dans le processus de paix, un nouvel accord commercial agricole vient d’être conclu pour exempter de taxes certains produits alimentaires israéliens exportés vers l’Europe.

L’impunité dont jouit l’État d’Israël éloigne chaque jour un peu plus les perspectives de paix et renforce les tensions dans la région. Je pense évidemment au Liban et à l’Iran.

C’est pourquoi, pour le groupe CRC-SPG, le Gouvernement français doit refuser tout rehaussement des relations entre l’Union européenne et Israël et contribuer à des pressions économiques jusqu’à ce que cet État montre des « signes sérieux de bonne volonté traduits par des résultats tangibles sur le terrain ».

Avec des échanges supérieurs à 25 milliards d’euros en 2007, Israël est l’un des plus grands partenaires commerciaux de l’Union européenne. L’Union est le premier marché d’exportation d’Israël et sa deuxième source d’importation.

Les exportations européennes vers Israël s’élèvent à 14 milliards d’euros. L’Union importe d’Israël un plus peu de 11 milliards d’euros de marchandises. Les pressions économiques seraient donc aisées à mettre en place.

Les autorités françaises, en lien avec l’Union européenne et les États-Unis, doivent contribuer à une solution rapide dans les négociations en cours sur une possible libération de Marwan Barghouti, qui pourrait contribuer efficacement à la nécessaire réconciliation palestinienne.

Dans un rapport remis récemment à Barack Obama, d’anciens hauts responsables américains, républicains et démocrates, déclarent : « Ne pas agir se révélera extrêmement coûteux [...]. Cela risquera de déboucher sur la disparition définitive de la solution à deux États si les colonies se développent, se retranchent et si les extrémistes consolident leur influence des deux côtés. Bref, les six ou douze prochains mois représenteront sans doute la dernière chance pour une solution équitable, viable et durable ».

Il y a donc urgence à agir, c’est pourquoi le Gouvernement français doit jouer un véritable rôle moteur en s’engageant plus résolument en faveur d’une résolution politique de ce conflit.

Le groupe CRC-SPG demande à la présidence du Sénat d’organiser sans tarder un débat sur cet important sujet pour la paix au Moyen-Orient et dans le monde.

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