Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le 5 décembre 2008 en pareille occasion, je vais consacrer mon propos aux crédits d’action sociale de votre ministère et, bien entendu, plus particulièrement à ceux qui intéressent les Français établis hors de France.
Je dois vous avouer ma grande perplexité, ma grande interrogation, et votre réponse sera précieuse pour me permettre de comprendre les motivations qui amènent votre ministère à diminuer les crédits du pôle social inscrits au programme 151 de votre ministère. Je ne comprends pas davantage la quasi-suppression de la troisième catégorie aidée de la caisse de sécurité sociale des Français de l’étranger, la CFE, mise en place par la loi de modernisation sociale de janvier 2002 et examinée en décembre 2001, l’un des derniers textes du gouvernement Jospin.
Certes, il me serait difficile d’ignorer que la situation financière de la France est extrêmement préoccupante, que l’on cherche des réductions budgétaires partout et que ce sont les ministères des finances et du budget qui sont les instigateurs de la baisse des crédits susmentionnée.
Ma première interrogation concerne la diminution sur trois ans des crédits du pôle social de votre ministère. Rappelons que ce pôle, créé en 1977, alors que Raymond Barre était Premier ministre de la France, a été abondé par les gouvernements de droite et de gauche, que MM. Alain Juppé et Hubert Védrine y ont pris leur part.
Ce pôle sert à aider les communautés françaises en difficulté, qu’il s’agisse des personnes âgées, handicapées majeures et mineures, d’enfance en détresse ou de rapatriements d’urgence. Bref, l’idée de Raymond Barre était que la France, modèle de couverture sociale pour nos compatriotes de métropole et d’outre-mer, ne devait pas être en reste avec les Français de l’étranger. En 1977, ils n’étaient que 1 500 000 ; ils sont maintenant plus de 2 300 000 !
Alors, comment peut-on envisager de diminuer pour l’année 2010 les crédits du pôle social de plus de 1 500 000 euros, donc au détriment des plus défavorisés de nos compatriotes expatriés ?
Monsieur le ministre, je rentre de Tunisie. Le consul général de France à Tunis m’a indiqué qu’on lui avait demandé de restreindre son budget d’aide sociale de 10 % pour 2010. Cette diminution aurait un impact sur les crédits sociaux, sur les allocations de solidarité ou handicapé et sur l’entretien des cimetières français de Tunisie.
Comment peut-on envisager, monsieur le ministre, que le budget des cimetières français de Tunisie, qui disposait de 15 000 euros annuels – un euro par tombe française – soit diminué ou supprimé ? Le comité consulaire pour la protection et l’aide sociale de Tunis s’est élevé avec force, le 15 novembre dernier, contre une telle mesure, alors que le périmètre d’action de ce pôle social ne cesse de s’étendre.
Des protestations viennent de tous les pays : nous en avons reçu notamment de Côte d’Ivoire et du Maroc. Je me demande d’ailleurs, monsieur le ministre, comment des instructions ont pu être données aux postes consulaires avant même l’examen des crédits de votre ministère ! Il y a, convenez-en, matière à interrogation : alors que nous discutons de cette mission, des instructions sont déjà données aux postes consulaires pour diminuer l’impact budgétaire de leur action ? La chose est pour le moins paradoxale !
C’est la raison, monsieur le ministre, qui me fera soutenir l’amendement que mon collègue Adrien Gouteyron a déposé, au nom de la commission des finances, tendant à abonder à hauteur de 1 500 000 euros les crédits destinés à l’aide sociale de nos compatriotes établis hors de France.
Notre rapporteur prend ces fonds sur les crédits du programme 105 destinés à financer le développement du réseau informatique du ministère des affaires étrangères.
Sans méconnaître l’importance de ce développement, il ne m’apparaît pas anormal de reporter de quelques mois ces mesures, certes nécessaires, pour privilégier la couverture de nos compatriotes les plus démunis. L’aide qu’ils reçoivent chaque mois est indispensable à leur survie ; elle est donc essentielle.
Ma seconde interrogation concerne, monsieur le ministre, la quasi-suppression de la troisième catégorie aidée de cotisants de la Caisse des Français de l’étranger.
Rappelons que la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a créé, en son article 19, une troisième catégorie aidée au sein de la CFE, destinée à nos compatriotes expatriés les plus défavorisés. Il s’agit d’offrir une couverture sociale maladie et maternité à certains de nos compatriotes qui n’ont pas les moyens de payer la cotisation de la troisième catégorie, la plus basse de la couverture de la CFE.
À ce jour, 3 796 personnes sont directement couvertes – cela représente, avec les ayants droit, environ 8 000 personnes – dans le cadre de cette troisième catégorie aidée et la dépense telle qu’elle ressort des chiffres comptables se situe entre 2, 5 millions et 2, 7 millions d’euros.
Cependant, comme l’ont dit vos services, monsieur le ministre, la ligne budgétaire inscrite au titre de cette catégorie pour 2008-2009 était de 500 000 euros et elle sera à nouveau de 500 000 euros pour 2010.
Dès lors, quel est l’objet de ma protestation ?
Par un artifice budgétaire, qui, je n’en doute pas, relevait de la meilleure bonne volonté, la direction des Français à l’étranger a complété la ligne budgétaire de 500 000 euros de près de 2, 1 millions d’euros par des avances et par des abondements successifs, ce qui a permis à la Caisse des Français de l’étranger de faire face, au cours des années passées, aux demandes de cette troisième catégorie aidée.
Et encore, ce n’est pas tout à fait exact, puisque, la troisième catégorie de cotisants étant profondément déficitaire au sein de la Caisse des Français de l’étranger, cette dernière doit faire face aux charges de gestion entraînées par cette catégorie sur son propre budget.
C’est l’une des raisons d’ailleurs du déficit de l’assurance maladie-maternité de la Caisse des Français de l’étranger au cours de l’année 2008-2009 ; heureusement, d’autres risques comme les accidents du travail et les maladies professionnelles ont permis de compenser ce déficit !
Monsieur le ministre, certains disent que la Caisse des Français de l’étranger peut puiser dans ses réserves et pourrait ainsi compléter la ligne budgétaire de 500 000 euros jusqu’à couvrir la dépense réelle.
Plusieurs audits ont démontré que les réserves de la Caisse des Français de l’étranger, gagées pour faire face aux risques accidents du travail et maladies professionnelles ainsi qu’aux graves risques qu’elle assure, étaient insuffisantes par rapport aux normes européennes, insuffisantes aussi par rapport aux réserves constituées par les compagnies d’assurance et les mutuelles pour faire face à des risques similaires.
Avec mon excellente collègue Christiane Kammermann, qui, comme moi-même, est administrateur de la Caisse des Français de l’étranger, j’ai donc déposé un amendement que nous examinerons tout à l’heure, monsieur le ministre, vos services indiquant, je le répète, que pour 2010 seuls 500 000 euros seront disponibles, alors que le coût de la troisième catégorie aidée est de plus de 2, 5 millions d’euros.
J’ai besoin que vous m’indiquiez si nous poursuivons l’application de la disposition de l’article 19 de la loi de modernisation sociale relative à la troisième catégorie aidée ou si votre décision est de mettre fin à sa mise en œuvre.
Dans cette dernière hypothèse, bien entendu, mon amendement tombe, et il en est de même pour la ligne budgétaire de 500 000 euros prévue au programme 151 !
En revanche, si vous décidez de poursuivre l’application des dispositions de l’article 19 de la loi de modernisation sociale, ce qui est le souhait unanime des représentants de l’Assemblée des Français de l’étranger et du conseil d’administration de la Caisse des Français de l’étranger, il faut alors être clair et inscrire en dépenses la réalité du coût de la troisième catégorie aidée, soit 2, 5 millions d’euros, et non 500 000 euros, comme c’est le cas dans votre projet de budget.
Dans cette hypothèse, les crédits complémentaires prévus par mon amendement sont indispensables. À défaut, il nous faudra prendre ou, plutôt, il vous faudra prendre, monsieur le ministre, la décision politique de mettre fin à la troisième catégorie aidée créée en 2002 !
Sur tous ces points, monsieur le ministre, j’ai besoin de précisions et de clarifications, et les Français de l’étranger attendent de vous des explications.