Intervention de Claudine Lepage

Réunion du 30 novembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Action extérieure de l'état

Photo de Claudine LepageClaudine Lepage :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos portera sur l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, dont la situation financière, qui s’aggrave depuis plusieurs années, est aujourd’hui extrêmement préoccupante.

L’excellence du réseau de l’AEFE fait l’unanimité. Mais, ne nous y trompons pas, la situation est telle qu’elle me conduit à lancer ici un cri d’alarme. Cessons de nous voiler la face : sans un effort budgétaire supplémentaire, le réseau est en danger réel.

L’AEFE est un établissement public chargé de scolariser les enfants français dont la famille est établie à l’étranger. Elle contribue aussi à la diffusion de la langue et de la culture françaises, et elle participe au renforcement des relations entre les systèmes éducatifs français et étrangers.

Oui, l’AEFE constitue un réseau d’excellence, avec 94 % de réussite au baccalauréat en 2009 ! Elle anime l’un des réseaux les plus denses et les plus prestigieux au monde, comptant 461 établissements qui scolarisent 253 000 élèves.

Oui, l’AEFE est en danger. Sa dotation s’établira pour l’année 2010 à 420, 82 millions d’euros au titre du programme 185, auxquels s’ajoutent quelque 106 millions d’euros concernant spécifiquement « l’accès des élèves français au réseau ».

Cependant, 10 millions d’euros manquent par rapport à son projet de budget, compte tenu des nouvelles charges qui, chaque année plus nombreuses, lui incombent. Je ne dresserai pas une liste exhaustive de ces nouvelles charges – ce serait un inventaire à la Prévert -, mais je veux en citer certaines.

À la fin de l’année 2003, la compétence immobilière a été transférée à l’AEFE sur les établissements en gestion directe, mais quid de la dotation budgétaire supplémentaire qui aurait dû accompagner ce transfert de gestion ? Pourtant, 50 millions d’euros sont déjà nécessaires à la simple mise aux normes du parc immobilier existant, et je ne parle même pas des investissements nécessaires à l’extension du réseau, qui accueille 5 000 nouveaux élèves chaque année.

La situation risque de s’aggraver encore avec l’application du décret du 1er décembre 2008, qui pourrait induire un transfert à l’AEFE de la gestion de la totalité des établissements scolaires français à l’étranger...

C’est ce qu’on appelle la politique du pire !

Comment, dans ces conditions, envisager sereinement l’avenir au regard de la concurrence de plus en plus féroce des établissements anglo-saxons?

Nous ne pouvons pas continuer de la sorte. Aussi, avec mes collègues Monique Cerisier-ben Guiga et Richard Yung, nous avons déposé un amendement prévoyant le transfert de 10 millions d’euros vers le programme 185, destinés aux investissements immobiliers de l’Agence.

Poursuivons notre « inventaire ».

À la fin de l’année 2007, c’est la part des cotisations patronales des personnels détachés, dont l’Agence était jusqu’à présent exonérée, qui lui a été transférée. À nouveau, le coût n’est que partiellement compensé par l’État. Pour 2010, le surcoût est déjà de 13 millions d’euros.

Une des solutions mises en place est la réduction du nombre de personnel expatrié... Idée intéressante, mais plus ou moins pertinente selon les régions du monde ! En 2009, onze postes ont été concernés ; il s’agirait de quatre-vingts postes en 2010.

Parallèlement, la détérioration des conditions de vie des personnels résidents, imputable, en grande partie, à la sous-estimation de leurs indemnités de vie locale, commence à poser de sérieux problèmes de recrutement. À Nairobi, dix postes seront vacants ou susceptibles de l’être à la rentrée 2010. La situation est similaire à Douala ou à Kinshasa, et ce ne sont là que quelques exemples.

Le recours massif à des recrutés locaux, parfois insuffisamment formés, risque d’influer négativement sur la qualité de l’enseignement.

Depuis 2007, c’est la prise en charge des frais de scolarité, la PEC, qui grève encore le budget de l’Agence de plus de 40 millions d’euros.

La PEC, chère, très chère au Président de la République, vise à assurer la gratuité de la scolarité de tous les lycéens français, quels que soient les revenus de leur famille et le tarif de la scolarité. On imagine sans peine que certaines familles multimillionnaires de New York, de Londres ou d’ailleurs n’ont pas manqué de profiter de l’aubaine, de même que les entreprises qui, jusque-là, finançaient la scolarité des enfants de leurs expatriés !

Par ailleurs, l’explosion des frais de scolarité est telle qu’elle entraîne l’éviction des élèves étrangers, pourtant garants de la mixité et, par là même, de la richesse de nos écoles, mais incapables, bien souvent, de faire face financièrement. Ils sont, de toute façon, les premières victimes de l’asphyxie du réseau de l’AEFE, dont la vocation est pourtant aussi, rappelons-le, de participer au rayonnement de notre culture...

Et que dire des conséquences de la prise en charge de la scolarité sur les bourses scolaires ? En effet, qui dit hausse des frais d’écolage dit hausse des demandes de bourse. L’augmentation de plus de 20 millions d’euros de la dotation ne doit pas faire illusion : les 106 millions d’euros inscrits au budget 2010 seront, à nouveau, insuffisants : près de 7 millions d’euros manqueront.

Dans ces conditions, l’AEFE n’a d’autre alternative que de durcir les critères d’attribution des bourses et donc de pénaliser durement les familles à revenus moyens, qui n’en peuvent plus !

La profonde iniquité de la PEC, ses effets pervers et le fatal déséquilibre qu’elle engendre pour l’AEFE ont été dénoncés dès sa mise en place par les parlementaires socialistes, et je sais que notre sentiment à cet égard est partagé par nombre de nos collègues des autres groupes.

L’Assemblée nationale a ainsi adopté, contre l’avis du Gouvernement, un amendement de M. Rochebloine qui prévoit le plafonnement de la PEC et le transfert des 10 millions d’euros ainsi dégagés pour abonder les dépenses immobilières de l’Agence. Pour mémoire, ce plafonnement a déjà été voté l’année dernière, puis écarté, à la faveur d’une seconde délibération demandée par le Gouvernement...

Mais est-il vraiment judicieux de déshabiller Pierre pour habiller Paul ? Non, bien sûr, d’autant que cette opération ampute aussi l’enveloppe des bourses scolaires, qui n’en a vraiment pas besoin !

Nous sommes tous conscients de la qualité du réseau que gère si bien l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. L’année 2010 sera celle de son vingtième anniversaire, l’âge de tous les possibles, a-t-on coutume de dire ! Or il nous appartient aujourd’hui d’assurer au moins sa survie…

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