Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 0, 8 %, c’est tout ce que représentent les crédits consacrés à l’administration des Français à l’étranger dans le projet de budget du ministère des affaires étrangères en 2010, hors dépenses de personnel ! Cela correspond à seulement 1, 6 % de la dotation de la mission « Action extérieure de l’État », toujours hors titre 2
Moins de 30 millions d’euros sont censés suffire à couvrir toutes les dépenses de fonctionnement et d’intervention des dispositifs de services publics et de protection sociale pour les quelque 2, 5 millions de Français établis hors de France et les Français se déplaçant à l’étranger, ainsi que les frais d’instruction des visas.
Il s’agit là d’une baisse de 17, 8 % par rapport à l’année dernière.
Les crédits du pôle social subissent également une diminution drastique – moins 11, 5 % – et n’atteindront que 17, 4 millions d’euros et 14, 8 millions d’euros pour l’aide aux personnes.
Cette baisse est d’autant plus inacceptable qu’elle intervient alors que le nombre de personnes en situation de précarité ne cesse d’augmenter, sous l’effet conjugué de la crise, de l’accroissement de notre population à l’étranger et de son vieillissement.
L’incapacité à maintenir un filet social minimal est particulièrement dramatique dans des pays où le système local de protection sociale est peu développé, et cela peut même être le cas dans certains États européens.
En Italie, par exemple, où, certes, l’entraide familiale joue un grand rôle, mais où le coût de la vie est similaire au nôtre, le minimum vieillesse n’est que de 396 euros par mois, contre 633 euros en France. Binationaux, travailleurs en contrat local, personnes âgées isolées ou handicapées ne devraient pas se voir contester leur droit entier à la solidarité nationale française, eux qui, de par les liens durables qu’ils nouent dans leur pays de résidence, y forment le terreau fertile de notre rayonnement.
C’est pourquoi il est indispensable de renforcer les crédits de l’aide aux personnes - 14, 8 millions d’euros - qui permettent de verser une allocation à près de 5 500 personnes âgées ou handicapées, ainsi que le dispositif de la troisième catégorie de la Caisse des Français de l’étranger, déjà évoqué. N’oublions pas non plus les centres médico-sociaux, les comités consulaires pour l’emploi et la formation professionnelle, les sociétés de bienfaisance et les organismes d’assistance.
C’est tout un système social qui, chaque année, est davantage menacé d’asphyxie. Je soutiendrai, comme je l’ai dit devant la commission des affaires étrangères, l’amendement visant à restituer à l’aide sociale 2 millions d’euros prélevés sur le budget informatique. L’enjeu n’est pas seulement d’ordre humaniste : il y va de nos intérêts, il y va de la capacité de la France à maintenir la cohésion et le dynamisme de sa communauté expatriée.
Ces dernières années, dans nos consulats, le recours accru à la sous-traitance, au regroupement des services et à la dématérialisation des procédures a permis de réaliser des économies substantielles, et je m’en réjouis. Méfions-nous cependant que ce souci de rationalisation des coûts, poussé à l’extrême, ne menace la notion même de service public, malgré l’immense qualité et le très grand dévouement d’un personnel diplomatique et consulaire que je tiens à saluer ici.
Ces dispositifs instaurent une distance accrue entre le citoyen et l’administration, souvent source de coûts alourdis pour l’administré, voire d’atteintes à ses droits fondamentaux. Ainsi, le retard dans le renouvellement d’un passeport conduit à une privation de mobilité. Le défaut de prise en compte d’un courrier contenant un certificat de vie peut stopper le versement d’une pension de retraite.
Au-delà des dysfonctionnements matériels se pose la question de la capacité de nos consulats à maintenir un lien étroit avec leurs administrés. Face à l’engorgement des consulats, aux difficultés de ces derniers à identifier et atteindre certaines catégories de la communauté, nos ressources humaines - y compris les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger et les consuls honoraires - ne suffisent plus.
Je rappellerai par ailleurs la nécessité de mieux associer ces élus de l’AFE à la gestion de nos collectivités françaises à l’étranger, même s’il me semble indispensable que cette dernière, en tant qu’assemblée d’élus, soit présentée non pas sous le chapitre « Administration des Français », mais sous un titre spécifique. Cela éviterait d’ailleurs certaines contre-vérités que nous avons pu lire récemment dans la presse nationale.
Je rappellerai en outre mon souhait que soit organisée pour les consuls honoraires une réunion au Quai d’Orsay, comme cela se pratique pour les ambassadeurs et consuls généraux - et comme le font les autres grands pays européens -, afin de mieux sensibiliser ce personnel, bénévole et souvent de nationalité étrangère, aux enjeux de notre pays et de sa démocratie.
Je ne reviendrai pas sur le problème du financement de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger au sein du programme 185, puisqu’il a déjà été largement traité par mes collègues et que nous y reviendrons dans l’examen des amendements.
Je soulignerai seulement mon inquiétude à ce sujet, en soulignant la pertinence que je vois, à titre strictement personnel, à la proposition de plafonnement de la prise en charge en fonction du montant des droits de scolarité, à un niveau déterminé par décret et adapté selon les pays de résidence, sans pénaliser les plus démunis et afin d’éviter les excès de tous ordres.
Je voudrais aussi attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les exclus de l’AEFE. Le niveau des frais de scolarité, qui ont augmenté de 18 % à la dernière rentrée, la saturation des capacités d’accueil des établissements et la couverture géographique limitée du réseau ont pour résultat que moins d’un tiers des enfants français sont scolarisés dans ce réseau. Seule une toute petite élite étrangère francophone parvient d’ailleurs à intégrer nos écoles.
À l’heure de la mondialisation et d’Internet, nous devons viser aussi la démocratisation de l’enseignement et le renforcement de notre aide à l’enseignement du français hors réseau AEFE, sous peine de voir encore s’accentuer le recul du français et de la francophonie. Il nous faut renforcer le programme FLAM - français langue maternelle – et les initiatives extrascolaires, en développant par exemple des programmes télévisés ou sur Internet, notamment à destination des plus jeunes.
Hors dépenses de personnel, moins de 10 millions d’euros sont consacrés à la promotion de la langue française et de la diversité linguistique. Les subventions aux Alliances françaises dans le monde s’élèvent à 890 000 euros, seulement. À titre d’exemple, l’Italie consacre, elle, un million d’euros à la promotion de sa langue sur le seul territoire français...
Les possibilités d’envoi de professeurs de français, sous un statut de volontaire, dans des établissements de droit français ou étranger ne dépendant pas nécessairement de notre réseau culturel, devraient être davantage explorées. Tout en constituant une ressource appréciée pour le développement de la francophonie, cette solution offrirait un débouché nouveau à de jeunes Français, à l’heure ou le volontariat international est plus prisé que jamais et où notre gouvernement porte un intérêt accru au service civique.
En 2009, les volontaires internationaux dans les établissements culturels français n’étaient qu’un peu plus de 200 et beaucoup ne remplissaient d’ailleurs pas des fonctions d’enseignement.
Le développement des formations de formateurs mériterait aussi d’être appuyé.
Nous devons enfin saisir les opportunités qui s’offrent à nous en matière de multimédia, en développant supports pédagogiques et programmes sur la Toile pour les plus jeunes. Je pense aussi à la plateforme mise en place sur Internet par l’Italie, qui vise à répertorier toutes les initiatives en matière culturelle et linguistique. Vous avez un projet similaire, monsieur le ministre, et j’aimerais vous demander où nous en sommes.
Globalement, nous devons absolument instaurer un nouveau dynamisme. Je relève un paradoxe : alors que la France avait été le premier pays à faire de la diplomatie culturelle un de ses modes de fonctionnement et de rayonnement, notre investissement en ce domaine ne cesse de diminuer, au moment où tous nos grands partenaires - États-Unis, Italie, Espagne, Allemagne, Chine, Brésil - renforcent considérablement leur action en ce domaine. Ils ont en effet compris l’importance de ce « soft power » - pardonnez-moi cette expression – qu’est la culture en tant que levier pour l’amélioration des résultats politiques, diplomatiques et économiques. Et nous semblons, hélas, faire le contraire !
Qu’il s’agisse de l’aide sociale, de l’enseignement français à l’étranger ou de notre rayonnement culturel, il est urgent de trouver des sources de financement innovantes, en complément des subventions publiques, manifestement insuffisantes.
J’avais ainsi suggéré, à l’occasion d’une proposition de loi visant à créer un fonds de solidarité pour les Français victimes de catastrophes naturelles ou de crises géopolitiques, d’instaurer une taxe sur les passeports. En effet, puisque ces derniers sont destinés à des personnes qui profitent, en voyage et en expatriation, de nos services, pourquoi ne pas utiliser une partie du prix de ces passeports pour financer les grands projets à l’international ?
Nous pourrions aussi envisager une taxe sur les transactions financières.