Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ces crédits est l’occasion pour le Parlement de débattre des moyens que se donne la France pour peser en dehors de nos frontières, en valorisant sa vision du monde, sa langue, ainsi que les principes et les intérêts qu’elle entend défendre au sein de la communauté internationale. Les Français de l’étranger sont un élément fondamental de cette politique, parmi bien d’autres dans le domaine des affaires étrangères.
D’un point de vue financier, nous examinons aujourd’hui des crédits très limités. Pour 2010, les crédits de paiement s’élèveront à environ 2 630 millions d’euros, soit moins de 1 % du budget de l’État. Sont affectés à cette mission 12 897 équivalents temps plein, ce qui représente environ 0, 60 % des effectifs totaux de l’État.
Malgré l’étroitesse des moyens financiers qu’il nous est demandé de voter, l’examen de cette mission revêt, cette année, une importance particulière.
Sous l’effet conjugué du Livre blanc, de la RGPP et de la volonté du ministre de réformer ce ministère, une action de grande envergure commence à produire de vrais résultats. Même si l’initiative a été critiquée, il se passe indéniablement quelque chose… Il ne s’agit pas d’économies aveugles ou dispersées. Des progrès réels ont été accomplis, comme l’a relevé Adrien Gouteyron, notamment en matière de coordination.
Le comité interministériel des réseaux internationaux de l’État, le CORINTE, fonctionne ; nous savons que ce n’était pas le cas de son prédécesseur, qui s’était réuni une seule fois. Des décisions sont prises et, sous l’autorité de l’ambassadeur, la coordination progresse de plus en plus à l’étranger. Je souhaite saluer cette évolution.
En matière d’organisation budgétaire, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, à quelle date sera mis un terme à la séparation, au sein de notre action culturelle extérieure, entre les pays de l’OCDE, qui relèvent de la mission « Action extérieure de l’État », et les pays relevant de la mission « Aide publique au développement » ? Qu’il s’agisse de l’organisation du Quai d’Orsay selon une logique thématique, et non plus géographique, ou bien, plus largement, de l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, tout devrait conduire à ce que le directeur général de la mondialisation puisse piloter les crédits d’action culturelle en les redéployant d’un pays à l’autre en fonction des priorités, des besoins et des urgences. Or les deux enveloppes sont complètement séparées ; une évolution dans ce domaine me semblerait tout à fait opportune.
Comme l’a souligné Richard Yung, le Quai d’Orsay a été le premier ministère à signer un contrat triennal de modernisation pour la période 2006-2008 avec le ministère du budget. Il s’est engagé à conduire seize chantiers de réforme. De la montée en puissance de son outil informatique à la rénovation de la gestion des ressources humaines ou à la maîtrise de la fonction « achats », ces chantiers amélioreront considérablement l’efficacité de l’action du ministère. Dans le même temps, les effectifs ont diminué de 740 postes équivalents temps plein, ce qui n’est pas négligeable.
Le ministère des affaires étrangères et européennes participe donc largement à l’effort de rationalisation entrepris par l’État, dans un contexte budgétaire difficile. Je tiens à saluer cet effort ; je souligne, par exemple, que nos ambassadeurs, pour les vols moyens courriers, voyagent non en classe affaires, mais en classe économique.
Je saisis cette occasion pour rendre hommage à l’action de tous les fonctionnaires du ministère des affaires étrangères, qui travaillent avec abnégation et grâce auxquels notre pays est si puissant à l’étranger.
Malgré cet effort de rationalisation, l’universalité de notre réseau est préservée : 160 ambassades, 21 représentations multilatérales, 98 postes consulaires et 154 postes de services de coopération et d’action culturelle composent notre réseau, qui demeure le deuxième au monde, alors même que la France n’est plus la deuxième puissance mondiale. Il faut savoir s’en féliciter, même si nombre d’actions pourraient évoluer dans le sens d’un redéploiement.
Effort de réduction des effectifs et des dépenses, d’une part, universalité préservée, de l’autre : cet équilibre est difficile à tenir, et nous devons prendre garde à ne pas priver le ministère des moyens nécessaires pour mener sa mission, si importante pour notre pays.
L’insuffisance des crédits n’est pas loin, mes chers collègues, et certains sujets de préoccupation méritent toute notre attention.
Je note, ainsi, une nouvelle baisse des crédits consacrés à la coopération décentralisée, qui concerne de près le Sénat et qui joue un rôle d’appui important pour l’action internationale de la France.
Je constate également la nouvelle baisse des crédits des Alliances françaises, qui ont un rôle essentiel sur le terrain, en cohérence avec l’action de nos ambassadeurs et de nos services culturels.
Au sein du programme « Action de la France en Europe et dans le monde », les contributions aux organisations internationales mobilisent plus des deux tiers des crédits, hors dépenses de personnel. Les gestionnaires disposent de moins d’un tiers de cette enveloppe pour faire fonctionner un réseau mondial et mettre en œuvre notre coopération de sécurité et de défense. C’est bien peu, monsieur le ministre, même si des efforts sont faits…
Au sein du programme « Rayonnement culturel et scientifique », qui est doté de 600 millions d’euros, hors dépenses de personnel, seuls restent 88 millions d’euros pour concrétiser notre diplomatie d’influence dans le monde. Je le répète : ce n’est pas beaucoup !
Dans le programme « Français à l’étranger et affaires consulaires », évoqué par plusieurs de mes collègues, une fois déduites les dépenses de personnel, il reste 12 millions d’euros pour faire fonctionner le réseau consulaire, et à peine plus de 17 millions d’euros au titre des dépenses d’intervention. Je pense, comme Richard Yung, que la suppression du réseau russe et la libéralisation des visas avec la Russie nous permettraient de faire des économies et serait un gain de temps.
Un autre problème, désormais largement connu, mérite notre attention : la politique immobilière du Quai d’Orsay. Il manque, à Paris, un vrai centre de rencontres internationales.
Cette situation est coûteuse, car, comme l’a dit M. le Premier président de la Cour des comptes, « au bout de quelques sommets, on aura dépensé ce qu’a rapporté la vente de l’immeuble de l’avenue Kléber ».
Le Président Mitterrand, dans le cadre de ses grands travaux, avait déjà prévu la réalisation d’un palais des congrès, sur l’emplacement de l’actuel musée du quai Branly. Or ce projet n’avait pu voir le jour, le plan d’occupation des sols étant à l’époque trop restrictif. J’étais déjà élu de Paris ; je regrette aujourd’hui d’autant plus cet échec qu’il s’agissait d’un très beau projet. Pourquoi ne pas le construire sous les Invalides, comme nous avons pu le lire dans la presse ? Tout est possible ! Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si cette idée est toujours d’actualité ?
Qu’en est-il, ensuite, de la politique immobilière de l’État ? Je sais que le ministère de la défense doit s’installer dans le « Pentagone » du XVe arrondissement.