Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 30 novembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Action extérieure de l'état

Bernard Kouchner, ministre :

Comment serait-ce possible, alors que notre pays a été à l’origine de la création de la CPI, comme vous vous en souvenez sans doute ? De surcroît, une telle réduction se verrait à peine.

Cette contribution est une manifestation de notre souci d’une justice internationale rendue au mieux, ce qui est très difficile, je le sais, et je ne suis d’ailleurs pas le dernier à parfois émettre de sévères critiques. Mais nous ne pouvons pas opérer une réduction significative de notre participation financière à la Cour pénale internationale, surtout en ce moment.

Aux termes du projet de loi de finances, nos contributions aux opérations de maintien de la paix en général s’élèveront à 386, 4 millions d'euros, montant en augmentation de 50 millions d'euros par rapport à 2009, soit une hausse, importante, de 14 %. Le système est équilibré.

Comment peut-on prévoir les crises ? Comment admettre qu’un membre permanent du Conseil de sécurité comme la France puisse ne pas y faire face ?

L’augmentation dont je faisais état correspond à une intensification de la gestion multilatérale des crises.

En 2007, trois opérations d’envergure ont été déployées : au Darfour, au Tchad et en République centrafricaine. La contribution française à la mission des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour, la MINUAD, et la mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad, la MINURCAT, s’élève à plus de 110 millions d'euros. Résultat, mesdames, messieurs les sénateurs ? Aucune attaque des Janjawids en provenance du Soudan sur la population tchadienne n’a dû être déplorée.

Depuis que les forces européennes ont, le jour dit, passé la direction aux forces de l’ONU, ce n’est pas exactement le cas maintenant.

Dix-sept pays européens ont participé à l’opération et ils sont tous disposés à recommencer. La protection des femmes et des enfants a été assurée, en particulier dans des camps accueillant des personnes déplacées, qui n’étaient pas des réfugiés. Nous devons nous en féliciter.

Au total, quinze opérations de maintien de la paix ont été menées.

Par ailleurs, nous faisons un effort particulier pour que la dimension budgétaire soit mieux prise en compte dès la conception des opérations. Au mois de janvier 2009, la France a lancé une initiative avec le Royaume-Uni. Nous avons obtenu des résultats concrets dans les domaines de la planification, de l’organisation et de l’expertise technique. Ces résultats ont été validés dans une déclaration présidentielle, adoptée par le Conseil de sécurité le 5 août dernier.

Enfin, le message de rigueur budgétaire commence à porter ses fruits. M. Trillard lui-même a considéré qu’il est désormais intégré à la dimension politique de nos négociations, ce pour l’ensemble de nos contributions internationales.

J’en viens à l’animation du réseau diplomatique.

Les crédits consacrés au fonctionnement de ce réseau sont en baisse par rapport aux années précédentes, accompagnant, en cela, la diminution des effectifs. En 2010, 327 millions d'euros seront consacrés à faire vivre notre réseau, le deuxième au monde.

Dans ce contexte, j’ai voulu que les dépenses de fonctionnement soient resserrées autour de deux axes.

Le premier concerne la modernisation des moyens informatiques. J’en ai parlé à propos du budget social.

J’ai obtenu 5 millions d'euros additionnels au plafond prévu sur trois ans sur l’année 2010 et 5 millions d'euros dans le collectif budgétaire de 2009. Ce chantier est absolument stratégique pour la mise en œuvre des réformes et pour la gestion des ressources humaines. Il constitue un levier essentiel pour gagner en productivité. L’élémentaire dans le domaine de l’informatique est ainsi offert à toutes les ambassades du monde. Nous étions très en retard.

Les crédits additionnels devront également nous permettre de remettre à niveau la sécurité des télétransmissions et celle de nos agents dans l’exercice de leurs missions à l’étranger. Offrir une petite sécurité, qui n’est pas garantie en ce moment, est la moindre des choses.

Madame Cerisier-ben Guiga, monsieur le rapporteur spécial, les moyens que nous voulons consacrer à l’informatique sont l’exemple même d’une dépense vertueuse, qui permettra bientôt de dégager des marges de manœuvre sur les crédits de fonctionnement, au service, notamment, du réseau consulaire et, par conséquent, des Français de l’étranger.

C'est la raison pour laquelle il m’est difficile d’être favorable à l’amendement que vous avez déposé. Nous devons ménager l’avenir.

Le second axe vise la sécurité de nos ressortissants, qui est le devoir de l’État, vous en conviendrez tous.

Je pense d’abord à la sécurité de nos agents et de nos postes diplomatiques. La dotation pour 2010 est en augmentation de 50 % et s’élève à 15, 5 millions d'euros. Ces crédits seront consacrés aux dépenses d’équipement et à la mise en œuvre de moyens humains, notamment dans les nouvelles zones de menace, c'est-à-dire le Sahel.

Je pense aussi au travail remarquable effectué par le centre de crise. En un an d’existence, il a géré avec succès des situations de nature très différente.

Relevons l’évacuation de ressortissants français et européens de Géorgie ou de Thaïlande au mois de décembre 2008 ; la mise en place, en liaison avec la direction de la défense et de la sécurité civiles, d’un hôpital de campagne au Sri Lanka, aux mois de mai et juin derniers, alors que des dizaines de milliers de réfugiés tamouls se trouvaient dans des camps sans aucun dispositif de secours. Notons aussi le suivi des otages français – sept en ce moment et plus de quatre-vingts sur toute l’année – lors de la prise d’otages du voilier Tanit ou de l’affaire du Nigeria, notamment. Je dois citer également la mission de soutien médico-psychologique à Bombay, après les attentats du mois de novembre 2008, la crise guinéenne, dont je vous ai déjà parlé, avec l’envoi d’une équipe d’urgence médicale, seule manifestation d’aide extérieure aux Guinéens, puis d’une équipe médico-psychologique.

Pour soutenir cette activité désormais stratégique au sein du ministère, les moyens alloués au centre de crise s’élèveront à 2, 1 millions d’euros en 2010, soit une hausse de 31 %.

Les deux priorités que je viens d’exposer s’inscrivent scrupuleusement, vous le voyez, dans l’objectif que nous visons depuis bientôt trois ans : moderniser notre outil diplomatique, pour le rendre à la fois moins coûteux et plus efficace.

Les réformes se poursuivent à un rythme soutenu. Les rapporteurs, et M. Gouteyron en particulier, l’ont d’ailleurs bien souligné, et je les en remercie.

M. Gouteyron relève aussi fort justement que ce rythme de diminution ne serait pas tenable pour notre diplomatie s’il devait perdurer à moyen terme. Il a raison.

Permettez-moi d’insister sur deux points : la poursuite de la modernisation tant de notre outil diplomatique que de notre politique immobilière.

En 2010, la modernisation de l’outil diplomatique doit permettre de rendre 255 emplois, soit 2 % des effectifs du ministère. Ces efforts seront répartis entre l’administration centrale et l’étranger, où ils seront concentrés sur les ambassades les plus grandes, et sur les plus petites. En dépit des apparences, cela n’est pas contradictoire.

Dans les postes dits de « présence diplomatique », un format-type réduit à environ 10 équivalents temps plein est mis en place. Au Népal, par exemple, nous passerons de 23 à 8 équivalents temps plein.

Dans les trente postes les mieux dotés, la réduction portera de façon significative sur les effectifs des huit plus grosses ambassades, qui comptent chacune plusieurs centaines de personnes : États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Italie, Maroc, Sénégal et Madagascar. L’objectif, en 2011, est d’atteindre une réduction de l’ordre de 10 %, soit une cible de 200 équivalents temps plein.

J’ai désigné notre ambassade de Berlin comme « ambassade pilote ». Celle-ci comptait 253 équivalents temps plein en mai 2008. Nous avons fixé un objectif de 230.

Je le répète à l’attention de M. Hue et de ses collègues qui ont, comme lui, fait part de leur inquiétude : la rationalisation des activités ne remet pas en cause l’universalité de notre présence. Bien au contraire, elle seule la rend pérenne. Sans réorganisation, nous ne pourrions pas longtemps rester universels. Le cœur du métier diplomatique est préservé : la veille politique, la protection des Français et la diplomatie d’influence. La qualité du service rendu est une préoccupation constante.

Monsieur de Montesquiou, vous avez raison : il nous faut renforcer l’action de soutien au commerce extérieur. C’est tout l’objectif des « postes mixtes » comme Atlanta ou Bangalore.

L’effort porte également sur la gestion de notre patrimoine. Je veux vous parler de l’opérateur immobilier : où en sommes-nous et que voulons-nous en faire ?

Les procédures et les instruments budgétaires existants sont inadaptés à une gestion dynamique et efficace du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger. Sur proposition de mon ministère, la RGPP a validé le principe de la création d’un nouvel opérateur chargé de la gestion des immeubles de l’État à l’étranger. Nous souhaitons, avec mon collègue Éric Woerth, commencer à réfléchir à une expérimentation de son fonctionnement dans certains pays, notamment en Europe.

J’en viens maintenant à l’enseignement français à l’étranger, troisième priorité que j’ai voulu fixer pour ce budget 2010.

Quelques chiffres, tout d’abord, illustrent l’effort de l’État depuis deux ans : 130 millions d’euros supplémentaires ont été accordés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, auxquels il faut ajouter 40 millions d’euros pour financer le soutien à la scolarité. Cela fait donc au total 170 millions d’euros !

Madame Cerisier-ben Guiga, monsieur Gouteyron, au-delà des mesures de soutien à la scolarité, dont je reparlerai, je ne veux pas oublier le développement du réseau des lycées français, qui constitue un outil d’influence et une source de rayonnement culturel incomparables. Mon ministère travaille actuellement à l’élaboration d’un plan pluriannuel de développement du réseau à la fois ambitieux et réaliste.

S’agissant des pistes de financement, j’attends que des propositions me soient faites. Madame Cerisier-ben Guiga, si nous n’avons pas mis aux voix le bilan d’orientation stratégique de l’AEFE, c’est parce que nous attendons l’audit dont cette dernière fera l’objet dans le cadre de la RGPP.

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