Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais pour ma part évoquer les chances et les risques qui s’attachent à la réforme de notre outil de défense en matière de ressources humaines.
Le projet de budget pour 2010 s’inscrit dans le cadre fixé par la LPM qui prévoit, comme vous le savez, la suppression de 54 000 postes.
La diminution du format d’ici à 2014 est sans précédent. La professionnalisation n’avait concerné que 18 000 cadres. Il s’agit là d’une réduction de plus de 20 % de nos effectifs.
Mais plus encore que la déflation des effectifs, c’est la réorganisation des méthodes qui constitue l’enjeu majeur de cette réforme : la mutualisation et la rationalisation du soutien commun, les restructurations territoriales, le déploiement des bases de défenses, la poursuite des expérimentations d’externalisation. Toutes ces réformes menées de front constituent autant de défis pour nos armées.
L’effort demandé est considérable.
Les opportunités que présente cette réforme tout à fait nécessaire sont réelles. Une organisation rationalisée et mutualisée devrait être mise au service de notre outil opérationnel.
Tel est l’enjeu de la réforme : les économies de personnels doivent provenir des réorganisations et des mutualisations. Si l’on diminue les effectifs sans réformer l’organisation en profondeur, c’est l’outil militaire dans sa globalité qui sera fragilisé.
La difficulté tient à ce que les deux opérations sont menées de front : des objectifs de baisse d’effectifs ont été définis ; il faut qu’ils soient en phase avec le calendrier des restructurations.
En 2009, la déflation s’est poursuivie au même rythme qu’en 2008, mais compte tenu de l’avance prise, la réduction est de l’ordre de quelque 4 000 postes supplémentaires par rapport aux réductions prévues.
En ces temps de baisse d’effectifs, recrutement et fidélisation restent plus que jamais les maîtres mots. Si la déflation d’effectifs se fait en resserrant trop les recrutements, cela se traduira par le vieillissement des armées, un déséquilibre de la pyramide des grades, un embouteillage des carrières et vraisemblablement un gonflement des soutiens.
Ces évolutions, à l’opposé de ce que nous recherchons, se traduiraient par une désorganisation des structures opérationnelles. Nous devons par conséquent être très vigilants sur le déroulement de la réforme, en particulier en matière d’effectifs.
Pour 2010, comme en 2009, les dépenses de personnels du programme 178 se sont stabilisées à 15, 4 milliards d’euros.
Mais cette stabilité cache, d’un côté, les gains issus de la déflation des effectifs, soit 163 millions d’euros, ainsi qu’un solde du glissement vieillesse technicité ou GVT négatif de l’ordre de 88 millions d’euros, soit un total de 250 millions d’euros.
De l’autre, elle dissimule les nouvelles dépenses : les mesures catégorielles de l’ordre de 93, 2 millions d’euros, les mesures indiciaires qui avoisinent les 46 millions d’euros et l’accompagnement social des restructurations de l’ordre de 25 millions, soit en tout 160 millions d’euros.
Le gain budgétaire net de la déflation est donc de l’ordre de 90 millions d’euros en 2010.
L’un des enjeux de cette manœuvre tient dans la concordance entre le cadrage financier retenu pour l’évolution de la masse salariale et les objectifs en matière d’effectifs.
Des difficultés pourraient notamment résulter de la sous-évaluation des crédits du titre 2 et de l’insuffisance des instruments disponibles en matière de pilotage de la masse salariale et des ressources humaines, notamment des systèmes d’information.
En 2009, une sous-évaluation du titre 2 de 100 millions d’euros a conduit à une réduction des recrutements. Les tensions sur le titre 2 peuvent conduire à une accélération non souhaitée de la déflation des effectifs avec les conséquences que j’ai citées.
L’autre difficulté est de parvenir à faire coïncider, dans le temps et selon les types d’emplois, les départs naturels et les besoins en réduction de postes.
Pour cela, il faut sans cesse ajuster les nouveaux recrutements aux besoins les plus urgents, mettre en œuvre des formations adaptées aux spécialités et assurer un soutien spécifique aux mobilités géographiques inévitables.
Sur l’ensemble du programme 178, il faudra par ailleurs surveiller le coût de nos effectifs hors territoire métropolitain, en observant les conséquences de la moindre déflation des effectifs dans les territoires d’outre-mer. Compte tenu de la situation, il est vraisemblable que la diminution des effectifs sera moins importante que prévue.
Il faudra également surveiller le renforcement de notre présence à Abu-Dhabi. Les effectifs devraient atteindre 500 hommes.
Il faut enfin prendre en considération le coût de l’intégration dans I’OTAN.
La décision d’une pleine réintégration de notre pays dans les structures de l’alliance devrait porter notre présence de 161 militaires à environ 1 200 personnes dans les différents états-majors. La montée en puissance des effectifs s’étalera jusqu’à l’été 2012. Les militaires français seront alors présents sur 25 sites. Il s’agit d’un coût annuel en année pleine de plus de 100 millions d’euros.
Or le coût budgétaire de cette réintégration, je vous le rappelle, n’a pas été intégré dans la loi de programmation militaire.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que le surcoût de la réintégration n’excédera pas ces 100 millions d’euros annuels ? Pouvez-vous nous indiquer comment ils seront financés ? Pouvez-vous nous dire si les 1 200 militaires seront remplacés dans leur poste en France et si le coût de ce remplacement a été évalué ?
Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que nous pouvons dire à propos de ce programme 178.
Je voudrais ici saluer le ministre et l’ensemble des responsables qui conduisent cette réforme, ainsi que le personnel des armées.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande, mes chers collègues, l’adoption des crédits de la mission « Défense ».