La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures cinquante.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense ».
La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les conditions de travail étant ce qu’elles sont dans notre assemblée, M. Charles Guené est actuellement retenu par une réunion de la commission des finances. Je reprendrai donc sans doute la parole à cette tribune après M. Masseret pour vous faire part des observations de notre collègue.
Vous connaissez tous les principaux chiffres relatifs aux crédits de la mission « Défense » pour 2010. Plutôt que de répéter ce qui figure dans les documents budgétaires, je me concentrerai sur les principales observations de la commission des finances.
Je souhaite tout d’abord m’attarder sur les objectifs que le présent projet de loi de finances fixe à la mission « Défense ». En effet, la logique de la LOLF, et la logique tout court, conduit à s’intéresser aux objectifs avant de s’intéresser aux moyens mis en œuvre pour les atteindre. Le présent projet de loi de finances innove à cet égard, puisqu’il distingue, parmi les nombreux indicateurs de la mission « Défense », quatre « indicateurs principaux » devant servir à juger de l’efficacité globale de ladite mission. L’indicateur le plus important, intitulé « Capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France », résume à lui seul la raison d’être essentielle de l’armée française. Les objectifs fixés sont, bien entendu, les mêmes que ceux de la loi de programmation militaire. Il s’agit ainsi, en particulier, de pouvoir projeter, dans un délai de six mois, 30 000 combattants, à 8 000 kilomètres, pendant un an sans relève. Je me félicite évidemment, ainsi que mes collègues, de cette hiérarchisation des indicateurs. Dans le rapport de la commission des finances relatif au projet de loi de règlement de 2008, nous précisions que cet indicateur était, selon nous, le plus important.
En ce qui concerne le niveau de l’objectif fixé, j’ai bien conscience du fait que l’objectif retenu par la loi de programmation précédente – 50 000 combattants, un an sans relève, aucune indication de distance ou de délai – n’était pas atteignable. Il paraît de loin préférable de se fixer un objectif réaliste, plutôt que d’afficher des objectifs apparemment très ambitieux, mais qui ne peuvent pas être atteints. La commission des finances se demande cependant, monsieur le ministre, comme elle l’indiquait lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire 2009-2014, si un objectif plus ambitieux ne pourrait pas être fixé à l’horizon 2020-2025, lors de la révision de cette loi et du Livre blanc, prévue pour 2012.
En effet, comme la commission des finances l’explique dans son avis sur le projet de loi de programmation militaire, les informations qui lui ont été fournies à cette occasion suggèrent une capacité de projection théorique qui serait plutôt de l’ordre de 40 000 combattants.
Bien entendu, l’expertise en la matière se situe non pas du côté de la commission des finances, qui se contente d’essayer de mettre en cohérence les informations qu’elle reçoit, mais du côté du ministère de la défense. Aussi serait-il intéressant, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez votre point de vue sur ce sujet.
J’en viens maintenant à la question incontournable de la mise en œuvre de la loi de programmation militaire. Les crédits du présent projet de loi de finances sont-ils conformes à cette loi de programmation ? Cette question simple en apparence n’admet en réalité pas de réponse univoque. Cependant, je vais rapidement mettre fin au suspense : les interrogations que l’on peut avoir ne concernent en réalité que « l’épaisseur du trait ».
D’un côté, si l’on s’en tient à la lettre de la loi de programmation militaire, les crédits de paiement que le présent projet de loi de finances prévoit pour 2010 sont très légèrement supérieurs – de 90 millions d’euros quand même – à la programmation.
Tout d’abord, la loi de programmation militaire prévoit que les crédits de paiement seront chaque année indexés sur l’indice des prix associés à la loi de finances. Le taux d’inflation associé au projet de loi de finances pour 2010 est de 1, 2 %, mais les crédits de la mission « Défense » ont été calculés en retenant une hypothèse de 1, 4 %. Selon nos calculs, cet écart de 0, 2 point conduit à majorer les crédits de paiement de la mission « Défense » de quelque 60 millions d’euros.
Ensuite, les crédits de la mission « Défense » sont majorés en 2010 de 30 millions d’euros supplémentaires destinés à contribuer au financement des opérations extérieures, les OPEX. Ces crédits ne sont pas prévus par la loi de programmation militaire. Il convient en effet d’être relativement prudent en la matière, la variation de ces crédits d’une année sur l’autre ne manquant pas de susciter des difficultés pour leur appréciation.
En réalité, ces apparences sont trompeuses, à cause de la faible inflation.
Je n’entrerai pas ici dans les détails, mais il faut retenir deux faits essentiels.
Tout d’abord, le Gouvernement a décidé de faire prévaloir la loi de programmation militaire sur la loi de programmation des finances publiques, votée en janvier dernier, et qui était plus favorable à la mission « Défense ». En effet, contrairement à la loi de programmation militaire, elle définit les montants en euros courants, sur la base d’hypothèses d’inflation qui se sont révélées trop élevées. Il en découle qu’en euros courants, les crédits de paiement de la mission « Défense » seront inférieurs en 2010 d’environ 600 millions d’euros à ce qui résulterait de la loi de programmation des finances publiques.
Bien entendu, comme cette différence provient d’une inflation plus faible que prévu, cela ne réduit pas le pouvoir d’achat de la mission de 600 millions d’euros. Cependant, comme il faut bien payer les militaires au niveau initialement prévu, il restera moins d’argent pour l’équipement, phénomène que nous avons connu pendant de longues années. Ainsi, à périmètre constant, et en euros de 2008, les crédits de paiement actuellement prévus pour 2010 pour les dépenses d’équipement sont actuellement inférieurs d’environ 200 millions d’euros aux montants inscrits dans la loi de programmation militaire.
Voyez-vous également les choses de cette manière, monsieur le ministre ?
Compte tenu du temps qui m’est imparti, je n’évoquerai ici que brièvement le sujet des aléas liés aux ressources exceptionnelles qui, à tort selon moi, focalise l’essentiel des critiques. Notre collègue Charles Guené, s’il nous rejoint à temps, abordera en effet cette question de façon plus détaillée, en même temps que les autres aléas.
Il me semble cependant nécessaire de souligner qu’il paraît de plus en plus vraisemblable que les ressources immobilières seront inférieures aux prévisions. Mon collègue Didier Boulaud, vice-président de la commission des affaires étrangères, et moi-même, menons actuellement un contrôle sur la politique immobilière du ministère de la défense. À ce stade de nos travaux, il me semble plus réaliste de penser que les recettes totales seront inférieures de quelque 400 millions d’euros aux prévisions, qui, je le rappelle, étaient de 1, 9 milliard d’euros.
En même temps, il faut préciser que ce montant ne représente que 0, 2 % de l’ensemble des ressources attendues d’ici à 2014 : l’enjeu est donc en réalité assez modeste.
Monsieur le ministre, la mise en place de la filiale de la Caisse des dépôts et consignations et de la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, qui doit jouer le rôle de société de portage pour l’immobilier parisien, initialement prévue pour le printemps 2009, n’est toujours pas réalisée. Elle devrait cependant, selon nos informations, intervenir d’ici la fin de l’année. Pouvez-vous nous confirmer que tel sera bien le cas ? Et quand estimez-vous que le produit des cessions parisiennes pourrait être perçu ?
J’en viens, pour terminer, à deux sujets qui me tiennent plus particulièrement à cœur : le service militaire adapté, à propos duquel j’ai rédigé deux rapports, et l’Établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDe, également connu sous le nom de dispositif « Défense deuxième chance » – titre que l’on doit à Mme Michèle Alliot-Marie, à l’origine de ce projet –, auquel j’ai consacré un rapport d’information en 2008.
Ces deux dispositifs ne sont pas financés par la mission « Défense » : le SMA l’est par la mission « Outre-mer », dont les rapporteurs spéciaux sont nos collègues Marc Massion et Eric Doligé ; quant à l’EPIDe, il est essentiellement financé par la mission « Travail et emploi », dont le rapporteur spécial est notre collègue Serge Dassault.
Monsieur le ministre, je serai bref, mais j’ai quelques questions à vous poser.
Le Président de la République a annoncé en février 2009 le doublement de la capacité de formation du SMA, qui passerait d’un peu moins de 3 000 jeunes en 2009 à 6 000 en 2013. Ce doublement serait permis par une multiplication par seulement 1, 5 des moyens financiers, grâce à un raccourcissement de la formation.
À cet égard, monsieur le ministre, nous aimerions recueillir votre point de vue : cette opération est-elle possible ? N’est-ce pas un marché de dupe que de raccourcir une formation en échange d’une augmentation des effectifs ?
En revanche, dans le cas de l’EPIDe, qui est un organisme plus récent, puisqu’il a été créé en 2005, les moyens financiers resteraient inchangés.
Le premier contrat d’objectifs et de moyens, qui a été conclu seulement en février de cette année, donc avec un important retard, prévoit qu’avec un financement de 85 millions d'euros par an en 2009-2011 – ce montant s’entend en valeur 2008 –, l’EPIDe doit à la fois accueillir un peu plus de jeunes et améliorer le taux d’insertion de ces derniers, car tel est bien l’objectif final. Le coût par volontaire passerait de 40 000 euros à 35 000 euros.
Mes chers collègues, pour ceux que ces chiffres impressionneraient défavorablement, je rappelle que les coûts par stagiaire de l’EPIDe ou du SMA sont très inférieurs à ceux des formations civiles qui visent à aider les jeunes.
La commission des finances approuve bien entendu cette recherche d’une plus grande efficience. Elle considère néanmoins que l’EPIDe, comme le SMA, a peut-être vocation à voir son format augmenter, d’ici à quelques années.
Monsieur le ministre, je voudrais connaître votre point de vue sur cette question. Nous attendons beaucoup de vos réponses.
La commission des finances a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense » pour 2010.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je décrirai rapidement la situation de nos équipements, en partant de sept questions. Les objectifs de la loi de programmation militaire sont-ils atteints et ses engagements financiers sont-ils tenus ?
Quelles sont les ressources affectées à chaque catégorie d’équipement ? Quelles sont les incidences de la RGPP ?
Comment sont pilotés les programmes d’équipement ? Quelles sont, à grands traits, les commandes passées au titre du budget de 2010 ? Quels seront les matériels livrés en 2010 ? Enfin, je conclurai par quelques observations.
La loi de programmation militaire, je le rappelle, repose sur quatre principes financiers, que j’évoquerai rapidement.
Premièrement, les économies résultant de la réduction du format des armées doivent être maintenues au sein du budget de la défense. Ce premier principe est pour l’instant difficile à identifier, et il est probablement trop tôt pour en connaître les conséquences réelles.
Deuxièmement, le dispositif du maintien en condition opérationnelle doit être optimisé. Il s'agit là d’un problème ô combien difficile à résoudre, les disponibilités des matériels variant d’une armée à l’autre.
Nous savons que, pour la marine, la situation n’est pas mauvaise, sauf que le parc de sous-marins nucléaires d’attaque vieillit ; l’état de notre porte-avions est plus ou moins bon, de même que celui de l’aéronautique navale. Pour l’armée de terre, la principale question est celle de l’ALAT, l’aviation légère de l’armée de terre. Dans l’armée de l’air, c’est la dégradation des disponibilités du Rafale qui est préoccupante.
Troisièmement, il convient de réaliser le volet « export » des programmes d’équipement.
À cet égard, nous avons noué des relations fortes avec les Émirats arabes unis autour de l’avion de patrouille maritime et du système de contrôle Atlas C2. Avec le Brésil, nous discutons des sous-marins Scorpène. Pour vendre le Rafale, nous nourrissons un certain nombre d’espérances au Brésil, aux Émirats arabes unis, en Libye, en Suisse et en Inde.
Quatrièmement, enfin, des recettes exceptionnelles abondent le budget de la défense. Vous ne serez pas surpris, à cet égard, monsieur le ministre, que je fasse écho aux propos de notre collègue François Trucy !
Le Gouvernement, on le sait, prévoyait 1, 6 milliard d'euros de recettes exceptionnelles en 2009, à partir de deux sources bien identifiées, à savoir l’immobilier et les fréquences hertziennes. Or il n’a enregistré que 400 millions d’euros, ce qui fait une importante différence.
Les recettes de 1, 3 milliard d'euros prévues pour 2010 paraissent par conséquent assez aléatoires. Si cette incertitude devait se vérifier, la gestion des crédits de la défense pour 2010 deviendrait relativement délicate.
J’en viens à mon deuxième point, à savoir la répartition des ressources budgétaires pour 2010.
Je le rappelle, près de 6 milliards d’euros sont affectés aux grands programmes hors dissuasion nucléaire, 3, 5 milliards d'euros – la somme est encore importante – à la dissuasion nucléaire, 2, 8 milliards d'euros à l’entretien des matériels, 2, 3 milliards d'euros aux autres opérations d’armement et 1, 6 milliard d'euros aux infrastructures. À ces montants, il faut ajouter les études hors dissuasion, soit 17 milliards d’euros de crédits.
Mon troisième point porte sur l’incidence de la RGPP. En ce qui concerne la déflation des effectifs, le budget pour 2010 fait état environ de la suppression de 7 000 à 8 000 emplois équivalents temps plein, qui concernent aussi bien les engagés militaires que les civils.
À ce stade de mon intervention, je signalerai, mes chers collègues, deux modifications relatives à la nomenclature budgétaire.
Tout d'abord, pour tenir compte du plan de relance, de nouvelles actions ont été créées dans le budget de 2009, qui seront reproduites en 2010. Ensuite, un audit réalisé par le contrôle général des armées a conduit à réduire le nombre d’indicateurs de façon à mieux mesurer la performance globale des programmes.
J’en viens à mon quatrième point, c'est-à-dire au pilotage des programmes d’équipement. La question essentielle est ici celle de la gouvernance. On le sait, le comité ministériel des investissements de défense a été créé, qui vise à vous aider, monsieur le ministre, dans des prises de décisions, tout en veillant à la maîtrise capacitaire, industrielle mais aussi technologique et financière des projets. Les crédits du programme 146, je le rappelle, sont cogérés à la fois par le chef d’état-major des armées, et par le délégué général à l’armement, qui s’appuient eux-mêmes sur deux structures : un comité de pilotage et un comité de direction.
Quelles commandes ont été passées au titre du budget de 2010 ? Comme il me faut me lancer dans un véritable inventaire à la Prévert, je serai bref : il s'agit de l’adaptation du Triomphant aux missiles M 51, de trois satellites d’observation MUSIS, du satellite de communication Athéna, de quatre hélicoptères Cougar rénovés, des missiles air-air Meteor d’interception, des Mistral rénovés, d’un bâtiment de projection et de commandement de 21 000 tonnes, des armements air-sol modulaires ; enfin, les trois dernières frégates multi-missions, les FREMM, sont commandées et la rénovation à mi-vie des Mirages 2000 D est lancée.
Quelles seront les principales livraisons en 2010 ? Il s’agira du Terrible, qui sera doté du missile M 51, de onze Rafale, de sept Tigre, de quatre NH-90 pour la marine, d’un certain nombre de véhicules blindés de combat d’infanterie, des équipements Felin.
Tous ces équipements, mes chers collègues, sont évoqués avec des détails suffisants dans les rapports relatifs à cette mission. Je formulerai seulement quelques remarques complémentaires.
La fonction stratégique « connaissance et anticipation » se trouve renforcée par des moyens d’observation importants, à savoir le premier Transall-C160 Gabriel, des avions AWACS rénovés, l’Hélios IIB, des stations d’exploitation de données géographiques numériques et le système Syracuse III, doté de 88 stations de communication par satellite.
Le système de forces « protection et sauvegarde » bénéficiera d’une enveloppe de près de 700 millions d’euros ; ces forces recevront 110 missiles air-air MICA, c'est-à-dire missiles d’interception de combat et d’autodéfense, et 80 missiles anti-aériens Aster 30.
Le système de forces de dissuasion, je le répète, recevra une enveloppe de plus de 3, 5 milliards d’euros, permettant de poursuivre la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire.
Des crédits sont maintenus pour préserver les équipes et les compétences nécessaires à la construction d’un second porte-avions, mais la date de cette décision reste indéterminée…
Le remplacement du missile terrestre à moyenne portée Milan constitue un sujet de préoccupation. L’avenir du groupe MBDA est en question, et le choix d’un missile « sur étagère » semble avoir été fait. Ces questions, je le suppose, seront évoquées au cours de nos débats.
J’en viens aux drones tactiques. Des achats ont été réalisés au Canada et auprès de Sagem. Les dysfonctionnements concernant le déploiement des DRAC, les drones de renseignement au contact, n’ont pas été résolus, et il me semble, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas encore tout à fait convaincu par le système UAV, c'est-à-dire, en anglais, véhicule aérien non piloté.
Quant au dossier de l’A400M, qui a déjà beaucoup occupé le Sénat, il sera sans doute évoqué par notre collègue Charles Gautier. Le premier vol de cet avion doit avoir lieu à Séville d’ici à une dizaine de jours, entre le 7, le 12 ou le 14 décembre, me semble-t-il, donc très bientôt.
En tout cas, nous sommes convaincus de la qualité de cet avion. Pour de multiples raisons, qui sont évoquées dans le rapport de la commission, le constructeur a pris du retard, ce qui lui est certes préjudiciable financièrement. Toutefois, ces délais sont relativement modestes comparés à ceux que nous constatons souvent pour ce type de réalisations.
Malgré, bien sûr, je le répète, les conséquences de cette situation sur le budget du groupe, l’annulation de sa commande par l’Afrique du Sud et le « trou capacitaire » qu’il faudra combler, cet avion, j’en suis convaincu, sera au rendez-vous des objectifs opérationnels et techniques qui lui ont été assignés.
Pour conclure, j’observerai que les lois de programmation militaire ne sont jamais parfaitement exécutées.
La loi de programmation 2009-2014 est soumise à d’importants aléas – il en sera question tout à l’heure, me semble-t-il, dans l’intervention de notre collègue Charles Guéné, qui sera peut-être remplacé par M. Trucy –, que nous estimons à environ 9 milliards d’euros.
Il s’agit là d’évaluations, qui sont donc discutables. Toutefois, dans cet hémicycle nous sommes suffisamment aguerris pour juger que nos estimations sont souvent sous-évaluées…
L’important, toutefois, est que la France puisse tenir son rôle dans l’organisation du monde du XXIe siècle. Une nation comme la nôtre doit disposer d’un ensemble de moyens assurant son autonomie stratégique. Elle doit avoir tous les outils possibles pour être reconnue et entendue et ne pas dépendre des autres. Aussi, dans notre débat d’aujourd’hui, nous devons accorder une part significative aux investissements relatifs à l’espace et à la question de la défense antimissiles.
Mes chers collègues, la commission s’est prononcée, à la majorité, en faveur des crédits de la mission « Défense », et notre débat permettra aux uns et aux autres d’apporter un éclairage personnel.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées de l ’ UMP.
La parole est à M. François Trucy, en remplacement de M. Charles Guéné, rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de M. Guéné, qui est donc, comme je l’ai dit précédemment, retenu à la commission des finances.
Notre collègue voulait concentrer son propos sur deux points : tout d’abord, étant plus particulièrement en charge des dépenses de fonctionnement, sur la réforme du ministère de la défense ; ensuite, pour conclure les considérations de la commission des finances en se plaçant dans une perspective de moyen terme, sur les principaux aléas susceptibles d’affecter la mise en œuvre de la loi de programmation militaire.
J’évoquerai donc, tout d'abord, la mise en œuvre de la RGPP au ministère de la défense. L’équilibre financier de la loi de programmation militaire repose, notamment, sur deux piliers : plus de 3, 5 milliards d'euros de ressources exceptionnelles et 3 milliards d'euros d’économies nettes en cumulé sur la période résultant de la restructuration des armées.
Je le répète, il ne faut pas se focaliser sur les seules ressources exceptionnelles : la réforme du ministère de la défense correspond, en termes de masses financières, à un enjeu du même ordre de grandeur.
J’en viens aux principaux chiffres de la loi de programmation, sans m’attarder sur les principes de la réforme du ministère de la défense, qui a été largement débattue dans cet hémicycle voilà quelques mois.
Je rappellerai seulement qu’il s’agit, en particulier, de réduire de 54 000 le nombre des emplois entre 2008 et 2015. Seul un tiers de ces suppressions de postes découleraient du Livre blanc, avec, dans la plupart des cas, un effet sur les capacités opérationnelles ; les deux tiers restant résulteraient de la RGPP et concerneraient exclusivement le soutien. Il ne s’agit donc pas de « tailler dans les effectifs », mais bien de réaliser une véritable réforme de l’armée française.
Venons-en au projet de loi de finances.
Pour l’année 2010, les réductions d’effectifs envisagées sont rigoureusement égales, une fois prises en compte les modifications de périmètre, aux prévisions de la loi de programmation militaire.
Le Gouvernement évite donc, à ce stade – espérons que cette tendance se poursuivra –, la répétition de ce que nous avons connu avec la précédente loi de programmation militaire ; à l’issue de la période d’application de ce texte, en effet, l’armée comptait 30 000 emplois en moins par rapport aux prévisions.
Je serai bref en ce qui concerne l’accélération de la mise en place des bases de défense, car ce sujet passionnant ne constitue que l’un des aspects de la RGPP, même s’il en est peut-être le plus visible, le plus emblématique et, ajouterai-je, le plus difficile à mettre en œuvre.
Je me bornerai à rappeler que, contrairement à ce qui était initialement envisagé, les bases seront en place dès 2011, et non en 2014, et le nombre de bases sera bien moindre qu’initialement prévu : alors qu’on en prévoyait quatre-vingt-dix voilà quelques mois, vous avez indiqué, monsieur le ministre, qu’elles pourraient être au nombre de soixante à soixante-dix.
La réduction envisagée provient du fait que le Gouvernement s’est rendu compte que, parmi les onze bases de défense expérimentale, les plus petites ne permettaient pas de faire suffisamment d’économies ; mais vous nous en direz certainement davantage tout à l’heure, monsieur le ministre.
C’est important, parce qu’il ne faut pas laisser dire que cette réduction est un mauvais signe, alors qu’elle est, au contraire, une note positive.
J’en viens maintenant à un point de mon intervention moins descriptif et donc, par nature, plus contestable, mais qui est incontournable si l’on veut comprendre les enjeux : il s’agit des aléas relatifs à l’exécution de la loi de programmation militaire.
Voilà quelques mois, lors de l’examen de cette dernière, la commission des finances s’est efforcée, à titre indicatif, en fonction des informations dont elle disposait, de chiffrer les principaux aléas relatifs à la programmation. Le montant global semblait alors, comme aujourd’hui, légèrement inférieur à 10 milliards d’euros.
Dix milliards d’euros, c’est à peu près l’équivalent des sommes qui, chaque fois, ont manqué pour réaliser les deux programmations antérieures. Cela paraît beaucoup, mais c’est en réalité seulement 5 % des montants en jeu d’ici à 2014. Évidemment, le fait que le total des aléas soit de cet ordre de grandeur ne signifie pas qu’il manquera encore 10 milliards d’euros au terme de l’exercice. Les aléas n’ont en effet pas vocation à tous se réaliser – c’est une vision optimiste–, et ceux qui se réaliseront ne se réaliseront peut-être pas tous complètement – c’est très optimiste !
Cet exercice de chiffrage a pour objet de cerner les véritables facteurs de risque. La question des ressources exceptionnelles est certes un enjeu significatif, mais il serait dommage que, à force de se concentrer sur ce point, on passe à côté d’autres enjeux qui sont collectivement plus importants.
Je ne passerai donc pas ici en revue l’ensemble des aléas identifiés, qui figurent dans le rapport spécial. Je me contenterai d’en rappeler certains parmi les principaux, en commençant par celui qui est le plus marquant : les ressources exceptionnelles.
Si vous n’êtes pas fixé, monsieur le ministre, sur notre avis concernant les ressources exceptionnelles, il faudrait un quatrième rapport !
Sourires
S’agissant des aléas déjà évoqués, je rappellerai que les ressources exceptionnelles prévues pour 2010 sont de 1, 3 milliard d’euros, se décomposant en 600 millions d’euros pour les ressources hertziennes et 700 millions d’euros pour les ressources immobilières.
Comme vous le savez, les montants prévus pour 2009 étaient de 600 millions d’euros pour les ressources hertziennes et de 1 milliard d’euros pour les ressources immobilières. En 2009, aucune ressource hertzienne ne sera perçue, faute de ventes, et les ressources immobilières devraient être à peine supérieures à 400 millions d’euros.
Par ailleurs, si l’on considère l’ensemble de la période 2009-2014, on ne peut exclure que le montant global des ressources exceptionnelles soit inférieur aux montants prévus.
Cependant, dans le pire des cas, sur les 3, 5 milliards d’euros environ de ressources exceptionnelles prévues d’ici à 2014, combien pourraient manquer ? Personne n’en sait rien évidemment, mais une moins-value de 1 milliard d’euros serait déjà considérable. Pourtant, elle ne correspondrait qu’à 0, 5 % de l’ensemble des ressources prévues sur la période. Il ne faut donc pas créer de vaine polémique sur ce chapitre.
Il convient de citer un autre aléa, la faible inflation et les modalités d’indexation de la loi de programmation militaire.
Notre collègue François Trucy… – évidemment, c’est M. Guéné qui parle ! C’est le renvoi de l’ascenseur d’un rapporteur à l’autre, ce qui témoigne de leur cohésion en quelque sorte !
Sourires
Nouveaux sourires.
Il y a également l’archet Masseret !
A donc déjà été soulevé le problème, plus abstrait, mais au moins aussi important, que constitue le fait que l’inflation est moindre que prévu, alors que les annuités de la loi de programmation sont définies en euros constants et que certaines charges, notamment salariales, évoluent indépendamment de l’inflation. Dans le rapport spécial, en retenant des hypothèses d’inflation réalistes, nous arrivons à une « perte de pouvoir d’achat » cumulée pour la mission « Défense » de l’ordre de 1, 5 milliard d’euros d’ici à 2014.
Jean-Pierre Masseret a évoqué un aléa du même ordre de grandeur à propos du surcoût du programme d’avion de transport tactique Airbus A400M, auquel, au début de cette année, il a consacré, avec notre collègue Jacques Gautier, un rapport d’information remarqué. On évoque actuellement des surcoûts de 25 % ou 30 %. Compte tenu du coût global pour la France du programme A400M, le surcoût serait de l’ordre de 2 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros d’ici à 2014. Évidemment, il s’agit là d’un scénario dans un cas de figure défavorable : ce n’est pas une prévision.
Un autre aléa important, récurrent celui-ci, est celui du financement des opérations extérieures, les OPEX.
La loi de programmation militaire contient à cet égard des avancées significatives : tout d’abord, la provision inscrite en loi de finances, de 460 millions d’euros en 2008, sera progressivement portée à 630 millions d’euros à compter de 2011.
Ensuite, la loi de programmation militaire prévoit que les éventuels dérapages par rapport à ces estimations seront financés par « prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle ».
Comme nous le soulignions dans l’avis de la commission des finances sur le projet de loi de programmation militaire, ces avancées, aussi significatives qu’elles soient, ne règlent pas complètement le problème.
Une provision de 630 millions d’euros par an inscrite en loi de finances est certes préférable à une autre, mais cette année, le coût des OPEX devrait être de l’ordre de 873 millions d’euros, et il semble acquis que, sur la période de programmation, le coût moyen des OPEX sera supérieur à ce que prévoit la loi de programmation, comme toujours dirais-je !
Par ailleurs, la « réserve de précaution interministérielle » est constituée de crédits mis en réserve en début de gestion sur chaque mission, de sorte que la mission « Défense » contribue, au même titre que les autres missions, à cette « réserve ».
La lettre de la loi de programmation militaire n’exclut donc pas que l’enveloppe de la loi de programmation militaire, c’est-à-dire en particulier les crédits d’équipement, soit mise à contribution pour financer tout ou partie du supplément de surcoût des OPEX par rapport aux provisions inscrites en lois de finances initiales. Or, jusqu’à présent, ce que l’on observe ne se démarque guère des pratiques des années passées : pour financer les OPEX, le décret d’avance du 9 novembre 2009 a annulé 228 millions d’euros de crédits d’équipement.
Dans son avis du 29 octobre dernier sur le projet de décret d’avances, la commission des finances estime qu’il conviendra que la prochaine loi de finances rectificative rouvre les crédits d’équipement concernés, en « gageant » cette réouverture par l’annulation de crédits, qui devraient être prélevés sur d’autres missions. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que tel sera bien le cas ?
M. Guéné, comme moi-même et M. Masseret, a émis un avis favorable, au nom de la commission des finances, sur l’adoption des crédits de la mission « Défense » pour 2010.
Applaudissements sur les travées de l’UMP
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’effectuerai deux séries d’observations sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ».
La première sera pour me féliciter du renforcement des effectifs et des moyens techniques des services de renseignement, en conformité avec les orientations du Livre blanc. Ce rattrapage était absolument indispensable au regard de notre environnement de sécurité et des évolutions technologiques, qui requièrent des moyens de recueil et d’analyse adaptés.
Cet effort devra se poursuivre dans la durée, car nous ne sommes qu’au début de la démarche. Je souhaite également insister sur la nécessité de respecter les échéances de programmes à venir, comme les satellites Musis et Ceres. Ils conditionnent le maintien de capacités cruciales pour notre appréciation de situation et notre efficacité opérationnelle.
La seconde série d’observations portera sur la recherche de défense. Même s’il reste très significatif, à environ 650 millions d’euros, le montant des crédits d’études « amont » diminuera en 2010. Certes, une majoration de 110 millions d’euros est intervenue en 2009 au titre du plan de relance, mais il s’agit d’une avance que le budget de la défense devra rembourser à compter de 2011.
Notre politique de recherche et technologie doit entretenir les compétences indispensables au renouvellement de nos équipements. Elle ambitionne également d’être présente dans les domaines d’avenir. Je crains que cette volonté de couvrir la quasi-totalité du spectre technologique ne se heurte au plafonnement des crédits de recherche dans le cadre de l’actuelle loi de programmation.
Enfin, je m’interroge sur la mise en pratique des orientations du Livre blanc qui avait préconisé une plus forte synergie entre recherche civile et recherche de défense. Les crédits destinés à la recherche duale sont inchangés. La Direction générale pour l’armement, la DGA, a lancé des initiatives, comme le programme Rapid, mais nous ne voyons pas d’impulsion majeure dans ce domaine.
S’agissant du programme 212 « Soutien de la politique de défense », je concentrerai mes remarques sur la politique immobilière.
Sur les trois années 2009-2011, la loi de programmation militaire a prévu 1, 9 milliard d’euros de recettes tirées des cessions immobilières. Ces ressources sont nécessaires au financement des investissements du ministère. Or que constatons-nous ?
Les recettes s’annoncent, comme on pouvait le craindre, plus tardives et moins importantes que prévu.
Tel sera le cas, très vraisemblablement, pour l’opération de cession de l’immobilier parisien, initiée voilà un an et dont nous attendons toujours de connaître le résultat, et plus encore pour les cessions en province, dont certaines s’effectueront à l’euro symbolique et d’autres à des prix inférieurs aux estimations initiales.
Quant à l’hôtel de la Marine, la plus grande incertitude règne sur la façon dont pourront être conciliées les contraintes légitimes devant peser sur toute utilisation de cet immeuble historique et la valorisation financière escomptée par le ministère de la défense.
À titre personnel, monsieur le ministre, j’émets les plus extrêmes réserves quant à cette opération dont l’intérêt même ne me paraît pas attesté. Les recettes espérées, pour l’instant aléatoires, ne seront somme toute que mineures. Ne vaudrait-il pas mieux rechercher activement et rapidement d’autres solutions de réemploi, répondant à de réels besoins de l’État et susceptibles, elles, de dégager des économies tangibles ? Je pense, par exemple, aux besoins de la Cour des comptes ou à l’accueil des hôtes étrangers. L’État conservant cet élément exceptionnel du patrimoine national dans sa pleine propriété, l’héritage culturel et mémoriel de l’hôtel de la marine serait ainsi réellement préservé et garanti. En résumé, le jeu n’en vaut pas la chandelle et il est bien loin, croyez-moi, de faire consensus.
Pour conclure sur ce point, je dirai que, en 2009, diverses mesures de transfert et le plan de relance ont permis, en trésorerie, de compenser l’absence de cessions immobilières. Mais, sur la période de programmation, on doit s’attendre à un écart très significatif entre les recettes raisonnablement possibles à réaliser et les montants qui avaient été inscrits dans la loi.
Dans le même temps, les besoins financiers correspondant à la mise en œuvre du nouveau plan de stationnement ont dû être réévalués.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, je nourris certaines inquiétudes sur le financement des opérations d’infrastructure, qui me semble avoir été programmé sur des hypothèses trop optimistes et je me demande s’il ne faudra pas revoir, sur ce point, le schéma présenté lors de la loi de programmation.
La commission a cependant émis un avis favorable sur l’adoption des crédits des programmes « Environnement » et « Soutien » de la politique de défense.
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le programme 146 « Équipement des forces », il me revient tout d’abord d’évoquer les opérations liées à la dissuasion nucléaire.
Dans ce domaine, les programmes se déroulent selon les échéances prévues et une étape majeure est en passe d’être atteinte dans le renouvellement de nos deux composantes, avec, à quelques mois d’intervalle, d’une part, l’entrée en service du missile ASMP/A sur le Mirage 2000 N et sur le Rafale, et, d’autre part, celle du missile M51 sur le 4e SNLE-NG « Le Terrible ».
Les conditions dans lesquelles avance le programme de simulation constituent également un grand motif de satisfaction et la commission l’a constaté en visitant, voilà quelques mois, le chantier du Laser Mégajoule en Gironde.
Le Livre blanc a réaffirmé que la dissuasion demeurait un fondement essentiel de la stratégie de la France, dans un cadre de stricte suffisance qui a de nouveau été illustré avec la réduction de la composante aéroportée.
Notre commission estime que cette posture demeure pertinente dans le contexte stratégique actuel. Elle ne lui paraît en rien contradictoire avec les efforts en faveur du désarmement, que la France soutient, auxquels elle a déjà notablement contribué, et qui, pour être poursuivis, nécessiteront un engagement de tous les acteurs.
S’agissant de l’action « Commandement et maîtrise de l’information », qui relève également du périmètre de mon rapport, je souhaite, tout d’abord, mentionner la décision d’engager l’an prochain l’externalisation des télécommunications militaires par satellites, prévue à l’article 29 du projet de loi de finances.
Au-delà des rentrées financières à court terme qu’elle devrait générer, cette opération peut présenter l’intérêt de calibrer au juste besoin l’utilisation d’un équipement voué aux communications hautement protégées et, donc, de mettre en œuvre un mode d’exploitation plus économique. Il faut souhaiter, bien entendu, que les offres qui seront soumises par les opérateurs confirment cet intérêt potentiel.
D’après les informations qui nous ont été données, le produit attendu de la cession représente les deux tiers des ressources prévues en 2010 au compte d’affectation spéciale « Fréquences hertziennes ».
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous restions préoccupés par le retard du processus de vente des fréquences militaires.
Quand et combien ces fréquences pourront-elles être vendues ? Nous n’avons guère plus de précisions qu’il y a un an, et il a déjà fallu faire une croix sur les 600 millions d’euros prévus en 2009.
Je rappelle que, sur trois ans, c’est 1 400 millions d’euros, cession de Syracuse comprise, qui ont été inscrits à ce titre dans la loi de programmation.
Toujours dans le domaine spatial, deux opérations majeures doivent être lancées en fin d’année 2010 : la réalisation des satellites d’observation MUSIS et la conception du satellite d’écoute CERES.
Il nous paraît indispensable de ne prendre aucun retard, monsieur le ministre, sur ces deux programmes essentiels à nos capacités de renseignement, et donc de garantir, sur les prochaines années, les flux financiers nécessaires.
Le Livre blanc a prévu, à juste titre, une accentuation de l’effort sur le domaine spatial et un plus large éventail de capacités. Ce sera le cas avec l’alerte spatiale sur les tirs de missiles balistiques, pour laquelle nous réalisons déjà des programmes expérimentaux.
Monsieur le ministre, vous vous êtes exprimé à plusieurs reprises ces dernières semaines sur la question de la défense antimissile. Nous comprenons votre position. Vous avez évoqué le coût de tels systèmes, le cadre nécessairement multinational dans lequel ils devraient être développés, et de nombreuses autres questions non résolues, comme la fiabilité technique ou les modalités de contrôle.
Vous avez raison d’être prudent, mais ne serait-il pas nécessaire d’investir peut-être davantage sur des programmes de recherche en amont, dans ce domaine ?
Avec la réorientation du programme américain, le débat va revenir au sein de l’OTAN avec des propositions de couverture contre les missiles de courte et moyenne portée.
Monsieur le ministre, il ne faudrait pas courir le risque de se trouver, le moment venu, totalement absents d’un domaine aux forts enjeux technologiques et sur lequel aucune contribution européenne ne pourrait être proposée si nous ne maintenions pas des compétences françaises.
Pour terminer, j’évoquerai très rapidement les drones. La France a pris du retard. La commission le souligne depuis plusieurs années. La loi de programmation prévoit de définir la stratégie d’acquisition en 2010, notamment sur le segment MALE, ou segment moyenne altitude longue endurance.
Monsieur le ministre, le niveau de ressources prévu à ce titre par la loi de programmation militaire est-il suffisant ? Quelles sont les options que vous entendez privilégier pour répondre à ce besoin opérationnel avéré ?
En conclusion, je soulignerai l’ampleur de l’effort réalisé en faveur de l’équipement militaire dans le projet de budget pour 2010, comme en 2009, d’ailleurs.
La commission des affaires étrangères et de la défense – je parle sous le contrôle de son président, M. Josselin de Rohan – a donc émis un avis favorable sur les crédits du programme « Équipement des forces », comme sur ceux de l’ensemble de la mission « Défense ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rapporte donc l’avis de la commission sur le programme 146, en complément de notre collègue Xavier Pintat.
Je formulerai deux séries d’observations : l’une sur les données financières de l’ensemble du programme 146, l’autre sur les données physiques dans les équipements d’articles conventionnels.
S’agissant des données financières, je ferai une première observation : le projet de loi de finances prévoit une diminution des crédits affectés au programme 146, mais cette diminution n’est cependant pas très significative dans la mesure où l’année 2009 avait été une année un peu exceptionnelle, puisqu’elle comportait un plan de relance.
Deuxième observation : ce budget respecte la loi de programmation militaire et traduit un réel effort en faveur de l’équipement.
Troisième observation : cet effort en faveur des équipements est rendu possible année après année, par le recours à des ressources exceptionnelles ou bien à des recettes du plan de relance. Cela n’est pas de bonne méthode budgétaire, surtout si les recettes ne sont pas au rendez-vous, comme en 2009 !
La deuxième série de remarques concerne les données physiques, c’est-à-dire les programmes.
Dans une première catégorie, j’évoquerai les programmes qui vont bien, du moins certains d’entre eux. J’y rangerai, en particulier, les programmes Rafale et VBCI, ou véhicule blindé de combat d’infanterie, dont nous avons cette année, avec mon collègue Jacques Gautier, visité les chaînes de fabrication.
J’en viens, dans une seconde catégorie, aux programmes qui vont moins bien, parmi lesquels, bien sûr, l’Airbus A400M. Un premier vol devrait avoir lieu dans les prochains jours. Il reste à partager le surcoût de l’opération entre l’industriel et les États. C’est l’objet des négociations en cours. Ce programme est sorti des urgences, mais il est encore très convalescent.
Un autre sujet est préoccupant : le programme FREMM, ou frégates européennes multi-missions. Ce programme nous donne bien des soucis. Dès le départ, il a été sous-financé. On parlait à l’époque de financement innovant – faut-il se méfier de ce qui est innovant en matière de financement ?
Pour répondre à ces interrogations sur son financement, la cible a été ramenée de 17 frégates à 11. Cela s’est traduit mécaniquement par une augmentation du coût unitaire des frégates bien difficile à déterminer.
Dans le rapport, nous avions évalué ce surcoût, à partir des réponses aux questionnaires, à environ 50 %. La Direction générale de l’armement, la DGA l’évalue entre 11 et 32 %. Après de multiples calculs, ce surcoût semble s’établir autour de 25 %. En toute hypothèse, cette augmentation et cette situation sont peu satisfaisantes. Mais nous ne pensons pas que la Direction des constructions navales, la DCNS, en soit responsable.
J’en viens aux programmes pour lesquels nous avons quelques inquiétudes.
Le premier est celui de l’avion multi-rôle de ravitaillement en vol et de transport, le programme MRTT. Compte tenu du retard de l’avion A400M, l’anticipation de ce programme aurait été une excellente chose. Cela n’a pas été possible, paraît-il, pour des raisons de désaccord sur les prix entre l’entreprise EADS, European Aeronautic Defense and Space Company, et la DGA. Le résultat de cette mésentente est regrettable. Quand sera réellement lancé le programme MRTT ?
Le second sujet d’inquiétude, nous en avons déjà parlé, concerne le successeur du missile Milan.
Le retour d’expérience d’Afghanistan a conduit l’état-major des armées à faire évoluer le besoin opérationnel. Dont acte. Cela se traduira par la mise à l’écart du projet de Milan ER, ou Extended Response, de l’entreprise MBDA et par l’achat cette année, sur étagères, d’un missile israélien ou américain.
Indépendamment du besoin opérationnel des armées, qu’il ne nous appartient pas de juger, les délais et la procédure retenus pour choisir le successeur du Milan font débat. Ils risquent de provoquer la sortie de notre industriel de ce marché et une perte de souveraineté industrielle. Cela nous concerne et nous inquiète. Il s’agit en effet du premier échelon d’une trame de missiles de courte et moyenne portée dont le renouvellement est prévu.
En conclusion, permettez-moi de vous faire part de deux questions qui se posent clairement.
Premièrement, nous avons, d’un côté, le sentiment, alors que la loi de programmation militaire vient juste d’être votée, que l’effort consenti par la Nation en faveur de l’équipement est important, et nous avons, de l’autre, l’impression que nos armées manquent de moyens et que l’on doit sans cesse pallier, par l’imagination et dans l’urgence, le manque de ressources. Pourquoi cette impression ?
Deuxièmement, nous devons le reconnaître, l’Europe de la défense n’avance plus. Les coopérations paraissent difficiles et l’addition des différents intérêts nationaux ne suffit pas à dégager un intérêt général européen. J’y reviendrai dans la seconde partie du débat.
Au bénéfice de ces réserves et de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, dans sa majorité, a suggéré d’adopter les crédits de la mission « Défense ».
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais pour ma part évoquer les chances et les risques qui s’attachent à la réforme de notre outil de défense en matière de ressources humaines.
Le projet de budget pour 2010 s’inscrit dans le cadre fixé par la LPM qui prévoit, comme vous le savez, la suppression de 54 000 postes.
La diminution du format d’ici à 2014 est sans précédent. La professionnalisation n’avait concerné que 18 000 cadres. Il s’agit là d’une réduction de plus de 20 % de nos effectifs.
Mais plus encore que la déflation des effectifs, c’est la réorganisation des méthodes qui constitue l’enjeu majeur de cette réforme : la mutualisation et la rationalisation du soutien commun, les restructurations territoriales, le déploiement des bases de défenses, la poursuite des expérimentations d’externalisation. Toutes ces réformes menées de front constituent autant de défis pour nos armées.
L’effort demandé est considérable.
Les opportunités que présente cette réforme tout à fait nécessaire sont réelles. Une organisation rationalisée et mutualisée devrait être mise au service de notre outil opérationnel.
Tel est l’enjeu de la réforme : les économies de personnels doivent provenir des réorganisations et des mutualisations. Si l’on diminue les effectifs sans réformer l’organisation en profondeur, c’est l’outil militaire dans sa globalité qui sera fragilisé.
La difficulté tient à ce que les deux opérations sont menées de front : des objectifs de baisse d’effectifs ont été définis ; il faut qu’ils soient en phase avec le calendrier des restructurations.
En 2009, la déflation s’est poursuivie au même rythme qu’en 2008, mais compte tenu de l’avance prise, la réduction est de l’ordre de quelque 4 000 postes supplémentaires par rapport aux réductions prévues.
En ces temps de baisse d’effectifs, recrutement et fidélisation restent plus que jamais les maîtres mots. Si la déflation d’effectifs se fait en resserrant trop les recrutements, cela se traduira par le vieillissement des armées, un déséquilibre de la pyramide des grades, un embouteillage des carrières et vraisemblablement un gonflement des soutiens.
Ces évolutions, à l’opposé de ce que nous recherchons, se traduiraient par une désorganisation des structures opérationnelles. Nous devons par conséquent être très vigilants sur le déroulement de la réforme, en particulier en matière d’effectifs.
Pour 2010, comme en 2009, les dépenses de personnels du programme 178 se sont stabilisées à 15, 4 milliards d’euros.
Mais cette stabilité cache, d’un côté, les gains issus de la déflation des effectifs, soit 163 millions d’euros, ainsi qu’un solde du glissement vieillesse technicité ou GVT négatif de l’ordre de 88 millions d’euros, soit un total de 250 millions d’euros.
De l’autre, elle dissimule les nouvelles dépenses : les mesures catégorielles de l’ordre de 93, 2 millions d’euros, les mesures indiciaires qui avoisinent les 46 millions d’euros et l’accompagnement social des restructurations de l’ordre de 25 millions, soit en tout 160 millions d’euros.
Le gain budgétaire net de la déflation est donc de l’ordre de 90 millions d’euros en 2010.
L’un des enjeux de cette manœuvre tient dans la concordance entre le cadrage financier retenu pour l’évolution de la masse salariale et les objectifs en matière d’effectifs.
Des difficultés pourraient notamment résulter de la sous-évaluation des crédits du titre 2 et de l’insuffisance des instruments disponibles en matière de pilotage de la masse salariale et des ressources humaines, notamment des systèmes d’information.
En 2009, une sous-évaluation du titre 2 de 100 millions d’euros a conduit à une réduction des recrutements. Les tensions sur le titre 2 peuvent conduire à une accélération non souhaitée de la déflation des effectifs avec les conséquences que j’ai citées.
L’autre difficulté est de parvenir à faire coïncider, dans le temps et selon les types d’emplois, les départs naturels et les besoins en réduction de postes.
Pour cela, il faut sans cesse ajuster les nouveaux recrutements aux besoins les plus urgents, mettre en œuvre des formations adaptées aux spécialités et assurer un soutien spécifique aux mobilités géographiques inévitables.
Sur l’ensemble du programme 178, il faudra par ailleurs surveiller le coût de nos effectifs hors territoire métropolitain, en observant les conséquences de la moindre déflation des effectifs dans les territoires d’outre-mer. Compte tenu de la situation, il est vraisemblable que la diminution des effectifs sera moins importante que prévue.
Il faudra également surveiller le renforcement de notre présence à Abu-Dhabi. Les effectifs devraient atteindre 500 hommes.
Il faut enfin prendre en considération le coût de l’intégration dans I’OTAN.
La décision d’une pleine réintégration de notre pays dans les structures de l’alliance devrait porter notre présence de 161 militaires à environ 1 200 personnes dans les différents états-majors. La montée en puissance des effectifs s’étalera jusqu’à l’été 2012. Les militaires français seront alors présents sur 25 sites. Il s’agit d’un coût annuel en année pleine de plus de 100 millions d’euros.
Or le coût budgétaire de cette réintégration, je vous le rappelle, n’a pas été intégré dans la loi de programmation militaire.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que le surcoût de la réintégration n’excédera pas ces 100 millions d’euros annuels ? Pouvez-vous nous indiquer comment ils seront financés ? Pouvez-vous nous dire si les 1 200 militaires seront remplacés dans leur poste en France et si le coût de ce remplacement a été évalué ?
Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que nous pouvons dire à propos de ce programme 178.
Je voudrais ici saluer le ministre et l’ensemble des responsables qui conduisent cette réforme, ainsi que le personnel des armées.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande, mes chers collègues, l’adoption des crédits de la mission « Défense ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées – Préparation et emploi des forces. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la situation des personnels que vient d’évoquer M. Dulait, je vais vous présenter les crédits de fonctionnement du titre 3 du programme 178, affectés au soutien de ces personnels, à leur entraînement, ainsi qu’au maintien en condition opérationnelle, MCO, des matériels.
Je terminerai par un point sur l’évolution des bases de défense, qui assurent le soutien des unités qui leur sont rattachées.
Le projet de loi de finances pour 2010 attribue, à ce titre, 5, 493 milliards d’euros de crédits de paiement, en baisse de 2, 4 % par rapport à 2009. Cela traduit peut-être l’amorce de la réduction du format des armées en personnels, et donc de leur coût de fonctionnement.
J’évoquerai d’abord les capacités d’entraînement de nos armées, qui avaient été réduites, en 2008, du fait de la forte augmentation du prix des carburants, ce qui a imposé des mesures de précaution.
On constate en 2009, et surtout dans les prévisions pour 2010, un redressement des indicateurs d’activité pour chacune des armées. Vous en trouverez le détail dans mon rapport écrit.
Je relève que c’est incontestablement pour les pilotes de transport que la situation est la plus critique, le général Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air, ayant même exprimé la crainte, devant notre commission, de pertes de compétence ponctuelles, comme en matière de largage de nuit, faute de pratique suffisante. Sans aller jusqu’à préconiser une pratique accrue pour conserver la pertinence, nous relevons néanmoins que cela pose certains problèmes.
Ces difficultés notées à l’entraînement reflètent les éléments de faiblesse des matériels, dont les avions militaires de transport sont les plus emblématiques, du fait des retards affectant l’A400M.
J’en viens aux difficultés financières et d’organisation suscitées par le maintien en condition opérationnelle de matériels de plus en plus vecteurs de technologies. Un matériel en bonne condition opérationnelle constitue un élément déterminant de la capacité d’action des armées.
La maintenance et son coût ne sont devenus des sujets de préoccupation qu’à partir des années quatre-vingt-dix, du fait de la complexité croissante des matériels utilisés et de la croissance du « coût des facteurs », c’est-à-dire du coût de la main d’œuvre qualifiée et des composants.
L’actuelle loi de programmation militaire prévoit que les coûts des matières premières et des prestations industrielles continueront à augmenter, mais que le nombre des personnels civils ou militaires relevant du ministère de la défense affectés à la maintenance, décroîtra, ce qui pourrait conduire à une stabilité des coûts globaux.
Il faut souligner que les tensions financières engendrées par le MCO ne nuisent, en aucun cas, à nos soldats engagés sur des théâtres extérieurs, puisque le taux de disponibilité y est de 95 %, l’un des plus élevés parmi les nations occidentales, selon le général Georgelin, chef d’état-major des armées.
J’en viens maintenant aux bases de défense. Leur création vise à en faire des centres de compétences et de services, liés à leurs unités clientes par des contrats de services.
L’expérimentation menée en 2009 sur onze bases pilotes a permis de dégager des éléments d’adaptation du schéma initial. Ainsi, le nombre total de bases sera réduit à une soixantaine contre quatre-vingt-dix prévues, car il est apparu que les plus petites d’entre elles ne permettaient pas une réelle mutualisation des fonctions de soutien. Leur mise en œuvre sera généralisée sur tout le territoire dès 2011, soit trois ans plus tôt que prévu. Et, en 2010, sept nouvelles bases seront créées, ce qui portera l’expérimentation à dix-huit bases.
Ces bases visent à moderniser le soutien aux différentes unités qui leur sont rattachées, quelle que soit leur armée d’origine, par une mutualisation de toutes les opérations qui concourent à ce soutien, comme le calcul des soldes, la fourniture des tenues, ou l’alimentation des personnels. Ces éléments ne sont guère spectaculaires, mais ce rapprochement entre armées aux méthodes différentes représente un travail minutieux, considérable et qui réclame beaucoup de détermination.
Cette mutualisation sera appuyée par la création, en 2010, d’un service du commissariat des armées, regroupant les trois commissariats antérieurs. Le service sera placé sous l’autorité du chef d’état-major des armées. Une nouvelle phase d’analyse de l’évolution de ces bases sera menée en juin 2010.
Cette nouvelle organisation est un défi de plus pour les armées, qui le mesurent à son juste niveau.
Au vu de mon rapport et de l’ensemble de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Défense » pour 2010 à la majorité. Faites en le meilleur usage ! (.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant que ne commencent les interventions des orateurs, je voudrais poser une question à M. le ministre et lui faire part d’un vœu et d’une préoccupation.
D’abord, selon les informations qui nous ont été données, il semblerait que M. le ministre des affaires étrangères ait reçu une communication téléphonique de Mme Clinton lui annonçant que les États-Unis demanderaient l’envoi de troupes supplémentaires françaises en Afghanistan à hauteur de 1 500 unités. En effet, demain, le Président Obama devrait annoncer l’envoi de 30 000 hommes supplémentaires en Afghanistan.
Je voudrais vous demander, monsieur le ministre, quel accueil sera fait à cette demande, sachant que le M. le Président de la République a d’ores et déjà annoncé que nous n’enverrions pas de troupes supplémentaires. Pensez-vous que nous pourrons longtemps résister à une très forte pression de la part de nos amis américains, qui vont adresser la même demande à nos partenaires ? Si certains d’entre eux accordent ces renforts, pensez-vous que nous pourrons être les seuls à refuser cet effort ?
Ensuite, il se déroule actuellement un exercice important qui aura une incidence sur nos forces armées. Je veux parler de la révision du concept stratégique de l’OTAN. Les premières réunions sur ce thème ont déjà commencé. Le groupe d’experts présidé par Mme Madeleine Albright est au travail. Un certain nombre de séminaires ont eu lieu. Un rapport d’étapes doit être rendu au secrétaire général. C’est dans le courant de l’année 2010 que le Conseil Atlantique devra se prononcer sur ce concept stratégique.
De toute évidence, la révision à laquelle se livreront et les experts et les ministres sur ce concept stratégique aura une incidence probablement importante sur l’évolution de nos armées.
Je voudrais vous demander de bien vouloir, d’abord, faire participer le Parlement à l’information, puis l’associer au déroulement du processus pour que, le cas échéant, nous puissions faire connaître nos avis. En effet, l’enjeu est tout à fait important, qu’il s’agisse de l’avenir possible de la dissuasion, qui risque d’être remise en question par un certain nombre de nos partenaires, ou du choix entre une défense collective et une défense territoriale.
Enfin, je voudrais vous dire combien j’ai été attentif aux propos tenus ce matin par M. le Président de la République. Il a clairement indiqué que son objectif est la mise en œuvre le plus rapidement possible d’une Europe de la défense. Je tiens à insister sur l’importance que la France en fasse une priorité.
En effet, il est clair que les contraintes qui pèseront sur le budget de la défense seront extrêmement fortes dans les années de sortie de crise.
Il faut redouter que les budgets de la défense de nos partenaires, si ce n’est le nôtre, ne servent de variables d’ajustement en matière de rééquilibrage des finances publiques. J’espère que, comme M. le Président de la République l’a dit ce matin, nous arriverons à résister mais on peut quand même avoir des craintes dans ce domaine.
S’il faut aujourd’hui rechercher, dans le domaine des armements, une mutualisation toujours plus grande, c’est parce que l’avenir de nos industries de défense est en jeu.
Ou bien nous sommes capables, compte tenu du décalage qui existe entre la recherche technologique aux États-Unis et en Europe, de relever les défis, et nous aurons encore des industries de défense. Ou bien nous ne consacrerons pas, nous, les Européens, les sommes nécessaires et nous serons totalement tributaires, avant dix ans, des États-Unis dans le domaine de l’armement.
Il en va de même en ce qui concerne les capacités. Si nous ne sommes pas en mesure d’arriver à monter ensemble un certain nombre d’opérations et d’organiser nos forces de telle manière que nous puissions mutualiser nos efforts, là aussi, je crois que nous rencontrerons de grandes difficultés.
Monsieur le ministre, nous serons très attentifs à ce que vous pourrez nous répondre. Nous sommes dans l’attente d’informations dans ces divers domaines.
Applaudissements sur l’ensemble des travées
J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de dix minutes aux porte-parole de chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Le Gouvernement répondra aux commissions et aux orateurs pour quinze minutes.
Puis, nous aurons une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement. La durée de la discussion de chaque question est limitée à six minutes réparties de la manière suivante : deux minutes trente pour la question, deux minutes trente pour la réponse, et, s’il le souhaite, l’auteur de cette question dispose d’une minute pour la réplique éventuelle.
La conférence des présidents a décidé d’attribuer cinq questions aux groupes UMP et socialiste, deux questions aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE et une question à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Dans la suite du débat, la parole est à Mme Michelle Demessine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget pour 2010 met en œuvre des conceptions et des décisions avec lesquelles nous sommes en profond désaccord. Il est donc, comme l’étaient les précédents, la traduction d’une politique à laquelle nous nous opposons. Il est l’application des grandes orientations stratégiques définies par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et représente déjà la deuxième annuité d’une loi de programmation militaire, votée en juillet dernier, dont nous avions contesté les décisions.
Tout le dispositif de votre projet de budget, monsieur le ministre, repose sur un postulat incertain : à travers celle du ministère, la réforme de nos armées, leur modernisation, doit permettre de dégager des économies qui seraient intégralement réinvesties dans les équipements, l’entraînement des forces et dans la revalorisation de la condition militaire.
L’utilisation que vous faites de ces économies est pourtant sujette à caution. C’est ainsi que vos dépenses d’équipement, par exemple, n’atteignent pas cette année les montants prévus par la loi de programmation militaire.
IL faut, en outre, noter que, pour des raisons financières et politiques, de graves incertitudes pèsent sur des programmes majeurs comme le Rafale ou l’A400M.
Moins dépenser, mais mieux dépenser : qui ne souscrirait à une telle ambition ? Mais derrière les bonnes intentions, il y a la réalité. La réalité, c’est la mise en œuvre de réformes qui découlent directement de la révision générale des politiques publiques et de la réduction du format des armées conformément au Livre blanc.
Très concrètement, ces réformes se traduiront cette année par la suppression de 8 250 postes, dont 2 000 personnels civils, pour atteindre l’objectif des 54 000 suppressions sur six ans fixé par la LPM.
La restructuration de nos implantations militaires se fait aussi au prix de la suppression d’une vingtaine d’entre elles l’an dernier, et de vingt-quatre cette année. La création de dix-sept bases de défense, au prétexte de mutualiser et rationaliser les fonctions d’administration et de soutien, est loin d’avoir fait la démonstration qu’elles permettront des synergies suffisantes pour induire de réelles économies.
À la marge de manœuvre très discutable qu’induisent ces économies s’ajoutent des recettes exceptionnelles tout à fait aléatoires : ces recettes, qui sont une des conditions de la réussite de votre réforme, proviennent de cessions d’actifs immobiliers et ne sont pas à la hauteur de ce que vous aviez prévu.
Quant aux cessions de fréquences hertziennes militaires, comme elles ne pourront être effectuées qu’au second semestre 2010, à l’évidence, leur produit ne peut être attendu avant 2011.
Je dois toutefois reconnaître que le renforcement des crédits opportunément inscrits cette année au titre du plan de relance vous permettra de « tenir » votre budget, mais comment ferez-vous l’année prochaine ?
Enfin, toutes les économies envisagées pour assurer la réforme risquent d’être aussi sérieusement entamées par l’application de décisions non prévues, comme celle de notre pleine réintégration dans le commandement militaire de l’OTAN.
Cette décision, arrêtée, je le rappelle, par le seul Président de la République sans débat parlementaire, était une réorientation stratégique majeure, profondément révélatrice d’une vision atlantiste de l’ordre mondial. Prise sans qu’aucune contrepartie soit exigée, elle nous prive désormais de toute possibilité d’analyse stratégique autonome.
Elle visait, paraît-il, à rassurer nos partenaires européens, en leur démontrant que nous ne voulions pas concurrencer l’OTAN, et, dans le même temps, à leur faire partager l’idée qu’il est nécessaire de faire progresser l’Europe de la défense. On a pu constater que la défense européenne avait très peu progressé depuis, comme l’a dit M. de Rohan lors de notre débat consacré aux moyens de sortir de l’impasse en Afghanistan.
En tout état de cause, cette décision nous coûtera fort cher en moyens humains et financiers. Entre 2010 et 2015, elle représentera au moins 650 millions d’euros qui n’étaient pas inscrits dans la loi de programmation militaire, le surcoût étant essentiellement lié aux salaires des 1 250 personnels concernés. À cette somme s’ajouteront 30 millions d’euros de cotisations supplémentaires versées à l’OTAN, ainsi, ne l’oublions pas, que notre contribution financière annuelle de 170 millions d’euros.
Totalisées, ces sommes pèseront lourdement sur notre budget, et je m’associe à ce propos à l’interpellation que vient à l’instant de lancer M. de Rohan au Gouvernement au sujet des enjeux liés au nouveau concept de l’OTAN. Comme lui, je souhaite que les parlementaires soient davantage associés aux décisions.
Si l’on considère par ailleurs que la politique désastreuse menée en Afghanistan absorbe 95 % des sommes engagées par l’OTAN au titre de ses opérations extérieures et la moitié du budget total de nos propres OPEX, soit 450 millions d’euros par an, on mesure le caractère exorbitant de la décision du Président de la République.
Je doute à cet égard, comme je l’ai dit à cette même tribune le 16 novembre dernier, que le virage stratégique orchestré avec l’« afghanisation » des combats actuellement en cours d’élaboration soit le bon, mais nous n’en saurons véritablement plus que demain, après les annonces du Président Obama, sauf à se fier aux quelques « fuites » récentes.
Ainsi, comme vient de le dire M de Rohan, Le Monde en ligne de ce soir, citant des sources diplomatiques, affirme que les États-Unis auraient demandé à notre pays d’accroître son contingent militaire en Afghanistan de 1 500 soldats. Que pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apprendre à ce sujet ?
Plutôt que de nous enferrer de manière suiviste dans une politique coûteuse en moyens humains et financiers qui a fait la démonstration de son inadaptation et de son inefficacité, remplaçons une stratégie militaire vouée à l’échec pour résoudre ce conflit par, sous couvert d’un nouveau mandat de l’ONU, une stratégie politique et diplomatique faisant place à toutes les parties prenantes afghanes.
Les moyens ainsi économisés pourraient, par exemple, être plus utilement consacrés à l’équipement de nos forces et à leur maintien en condition opérationnelle.
Mais, au-delà de ces surcoûts occasionnés par des politiques que nous désapprouvons, nous contestons aussi la répartition de certains de vos crédits.
Ainsi en va-t-il des crédits consacrés aux armes nucléaires, qui représentent 10 % de votre budget total et 25 % des crédits consacrés à l’équipement de nos forces, soit 11 millions d’euros par jour !
Notre force de dissuasion nucléaire n’est pas seulement maintenue à un strict niveau de suffisance, pour reprendre les termes du traité de non-prolifération nucléaire, que la France a signé. Je sais que le président de la République aime se prévaloir de la suppression d’un escadron de bombardiers nucléaires ou encore de la fixation d’un plafond de 300 unités pour les têtes nucléaires comme preuve de sa volonté d’œuvrer au désarmement dans ce domaine. Mais, monsieur le ministre, dans le même temps, nous menons une prétendue politique de modernisation, en fait une politique de perfectionnement de nos armes nucléaires qui n’ose pas dire son nom.
C’est ainsi que, si nous avons supprimé un escadron de la force aérienne stratégique, nous avons aussi mis en service opérationnel, au début du mois d’octobre, un nouveau missile équipé d’une nouvelle ogive nucléaire au sein de cette même force.
Cela explique d’ailleurs l’importance des crédits qui sont consacrés aux armements nucléaires et qui, pour l’essentiel, concernent nos sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et portent sur la fabrication du nouveau missile intercontinental M51.
Pourtant, l’utilisation éventuelle des armes nucléaires ne correspond plus aux réalités des menaces et des conflits d’aujourd’hui : selon la doctrine du Livre blanc, notre stratégie de dissuasion a pour objet « d’empêcher une agression d’origine étatique contre les intérêts vitaux du pays ». À l’heure ou la quasi-totalité des conflits sont des actions militaires conventionnelles ou provenant d’actes terroristes, on voit bien que la logique de la dissuasion nucléaire est de moins en moins adaptée.
Monsieur le ministre, je me sens contrainte de dire – et, si j’en crois les deux anciens Premiers ministres français qui viennent de s’exprimer sur ce sujet dans une tribune de presse, je ne suis pas la seule – que vos orientations budgétaires dans le domaine de la dissuasion nucléaire sont en contradiction avec la politique officielle que la France défend dans les instances internationales. Notre représentant au Conseil de sécurité des Nations unies a ainsi voté, tout récemment encore – le 24 septembre dernier –, la résolution 1887 présentée par les États-Unis en faveur d’un désarmement généralisé.
Je sais, monsieur le ministre, que j’entre là dans un domaine qui est moins directement de votre responsabilité, mais il s’agit cependant d’un élément important de la politique du Gouvernement.
Notre pays devrait donc mettre à profit les nouvelles orientations de la politique étrangère américaine pour contribuer, lui aussi, à rétablir la confiance internationale dans les processus de désarmement.
Les États-Unis et la Russie viennent de s’engager à conclure un accord pour remplacer le traité START de réduction des armements stratégiques reposant sur un véritable système de vérification de ces réductions. À quelques mois de la conférence de révision du traité de non-prolifération nucléaire, c’est un exemple à suivre sur la voie de la lutte contre la prolifération.
Soutenons donc toutes les initiatives de réductions effectives des arsenaux existants, non pas par des votes qui nous engagent peu, mais par des actes concrets de désarmement. Nous devrions ainsi participer plus activement aux efforts faits par d’autres pays en entrant pleinement dans un processus de négociation sur la réduction de notre armement nucléaire.
Nous devrions aller au-delà des annonces faites par le Président de la République en mars 2008 dont j’ai parlé tout à l’heure et commencer à proposer d’interrompre, totalement ou partiellement, certains de nos programmes de modernisation de nos armements nucléaires, comme le missile stratégique M51.
La France, qui figure parmi les cinq premières puissances militaires, …
… devrait se trouver en première ligne dans ce combat pour le désarmement multinational dont l’avenir planétaire dépend. Comment en effet ne pas entendre le secrétaire général des Nations unies…
… lorsqu’il appelle à un désarmement d’urgence, arguant du fait que les dépenses militaires engloutissent chaque année dans le monde 1 500 milliards de dollars alors qu’il suffirait de 100 milliards de dollars par an pour affronter efficacement le défi du réchauffement climatique !
Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, vous aurez compris que nos désaccords, en particulier sur l’armement nucléaire, portent sur des questions de fond et que le groupe CRC-SPG ne votera donc pas votre projet de budget.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Mes chers collègues, je rappelle que le temps de parole dont dispose chaque groupe est de dix minutes.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la place de la défense dans l’État et dans le budget de celui-ci est à la hauteur de la place éminente qu’occupe la France dans la communauté internationale.
Ce statut particulier et privilégié nous confère des droits mais aussi des devoirs, tout spécialement au sein des Nations unies. C’est bien dans ce sens qu’il faut comprendre l’engagement français, en Afghanistan bien sûr, mais également ailleurs dans le monde.
Lors du débat sur l’Afghanistan au Sénat, le 16 novembre dernier, nous avons constaté que la France était embarquée dans une opération longue, coûteuse et très complexe.
Acceptons le fait que notre intervention aux côtés de la coalition prendra du temps avant de porter tous ses fruits.
Acceptons également que l’on ne parviendra à rien tant que les choses ne seront pas mieux tenues au Pakistan, ce pays, fragile face au développement de l’islam extrême, qui dispose de l’arme nucléaire.
Acceptons enfin que la solution dans la région sera politique ou ne sera pas, et que nos efforts militaires doivent aller de pair avec la mise en place des conditions d’une vie stable pour les Afghans, si cela est possible.
Cette place prépondérante dans le concert des nations, la France la doit aussi à ses départements et territoires d’outre-mer et à sa présence militaire dans le monde. Cela exige que nous assurions le maintien de notre présence et de notre souveraineté sur tout notre territoire.
Monsieur le ministre, pour cette raison précise, vous avez pris la décision de maintenir notre présence dans les Iles Éparses. Je salue ce choix, dans lequel j’espère que tous verront un signal quant à l’attachement de la France au respect de sa souveraineté sur son territoire national, y compris dans les pans les plus éloignés de l’hexagone.
Par ailleurs, la base militaire permanente française créée à Abu Dhabi et inaugurée par le Président de la République le 26 mai dernier renforce notre présence dans la zone stratégique du golfe Persique.
Dans un monde multipolaire, notre présence sur tous les continents et sur tous les océans est un atout qu’il faut absolument préserver. Je dis bien « multipolaire », car, nous le savons, la puissance militaire chinoise augmente à un rythme et dans des proportions qui donnent le tournis.
Cette évolution majeure bouscule les relations internationales telles que nous les avons connues depuis un demi-siècle. Elle doit faire l’objet d’une vraie prise de conscience dans le cadre atlantique et dans le cadre européen.
Dans le cadre européen, évidemment, parce que la place de la France ne pourra être préservée et consolidée qu’au sein d’une véritable Europe de la défense : vous le savez, monsieur le ministre, les centristes en sont convaincus depuis de nombreuses années, la construction d’une vraie défense européenne est le corollaire indispensable de l’Alliance atlantique.
Je profite donc de cette occasion pour saluer à nouveau les avancées concrètes qu’ont permis d’enregistrer la présidence française de l’Union européenne et votre contribution personnelle à ces avancées.
Comme l’a observé le général Bentégeat, l’Europe a récemment progressé dans la conduite des opérations. Aujourd’hui, nous disposons de cinq quartiers généraux opérationnels.
En revanche, la défense européenne n’a pas été dotée des moyens de progresser en matière de capacité, et il reste beaucoup à faire dans ce domaine. L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne est une opportunité historique pour faire avancer cette Europe de la défense.
Quelles seront les prérogatives du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité commune en matière de défense ? Le 27 octobre dernier, j’ai interrogé à ce sujet M. Lellouche, qui a indiqué au Sénat que le Haut représentant serait compétent sur les sujets relatifs à la défense. Pouvez-vous donc, monsieur le ministre, nous en dire plus quant aux prérogatives de Mme Ashton ?
Comment son action sera-t-elle coordonnée avec celle du COPS, le comité politique et de sécurité, et celle du comité militaire de l’Union européenne ?
À cette question, j’en ajouterai une autre, monsieur le ministre. Nous savons que l’UEO n’est plus l’enceinte de débat privilégiée des États européens. Malgré son intérêt, cette instance s’est considérablement affaiblie ces dernières années, tandis qu’au sein du Parlement la sous-commission « sécurité et défense », qui fait plus de bruit qu’elle n’a de pouvoir, souhaite disposer de beaucoup plus de compétences, alors que le traité de Lisbonne précise bien qu’il n’y a ni compétences supplémentaires pour les commissions ni accentuation du rôle du Parlement européen.
Les Parlements nationaux - et je rejoins ce que disait M. Josselin de Rohan tout à l’heure - ont eux aussi besoin de dialoguer et de débattre des questions de défense.
Quel sera ce lieu de débat et de concertation ? Sera-ce l’Assemblée parlementaire de l’OTAN ?
Monsieur le ministre, cette évolution institutionnelle permettra-t-elle de bâtir l’architecture de sécurité européenne qui fera de l’Europe une Europe puissante ?
Je profite de ces questions pour déplorer sincèrement les remarques très désagréables qui ont entouré les nominations des nouveaux visages de l’Union. Les commentaires qui ont suivi la nomination de M. Van Rompuy, notamment concernant son manque de charisme, seraient à mettre en parallèle avec la discrétion et l’humilité qui caractérisèrent Robert Schumann à l’époque. Pensons-y un instant avant de céder à des jugements à l’emporte-pièce !
Pour en venir aux enjeux budgétaires du projet de budget de la mission « Défense », je souhaite commencer en saluant le respect des orientations que le Sénat a votées il y a moins de quatre ou cinq mois dans la loi de programmation militaire 2009-2014 ; c’est suffisamment rare pour être souligné ! Ce budget est également conforme aux grandes orientations arrêtées dans le Livre blanc sur la défense, en particulier en matière de maintien des ressources annuelles en volume, hors charges de pension, mais aussi concernant la capacité de projection et d’entraînement de nos forces.
Je salue également l’octroi des 770 millions d’euros dont bénéficieront les armées et leurs fournisseurs dans le cadre du plan de relance. Cela contribuera à moderniser nos équipements mais aussi, ne l’oublions pas, à préserver et à créer des emplois sur nos territoires. Au total, ce sont 1, 7 milliard d’euros de crédits d’équipements supplémentaires qui ont été octroyés par rapport aux budgets initiaux en 2009 et 2010. Ces crédits sont à la hauteur de l’importance stratégique de ce poste de dépense.
L’équipement des armées reste donc une priorité de la mission « Défense », dont le budget demeure élevé, avec plus de 17 milliards d’euros.
Parmi les recettes exceptionnelles, 1, 26 milliard d’euros sont issus des cessions d’actifs immobiliers et de fréquences hertziennes prévues l’an prochain. Ces cessions ont été réalisées de façon raisonnée, et elles fournissent des recettes bienvenues. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment le ministère ajustera son budget pour que ces crédits exceptionnels ne manquent pas dans les années suivantes ?
L’année 2010 sera une année de livraisons importantes pour la défense, avec notamment l’entrée en service de 5 000 équipements Félin, de sept hélicoptères de combat Tigre, d’une centaine de véhicules blindés VBCI, du premier hélicoptère NH90 naval ou encore de onze avions de combat Rafale. Ce sera également l’année de la première dotation de missiles M51.
Cette dotation explique l’augmentation de plus de 10 % des crédits liés à la force de dissuasion. Elle contribuera à remplir l’un des objectifs majeurs du Livre blanc : le maintien de la dissuasion nucléaire comme un fondement primordial de notre stratégie de défense nationale. À ce propos, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser comment le sauvetage du programme A400M que vous avez engagé se concrétisera en 2010 ? Pouvez-vous également nous exposer la façon dont le ministère entend maintenir, voire augmenter notre effort en faveur de la recherche ? Il est en effet impératif que celle-ci reste une priorité.
Parce qu’il est conforme aux orientations fixées par le législateur et à la hauteur de son importance stratégique, le budget de la mission « Défense » pour 2010 recueillera l’approbation du groupe Union Centriste.
Je souhaite conclure en saluant la mémoire de ceux de nos soldats qui ont perdu la vie aux côtés de nos alliés en Afghanistan, mais aussi sur d’autres théâtres d’opérations extérieures. Je leur rends hommage, et j’ai une pensée pour les blessés et leurs familles sur tous ces théâtres, ainsi que pour les morts de l’embuscade de la vallée d’Uzbin.
Dans le débat qui s’engage, les valeurs portées par la grande famille de l’armée sont un des éléments constitutifs de notre identité nationale.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le travail approfondi de nos commissions permet d’être assez bien informé de la réalité et de l’évolution des budgets de la défense. Nous avons ainsi une « vision déjà historique » de ces questions. C’est utile pour appréhender les mouvements financiers, les évolutions stratégiques et les programmes qui connaissent des cycles de vie très longs. C’est pourquoi je vais d’abord livrer une appréciation générale de ce budget et de la politique de défense avant d’en venir à quelques considérations plus particulières.
Depuis deux ans, vous avez entamé, monsieur le ministre, une réforme ambitieuse, hélas ! trop longtemps ajournée. Votre prédécesseur avait travaillé obstinément sur une lancée historique qui n’était plus d’actualité, refusant nos mises en garde, plombant ainsi durablement les finances du ministère. Cela a sérieusement compliqué votre tâche. Les avatars de votre loi de programmation militaire, votée avec retard, n’ont rien arrangé, et la révision générale des politiques publiques, la RGPP, vous contraint à des décisions douloureuses, dans une urgence qui conduit à l’improvisation.
Je me sens enclin à faire preuve d’une certaine indulgence, qui ne saurait être - je rassure mes collègues - de la complicité, car vous êtes pris entre le passif de l’héritage, les obligations de la RGPP et les préconisations idéologiques du Livre blanc.
La représentation nationale a les moyens de vous aider à consolider la défense nationale et la défense européenne, à condition que la majorité, celle d’aujourd’hui, qui est la même que celle d’hier, ose faire preuve d’audace, c’est-à-dire fasse le contraire de ce qu’elle a fait de 2002 à 2007 : ouvrir les yeux. Le doute m’envahit ; l’expérience, sans doute.
Nous n’avons pas voté votre LPM parce que les orientations qui la sous-tendaient nous paraissaient en décalage avec les besoins réels de la sécurité du pays. Nous avons voté contre car elle n’était que l’émanation du Livre blanc dicté par le Président Sarkozy, encore tout imbibé de la vision du monde de l’ineffable Georges Bush. Celui-ci n’a d’ailleurs guère changé, même si chacun mesure aujourd’hui les erreurs d’appréciation du cow-boy texan face à la réalité du monde et les problèmes qu’il a laissés pendants.
Mais il s’agit de la défense de la France, et nous ne souhaitons pas votre échec, qui serait lourd de conséquences pour la défense de notre pays et pour la sécurité de nos concitoyens. Car, dans un monde aussi incertain, aux menaces diffuses et changeantes, ce serait préjudiciable pour eux et nos voisins européens.
Je vous offre donc une attitude constructive, responsable mais exigeante en matière de résultats. Il convient d’analyser les modalités qui permettront ou non d’atteindre les objectifs de cette réforme.
Premier constat : l’annuité 2010 apparaît en accord avec la programmation. Les montants annoncés sont « dans les clous ». Les rapporteurs l’ont dit : le plafond d’emplois est conforme. Votre projet traduit une volonté d’efforts en faveur de l’équipement. Certes, les crédits de la mission « Défense » affichent une légère diminution de 800 millions d’euros, mais je ne saurais m’y arrêter. C’est un bon point... Mais alors que nous avons beaucoup travaillé en commission, écouté les rapporteurs, un malaise s’est subrepticement installé dans les esprits. Je vais avancer ici quelques explications possibles de cette situation.
Nous devons tout d’abord nous interroger afin de voir si ce budget 2010 nous rapproche des objectifs fixés par et pour la réforme du ministère. La commission des finances du Sénat s’est penchée sur « les aléas à long terme pour la programmation militaire » qu’elle évalue à « environ 10 milliards d’euros d’ici à 2014 ».
La deuxième interrogation porte sur la sincérité de l’équilibre budgétaire proposé par le ministère. Les rapporteurs donnent des réponses : « En 2009, faute de ressources exceptionnelles, l’équilibre financier de la mission « Défense » a donc dépendu de facteurs eux-mêmes exceptionnels : l’autorisation de consommer 400 millions d’euros de crédits reportés, et environ 300 millions d’euros d’économies du fait d’une inflation inférieure aux prévisions ».
Pourquoi s’arrêterait-on en si bon chemin ? En 2010, comme en 2009, vous nous proposez à nouveau de compléter le budget avec des recettes exceptionnelles, à hauteur de 1, 26 milliard d’euros.
Pour finir, la mission « Défense » bénéficiera encore une fois du concours des crédits du plan de relance, à hauteur de 770 millions d’euros.
Tout le monde l’aura compris, sans ces crédits, l’édifice vacillerait et s’écroulerait d’un coup. Car, non seulement ces recettes sont aléatoires, mais elles n’ont aucune perspective de pérennité, d’autant que, si les crédits issus du plan de relance sont aujourd’hui effectivement au rendez-vous, il convient de bien s’imprégner du fait qu’il ne s’agit que d’avances et non d’un surplus budgétaire.
La voilà, monsieur le ministre, la cause du malaise. On saisit qu’en réalité le budget n’est pas tout à fait en équilibre. Saupoudrées d’une fine couche d’improvisation et de recettes aléatoires, les dépenses apparaissent d’un seul coup en pleine lumière comme imparfaitement maîtrisées.
Jetons un œil sur les fumeuses recettes exceptionnelles. Tout a été dit. Les rapporteurs ont fait du bon travail. La gestion des cessions d’actifs immobiliers et de fréquences hertziennes est dans un épais brouillard. Si ces financements exceptionnels venaient à faire défaut ou à ne pas être entièrement réalisés, quelle serait alors votre capacité à leur substituer des crédits ordinaires ? Ce serait ainsi tout l’effort en faveur des équipements - tant vanté dans cet hémicycle - qui serait mis à bas.
Arrêtons-nous sur le cœur de la réforme : les ressources humaines et les territoires. En 2010, les armées vont poursuivre leur effort de restructuration et de réduction des effectifs, de fermetures et de transferts de bases, chamboulant de fond en comble la carte militaire. Les personnels civils et militaires qui vont supporter cet effort gigantesque sont insatisfaits et inquiets. Je sais que vous rechignez à prendre en compte les remarques qui vous sont faites sur ce sujet. Pourtant, sans l’adhésion des personnels, votre réforme prendra l’eau. Sans leur implication réelle, elle patinera et fragilisera l’outil de défense du pays.
Monsieur le ministre, il vous faut faire un véritable effort vers plus de concertation.
Des instances existent pour cela. Servez-vous en ! N’oubliez pas de dialoguer avec les syndicats - même si je n’ignore pas que la droite y rechigne par nature - ils ont leur mot à dire au nom des personnels civils, ces grands oubliés de la réforme.
Mes collègues et moi-même, qui sommes à leur écoute dans les départements et les régions, pouvons témoigner de ce grave manquement de la part des hiérarchies placées sous votre autorité. Sans cette impulsion de votre part, cette réforme aura de graves conséquences.
En matière de recrutement, reportons-nous au rapport du député Bernard, qui signale que, pour les militaires du rang, la situation est préoccupante : « Le besoin est certes satisfait mais la qualité baisse et la motivation des nouvelles recrues semble moins forte, le nombre important d’abandons au cours des premiers mois de vie militaire en témoignant […] ». Dites-nous quels sont les postes qui en sont d’ores et déjà affectés et quelles seront les conséquences sur les forces projetées.
Quant aux bases de défense, il serait apparemment trop tôt pour disposer de « retour d’expérience » à leur sujet. Alors à partir de quel bilan est-il décidé de mettre en œuvre plus ou moins de bases de défense ? Tout cela est bien flou.
Je vous mets en garde contre une idée souvent répandue : certaines innovations commencent toujours par coûter plus cher avant de générer des économies, dit-on. II faudra prendre en compte les gains issus de la déflation des effectifs et les dépenses nouvelles liées aux mesures d’accompagnement. Dans l’immédiat, les suppressions d’effectifs ne dégagent pas de marge de manœuvre, sans parler de dépenses sous-évaluées ou non prévues qui ne manquent pas d’apparaître au fur et à mesure des restructurations.
Nous connaissons le précédent de la professionnalisation. Il était prévu que celle-ci entraînerait de fortes économies. Nous avons pu en mesurer le résultat ! La réforme que vous portez aurait-elle été aussi bien planifiée que le passage à l’armée professionnelle ? J’en tremble d’avance ! La « grande manœuvre des ressources humaines » est un enjeu de taille. Avec une armée au format réduit, plus ramassée, avec des moyens financiers aléatoires et avec une croissance régulière des opérations militaires dures à l’extérieur, on ne saurait improviser une telle manœuvre sans risquer de désorganiser nos forces durablement.
Car c’est bien un étrange sentiment d’impréparation de l’avenir qui prévaut.
Le premier exemple que je souhaite vous citer à ce titre est celui du retour de la France au sein du commandement intégré de l’Otan. Le coût n’en aurait-il pas été anticipé alors qu’il s’agissait d’une mesure phare du Président Sarkozy ? II vous en avait parlé. Mais aurait-il oublié le ministre des finances ?
Si tel n’est pas le cas, ce dernier aura donc omis d’en prévoir le coût. II est vrai qu’en une période si faste pour les finances publiques, où chaque jour sont distribués des milliards d’euros que nous n’avons pas, ce ne sont pas quelques centaines de millions d’euros qui vont arrêter le pèlerin. Au diable l’avarice !
Combien en coûtera-t-il pour la période 2010-2014 : 700 millions, 900 millions d’euros ? Sur quelle ligne ces crédits seront-ils prévus, et comment entendez-vous financer cette opération ? À combien reviendra chaque étoile ?
Votre réponse sera importante car, dans le même temps, la réintégration de toutes les instances de l’OTAN a signé l’abandon d’une réelle politique de défense européenne autonome, et ce malgré vos dénégations.
Deuxième exemple : la Cour des comptes s’interroge sur le transfert du ministère à Balard. Le choix d’un partenariat public-privé pose la question de savoir dans quelle mesure ce choix préserve les intérêts de l’État à court terme et à long terme. Quel en sera le coût exact pour le budget de la défense ? Votre réponse, que j’espère précise, engage l’avenir.
Autre exemple d’impréparation : le premier vol de l’A400M aurait lieu en fin d’année. Or l’accord trouvé pour prolonger le programme aura un surcoût ; certains parlent de 2 milliards d’euros, dont 1 milliard d’ici à 2014. Qui va payer? Sur quelle ligne ces crédits seront prévus et comment comptez-vous financer ce surcoût ?
À partir de ces quelques exemples, nous sommes en droit et en devoir de nous poser des questions sur la sincérité de votre budget et sur les aléas qui conditionnent l’architecture budgétaire de la défense : aléas relatifs à la LPM, évalués par les rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat à environ 9, 5 milliards d’euros, dont 1 sur 3, 7 pour les ressources exceptionnelles.
Nos collègues ont par ailleurs soulevé une question budgétaire relative à la décision de ne pas appliquer la loi de programmation des finances publiques 2009-2012 aux budgets de la défense. Ils écrivent : « Le choix de faire prévaloir la loi de programmation militaire sur la loi de programmation des finances publiques devrait, sur la période 2009-2014, réduire les crédits de paiement de la mission Défense d’environ 3, 5 milliards d’euros, et son pouvoir d’achat de 1, 5 milliard d’euros ». « Dans le cas de l’année 2010 », je cite toujours les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, « ce choix réduit le pouvoir d’achat de la mission Défense de plus de 200 millions d’euros. Cet effort porte en totalité sur les crédits d’équipement, qui, selon les informations dont disposent les rapporteurs spéciaux, devraient être inférieurs, à périmètre constant, d’environ 200 millions d’euros aux montants prévus par la loi de programmation militaire ». Pourriez-vous nous fournir des explications quant à cette décision qui semble limiter les crédits dévolus à la défense ?
Je conclus : monsieur le ministre, si vos chiffres sont bons, alors ils seront en harmonie avec la loi de programmation militaire. Mais la charpente vacille déjà et son architecture déséquilibrée faite de rustines ne saurait inspirer au Parlement une grande confiance. Elle commence à ressembler à sa sœur aînée.
Monsieur le ministre, la problématique de la défense est un sujet complexe, car la garantie de posséder une bonne défense réside aussi dans des éléments qui n’ont - en apparence - rien à voir avec la question militaire.
Une bonne santé économique et une solide cohésion sociale sont, en effet, indispensables pour protéger notre outil de défense.
Il faut pouvoir compter sur une économie saine et dynamique. Or nous en sommes bien loin, et nous le déplorons ! La politique obstinée et dogmatique du Gouvernement met la santé économique du pays à rude épreuve. La dette publique atteint des fonds abyssaux. C’est cela qui met en danger l’effort économique pour la défense.
Pour réussir, il faut aussi pouvoir compter sur une forte cohésion sociale. Or nous nous en éloignons chaque jour un peu plus. Vos manœuvres autour de l’identité nationale, ainsi que l’action destructurante du chômage qui explose, ne contribuent pas à rendre notre société plus unie, plus solidaire, plus fraternelle. Bref, ces ingrédients indispensables ne sont plus réunis pour garantir l’avenir de notre défense. Celle-ci ne peut subsister, en République, qu’avec le soutien du peuple et de la nation. C’est, en tout cas, notre profonde conviction.
Je vous rends responsables, vous et l’ensemble du Gouvernement, mais aussi votre moutonnière majorité
protestations sur les travées de l ’ UMP
Le groupe socialiste, face à un tel constat, ne votera pas votre budget.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer, à mon tour, l’importance des crédits consacrés à la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2010.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 30, 12 milliards d’euros de crédits budgétaires, hors pensions ; plus de 2 milliards d’euros issus du plan de relance et des recettes exceptionnelles ; surtout, 17 milliards d’euros de dépenses d’équipements pour les études, la dissuasion, les opérations d’armement, les infrastructures et l’entretien des programmes des personnels et des matériels.
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Ces sommes s’inscrivent pleinement dans la trajectoire de la loi de programmation militaire 2009-2014, votée en juillet dernier. Elles représentent un nouvel effort significatif de notre pays pour moderniser son outil de défense et l’adapter aux nouveaux risques et vulnérabilités définis par le Livre blanc.
Les crédits pour 2009 battent un record qui risque de rester inégalé, mais je constate que les sommes engagées pour 2010 sont très supérieures à celles prévues dans les budgets précédents, y compris celui de 2008, avec une priorité donnée aux équipements.
Je voudrais insister un instant sur le courage, le pragmatisme et la lucidité de la réforme engagée.
À la suite des conclusions du long travail de réflexion conduit avec le Livre blanc, il a été possible de redéfinir un format opérationnel plus contraint, correspondant mieux à nos besoins et à nos capacités, d’intégrer la nécessaire réorganisation de nos soutiens et de l’administration, notamment en termes de mutualisation avec les bases de défense, et de sanctuariser les économies ainsi réalisées pour améliorer la condition militaire, mettre en œuvre les restructurations, engager des moyens supplémentaires pour les équipements de nos forces et le maintien en condition opérationnelle des matériels. Tout cela a été réalisé en réformant une carte militaire trop longtemps immuable, marquée par l’histoire et par un ennemi germanique ou soviétique qui ne pouvait venir que de l’Est.
Dans le peu de temps qui m’est imparti, il est impossible de décliner toutes les livraisons prévues en 2010.
Sourires
Je veux cependant souligner, surtout après l’intervention de Michelle Demessine, combien je me félicite, face à l’insécurité nucléaire internationale qui progresse, de la première dotation de missiles M51 et de la livraison du quatrième sous-marin nucléaire lanceur d’engins de nouvelle génération, Le Terrible.
Je me félicite également de la livraison des 4 premiers hélicoptères NH-90, que la marine nationale attendait depuis plusieurs années, et de 7 hélicoptères Tigre supplémentaires à l’armée de terre …
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
… et, bien sûr, de l’arrivée de 11 Rafale au standard F3, après la commande que vous avez passée il y a quelques jours, monsieur le ministre, de 60 appareils supplémentaires.
Les besoins pour les opérations extérieures ne sont pas oubliés avec, entre autres, 274 armements air-sol modulaires A2SM, 6 nacelles RECO NG destinées aux Rafale au standard F3, l’achat sur étagère de missiles de moyenne portée de type Fire and Forget, certainement Javelin ou Spike, en complément du missile Milan et dans l’attente de la définition du successeur de celui-ci, et enfin, bien sûr, la livraison de 99 véhicules blindés de combat d’infanterie, dits VBCI, et de 44 véhicules blindés légers, dits VBL, que nous avons pu voir sur la chaîne de fabrication.
M. Jean-Louis Carrère se gausse.
Les commandes pour 2010 ne sont pas en reste, au niveau tant de la dissuasion, du commandement, de la maîtrise de l’information et de l’engagement combat, que des capacités de projection, de mobilité et de soutien, ou de protection-sauvegarde.
Je me félicite du premier vol, dans quelques jours, de l’Airbus A400M, cet avion de transport stratégique et tactique auquel nous croyons pleinement.
Je tiens à saluer, monsieur le ministre, votre engagement personnel dans le cadre des renégociations entre l’industriel et les partenaires européens. Nous savons que le retard pris dans la fabrication de cet appareil et l’adaptation du contrat avec les pays partenaires entraîneront des répercussions financières, qui conduiront inévitablement à l’étalement des livraisons.
Ce budget confirme toutefois, à mes yeux, une faiblesse, évoquée tout à l’heure par Xavier Pintat : au moment où les drones, qu’ils soient MALE – moyenne altitude longue endurance – tactiques ou de terrain, s’imposent partout en Irak et en Afghanistan, comme les yeux, et désormais comme le bras armé des troupes engagées au sol, la loi de programmation militaire n’a prévu d’y consacrer que 285 millions d’euros. Ces crédits sont très largement insuffisants pour concevoir, développer et produire un drone MALE, destiné à succéder à nos 3 Harfang.
Cette faiblesse financière est aggravée par un manque de coopération de nos industriels, qui semblent incapables d’additionner leurs compétences pour permettre à notre pays, peut-être en association avec le Royaume-Uni ou d’autres nations européennes – je parle ici de la politique européenne de sécurité et de défense, la PESD –, de produire dans des délais raisonnables le vecteur moyenne altitude longue endurance dont nous avons un urgent besoin.
Avec Daniel Reiner, rapporteur du programme 146, nous avions déjà signalé ce problème lors de la discussion de la loi de programmation militaire. Le rapport sur les drones de nos collègues députés, qui devrait être rendu public dans quelques jours, conforte d’ailleurs cette analyse.
Au vu des faibles moyens affectés, il faut certainement se doter d’un quatrième vecteur Harfang, et peut-être acquérir sur étagère des Predator, déjà largement déployés en Afghanistan par les Américains et les alliés. Cela facilitera, en outre, l’entretien courant sur place : il est plus facile de les traiter à Bagram que de les renvoyer en Israël.
Je ne reparlerai pas des systèmes de drone tactique intérimaire, les SDTI, puisque la DGA a passé deux petites commandes, l’été dernier, pour des Sperwer améliorés d’occasion et quelques autres de nouvelle génération.
En revanche, monsieur le ministre, il faut qu’EADS et la DGA confirment, une fois pour toutes, les modifications demandées sur les systèmes de drones de reconnaissance au contact, les DRAC, déjà livrés, afin que ces mini-drones de terrain puissent être déployés, avant l’été, dans nos FOB, c’est-à-dire nos bases d’opérations avancées, de Kapisa et de Surobi, pour apporter une reconnaissance visuelle et infrarouge à nos troupes opérant dans les vallées de ces provinces.
À défaut, si le résultat n’était pas à la hauteur des besoins, il conviendrait d’acheter en urgence les mini-drones disponibles sur le marché, comme l’a déjà fait le commandement des opérations spéciales, le COS.
Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes conscient de ce problème et j’espère que vous prendrez des mesures, au début de l’année 2010, lors d’un prochain comité ministériel d’investissement.
Je souhaite rendre un hommage solennel à nos soldats, qu’ils se trouvent sur le territoire national ou en OPEX, et à leurs familles. Tous méritent d’être soutenus par les représentants de la nation et par leurs concitoyens.
Dans ces temps difficiles de crise, où les valeurs républicaines sont encore plus chahutées et ne trouvent plus de représentations concrètes dans l’esprit de nos concitoyens, je veux rappeler que nos soldats, par leur engagement pour leur pays, en sont l’expression la plus absolue.
Le groupe UMP du Sénat votera et soutiendra avec force les crédits de la mission « Défense » pour l’année 2010, mais il est aussi de notre devoir de valoriser l’engagement de nos soldats, et cela auprès de la société civile, qui, depuis la fin de la guerre froide, témoigne une certaine incompréhension face aux interventions menées à des milliers de kilomètres et à leurs exigences. C’est cet effort de pédagogie qui participera au renforcement nécessaire du lien entre la nation et son armée.
Enfin, permettez-moi de me tourner vers mes collègues de la gauche.
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Je veux leur dire, très amicalement, qu’ayant examiné les budgets militaires votés depuis dix ans par les majorités successives, de gauche comme de droite, nombre de parlementaires auraient certainement aimé pouvoir soutenir des crédits semblables à ceux qui nous sont proposés aujourd’hui.
Alors, naïvement sans doute, j’ose faire un rêve …
Sourires
M. Jacques Gautier. … et espérer qu’à défaut d’un vote favorable, que je sais politiquement impossible, vous puissiez manifester une abstention positive, car le niveau de ces crédits pour 2010 et l’engagement de nos troupes le méritent !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une main invisible semble guider notre politique militaire.
Le général de Gaulle avait voulu que la France assurât par elle-même sa défense. Il l’a bâtie sur la dissuasion et cette doctrine, fondée sur un principe de stricte suffisance, étroitement corrélée au souci de l’indépendance nationale, a fini par rencontrer l’assentiment général du pays, grâce au concours de quelques patriotes éclairés.
Le général de Gaulle, pour que les choses fussent claires, a fait sortir la France, non pas de l’Alliance atlantique, mais de l’organisation militaire intégrée de l’OTAN. C’était il y a quarante-trois ans. L’effort de défense de la France a été conséquent : plus de 5 % du PIB. Il atteignait encore près de 4 % de notre PIB au début des années quatre-vingt-dix. J’observe, enfin, que l’auteur de Vers l’armée de métier s’était bien gardé de supprimer le service national, puissant outil de cohésion sociale et formidable réserve militaire en temps de crise.
Tout cela n’est plus. Le service national a été supprimé sans vrai débat, en 1996, et sans profit pour l’équipement de nos forces, bien au contraire. La France vient de réintégrer l’organisation militaire de l’OTAN. Notre dissuasion, réduite de moitié, est fragilisée ; j’y reviendrai tout à l’heure. Enfin, notre effort de défense s’est relâché, et il faut beaucoup de bonne volonté pour asséner qu’avec 30, 12 milliards d’euros de crédits budgétaires nous consacrons 2 % de notre PIB à notre défense, comme s’y était engagé pendant la campagne électorale de 2007 le Président de la République.
Notre PIB dépasse 2 000 milliards d’euros et, par un calcul mental rapide, j’aboutis à un chiffre voisin de 1, 5 %. Certes, vous ajoutez 7 milliards d’euros de pensions, qui n’ont jamais été pris en compte dans le calcul de l’effort de défense …
Quand j’étais ministre non plus !
Vous ajoutez également 1, 26 milliard d’euros de ressources exceptionnelles. Mais vous savez très bien que ces ressources n’étaient pas au rendez-vous en 2009 : 400 millions d’euros au lieu de 972 pour les ventes immobilières, et rien du tout pour les cessions de fréquence prévues à hauteur de 600 millions d’euros.
De lourdes incertitudes grèvent les prévisions de 2010, comme l’a expliqué très pertinemment Didier Boulaud.
Enfin, il y a le surcoût des OPEX, de près de 300 millions d’euros, celui du programme A400M, qui atteindra 1 milliard d’euros d’ici à 2014, et enfin la contribution à l’OTAN, qui s’élève à plusieurs centaines de millions d’euros.
À la vérité, ce qui mine beaucoup plus encore les prévisions de la loi de programmation militaire, c’est la situation plus que préoccupante de nos finances publiques. Le déficit budgétaire atteint cette année 140 milliards d’euros et dépassera 100 milliards d’euros au cours des prochaines années, avec une dette de l’État de 1 142 milliards à la fin de 2009 et une dette publique totale de 77 % du PIB, soit plus de 1 400 milliards d’euros.
Vous n’êtes pas sourd, monsieur le ministre, …
… et vous entendez comme moi les cris d’orfraie de tous ceux qui veulent, au plus vite, nous faire rentrer « dans les clous » de Maastricht. À vrai dire, je crains qu’au nom de l’orthodoxie budgétaire on ne sacrifie encore une fois notre outil militaire, dont le général Georgelin rappelait, à juste titre, devant notre commission, qu’il ne peut se construire que dans la longue durée.
Ce sont 8 400 suppressions d’emplois qui vont intervenir en 2010. Au total, sur la période 2009-2011, 25 000 réductions d’emplois vont conduire l’armée française à un format qu’elle n’avait jamais connu depuis le XVIIe siècle : 237 000 militaires, auxquels il est juste d’ajouter 72 600 civils.
Tout cela, me direz-vous, s’explique par le contexte : la guerre froide est derrière nous ; la France n’est plus menacée d’invasion ; les menaces sont multiformes. J’ai entendu tout à l’heure Mme Demessine tenir ce type de propos…
Je crains malheureusement que la réalité ne soit différente. Il existe un lien logique entre le rétrécissement du format de notre défense et la réintégration de la France au sein de l’organisation militaire de l’OTAN. Les pays européens membres de l’OTAN s’en remettent à cette organisation et, de fait, aux États-Unis du soin d’assurer leur défense. Ils ont réduit leur effort militaire aux alentours de 1 % de leur PIB. J’ai bien peur que, malgré les crédits inscrits en loi de programmation militaire, nous ne suivions le même chemin… Je prendrai un seul exemple, celui de la dissuasion nucléaire.
La France est la seule puissance nucléaire au monde à avoir renoncé à la composante sol-sol de sa triade. Nous nous targuons de ces renoncements, en effet significatifs, comme du démantèlement de nos usines produisant des matières fissiles à usage militaire. Nous organisons des visites à Marcoule et à Pierrelatte à destination d’experts étrangers. Ces derniers peuvent constater que la France a renoncé à développer son arsenal non seulement en qualité, depuis la fermeture de son site d’expérimentations de Mururoa, mais aussi en quantité, et cela avant même qu’une négociation n’ait été engagée pour convenir d’un traité prohibant la production de telles matières fissiles.
Cela signifie, en clair, que nous nous sommes résignés à confier aux États-Unis le soin d’exercer la défense non pas de la France, mais de l’Europe, par le biais de ce qu’ils appellent extended deterrence, que nous traduisons par « dissuasion élargie ». C’est fâcheux pour la défense européenne !
Regardons ce qui se passe autour de nous : les armes nucléaires tactiques américaines stationnées en Europe vont arriver à obsolescence dans les années qui viennent. Les États-Unis envisagent de les moderniser, en particulier la bombe gravitaire B61. Mais les Européens l’entendent-ils de cette oreille ? Selon les échos qui nous parviennent d’outre-Rhin, nos amis allemands souhaitent que ces armes soient purement et simplement retirées. On peut imaginer qu’après la conclusion d’un traité prolongeant l’accord START entre les États-Unis et la Russie une nouvelle négociation s’engage sur les armes en réserve et sur les armes nucléaires tactiques, qui se comptent encore par milliers de part et d’autre.
Notons que l’accord dit « post-START », qui devrait intervenir dans les prochaines semaines, plafonnera dans une fourchette allant de 1 500 à 1 650 le nombre de têtes nucléaires opérationnellement déployées. Notre arsenal, plafonné à 300 têtes, dont un tiers est opérationnellement déployé, paraît bien infime à côté de ces gigantesques stocks d’armes.
Dans le même temps, il semblerait que la Grande-Bretagne envisage de réduire à trois le nombre de ses SNLE. Une telle décision, si elle devait intervenir, remettrait forcément en cause le principe de la permanence à la mer d’un sous-marin lanceur d’engins. On ne peut évidemment souhaiter que la Grande-Bretagne, cette vieille et grande nation qui a symbolisé, pendant la Seconde Guerre mondiale, la liberté de l’Europe, prenne une aussi lourde et irrévocable décision. Cela signifierait en effet qu’elle s’en remet désormais entièrement à la relation spéciale qu’elle entretient avec les États-Unis pour assurer sa défense et celle de ses intérêts.
Or il se pourrait bien que les États-Unis, de plus en plus polarisés par le Pacifique et par l’Asie, se désintéressent un jour de l’Europe, …
… qui serait bien inspirée de compter davantage sur elle-même, et cela dès aujourd’hui, si elle veut exister encore dans la nouvelle géographie des puissances et rester un pôle dans le monde multipolaire de demain.
Si l’atome était périmé, comme l’a affirmé Mme Demessine, la Chine ne développerait pas son arsenal !
Bien que les rapporteurs pour avis au titre du programme 146, MM. Pintat et Boulaud, estiment, à juste titre d’ailleurs, qu’il n’existe aucune contradiction entre le maintien de notre dissuasion à un format de stricte suffisance et le soutien aux efforts de désarmement et de lutte contre la prolifération, on peut craindre l’effet médiatique de campagnes confondant la perspective, en tout état de cause lointaine, d’un monde exempt d’armes nucléaires et la réalité des arsenaux, tels qu’ils existent ou se développent dans des pays comme la Chine, l’Inde ou le Pakistan, sans parler des risques de prolifération avérés, comme en Corée du Nord, ou probables, comme en Iran.
Ces campagnes médiatiques, orchestrées à partir des États-Unis, souvent sur l’initiative d’anciens responsables comme MM. Kissinger, Schultz, Perry ou Sam Nun, qui sont, en fait, des réalistes, très conscients de la supériorité conventionnelle américaine, rencontrent en Europe un écho surprenant. La défense européenne n’existera jamais, je le répète, si l’Europe doit s’en remettre aux États-Unis du soin d’assurer la veille nucléaire dans l’attente d’un jour, forcément éloigné, où les armes nucléaires auraient disparu. On peut s’étonner de voir deux anciens Premiers ministres français, MM. Juppé et Rocard, cautionner cette politique d’illusions.
La vérité est que la France risque d’être isolée en Europe par la conjonction du réalisme américain et du pacifisme européen. On ne peut qu’être surpris de voir que le poste de Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Union européenne a été confié à une militante antinucléaire, Mme Catherine Ashton. Le risque est grand que les pays européens, par pacifisme ou par inféodation, se tournent vers un système de défense antimissile américain, éventuellement dans le cadre de l’OTAN, censé les dispenser de réfléchir aux moyens d’une dissuasion efficace.
Certes, le président Obama vient de renoncer au déploiement d’un système antimissile sur les sites tchèque et polonais. Mais le secrétaire d’État américain à la défense, M. Gates, vient de proposer, les 22 et 23 octobre dernier, à Bratislava, un système adapté, à partir d’une révision en baisse de la menace iranienne. Il s’agit de mettre en place, par étapes successives jusqu’à la décennie 2020-2030, des capacités antimissiles maritimes et terrestres, dites « de théâtre. »
Un tel déploiement serait extrêmement coûteux et incompatible avec les moyens dont nous disposons, sauf à remettre en cause ceux que nous consacrons à la dissuasion, comme l’a souligné le président de Rohan. Il ne nous garantirait d’ailleurs pas une protection sûre à 100%. Enfin, pour des raisons de délais de réaction aisées à comprendre, la décision serait forcément américaine.
Le prochain sommet de l’OTAN à Lisbonne sera l’occasion de pousser ce projet. Il est malheureusement fort à craindre que nos .partenaires européens ne soient tentés de troquer la sécurité que leur assurent des armes nucléaires, qui sont des armes de non-emploi, contre la protection, beaucoup plus aléatoire, d’un bouclier antimissile américain, plus ou moins troué, dont on ne sait plus très bien contre qui, en fait, il est véritablement dirigé.
Avant toute décision sur le « nouveau concept » de l’OTAN, il serait raisonnable de définir plus précisément la menace balistique qui pèse réellement sur l’Europe et d’informer plus complètement le Parlement, comme l’a demandé M. de Rohan.
Ne sacrifions pas notre autonomie de décision. Il vaut mieux s’en tenir à l’acquisition par la France d’une capacité de détection et d’alerte avancée qui lui soit propre. Toute coopération prétendument « européenne » dans le cadre de l’OTAN nous entraînerait dans un engrenage. Je ne crois pas à l’argument selon lequel nous ne saurions nous priver de participer à cette entreprise, au prétexte des retombées technologiques – en vérité, tout à fait aléatoires – qu’elle comporterait.
Monsieur le ministre, des choix majeurs vont se préciser à des échéances proches. C’est sur eux que, pour finir, je veux attirer votre attention. Vous n’êtes d’ailleurs pas insensible à plusieurs de ces considérations. Le pouvoir politique porte une grande responsabilité dans ces domaines très techniques, qu’une opinion publique facilement manipulable, au nom des bons sentiments, ignore inévitablement.
Ne sacrifions pas aux modes importées l’effort réalisé depuis un demi-siècle pour doter la France d’une dissuasion efficace et ne laissons pas s’étioler le consensus qui s’est dégagé sur cette dernière, inséparable de notre indépendance.
Plus que jamais, le bon sens populaire peut comprendre le sens d’un vieux proverbe : « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». La sagesse comme l’intérêt de la France commandent d’adapter notre posture aux réalités et non pas aux rêves, fussent-ils tissés de choses désirables. Cette posture simple est la mieux à même de garantir sur le long terme la sécurité et la paix de l’Europe.
Comment cette dernière pourrait-elle faire entendre sa voix dans les affaires du monde si nous laissions s’éteindre notre autonomie de décision et les capacités dissuasives de la France au service de la paix ?
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et de l ’ Union centriste. – M. Charles Pasqua applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, messieurs les rapporteurs spéciaux, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, après le Livre blanc, puis la loi de programmation militaire, nous avons redéfini ensemble les contours de notre outil de défense dans ses dimensions capacitaires, industrielles et organiques, animés par le souci constant de veiller à la cohérence de nos choix par rapport à la situation des finances publiques.
La crise économique mondiale, dont l’ampleur s’est révélée à l’automne 2008, a interféré dans ce débat puisque nous avons ensemble modifié cette loi de programmation militaire afin d’y transcrire la contribution décisive de la défense au plan de relance de l’économie.
Nous sommes au cœur de la réforme et le projet de budget pour 2010 en constitue un outil décisif. Ce budget est rigoureusement conforme à la loi de programmation. Il met en place les crédits que la loi de programmation prévoit et il finance la réforme que cette même loi de programmation décrit.
En 2010, la défense bénéficiera d’un budget total d’un peu de plus de 39 milliards d’euros, dont 7 milliards d’euros de pension, c’est-à-dire, monsieur Chevènement, 2 % du PIB. Ce montant se décompose en plusieurs sources de financement.
Les crédits de la mission « Défense » stricto sensu s’élèvent, hors pensions, à 30, 12 milliards d’euros. Après prise en compte de l’inflation et retraitement des modifications de périmètre, ils correspondent au montant prévu par la loi de programmation militaire en euros constants : 29, 65 milliards d’euros.
En revanche, comme l’ont relevé MM. Trucy et Guené, avec la précision que nous leur connaissons, ce montant est en effet inférieur de 600 millions d’euros à celui qui était prévu par le budget triennal et qui reposait sur des hypothèses d’inflation n’ayant pas anticipé la désinflation observée en 2009. Je vous rappelle que la prévision initiale d’inflation s’établissait à 2 %, alors que la prévision révisée s’élève à 0, 4 %.
Les crédits de la mission « Plan de relance de l’économie » fléchés pour la défense s’élèveront à 770 millions d’euros en 2010, après avoir représenté 985 millions d’euros en 2009.
Je dois souligner la très bonne exécution du plan de relance pour les investissements qui nous ont été confiés : nous atteindrons 100 % des objectifs fixés, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement et nous réaliserons près de la moitié des investissements directs de l’État au titre du plan de relance, soit environ 1, 8 milliard d’euros.
Vous avez pu constater, si vous vous êtes rendu sur place, que la commande de véhicules blindés de combat d’infanterie, les VBCI, est directement liée au plan de relance.
Monsieur Boulaud, les remboursements échelonnés des crédits de la relance ont déjà été transcrits par voie d’amendement lors de la discussion de la loi de programmation militaire. Il n’y a donc plus rien à rembourser par rapport aux annuités que vous avez votées.
De plus, la relance se solde par un gain net de 1 milliard d’euros sur la durée de la loi de programmation militaire. C’est donc une bonne opération pour l’équipement de nos forces et pour l’industrie.
Enfin, nous disposerons de près de 1, 3 milliard d’euros de recettes exceptionnelles en 2010 : 700 millions d’euros sur des cessions d’actifs immobiliers à Paris et en province, …
… Auxquels s’ajoutent 600 millions d’euros au titre de la cession des fréquences et de l’usufruit des satellites de télécommunication.
Pour ce qui concerne l’immobilier, nous avons déjà obtenu plus de 400 millions d’euros de recettes en 2009. Plusieurs dossiers sont en cours de négociation en région parisienne – ainsi, ce matin, j’ai signé la cession du fort d’Issy-les-Moulineaux, pour un montant de 60 millions d’euros – comme en province.
Monsieur Trucy, la discussion avec la Caisse des dépôts et consignations et la SOVAFIM sur un bloc important d’actifs parisiens est très intense et n’est pas encore achevée. Je ne peux pas vous garantir qu’un accord sera trouvé avant la fin de l’année, car il s’agit de négociations très techniques, où chacun défend ses intérêts, de manière tout à fait légitime. Éric Woerth et moi-même restons très fermes sur la préservation des intérêts financiers de l’État ; nous ne voulons pas que se reproduise ce que nous avons connu lors d’autres opérations.
Monsieur Boulaud, je vous rappelle que l’Hôtel de la marine ne sera pas vendu par l’État. Nous nous orientons vers une location de longue durée au terme d’une mise en concurrence qui présentera, bien entendu, toutes garanties de quant à la préservation du patrimoine et à la valorisation de cet actif prestigieux.
Pour ce qui concerne les fréquences, le processus, qui dépend de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, a pris du retard. La cession des bandes de fréquence FELIN et RUBIS interviendra après l’attribution de la quatrième licence. Nous percevrons donc des recettes à ce titre non pas en 2009, mais probablement à la fin de l’année 2010.
Parallèlement, nous prévoyons une recette provenant de la cession de l’usufruit des satellites de télécommunication. Un article du projet de loi de finances apporte les garanties juridiques nécessaires à la continuité de la mission de service public assurée par ces satellites. Monsieur Pintat, je vous remercie d’avoir souligné l’intérêt économique que peut présenter cette opération.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’encaissement tardif d’une partie des recettes immobilières et le décalage d’une année des recettes de fréquence évoquées par la plupart d’entre vous n’auront pas de conséquence sur la gestion de 2009, car nous avons obtenu des mesures de trésorerie sous la forme d’autorisations de consommer nos crédits de report à hauteur de 500 millions d’euros en début d’année et de 400 millions d’euros au mois de juillet. Cela signifie donc que l’ensemble des opérations d’infrastructures et d’équipement ont pu être financées.
L’essentiel est bien que les crédits seront disponibles pour 2010, quelle que soit leur origine.
Pour le financement des OPEX, le budget 2010 prévoit une provision de 570 millions d’euros, contre 510 millions d’euros en 2009, pour une dépense estimée à 873 millions d’euros en 2009 et environ 800 millions d’euros pour 2010. Nous devrions donc atteindre une budgétisation initiale de 70 % du montant de la dépense, chiffre jamais égalé dans toute l’histoire de la Ve République.
Monsieur Trucy, monsieur Guené, je peux vous confirmer que nous mettrons fin à la regrettable pratique du financement du reliquat sur les crédits d’équipement, car le projet de loi de finances rectificative procède bien à l’ouverture des crédits d’équipement annulés par le décret d’avances et ces crédits sont bien gagés sur d’autres missions, conformément au souhait exprimé par la commission des finances le 29 octobre dernier.
Autrement dit, pour la première fois depuis que nous conduisons des OPEX, la totalité des crédits sera accordée au ministère de la défense pour leur financement, sans aucune annulation de crédits d’équipement.
Plusieurs orateurs, notamment MM. Dulait et Chevènement, ainsi que Mme Demessine, m’ont interrogé sur l’impact financier de notre réintégration pleine et entière au commandement de l’OTAN. Les choses sont simples : nos effectifs passeront de 250 en 2008 à plus de 1 000 en 2014, avec un objectif intermédiaire de 900 en 2010. Cela entraîne un surcoût de masse salariale de 20 millions d’euros en 2010, et un surcoût annuel de 70 millions d’euros au terme de la montée en puissance.
Sur les six années de cette montée en puissance, de 2010 à 2015, la totalité du coût est estimée à environ 540 millions d’euros, auxquels il faudra ajouter des mesures d’accompagnement – santé, école, logement – en fonction des situations particulières. Le financement de la masse salariale correspondante sera garanti, au besoin par des crédits nouveaux.
S’agissant du concept stratégique de l’OTAN, que vous avez évoqué, monsieur le président de la commission, les travaux sont en cours. Vous avez cité le groupe d’experts présidé par Madeleine Albright. Le général Abrial, à la tête de l’ACT, sera lui aussi chargé de travailler sur ce sujet. De nombreuses réunions sont prévues entre les ministres de la défense et les ministres des affaires étrangères de l’Alliance atlantique. Les débats commenceront à être réellement nourris au début de l’année prochaine.
Si vous le souhaitez, je me rendrai devant votre commission pour évoquer ces questions, dès lors que nous aurons progressé dans nos travaux. L’objectif demeure que le nouveau concept stratégique de l’OTAN soit élaboré pour le sommet de Lisbonne, qui se tiendra à la fin de l’année 2010.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà de la diversification des ressources, les choix budgétaires du ministère sont le reflet des grandes orientations de la réforme, que M. Dulait a évoquées : gains d’effectifs, principalement dans l’administration générale et le soutien, grâce aux réorganisations territoriales et fonctionnelles ; redéploiement des économies au profit de la condition du personnel et de l’effort d’équipement.
Comme en 2009, la masse salariale sera stabilisée à hauteur de 11, 7 milliards d’euros. Cette stabilisation en valeur est obtenue grâce aux économies liées à la suppression de plus 8 000 emplois, qui permet de financer à la fois un effort catégoriel de 114 millions d’euros et des mesures nouvelles du plan d’accompagnement des restructurations, pour un montant de 40 millions d’euros.
En un peu plus de trois ans, nous aurons donné suite à la totalité des conclusions du rapport du haut comité d’évaluation de la condition militaire. Ce rapport, rendu public en février 2007, avait clairement démontré que les fonctionnaires en tenue bénéficiaient d’avantages salariaux par rapport aux militaires. Le repyramidage de l’ensemble de la catégorie, préconisé dans ce rapport, sera réalisé en trois ans et demi, ce qui constitue un effort sans précédent. Un seul exemple : les mesures d’amélioration de la condition militaire prévues par la précédente loi de programmation militaire se montaient en moyenne à 60 millions d’euros et elles seront de plus de 100 millions d’euros en 2010.
S’agissant des civils, l’enveloppe catégorielle d’un montant de 15 millions d’euros permettra notamment de réduire l’écart entre services déconcentrés et administration centrale, entre filière technique et filière administrative, et de poursuivre la mise en place de la rémunération liée aux résultats.
Parallèlement, et comme de nombreux orateurs l’ont remarqué, notamment M. Jacques Gautier, que je remercie de son soutien, notre effort d’équipement demeurera considérable et bénéficiera de l’essentiel des moyens nouveaux. Notre armée est en train de renouveler la majorité de ses matériels majeurs tout en s’engageant dans le lancement de nouveaux programmes, définis par le Livre blanc.
L’année 2009 sera une année historique. Les crédits d’équipement ont en effet atteint un niveau exceptionnel puisque 18 milliards d’euros auront été consommés à ce titre. Pour 2010, l’objectif est d’y consacrer 17 milliards d’euros. Nous atteignons ainsi des montants totalement inédits ; je vous rappelle que les crédits d’équipement inscrits dans la loi de programmation militaire précédente se montaient en moyenne à 15 milliards d’euros.
Cet effort financier sans précédent a des conséquences tangibles sur le terrain. C’est évidemment le cas sur des théâtres très exposés comme l’Afghanistan, où les procédures d’urgence opérationnelle ont permis d’équiper nos forces à des niveaux pleinement satisfaisants.
J’en profite, monsieur le président de la commission, pour répondre à la question que vous m’avez posée tout à l’heure au sujet de nos conversations avec les Américains. Jeudi dernier, je me suis entretenu au téléphone avec mon homologue américain, Robert Gates, qui a évoqué avec moi les travaux que menait le président Obama concernant le renforcement des moyens militaires en Afghanistan. Cela fera l’objet d’une annonce dans la nuit de mardi à mercredi. Bien entendu, les Américains peuvent estimer que, pour répondre à des besoins ponctuels, il est nécessaire d’accroître l’effort militaire dans un certain nombre de zones, mais, à mon sens, il ne saurait y avoir de solution purement militaire. Parallèlement aux efforts militaires visant à assurer la sécurité et la stabilité de telle ou telle vallée ou de telle ou telle zone, nous devons impérativement promouvoir les aides à l’équipement, à la construction et au développement.
La population afghane doit clairement percevoir que, à mesure que sa sécurité s’améliore, des ponts, des routes et des écoles sont construits.
Donc, si la France était amenée à faire un effort supplémentaire, …
… question que le Président de la République examinera le moment venu, l’Élysée ayant fait savoir qu’il fallait attendre que la conférence sur l’Afghanistan qui aura lieu au moins de janvier à Londres en ait débattu, cet effort, donc, devrait porter non pas sur les moyens militaires stricto sensu, mais sur la formation de la police et de l’armée et sur l’aide au développement.
Le jour où l’Afghanistan sera doté d’une armée, d’une police, d’une justice et d’institutions renouvelées, alors, nous pourrons considérer que le temps sera venu pour nous de quitter ce pays.
Je le répète, les efforts de la coalition doivent se concentrer sur l’aide au développement, la formation et la construction de l’État afghan.
M. Carrère a souligné le caractère globalement satisfaisant des indicateurs d’activité en les comparant à ceux des armées étrangères similaires.
Sourires
Nous devons être particulièrement attentifs aux conditions d’entraînement et d’activité, car c’est ce qui détermine le moral et l’efficacité d’une armée.
En termes de maintenance de taux de disponibilité, nous comptons parmi les meilleurs « élèves ».
Monsieur Trucy, je vous confirme que l’armée de terre, conformément au Livre blanc, est en capacité de projeter 45 000 hommes équipés et entraînés, à raison de 10 000 hommes sur le territoire national, 5 000 hommes au titre de force de réaction autonome et 30 000 hommes au titre de son contrat le plus exigeant, et que le réservoir de forces projetables ne permet pas d’envisager une augmentation de ces contrats.
Je ne détaillerai pas la question des commandes, car M. Masseret et d’autres orateurs l’ont fait de manière précise. Cela étant, madame Demessine, autant je ne partage pas votre perception de la question nucléaire, autant je partage largement celle de M. Chevènement. En la matière, la France peut s’enorgueillir d’un bilan exemplaire et nous pouvons parler sans rougir avec les puissances appelant au désarmement nucléaire.
Avec le Royaume-Uni, nous avons été le premier État à signer et à ratifier le traité d’interdiction des essais nucléaires. Nous avons été le premier État à décider la fermeture et le démantèlement de nos installations de production de matières fissiles. Nous sommes le seul État doté d’armes nucléaires à avoir démantelé la totalité de nos missiles nucléaires sol-sol, qui étaient installés sur le plateau d’Albion. Nous avons été le seul État à avoir réduit volontairement d’un tiers le nombre de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins.
Dans son discours de Cherbourg, le Président de la République a annoncé la réduction d’un tiers de la composante aéroportée. Ainsi, la France disposera à terme d’environ 300 têtes nucléaires.
Attention, le Président de la République se trompe souvent dans les chiffres !
Au cours de ce même discours, le Président de la République a proposé à la communauté internationale un plan d’action en huit points : la ratification universelle du traité d’interdiction complète des essais ; le démantèlement de tous les sites d’essais nucléaires ; l’ouverture sans délai d’une négociation d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles ; la mise en place d’un moratoire immédiat sur la production de ces matières ; l’ouverture de négociations sur un traité interdisant les missiles sol-sol de portée courte et intermédiaire ; l’adhésion et la mise en œuvre par tous du code de conduite de La Haye contre la prolifération ; enfin, une mobilisation dans tous les domaines du désarmement.
La France a une doctrine, celle de la stricte suffisance. À ce titre, il est louable de discuter et d’évoquer le désarmement nucléaire, mais il faut le faire sans naïveté, en ayant à l’esprit que la France a déjà réalisé un effort considérable en la matière et qu’il appartient aux autres de suivre son exemple.
Monsieur Jacques Gautier, s’agissant des drones, un quatrième système SIDM sera acquis avant la fin de l’année avec pour objectif une livraison en juin 2010 et les réparations du véhicule accidenté seront lancées dès que les expertises en cours seront terminées. Vous l’avez souligné, le DRAC rencontre des difficultés opérationnelles qui le rendent difficilement utilisable en Afghanistan.
Comme M. Pintat, vous avez regretté le montant insuffisant des crédits consacrés au drone MALE futur dans la loi de programmation militaire, mais je vous précise que notre référentiel prévoit une commande ferme en 2015, avec un montant d’autorisations d’engagement substantiel. Il m’appartiendra, dans les mois qui viennent, de fixer les premières orientations. Celles-ci, que j’ai évoquées avec mon nouvel homologue allemand, pourraient être communes à celles qu’aura définies la Bundeswehr.
Monsieur Reiner, le calendrier du programme MRTT est toujours le même : choix d’une stratégie d’acquisition au cours de 2010 en vue d’une commande à la fin de 2011. Quant au missile de moyenne portée successeur du MILAN, l’achat en urgence d’un équipement mieux adapté aux contraintes du théâtre afghan ne nous interdit pas de réfléchir à une solution différente pour le moyen terme. C’est ce j’ai indiqué à MBDA.
MM. Pozzo di Borgo et Pintat ont évoqué l’A400M : je souhaite que ce projet industriel majeur pour l’industrie européenne de défense se poursuive. J’y consacre beaucoup d’énergie et je m’en suis d’ailleurs entretenu de nouveau avec mon homologue allemand la semaine dernière. J’ai bon espoir que nous puissions conclure la négociation avec EADS avant la fin de l’année. Ne nous voilons pas la face : ce programme connaîtra des surcoûts. Mais quel programme d’équipement militaire ne subit pas de surcoûts ? Tous ces programmes, compte tenu des sauts technologiques considérables, entraînent des surcoûts. Malgré tout, cet avion demeure extrêmement compétitif compte tenu de ses capacités d’emport et de sa polyvalence tactique et stratégique.
Les restructurations territoriales porteront sur une cinquantaine de sites en 2010, après en avoir concerné une trentaine en 2009. Nous les mènerons avec responsabilité et souplesse à l’égard tant de nos personnels civils et militaires que de nos territoires.
Comme l’ont souligné de nombreux orateurs, nous entamerons une nouvelle phase, avec le déploiement de dix-huit bases de défense pilotes au 1er janvier 2010. Les résultats des premières expérimentations, qui ont porté sur onze bases de défense, sont extrêmement positifs.
De nombreuses opportunités d’économies, monsieur Carrère, monsieur Dulait, se sont fait jour grâce à la mutualisation des capacités d’hébergement, des achats, des infrastructures, de la maintenance, du soutien, même si nous ne pouvons pas encore les chiffrer précisément. Toutefois, nous pouvons d’ores et déjà estimer que les expériences conduites en 2009 ont permis de libérer 300 postes et que, à terme, nous enregistrerons de nombreux gains d’effectifs dans la chaîne fonctionnelle ressources humaines et finances.
Ces économies seront rendues possibles grâce à la construction de bases de défense. Leur nombre sera réduit parce que ces bases doivent avoir une taille critique afin de dégager des volumes significatifsd’économies.
Monsieur Trucy, le contrat d’objectifs et de moyens de l’EPIDE prévoit une consolidation du dispositif afin de lui permettre de stabiliser son mode de fonctionnement au service de l’insertion des jeunes en difficulté. Au-delà de 2011 rien n’est figé : les ministères de tutelle fixeront des orientations au vu de l’exécution du contrat.
Monsieur Boulaud, en ce qui concerne le regroupement de l’administration centrale à Balard, à l’exception des coûts de démolition des infrastructures non protégées actuellement présentes sur l’emprise, et qu’il aurait fallu financer quelle que soit la stratégie de valorisation du site, le projet ne pèse pas sur la loi de programmation militaire puisque le premier loyer sera versé au plus tôt à la livraison des nouveaux locaux, soit en 2014. La pertinence économique du projet reste totalement d’actualité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le constater, les efforts demandés au ministère de la défense sont importants. Le travail est immense. Beaucoup de curseurs bougent en même temps. Il nous appartient d’être très attentifs aux interrogations et aux inquiétudes exprimées par les acteurs de la réforme dans ses différentes composantes.
Monsieur le président de la commission des affaires étrangères et de la défense, cette réforme nationale majeure ne doit pas émousser notre volonté de construire l’Europe de la défense.
On a parfois le sentiment que l’Europe de la défense n’est pas portée avec la même vigueur par l’ensemble des vingt-sept pays membres de l’Union européenne. Pourtant, il y a des messages positifs, comme l’opération Atalante, conduite dans le golfe d’Aden, où les Européens ont été en pointe d’une opération majeure pour assurer la sécurité du trafic international.
Aujourd'hui, les Européens sont aussi leaders pour assurer la formation des premiers éléments de sécurité en Somalie. Il s’agit de traiter non plus les conséquences de la piraterie, mais ses causes. À cette fin, il faut restaurer un État en Somalie.
Réjouissons-nous de ces beaux messages d’espoir, des progrès qui ont été accomplis, même s’ils restent, je le concède, insuffisants au regard de la capacité industrielle, de la coopération et des programmes de recherche communs dont nous avons absolument besoin.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à un échange de questions, de réponses et de répliques.
Je tiens à vous rappeler que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente. Pour lui répondre, le ministre dispose également de deux minutes trente. L’auteur de la question dispose enfin, s’il le souhaite, d’une minute pour la réplique.
La parole est à M. Michel Billout.
Monsieur le ministre, dans un récent entretien accordé à un journal canadien, le secrétaire général de l’OTAN évoquait les grands défis auxquels l’Alliance atlantique aurait à faire face dans les années à venir.
À ce titre, il citait notamment l’Arctique, région dans laquelle les enjeux sont à la fois environnementaux, économiques et stratégiques.
Les enjeux sont d’abord économiques. À cause des richesses minérales potentielles que recèlent ses fonds marins, l’Arctique suscite de nombreuses convoitises, entre autres chez les pays riverains.
Les enjeux sont également stratégiques, car se posera bientôt la question de l’utilisation et du contrôle international des nouvelles voies navigables ouvertes par la fonte des glaces.
L’accès aux ressources énergétiques est lourd de risques de confrontation entre les États riverains, dont, excepté la Russie, quatre pays – les États-Unis, le Canada, la Norvège et le Danemark – sont membres de l’OTAN.
Les États-Unis ont déclaré en janvier 2009 qu’ils avaient « des intérêts de sécurité nationale dans la région de l’Arctique et qu’ils étaient disposés à agir indépendamment, ou en conjonction avec d’autres États, pour protéger ces intérêts ». Quand on connaît l’influence prépondérante de l’administration américaine dans l’Alliance, on peut nourrir quelques inquiétudes.
La Russie, de son côté, mène une politique de militarisation de cette zone, en réponse ou en parallèle à celles qui sont conduites par le Canada, le Danemark et la Norvège.
Enfin, gardons à l’esprit que l’Arctique demeure un banc d’essai de l’armement nucléaire.
Certes, notre pays n’est pas un État riverain, et à ce titre nous pourrions ne pas nous sentir directement concernés. Mais nous avons pourtant notre mot à dire, car depuis notre réintégration dans le commandement militaire de l’OTAN, nous sommes en principe partie prenante des grandes orientations stratégiques de l’Organisation, lesquelles peuvent à terme avoir des conséquences importantes sur les crédits de la mission « Défense » de notre pays.
Monsieur le ministre, je souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur la dangereuse militarisation de la région arctique.
Monsieur le sénateur, la zone arctique est depuis longtemps une zone militaire stratégique du fait de sa position centrale entre la Russie, l’Europe et l’Amérique du Nord.
Sous l’effet du réchauffement climatique, qui entraîne une fonte accélérée des glaces, le Grand Nord se transforme et de nouveaux enjeux stratégiques apparaissent dans les secteurs non militaires, notamment du fait de l’ouverture de nouvelles voies navigables, de l’accès à des zones de pêche peu exploitées ou de l’immense richesse supposée que pourraient receler ses fonds.
Il existe aujourd’hui un cadre institutionnel, le Conseil Arctique, et un cadre juridique, la convention des Nations unies pour le droit de la mer, qui permettent d’examiner l’éventail des questions arctiques. Cependant, rien ne permet actuellement de traiter de manière multilatérale les questions spécifiques de sécurité dans la zone.
Vous avez rappelé la position de la Russie et des États-Unis. Nous considérons que le conseil OTAN-Russie peut être un des instruments adaptés pour amener la Russie à préciser ses intentions à moyen et à long terme et à rechercher, avec les forces occidentales, les voies d’un dialogue, d’une collaboration voire d’une coopération sur ce sujet.
Je vais revenir sur l’Europe de la défense, préoccupation majeure de la commission des affaires étrangères.
L’actualité du moment invite à agir. Le traité de Lisbonne vient, enfin, d’être ratifié. La France a décidé de réintégrer le commandement militaire de l’OTAN. La contrepartie, c’est le pilier européen de la défense.
Des forces militaires européennes sont aujourd’hui engagées sur de nombreux théâtres d’opérations extérieures. Parfois confrontées à des combats difficiles, elles doivent disposer d’un matériel efficace et performant. Nous avons donc besoin, pour les approvisionner, d’une industrie de l’armement elle aussi performante, et c’est en outre le gage de l’autonomie de la défense européenne.
Il faut, bien entendu, trouver la bonne dimension. Au regard des difficultés financières que connaissent les pays européens et de l’engagement insuffisant de certains États, à l’exception de quelques pays, dont la France et la Grande-Bretagne, la mutualisation paraît essentielle. La coopération favorisera l’intégration des industries de l’armement et la construction de matériels communs. Il faut que les industries trouvent un intérêt à coopérer.
Or la réalité observée a de quoi rendre pessimiste. Les programmes de coopération en matière d’armement sont déjà anciens. Dans les cinq dernières années, aucun programme nouveau majeur n’a été lancé en coopération. Les programmes actuels rencontrent des difficultés, et c’est un euphémisme. Il suffit voir ce qui se passe pour l’A400M On voit apparaître des achats « sur étagères », hors d’Europe.
L’Agence européenne de défense illustre ces difficultés. Son budget est plus que symbolique. Elle ne propose pratiquement pas de projets dans son catalogue. Bref, les pays européens ont tendance, soit à regarder ailleurs, soit à nationaliser leur politique industrielle.
Il s’agit bien évidemment d’une politique à courte vue, vouée à l’échec. Agir ainsi, c’est accumuler les retards technologiques. À terme, ce serait catastrophique. Il resterait alors un seul fournisseur d’armes occidental, chacun l’a compris et chacun sait de qui il s’agirait.
Nous devons donc impulser la relance dans ce domaine, et c’est même un impératif absolu. La France a toujours été pionnière en matière de construction européenne. Elle a un rôle à jouer. Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de jouer ce rôle ?
La France a en effet un rôle à jouer, mais elle ne peut pas le jouer seule. Il doit être l’expression d’une volonté commune et partagée. On ne peut pas être européen à la place des autres.
Je vous trouve assez sévère avec l’Agence européenne de défense.
Je reconnais que, depuis sa création, en 2004, l’Agence européenne de défense n’a pas vraiment eu de grain à moudre. Mais, durant la présidence française de l’Union européenne, nous avons lancé de nombreux programmes, notamment en matière de recherche. Aujourd’hui, l’Agence a un vrai plan de travail pour les années à venir.
Ainsi, Musis est le futur programme d’observation satellitaire : voilà un bel exemple de la coopération militaire européenne. De nouveaux pays ont adhéré à ce programme. C’est le cas de la Pologne ou encore de la Grèce, pays dans lequel j’étais la semaine dernière. L’Agence européenne de défense est chargée du segment sol de ce programme.
Nous allons, par ailleurs, lancer un programme d’hélicoptère lourd, créneau sur lequel l’industrie européenne fait aujourd'hui apparaître de grandes faiblesses.
Nous avons en outre engagé des programmes sur les radiofréquences, sur la protection des forces, sur l’insertion des drones dans l’espace aérien. Bref, depuis quelques mois, l’Agence européenne de défense s’est vu confier la réalisation de nouvelles missions. Bien sûr, on peut toujours considérer que ce n’est pas suffisant, mais l’édification d’une industrie européenne de défense, d’une capacité de production européenne, que nous appelons tous de nos vœux, peut se faire de trois façons.
Premièrement : on intervient très en amont en lançant des programmes de recherche.
Deuxièmement : on met en oeuvre des programmes en commun, avec toutes les difficultés inhérentes à de telles opérations, comme nous le constatons aujourd’hui avec l’A400M.
Troisièmement : pour avoir encore des fournisseurs européens, il faut construire de grands groupes de taille européenne grâce à des partenariats croisés, à des échanges capitalistiques, à la constitution de joint ventures. J’encourage vivement les industriels à s’engager dans cette voie.
Le budget de la défense nous donne la capacité d’être le pivot, le leader de la restructuration industrielle européenne. J’espère que les industries françaises pourront nouer des partenariats stratégiques qui nous permettront de mener ces programmes ensemble.
Monsieur le ministre, permettez-moi de reprendre à mon compte une question qui a été soulevée par M. André Dulait et qui est restée sans réponse.
Elle porte sur les dépenses supplémentaires induites par notre participation pleine et entière aux structures de commandement de l’OTAN, au titre de notre contribution à tous les budgets de l’Organisation, des compléments de rémunérations des personnels qui y seront affectés ou des mesures d’accompagnement.
J’observe que les estimations ont été revues à la hausse au fil des mois, pour s’adapter aux effectifs que nous allons finalement fournir à l’OTAN. On évoque aujourd’hui un montant cumulé d’environ 650 millions d’euros sur six ans. Or il semble que cette dépense n’ait pas été provisionnée dans la loi de programmation. Il est vrai que la décision politique n’a été prise qu’au printemps dernier, soit plusieurs mois après l’élaboration du projet de loi. Mais cette option avait été sérieusement envisagée dès 2007, puis dans le Livre blanc.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles seront les incidences de cette charge supplémentaire sur la réalisation de la loi de programmation ? Il serait anormal que les objectifs en soient pénalisés.
Comment envisagez-vous d’absorber cette charge ? Est-il envisageable d’obtenir des financements complémentaires, qui ne seraient au demeurant que la traduction logique de la décision politique prise au début de l’année ?
Par ailleurs, à l’heure où les pays européens sont confrontés à des situations budgétaires difficiles, avec un grave risque d’affaiblissement de l’effort de défense, l’OTAN peine à se rationaliser. Ses implantations territoriales sont encore très nombreuses, et les effectifs des états-majors et des agences toujours considérables, pour ne pas dire pléthoriques.
Dans le même temps, les coûts dérivent, notamment pour les opérations d’investissement dans des capacités militaires collectives. La tendance ne ferait que s’accentuer si, comme le souhaitent certains partenaires, les financements communs de capacités collectives se généralisaient.
Je sais qu’il s’agit de l’une des préoccupations de la France. Monsieur le ministre, peut-on espérer insuffler l’esprit de la RGPP au sein de l’OTAN ? La France ou ses alliés font-ils des propositions en ce sens ? Cette question sera-t-elle sérieusement traitée ?
Au moment où l’OTAN révise son concept stratégique, elle devrait afficher des ambitions réalistes, en rapport avec ses moyens, et hiérarchiser ses priorités.
Monsieur de Rohan, je vous donnerai quelques précisions supplémentaires concernant l’OTAN.
Je vous confirme que, sur la période 2010-2015, le coût est estimé à 540 millions d’euros environ. Notre contribution financière au budget de fonctionnement et d’investissement de l’OTAN était de 119 millions d’euros en 2009 et s’élèvera à 138 millions d’euros en 2010. En année pleine, ce montant sera de 165 millions d’euros.
En ce qui concerne les dépenses d’investissement, la participation française au paquet « capacités OTAN » passera progressivement de 56 millions à 72 millions d’euros. Vous le savez, nous ne participons pas au paquet capacitaire qui a précédé notre réintégration dans le commandement militaire. Le surcoût en termes d’investissement est donc faible.
Il est évident que la question se poserait autrement si nous lancions de grands programmes d’investissement comme la construction d’un système de défense antimissile que Jean-Pierre Chevènement évoquait tout à l’heure. D’ailleurs, je l’ai dit à l’Assemblée nationale, je fais exactement la même analyse que lui, au mot près.
Sur la RGPP de l’OTAN, je « remets le couvert » à chaque réunion. Je ne suis pas le seul à défendre l’idée d’une refonte en profondeur de l’ensemble des structures de l’OTAN. Il existe en effet 312 comités et sous-comités, avec des effectifs de 15 000 à 16 000 personnes ! Au fil des ans, de nombreux organismes ont été mis en place, auxquels mes homologues ministres de la défense sont aussi attachés que les parlementaires à leur caserne… Nous retrouvons les mêmes réflexes au sein des pays de l’Alliance que lors d’un débat parlementaire, sur le maintien de telle ou telle unité militaire dans telle ou telle circonscription.
Nous devons mettre en place un réel contrôle politique sur les structures de l’alliance, pour qu’elles évoluent, soient rationalisées et réorganisées. Dans ce combat régulier et permanent, nous sommes soutenus essentiellement par deux pays, la Grande-Bretagne et les États-Unis.
Monsieur le ministre, lors de la présentation à Genève, le 12 novembre dernier, du rapport mondial des ONG sur la lutte contre les mines antipersonnel, l’association Handicap international a accusé notre pays de porter le « bonnet d’âne du financement de l’action contre les mines ».
Que répondre à de telles affirmations ? En clair, cette association prétend que nous aurions considérablement diminué notre aide dans ce domaine.
Alors que les financements internationaux ont atteint un niveau record cette année, il est vrai que nous avons été relégués au vingt-troisième rang mondial, ce qui, proportionnellement, nous place loin derrière l’Allemagne, la Grande Bretagne ou les Pays-Bas.
Je sais, monsieur le ministre, que la contribution de la France dans ce domaine ne se mesure pas uniquement en termes de subventions versées à des associations. Cette contribution est en effet diluée dans notre aide publique au développement ; au demeurant, celle-ci est elle-même en baisse.
En revanche, le ministère de la défense, grâce à l’expertise et aux compétences des personnels de l’arme du génie, joue un rôle important dans l’élimination de ces armes.
Puisque, conformément aux engagements internationaux que nous avons pris, notre programme de destruction des stocks de mines antipersonnel est maintenant terminé, je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, les actions que vous menez en matière de dépollution des terrains, de formation des démineurs, mais aussi de déminage humanitaire dans le cadre de nos opérations extérieures. Tout cela figure d’ailleurs dans les traités que nous devons honorer.
Monsieur le sénateur, je voudrais tout d’abord vous rappeler que, en matière de destruction des stocks de mines, les armées qui avaient débuté le démantèlement de leurs armes avant même l’entrée en vigueur de la convention l’ont achevé le 20 décembre 1999.
En matière de dépollution, le dernier chantier a été achevé en mai 2008. Nous avons donc consenti un énorme effort de destruction et de dépollution.
En application de la convention, la France conserve aujourd’hui un stock limité de 5 000 mines antipersonnel, non pas pour en faire un usage militaire, mais pour l’entraînement de ses démineurs et pour le développement des techniques de déminage ou des moyens de protection.
Par ailleurs, dois-je vous rappeler l’importance, à côté de l’apport financier, de la contribution humaine ? Vous avez fait référence à l’effort de nos militaires, de nos sapeurs, de nos hommes du génie, envoyés en permanence sur les théâtres d’opérations extérieures, notamment au Sud-Liban et dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie, afin de former les équipes de démineurs. Récemment, l’adjudant Travadon, un démineur du 13e régiment du génie du Valdahon, a perdu une main à la suite d’une opération de déminage au Liban.
Nous faisons donc, à travers nos soldats, un effort considérable et permanent, à la fois dans des opérations de déminage et dans la formation de personnels d’autres pays.
Enfin, le recul des financements que vous mettez en exergue doit être relativisé, car il existe un effet d’optique. En effet, la grande partie de l’aide française passe désormais par les canaux de l’Union européenne, au sein desquels l’action contre les mines n’est pas distinguée des autres actions humanitaires. Je précise que ces crédits ne dépendent pas directement du budget du ministère de la défense.
« Rigoureusement conforme à la loi de programmation militaire 2009-2014 », comme vous l’avez annoncé, monsieur le ministre, ce budget de la mission « Défense » serait donc l’expression concrète de la stratégie élaborée par la présidence de la République dans le Livre blanc sur la défense.
Concernant la restructuration en cours du ministère de la défense, je ne vois a priori rien de choquant, à l’heure où les finances de la France présentent un déficit abyssal, à ce que l’on cherche à mutualiser les moyens, à ce que l’on réexamine l’organisation territoriale et fonctionnelle des armées, à condition, bien sûr, que cela réponde à une stratégie claire et cohérente.
Laissons de côté les doutes que l’on peut avoir sur la sincérité de ce budget. L’expérience a montré que les prévisions de recettes exceptionnelles ne correspondent pas aux montants finalement récoltés. On sait aussi que le coût des opérations extérieures est, d’une façon chronique, sous-évalué. Enfin, nous restons dans l’expectative quant à la facture consécutive au retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, dont vous avez vous-même admis ne pas savoir exactement où elle pourrait nous mener…
Venons-en plutôt à votre stratégie.
Vous avez, au cours des derniers mois, déployé des trésors d’argumentation pour essayer de nous faire croire que le retour de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN allait permettre à notre pays de gagner en influence, que ce retour pourrait paradoxalement permettre à l’Europe de la défense de se développer de façon plus sûre. Il aura suffi de quelques mois pour vérifier qu’il n’en est rien.
D’ailleurs, en relisant votre intervention à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, j’ai été étonné de constater que, en l’absence d’interrogations des parlementaires, vous n’aviez pas spontanément évoqué cette question.
Vous venez de reconnaître que la France s’en remettait désormais entièrement à l’OTAN et aux États-Unis pour décider de la teneur des opérations militaires en Afghanistan, et, après nous avoir expliqué que l’effort ne serait pas augmenté en Afghanistan, vous opérez une sorte de retournement sur l’aile en disant qu’il pourrait finalement en aller autrement.
Vous nous dites également que c’est par le biais de l’Agence européenne de défense, en réalité dépourvue de moyens et d’objectifs, que nous pourrons contribuer à la construction de l’Europe de la défense.
Vous semblez gêné pour ce qui concerne la dissuasion nucléaire, en nous disant que la France a fait l’essentiel et qu’elle est un moteur et un modèle pour ses partenaires.
Il est temps de vous orienter vers votre conclusion, ma chère collègue.
En fait, les moyens considérables attribués à la dissuasion ne contribuent pas à nous protéger des menaces actuelles. Nos partenaires européens, qui le savent bien, sont plus gênés qu’enthousiastes, au grand dam de M. Chevènement, devant la prétention française à vouloir contribuer par ce biais à la sécurité de l’Union.
Monsieur le ministre, quels sont les points forts de votre stratégie ? Comment entendez-vous adapter le budget de la mission « Défense » aux réalités actuelles et à la dimension européenne que nous appelons de nos vœux ?
Comment pourrais-je répondre en deux minutes à vingt-cinq questions ? Je crois y avoir déjà répondu largement, que ce soit en commission ou tout à l'heure à la tribune.
La stratégie du ministère de la défense sur la structuration est extrêmement simple. C’est en demandant aux personnels de fournir un effort – et j’ai bien conscience qu’il est considérable – pour obtenir un format plus resserré que nous pourrons dégager des moyens suffisamment importants pour préserver notre indépendance et la sécurité du pays.
Je voudrais simplement signaler que l’effort d’équipement, qui était auparavant, en moyenne, de 15 milliards d’euros, sera de 18 milliards d’euros dans la loi de programmation actuelle. Cet effort de 3 milliards d’euros supplémentaires, qui est bien supérieur à l’inflation, nous permettra de maintenir une dissuasion indépendante, de demeurer leader en Europe, d’être un pays qui compte et qui est capable d’entraîner les Européens vers la construction d’une défense et d’une sécurité autonomes, à laquelle nous aspirons tous ensemble.
C’est parce que les Français seront exemplaires dans l’organisation, dans l’adaptation et dans la modernisation de leur outil de défense qu’ils pourront emporter la conviction des autres Européens et participer avec eux à cette belle aventure de la construction d’un système autonome, symbole de leur destin commun !
Monsieur le ministre, vous venez finalement de valider mon intuition : nous aurons à investir beaucoup pour assumer la décision de retour au sein du commandement intégré de l’OTAN.
Nous ne savons pas exactement quelle sera la teneur de notre engagement au niveau européen.
La France a choisi de soutenir la nomination de M. Van Rompuy au poste de président du Conseil européen, alors même que nous ne savons pas exactement quelles sont ses options en matière de politique étrangère et de sécurité.
Le choix de soutenir Mme Ashton au poste de Haut représentant pour la politique étrangère, alors qu’elle est dépourvue d’expérience sur ces questions et qu’elle ne s’est pas exprimée fortement pour dire quelles étaient ses positions, est un choix ambigu.
La dissuasion nucléaire française nous coûte plus de 3 milliards d’euros par an et n’a pas l’air de satisfaire la plupart de nos partenaires européens.
Ainsi, les grands axes de notre engagement dans la construction de la politique étrangère et de sécurité européenne ne me paraissent pas du tout stabilisés.
Le 10 juin dernier, l’agence de reconversion « Défense mobilité » a été créée. Ce dispositif est un élément essentiel de la reconversion. Aussi, les pôles régionaux de reconversion et les futures antennes locales ne doivent pas être considérés comme de simples bureaux pour l’emploi, car leur public est bien différent.
On ne peut que se féliciter de l’innovation que vous avez mise en place, monsieur le ministre, mais j’attire votre attention sur l’étape de « pré-reconversion », qui conditionne la reconversion tant professionnelle que sociale.
À ce titre, l’exemple du retour des vétérans américains âgés de trente ans qui sont passés par le centre de recherche de la santé militaire est éloquent : 300 000 vétérans présentent des symptômes de stress post-traumatique et des lésions cérébrales traumatiques, dont la prise en charge par l’État représenterait plusieurs milliards de dollars, et leur reconversion professionnelle se solde par des échecs.
Monsieur le ministre, nous ne sommes pas aux États-Unis, mais je souhaiterais savoir quels sont les protocoles mis en place pour les vétérans d’Afghanistan. Avons-nous des études sur ce sujet ? Ces vétérans sont jeunes. Leur expérience des théâtres d’opérations difficiles les a imprégnés de valeurs réelles telles que le dépassement de soi, la tolérance et le respect, valeurs qui manquent parfois cruellement à la société civile.
De quels moyens disposons-nous pour qu’ils puissent bénéficier d’un soutien psychologique et d’un accompagnement personnalisé afin non seulement de commencer une nouvelle carrière mais, surtout, de la réussir ?
Monsieur le sénateur, un dispositif de suivi et de soutien a été mis en place pour l’ensemble des militaires et pour toutes les opérations, dont l’Afghanistan. Le service de santé est chargé, au sein de mon ministère, de cette prise en charge, qui débute dès l’engagement et se poursuit pendant toute la période d’activité du militaire.
Soucieux de venir en aide aux militaires qui présenteraient une souffrance d’ordre psychologique au retour d’OPEX, le ministère de la défense a ensuite institué un ensemble complet de mesures de soutien et de prise en charge, s’articulant autour d’une surveillance permanente et d’une capacité d’intervention, en cas de besoin, par des médecins psychiatres qui peuvent rejoindre dans les plus brefs délais un théâtre d’opérations si cela se révèle nécessaire. Pour certains théâtres, d’ailleurs, comme l’Afghanistan, un médecin psychiatre est déployé en permanence au sein de la chaîne de soutien médical.
Les militaires bénéficient par ailleurs d’un dispositif de prise en charge, notamment par un suivi médical annuel réalisé par un médecin. À ce titre, tout militaire, à tout instant, spontanément ou par l’intermédiaire de son unité, peut être pris en charge dans l’un des neuf hôpitaux d’instruction des armées qui disposent d’un service de psychiatrie. Une fois qu’ils sont revenus dans le monde civil, un recours au sein de nos hôpitaux reste et demeure toujours possible.
Par ailleurs, l’Observatoire de la santé des vétérans a été créé en 2004 par Michèle Alliot-Marie pour répondre aux problèmes des vétérans et mener des enquêtes épidémiologiques permettant d’améliorer la prise en charge et le suivi médical des militaires.
Jusqu’à ce jour, nous n’avons pas encore d’enquête globale, mais c’est un sujet que nous suivons pour trouver en permanence des solutions adaptées.
Monsieur le ministre, nous travaillons en temps réel !
« Obama demande à Sarkozy 1 500 soldats supplémentaires en Afghanistan.
« Le président Barack Obama a demandé à Nicolas Sarkozy de renforcer de 1 500 hommes les effectifs français déployés en Afghanistan, lors d’une conversation téléphonique lundi 30 novembre. »…
… « Tout en exposant sa stratégie pour l’Afghanistan, le président américain a confirmé une demande formulée jeudi 26 novembre par la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, au ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner […].
« Au total, les Américains souhaitent que leurs alliés envoient environ 10 000 hommes supplémentaires, tandis que M. Obama augmenterait ses propres effectifs de 30 000 hommes […].
« La France dispose actuellement de 3 750 soldats déployés dans le conflit afghan, ainsi que de 150 gendarmes. Jusqu’à présent, elle avait expliqué qu’elle n’enverrait pas de soldats supplémentaires à Kaboul […]. »
En cohérence avec la position exprimée par le groupe socialiste le lundi 16 novembre ici même – je la rappelle : la « clarification des objectifs de l’intervention », le changement de méthode, la « définition, en lien avec les partenaires européens de la France dans la coalition internationale, d’une stratégie et d’un processus de sortie progressive d’Afghanistan » –, je vous interroge, monsieur le ministre : la France participera-t-elle au renforcement envisagé, et de quelle manière ? Quelle est la participation de la France à la prise de décision au sein de l’OTAN ? La France a-t-elle travaillé avec les Européens à l’élaboration d’une position commune ?
Je vais répéter pour la énième fois ce que j’ai déjà dit, monsieur le sénateur !
M. Jean-Louis Carrère. Pour avoir une chance de convaincre, il faut savoir pratiquer l’art de la répétition !
Sourires
J’ai expliqué tout à l’heure que la France avait effectué un effort considérable depuis deux ans – et si ce n’est pas aujourd’hui que je l’ai dit, c’était dans un débat précédent. Nous avons engagé plus de 1 000 hommes supplémentaires, dont 300 pour la formation de l’armée nationale afghane, et nous avons complété notre dispositif d’environ 700 hommes dans le district de Surobi et en Kapisa.
Je ne vous ai pas interrompu, monsieur le sénateur !
J’explique les choses !
Donc, la France soutient qu’elle a consenti un effort important depuis deux ans et que, en vertu de cet effort, elle n’a aucune intention d’augmenter ses effectifs.
En même temps, je l’ai indiqué tout à l’heure, elle se situe dans un cadre précis : elle considère qu’il n’y a pas de solution qui soit seulement militaire, qu’au contraire doit être menée concomitamment au retour de la sécurité et de la stabilité dans les districts et dans les vallées une action de développement, d’accompagnement à la population, de construction de ponts, de routes, d’écoles, permettant à la population afghane d’avoir confiance dans le lien qui l’unit aux forces de la coalition, alors qu’aujourd’hui elle se sent prise entre le marteau et l’enclume.
J’ai ajouté que, si, dans ce cadre, la France devait faire un effort, celui-ci devrait, selon moi, porter sur la formation de la police ou de l’armée, qui sont les institutions dont l’État afghan a besoin pour qu’un jour, en effet, nous soyons en état de considérer que le travail a été effectué et que nous pouvons nous désengager d’Afghanistan.
Voilà ce que je crois. Je pense qu’il n’y a pas de réponse seulement militaire à la situation actuelle.
La réponse est plus globale, elle passe par des efforts complémentaires en matière de formation et d’aide au développement.
M. Jean-Louis Carrère. Je suis un peu étonné de votre réponse, même s’il m’a été très agréable de la réentendre.
M. le ministre rit.
Je poursuis la lecture que j’ai commencée tout à l’heure : « Le ton a sensiblement changé. “Nous ne disons pas non à Obama, nous applaudissons à l’orientation qu’il s’apprête à annoncer et nous attendons la conférence du 28 janvier à Londres pour voir ce que les Afghans sont prêts à faire. Nous verrons comment faire pour compléter si nécessaire notre dispositif, notamment en matière de formation”, indique-t-on en haut lieu à Paris. »
Qu’est-ce que cela veut dire ? Ce sont des esquives, monsieur le ministre !
Le président de la commission, et je suis en accord avec lui, vous a demandé d’informer le plus rapidement possible le Parlement et ses différentes commissions, …
… et de discuter avec nous, en amont, pour déterminer la position de la France. Alors seulement, cela présenterait un véritable intérêt !
Et si vous ne voulez pas, monsieur le ministre, que je me répète encore et toujours, soyez aimable, répondez à nos questions !
Monsieur le ministre, nos armées sont présentes sur de nombreux théâtres d’opérations sur plusieurs continents, tant au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban, la FINUL, qu’au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité, la FIAS, et d’Enduring Freedom en Afghanistan, ou encore de la mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad, la MINURCAT.
Le professionnalisme et le comportement de nos soldats, notamment vis-à-vis des populations locales, sont exemplaires et salués par nos partenaires de l’Alliance. Il faudrait d’ailleurs, à cet égard, que notre pays en soit conscient et apporte tout son soutien à ses soldats en OPEX, réaffirmant la valeur de l’héroïsme qui est au cœur de l’usage de la force armée.
Si, en Afrique et au Liban, nos soldats assurent des missions dans un cadre francophone, il n’en demeure pas moins qu’au cours de ces missions multinationales ils sont amenés à collaborer avec des troupes étrangères.
Concernant les missions en Afghanistan, nos soldats bénéficient d’une formation préparatoire de six mois ainsi que, je le sais, d’un soutien solide de leur chef de corps, celui-ci veillant également à l’accompagnement des familles pendant l’absence. Chacun sait combien l’esprit de corps est nécessaire au moral des troupes, esprit de corps qui repose essentiellement sur l’unicité du commandement. Ce principe ne peut être remis en cause. Le chef commande et répond aux besoins de ses subordonnés.
En Afghanistan, les soldats se retrouvent dans un contexte culturel, linguistique, religieux très complexe. Cette préparation spécifique est nécessairement axée sur le développement de capacités physiques exceptionnelles et sur les fondamentaux du combat, mais pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur le contenu global de cette préparation ? Nos soldats reçoivent-ils en outre un enseignement sur les réalités de l’Afghanistan, de ses populations et de son histoire ?
Et si gagner le cœur des populations locales passe par la mise en place d’un volet « civilo-militaire », nos soldats doivent être en mesure de maîtriser quelques rudiments, sinon de pachtou, du moins d’anglais. Ces autres fondamentaux, monsieur le ministre, sont-ils pris en compte ? Certes, je le sais, tout cela a un coût. Celui-ci limite-t-il les moyens des régiments concernés ?
Madame la sénatrice, la préparation des unités est en effet, avant leur départ pour les théâtres d’opérations extérieures, un souci permanent.
Vous avez évoqué la mise en condition préparatoire. Il s’agit de la formation spécifique. Elle dure plusieurs mois ; pour l’Afghanistan, elle dure six mois. C’est une formation extrêmement exigeante qui est dispensée à nos unités et qui se place plus globalement dans le cadre de l’entraînement de nos forces.
Pour ce qui est de l’aspect culturel, la connaissance de l’environnement afghan est inculquée aux unités par trois moyens principaux.
Premier moyen : l’École militaire de spécialisation de l’outre-mer et de l’étranger de Rueil-Malmaison, l’EMSOME. Elle dispense, comme pour tous les théâtres d’opérations extérieures, des éclairages géographiques, ethniques, religieux, économiques et culturels.
Deuxième moyen : le témoignage des cadres qui rentrent du théâtre. C’est le retour d’expérience, qui prend place à chaque nouvelle relève et permet d’actualiser la connaissance du milieu.
Troisième moyen : tous les exercices sont réalisés en ambiance réaliste, avec reconstitution des points d’appui, des camps de base, et appel à des acteurs en tenue. Je tiens par ailleurs à souligner, puisque vous m’avez interrogé sur ce point précis, que les cadres de contact, c’est-à-dire les sous-officiers et les officiers, sont systématiquement remis à niveau en anglais avant leur départ et que même des notions de pachtou sont enseignées, via des interprètes, dans les unités.
Monsieur le ministre, le document intitulé Modernisation de la défense : le nouveau dispositif territorial prévoyait initialement la création de quatre-vingt-quinze bases de défense. Au 1er janvier de cette année, onze bases expérimentales ont été créées. Vous aviez annoncé pour l’été un premier retour d’expérience qui devait permettre d’identifier les ajustements nécessaires du plan initial en matière d’organisation et de fonctionnement.
Or vous envisagez de retenir sept nouvelles bases de défense qui, avec les onze bases expérimentales, formeront dix-huit bases de défense pilotes et donc, on peut l’imaginer, préfiguratrices. Avant même que nous n’ayons connaissance du retour d’expérience, vous annoncez que vous renoncez à trente projets de base de défense !
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles raisons vous amènent à diminuer de 30 % le nombre des bases de défense alors qu’elles sont aussi censées suppléer la suppression d’implantations militaires, qui, elles, ne sont pas revues à la baisse ? Êtes-vous en mesure de nous fournir un premier bilan financier ? Quels sont les critères qui président à votre décision de revoir ainsi vos projets à la baisse, de retenir telle implantation plutôt que telle autre pour accueillir une base de défense ?
Pour illustrer mes propos, permettez-moi de citer le transfert annoncé dans la presse locale dès le 11 avril 2009, soit avant même l’évaluation intermédiaire, du siège de la base de défense prévue à la base aérienne 709 de Cognac à la base aérienne 721 de Rochefort, quand la base aérienne de Cognac est la seule plate-forme militaire de la région supportant plus de 60 000 mouvements par an, disposant d’une piste homologuée OTAN et capable d’accueillir tous types d’avions de combat, qu’elle est à même de servir de support et d’apporter tout le soutien nécessaire à des unités de passage, ce qui l’amène, entre autres, à recevoir régulièrement nos forces spéciales, qui y trouvent des conditions optimales pour leur préparation.
C’est aussi une base qui s’est résolument placée sur la voie de l’innovation, avec l’externalisation réussie – cela vient d’être souligné par le chef d’état-major de l’armée de l’air à l’occasion du salon du Bourget – de la maintenance de la flotte des avions-écoles TB-30 Epsilon et de la mise à disposition par l’industriel de nouveaux appareils Grob 120A ainsi que d’entraîneurs FNPT2.
Enfin, cette base est déjà le pôle de mutualisation des soutiens aux autres bases du Poitou-Charentes, dans la mesure où elle est le siège du service spécialisé des bases aériennes de l’équipement, qu’elle assure le service aérodrome des aéroports de Saintes et Rochefort ainsi que le support technique de l’École d’enseignement technique de Saintes.
Alors, monsieur le ministre, l’expérience accumulée et les éléments rationnels ont-ils leur place dans vos critères de sélection ?
Monsieur le sénateur, la question des bases de défense n’a absolument rien à voir avec la question de l’activité aérienne d’une unité. Le principe d’une base de défense, c’est qu’elle permet, dans une optique de rationalisation et de plus grande efficacité, de mutualiser dans un même endroit l’ensemble des services d’administration et de soutien qui sont éparpillés dans différentes unités, c’est-à-dire les ressources humaines, le logement, le transport, l’environnement… Cela n’a donc absolument rien à voir avec l’activité militaire de telle ou telle unité. Peu importe l’activité de l’unité considérée !
Concernant la région de Poitou-Charentes, l’expérimentation va se poursuivre avec une base de défense dont le périmètre englobera La Rochelle, Rochefort, Cognac et Saintes et dont le commandement se situera à Rochefort.
Le choix de la localisation dépend non pas de l’activité opérationnelle, qui est en effet importante à Cognac, mais de critères propres au soutien tels que les infrastructures disponibles, les distances par rapport aux formations soutenues, en tenant compte des plus ou moins grandes facilités de déplacement.
C’est selon cette logique que le site de Rochefort a été retenu pour accueillir le commandement de la base de défense : il est plus central et il regroupe les effectifs les plus importants – 3 700, contre 1 000 à Cognac.
Toutefois, concernant le périmètre définitif des bases de défense de la région Poitou-Charentes, la décision n’est pas encore prise et l’expérimentation de 2010 sur Rochefort nous permettra de définir l’organisation optimale dans cette région.
En tout état de cause, la base aérienne de Cognac continuera à bénéficier d’un soutien de qualité grâce à la présence sur place d’une antenne dotée des effectifs nécessaires pour le soutien de proximité.
Monsieur le ministre, vous avez répondu à la dernière partie de ma question.
En revanche, sur le bilan à mi-parcours et la fourniture du premier bilan financier, vous ne nous avez rien dit. Vous avez pourtant d’ores et déjà envisagé de retenir sept nouvelles bases de défense et de réduire de 30 % le nombre de bases de défense qui était initialement prévu.
Monsieur le sénateur, vous n’avez pas dû entendre ma réponse à l’ensemble des orateurs, car j’ai évoqué clairement les gains effectués grâce à l’expérimentation sur les onze bases. Voilà pourquoi je n’ai pas répondu une seconde fois.
Monsieur le ministre, le contexte dans lequel nous examinons ce budget est très particulier. Nous vivons une crise économique sans égale dont les conséquences pour les PME débouchent trop souvent sur une faillite, alors même qu’elles doivent demeurer les leviers du redémarrage de notre économie, aux côtés des grands groupes industriels, qui subissent eux aussi les effets de la crise.
Nous savons tous ici que la défense a toujours été un vecteur majeur de l’essor de notre secteur industriel. Les investissements dans la recherche et développement y sont primordiaux pour le nécessaire développement de la fonction stratégique « connaissance et anticipation », conformément à loi de programmation militaire.
Le contexte géopolitique est aussi marqué par les technologies nouvelles, désormais omniprésentes dans tout équipement militaire, le besoin de sécurisation de l’information et surtout les dangers informatiques, qui représentent aujourd'hui un risque majeur, comme l’excellent rapport de notre collègue Roger Romani sur la cyberdéfense nous en a fait prendre conscience récemment.
Mais investir dans la recherche et développement, c’est investir dans et pour la société civile qui, on l’ignore trop souvent, en bénéficie à tous les niveaux.
Monsieur le ministre, vous avez passé une convention avec le ministre chargé du plan de la relance. Dès le mois de février dernier, la défense s’est vu affecter – vous l’avez rappelé dans votre propos liminaire – 985 millions d’euros de crédits de paiement et 770 millions d’euros sont attendus pour l’année 2010.
Pouvez-nous préciser quels dispositifs seront mis en place afin de soutenir les PME sous-traitantes et les fournisseurs de la défense ? Quelles actions seront destinées à promouvoir les capacités d’innovation de ces PME très spécialisées et souvent très dépendantes ?
Monsieur le sénateur, ayant fait le même constat que vous, j’ai lancé au début de l’année 2008 un plan en faveur des petites et moyennes entreprises de la défense, car j’avais observé, comme vous, qu’elles n’avaient pas suffisamment accès aux marchés publics et aux crédits de recherche et développement du ministère de la défense.
Nous avons donc entrepris un long travail de concertation et de discussion avec une trentaine de représentants de PME, travail qui m’a amené à présenter ce plan en faveur des petites et moyennes entreprises.
Je vous en rappelle quelques éléments : un bureau spécifique au sein de la DGA afin d’améliorer l’information et l’accès aux marchés pour les PME, car celles-ci n’ont pas avec la DGA la même relation directe que les grands groupes, où il n’est pas rare de trouver des cadres qui en sont issus ; des espaces d’information dédiés ; l’organisation de journées « exportation » destinées aux PME ou de journées « R&D », afin que les PME puissent aller dans les régions pour connaître les orientations de la DGA en la matière, pour présenter leurs propres projets et éventuellement obtenir des financements.
J’ai également fait en sorte que soient insérées dans le cahier des charges des marchés publics d’armement des clauses favorisant la sous-traitance aux PME avec une prime aux maîtres d’œuvre ayant choisi des PME.
Pour être tout à fait honnête, je dois dire qu’il me reste un point à régler : c’est la question des délais de paiement entre les grands donneurs d’ordres et les PME.
Par ailleurs, j’ai lancé dernièrement le programme RAPID – régime d’appui aux PME pour l’innovation duale. Il a été doté de 10 millions d’euros pour le second semestre 2009 ; nous y consacrerons 30 millions d’euros en 2010, car ce dispositif a déjà donné des résultats très encourageants. Il permet à ces entreprises de financer des programmes de recherche et développement, notamment pour les activités duales, car elles ont souvent des programmes de recherche à portée civile et militaire.
En tout cas, un sondage réalisé auprès de 300 petites et moyennes entreprises en novembre dernier montre que 87 % d’entre elles se sont déclarées satisfaites de l’effort mené par le ministère en termes d’accès aux marchés de défense.
Monsieur le ministre, je suis heureux de vous interroger, en tant que ministre de la défense, sur la gendarmerie nationale.
La gendarmerie nationale est une force armée, instituée pour veiller à la sûreté et à la sécurité publique. En tant que telle, elle participe à la défense des intérêts supérieurs de la nation.
Afin de marquer notre attachement au caractère militaire de la gendarmerie, et en l’absence remarquée d’un nouveau projet de loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur l’avenir de cette force militaire.
Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur, mesure que vous avez soutenue, devait améliorer l’efficacité de la politique de sécurité. Or la baisse de la délinquance, proclamée constamment par les gouvernements depuis 2002, connaît un infléchissement notable depuis les mois de mars et avril 2009.
Le nombre de crimes et délits constatés entre janvier 2009 et septembre 2009 a crû de 0, 45 % par rapport à la même période de 2008. En zone de police, cet indicateur a augmenté de 0, 39 % et, en zone de gendarmerie, de 0, 58 %. Sur la même période, les atteintes volontaires à l’intégrité physique ont progressé de plus de 4 %.
Par conséquent, l’objectif d’améliorer l’efficacité de la politique de sécurité n’est pas atteint et ce ne sont pas les réductions des effectifs de gendarmerie que votre gouvernement met en œuvre qui pourront inverser cette tendance.
Les populations des zones rurales seront, bien évidemment, les principales victimes de cette politique. Les élus locaux, très attachés à la présence de la gendarmerie dans les zones périurbaines et rurales se sentent de plus en plus démunis.
Mes questions sont très simples.
Monsieur le ministre, comment allez-vous, avec vos collègues du Gouvernement, corriger les effets néfastes de ce rattachement, qui tend à « diluer » la gendarmerie dans une seule grande force de sécurité ?
Entre 2009 et 2001, la déflation des effectifs au titre de la RGPP s’élèvera à 3 034 équivalents temps plein, 1 246 en 2009, 1 303 en 2010, le solde sans doute en 2011. Pensez-vous sérieusement qu’il est possible de faire plus avec moins, là aussi ?
Moins d’effectifs, mais aussi moins de moyens puisque, je le rappelle, la priorité du budget en matière d’investissements porte sur le recours accru aux nouvelles technologies plutôt que sur la rénovation des casernes et le remplacement des matériels lourds, malgré leur état de vétusté préoccupant.
Je pense aux hélicoptères Écureuil, qui datent de 1978 – on répare les plus valides avec les pièces des plus fatigués ! –, et aux blindés à roues.
Quant aux nouvelles technologies, on en voit déjà les limites. Elles ne remplaceront pas, heureusement, les gendarmes, femmes et hommes, qui sont le symbole fort de notre République.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment assurer le maillage territorial de notre pays ?
Monsieur le sénateur, je transmettrai vos questions au ministre de l’intérieur, qui est responsable de ce budget.
La gendarmerie reste une force à statut militaire, dont je suis le garant en matière tant de discipline que d’avancement.
Par ailleurs, la gendarmerie, qui est en effet maintenant sous l’autorité du ministre de l’intérieur, tout en conservant son statut militaire, reste avec ses frères d’armes sur tous les théâtres d’opérations extérieures. C’est ce qu’a fait avec talent la gendarmerie mobile en Côte d’Ivoire, notamment, en assurant le contrôle de la foule dans les moments les plus difficiles et en permettant la formation de l’armée de terre.
Par conséquent, la gendarmerie reste militaire. Par son statut, elle continuera à œuvrer avec les autres armées, qu’il s’agisse de la gendarmerie maritime, de la gendarmerie aérienne, de la gendarmerie chargée de la sécurité nucléaire ou de la gendarmerie en opérations extérieures.
Pour le reste, je vous conseille d’interroger M. Hortefeux sur les questions proprement budgétaires.
Monsieur Mazuir, je ne peux malheureusement vous redonner la parole pour la réplique, car vous avez déjà consommé le temps qui vous aurait été imparti pour celle-ci en posant votre question.
Nous avons achevé l’échange de questions-réponses-répliques.
Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.
en euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Défense
Environnement et prospective de la politique de défense
Dont titre 2
541 598 093
541 598 093
Préparation et emploi des forces
Dont titre 2
15 404 319 818
15 404 319 818
Soutien de la politique de la défense
Dont titre 2
895 453 747
895 453 747
Équipement des forces
Dont titre 2
1 842 417 409
1 842 417 409
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Défense ».
Ces crédits sont adoptés.
Ces crédits sont adoptés.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 1er décembre 2009 à quatorze heures trente et le soir :
- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale (n° 100, 2009-2010).
Examen des missions :
Écologie, développement et aménagement durables
Budget annexe : contrôle et exploitation aériens
Compte spécial : contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route
Compte spécial : avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres
MM. Alain Lambert, Gérard Miquel, Yvon Collin et Mme Fabienne Keller, rapporteurs spéciaux (rapport n° 101, annexe n° 10) ;
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 104, tome IV) ;
MM. Jean Bizet, Jean-François Le Grand, Francis Grignon et Roland Courteau, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 105, tome II).
Enseignement scolaire (+ article 54 ter)
MM. Gérard Longuet et Thierry Foucaud, rapporteurs spéciaux (rapport n° 101, annexe n° 13) ;
M. Jean-Claude Carle, Mmes Françoise Férat et Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 104, tome V).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mardi 1 décembre 2009, à une heure quinze.