Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Réunion du 30 novembre 2009 à 21h45
Loi de finances pour 2010 — Défense

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

… qui serait bien inspirée de compter davantage sur elle-même, et cela dès aujourd’hui, si elle veut exister encore dans la nouvelle géographie des puissances et rester un pôle dans le monde multipolaire de demain.

Si l’atome était périmé, comme l’a affirmé Mme Demessine, la Chine ne développerait pas son arsenal !

Bien que les rapporteurs pour avis au titre du programme 146, MM. Pintat et Boulaud, estiment, à juste titre d’ailleurs, qu’il n’existe aucune contradiction entre le maintien de notre dissuasion à un format de stricte suffisance et le soutien aux efforts de désarmement et de lutte contre la prolifération, on peut craindre l’effet médiatique de campagnes confondant la perspective, en tout état de cause lointaine, d’un monde exempt d’armes nucléaires et la réalité des arsenaux, tels qu’ils existent ou se développent dans des pays comme la Chine, l’Inde ou le Pakistan, sans parler des risques de prolifération avérés, comme en Corée du Nord, ou probables, comme en Iran.

Ces campagnes médiatiques, orchestrées à partir des États-Unis, souvent sur l’initiative d’anciens responsables comme MM. Kissinger, Schultz, Perry ou Sam Nun, qui sont, en fait, des réalistes, très conscients de la supériorité conventionnelle américaine, rencontrent en Europe un écho surprenant. La défense européenne n’existera jamais, je le répète, si l’Europe doit s’en remettre aux États-Unis du soin d’assurer la veille nucléaire dans l’attente d’un jour, forcément éloigné, où les armes nucléaires auraient disparu. On peut s’étonner de voir deux anciens Premiers ministres français, MM. Juppé et Rocard, cautionner cette politique d’illusions.

La vérité est que la France risque d’être isolée en Europe par la conjonction du réalisme américain et du pacifisme européen. On ne peut qu’être surpris de voir que le poste de Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Union européenne a été confié à une militante antinucléaire, Mme Catherine Ashton. Le risque est grand que les pays européens, par pacifisme ou par inféodation, se tournent vers un système de défense antimissile américain, éventuellement dans le cadre de l’OTAN, censé les dispenser de réfléchir aux moyens d’une dissuasion efficace.

Certes, le président Obama vient de renoncer au déploiement d’un système antimissile sur les sites tchèque et polonais. Mais le secrétaire d’État américain à la défense, M. Gates, vient de proposer, les 22 et 23 octobre dernier, à Bratislava, un système adapté, à partir d’une révision en baisse de la menace iranienne. Il s’agit de mettre en place, par étapes successives jusqu’à la décennie 2020-2030, des capacités antimissiles maritimes et terrestres, dites « de théâtre. »

Un tel déploiement serait extrêmement coûteux et incompatible avec les moyens dont nous disposons, sauf à remettre en cause ceux que nous consacrons à la dissuasion, comme l’a souligné le président de Rohan. Il ne nous garantirait d’ailleurs pas une protection sûre à 100%. Enfin, pour des raisons de délais de réaction aisées à comprendre, la décision serait forcément américaine.

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