Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 16 novembre 2005 à 15h00
Prorogation de l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, « Tout État libre où les grandes crises n'ont pas été prévues est à chaque orage en danger de péril », écrivait Jean-Jacques Rousseau dans ouvrage très intéressant intitulé Considérations sur l'État de Pologne. C'est, selon moi, une bonne définition.

Notre droit public prévoit depuis très longtemps d'attribuer au pouvoir exécutif des pouvoirs renforcés pour faire face à des situations exceptionnelles. Le constituant - je rappelle que toutes les constitutions ont prévu des dispositions -, le législateur et le juge ont chacun défini des réponses graduées en fonction de la gravité et de la nature de ces situations, et ce, bien entendu, dans le respect du principe de légalité.

Monsieur le ministre d'État, vous avez évoqué tout à l'heure des événements qui se sont déroulés durant les dernières années, événements auxquels les moyens ordinaires ont permis de faire face.

Si les maires et les préfets ont un certain nombre de pouvoirs pour assurer non seulement la sécurité, mais aussi la sûreté des communes, il arrive parfois, cependant, que les événements les dépassent et qu'il leur faille donc trouver d'autres solutions.

Monsieur le ministre d'État, depuis le 27 octobre dernier, date des premiers affrontements à Clichy-sous-Bois, le bilan des violences n'a cessé de s'alourdir.

Lorsque le Gouvernement a déclaré l'état d'urgence, le 9 novembre, les violences semblaient devoir s'amplifier et s'étendre à l'ensemble du territoire. Dans la nuit du dimanche 6 novembre au lundi 7 novembre, qui a précédé l'intervention du Premier ministre annonçant le recours à la loi instituant un état d'urgence, 1 408 véhicules ont été incendiés, 395 personnes interpellées, 36 policiers et gendarmes blessés, à la suite, notamment, de tirs avec des armes à feu. On ne compte plus les entreprises, les lieux de culte, les services publics, les locaux de police qui ont été également la cible des incendiaires.

La province était également touchée, puisque, à cette date, les incendies y étaient plus nombreux qu'en région parisienne.

Au total, depuis le 27 octobre, près de 6 000 véhicules ont été incendiés et plus de 300 communes touchées.

En dehors du fait que 1 500 réservistes avaient été rappelés pour épauler les 8 000 hommes déjà engagés sur le terrain, il était évident que la situation, exceptionnelle par son ampleur et son intensité, justifiait la mise en oeuvre de la loi du 3 avril 1955, en raison du « péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public ».

Il faut rappeler que l'état d'urgence offre des outils supplémentaires aux forces de police et à la justice. Ainsi, le non-respect du couvre-feu constitue un délit permettant l'interpellation et le placement en garde à vue. Les perquisitions de jour et de nuit, autorisées dans les seules zones prévues par le décret, peuvent faciliter la récupération d'armes ayant servi à tirer sur des policiers ou sur des gendarmes. Je puis vous rassurer, mes chers collègues : les perquisitions de jour et de nuit n'ont été mises en oeuvre qu'une fois, parce qu'elles étaient nécessaires, dans un département.

Le bien-fondé du recours à l'état d'urgence a été démontré à la fois par la décrue des violences depuis le 9 novembre et par la modération avec laquelle il a été fait usage de ces pouvoirs exceptionnels par les autorités administratives.

Ainsi, monsieur le ministre d'État, vous avez rappelé que la situation s'est nettement améliorée, aussi bien en région parisienne qu'en province.

Il faut noter également que la déclaration de l'état d'urgence n'a pas été suivie d'une application généralisée et indifférenciée des pouvoirs exceptionnels dévolus aux autorités administratives.

En dehors des couvre-feux qui ont été instaurés dans certaines communes, d'autres applications, indispensables, de l'état d'urgence ont pu être faites. Je citerai l'arrêté du préfet du Rhône interdisant, dimanche 13 novembre, dans le centre-ville de Lyon, tout rassemblement susceptible de troubler l'ordre public. On peut en effet déplacer les violences et les émeutes !

Conséquence directe ou non de l'état d'urgence, cette décrue de la violence est en tout cas concomitante. L'état d'urgence a accompagné et renforcé l'efficacité de l'action des forces de l'ordre sans entraîner une escalade de la violence.

Monsieur le ministre d'État, au nom de tous nos collègues, je tiens à saluer le sang-froid et la remarquable maîtrise dont ont su faire preuve les forces de police et de gendarmerie, ainsi que les sapeurs-pompiers, dans des conditions très dangereuses.

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