Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 28 juin 2005 à 16h00
Services à la personne et mesures en faveur de la cohésion sociale — Article 2

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'article 2 tend à modifier trois dispositions du code du travail relatives à la fixation de la durée et des horaires du travail, à la fixation du délai de prévenance en cas d'urgence et aux dérogations au temps de travail annualisé.

Les modifications proposées se situent dans la droite ligne de votre politique de casse des acquis sociaux, chacun le sait, politique que vous menez en dépit du bon sens, sans tenir compte ni des inquiétudes des partenaires sociaux, ni des propositions des associations de terrain. Pourtant, ils sont globalement tous défavorables à vos mesures, souvent inadaptées aux réalités du terrain mais, surtout, révélatrices de votre volonté de déréglementation du code du travail.

En dépit du message adressé par le peuple français le 29 mai dernier, vous persistez à régler les problèmes de société par une vision exclusivement libérale de l'économie au service des employeurs. Or, les emplois dont il est question touchent des salariés qui se trouvent malheureusement dans des situations sociales et personnelles souvent très difficiles. En effet, les emplois à domicile sont occupés à 90 % par du personnel féminin non qualifié, et souvent par des jeunes en difficulté ou par des femmes qui reprennent une activité.

De plus, 80 % de ces emplois sont à temps partiel subi, avec des fractionnements importants d'horaires. Le salarié commence son travail le matin, l'interrompt pour le reprendre l'après-midi, l'interrompt de nouveau pour le poursuivre le soir.

Tout confirme donc le besoin de professionnaliser ces métiers, d'assurer la formation et de prévoir une progression de carrière, mais aussi d'assurer la garantie de la protection sociale de ces salariés.

A ces exigences, vous répondez flexibilité et précarisation des conditions de travail. Ainsi, en matière de fixation des horaires de travail, vous voulez étendre aux entreprises les dérogations accordées aux associations d'aide à domicile Alors que le code du travail précise le contenu du contrat de travail à temps partiel, notamment les mentions obligatoires en matière de répartition de la durée du temps de travail, garantissant ainsi au salarié une sécurité et une lisibilité de l'organisation de son travail, vous rompez complètement avec ces principes.

Vous prévoyez « gracieusement » une « garantie » prenant la forme d'une communication obligatoire mensuelle et par écrit au salarié de ses horaires de travail. Comment peut-on parler de garantie quand vous organisez un droit à être informé d'une organisation aléatoire de la durée du travail ?

On imagine les conséquences dramatiques d'une telle disposition, surtout quand on sait que bon nombre des salariés concernés par les emplois de services à la personne sont des femmes souvent seules et en charge d'enfants.

En ce qui concerne la modification de la fixation du délai de prévenance en cas d'urgence, le code du travail fait, là encore, les frais d'un nivellement par le bas. En effet, l'article 2 instaure la possibilité d'écourter le délai de droit commun de sept jours pour les cas d'urgence définis par convention ou accord collectif de branche étendu ou par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement. Pis encore, il prévoit la possibilité de descendre au-dessous du plancher de trois jours prévu dans le code du travail.

Ce dispositif appelle deux remarques.

D'une part, la justification de la réduction du délai de prévenance reste des plus floues. Or, on ne peut accepter de sacrifier le principe d'un tel délai, véritable protection des salariés, en leur imposant en plus une zone d'ombre quant à la définition du cas d'urgence.

D'autre part, l'insécurité des salariés est renforcée par la suppression, depuis la loi Fillon, du principe de faveur pour les accords d'entreprise ou d'établissement. L'abandon de ce principe laisse les salariés à la merci d'une législation moins favorable que celle qui est définie par la norme directement supérieure. On comprend alors tout le danger de votre disposition.

Enfin, en ce qui concerne les dérogations prévues par l'article 2 en cas de temps de travail annualisé, nos craintes sont les mêmes, d'autant qu'il peut être également dérogé à la règle de la communication écrite du temps de travail.

L'article 2 constitue donc une atteinte aux droits fondamentaux des salariés. Il ne vise qu'à régler des problèmes sociaux par une méthode libérale qui renie les droits fondamentaux des salariés en vidant de son contenu le contrat de travail, laissant ainsi le champ libre à tous les abus.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen demandent la suppression de l'article 2.

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