Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 28 juin 2005 à 16h00
Services à la personne et mesures en faveur de la cohésion sociale — Article 3

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Madame la ministre, cet article nous pose deux problèmes sérieux.

Le premier de ces problèmes concerne votre politique de l'emploi, que nous contestons depuis des années, mais que vous persistez à poursuivre, et qui repose sur les exonérations de cotisations sociales patronales.

Le second tient à la précarisation des emplois de service à la personne dans le cadre du gré à gré, que vous encouragez.

Pour ce qui est des exonérations, je tiens tout d'abord à rappeler que leur ampleur a été multipliée par dix depuis 1992. En 2005, ce sont 17 milliards d'euros qui y sont consacrés, auxquels s'ajouteront les 2, 2 milliards d'euros qui feront suite aux dernières annonces du Premier ministre.

Force est pourtant de reconnaître que, depuis les années quatre-vingt-dix, la réduction des cotisations sociales patronales, qui a essentiellement porté sur les bas salaires et concerné le travail peu qualifié, est restée sans grands résultats. Dois-je vous rappeler à nouveau, madame la ministre, que ce constat amer a été souligné par la Cour des comptes dans son dernier rapport ? Il semble en effet que vous ne souhaitiez pas y accorder d'importance et que vous envisagiez même de vous enfoncer dans la poursuite de cette option stérile !

Nous demeurons farouchement opposés à cette politique qui crée des trappes à bas salaires. Ce système inique offre aux patrons une exonération maximale au niveau du SMIC, exonération qui diminue ensuite pour s'annuler à 1, 7 fois le SMIC, ce qui illustre parfaitement la promotion des emplois faiblement rémunérés qui est pratiquée.

Cette politique conduit de surcroît à faire payer l'allégement des cotisations par les salariés puisque les exonérations sont compensées par les impôts, dont les trois quarts sont acquittés par les ménages.

Qui plus est, les exonérations de charges patronales ont creusé le déficit de l'assurance maladie avec 2 milliards d'euros d'exonérations non compensées annuellement. La non-compensation est un des maux graves dont pâtit notre économie. Pourtant, le Gouvernement persiste dans cette voie. Et, quand le Gouvernement contrevient aux règles qu'il a lui-même édictées, les choses deviennent plus compliquées...

Nous en avons fait la malheureuse expérience à l'occasion de l'examen de la loi de programmation pour la cohésion sociale : un amendement du Gouvernement est venu élargir les exonérations aux nouveaux contrats aidés créés par cette loi en prévoyant expressément la non-compensation de ces exonérations, d'où l'indignation des organisations syndicales.

Madame la ministre, vous nous assurez que les exonérations prévues par le présent projet de loi seront compensées. Vous me permettrez de douter de la parole du Gouvernement comme de l'efficacité de ce dispositif.

Quant au deuxième problème, celui de la précarité des emplois dans le secteur des services à la personne, nous nous interrogeons sur votre attitude : vous reconnaissez les problèmes que soulève le gré à gré au regard des droits sociaux mais vous ne faites strictement rien pour y remédier.

Vous avez pourtant admis que le principe de la déclaration par le particulier employeur handicape les salariés en matière de droits sociaux en raison de la déclaration forfaitaire. Nous nous associons à votre diagnostic mais pas à vos mesures.

Vous instaurez un dispositif imparfait, certes, puisqu'il repose encore sur des exonérations, mais qui a au moins le mérite de viser une déclaration sur la base du salaire réellement perçu. Cependant, vous n'allez pas au bout de la démarche, puisque vous laissez coexister les deux systèmes en laissant le choix au particulier employeur. Cela va à l'inverse de vos engagements et de ce qu'il faudrait faire.

Vous entérinez en fait la précarité de ces professionnels dont la protection sociale risque d'être incomplète.

Pour ces différentes raisons, nous proposons la suppression de l'article 3.

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