L'article 11 a pour objet d'étendre à deux nouveaux secteurs professionnels, avant que ce ne soit à trois ou quatre, voire plus, le champ des dérogations au principe d'interdiction du travail de nuit pour les apprentis mineurs.
L'évolution du texte est, à cet égard, éclairante.
En effet, le projet de loi, dans sa rédaction initiale, ne visait que le seul secteur de la pâtisserie. Puis, l'Assemblée nationale a ajouté celui des courses hippiques, tout en insérant un nouvel article 11 bis tendant à prévoir des dérogations au principe d'interdiction du travail des apprentis mineurs le dimanche et les jours fériés « dans les secteurs pour lesquels les caractéristiques particulières de l'activité le justifient et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat » !
On voit donc clairement quelle tendance se dessine : après avoir généralisé le travail des apprentis mineurs le dimanche et les jours fériés par le biais du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises -j'y reviendrai tout à l'heure à propos de l'article 11 bis -, on nous propose, s'agissant des mêmes professions ou presque, de généraliser le travail de nuit. Nous ne pouvons l'accepter.
Tout d'abord, ces dispositions sont en contradiction avec la réglementation internationale concernant le travail de nuit.
En effet, conformément aux directives européennes, le travail de nuit est défini, dans notre droit du travail, comme le travail effectué entre 21 heures et 6 heures du matin. Conformément en outre aux conventions de l'Organisation internationale du travail, dont la France est signataire, le travail de nuit est interdit aux mineurs de moins de dix-huit ans, pour des raisons de sécurité et de santé.
N'oublions pas en effet que nous parlons d'enfants, de jeunes de moins de dix-huit ans. Il appartient au législateur de veiller avec un soin particulier à la protection des personnes les plus vulnérables, et les mineurs en font partie à bien des égards. Nous ne devons pas accepter des dispositions qui conduiraient à ce que, dès leur entrée dans la vie active, il soit porté atteinte, en faisant peser sur eux une charge trop lourde, à leur santé, à leur développement, à leur sécurité, ainsi qu'à l'image qu'ils se font de la société qui va les accueillir.
En ce qui concerne plus spécifiquement la boulangerie et la pâtisserie, les techniques de fabrication ont évolué et permettent désormais la préparation diurne des produits. De manière générale, pour toutes les professions visées, on ne saurait nous faire croire que l'absence d'apprentis empêcherait l'activité de l'entreprise.
Je signale d'ailleurs que, s'agissant de la boulangerie, il est bien précisé, à l'article R. 117 bis-2 du code du travail, que « seuls les établissements où toutes les phases de la fabrication du pain ne sont pas assurées entre 6 heures et 22 heures » peuvent bénéficier d'une dérogation au principe d'interdiction du travail de nuit pour les apprentis mineurs. J'aimerais savoir si cette disposition s'applique aussi aux secteurs de la pâtisserie et de la viennoiserie. J'ai quelques doutes à cet égard.
Quoi qu'il en soit, pensez-vous réellement, monsieur le ministre, que c'est en autorisant le travail de nuit que vous allez améliorer l'attractivité de l'apprentissage, surtout dans ces métiers de bouche qui sont délaissés par des jeunes effrayés par les bas salaires, les horaires déjà excessifs et les dures conditions de travail proposés ?
Par ailleurs, comment concilier le travail la nuit, le dimanche et les jours fériés avec le nécessaire repos des apprentis ? Quelles sont les dispositions prévues en termes de repos compensateur si un apprenti doit travailler toute la semaine dans l'entreprise qui l'accueille, y compris le dimanche dès quatre heures du matin, comme vous le proposez, et doit être présent le lundi matin suivant dans son centre de formation d'apprentis pour suivre la partie générale de sa formation ? Doit-on aménager ou réduire le temps de présence au CFA pour permettre aux jeunes de récupérer de leur semaine de travail ? Je suppose que vous n'avez tout de même pas l'intention de revenir sur le principe des deux jours de repos hebdomadaire obligatoires ! Pourtant, c'est déjà sur ce point que les boulangers, en particulier, vous interpellent, en demandant que leurs apprentis puissent travailler le dimanche.
Je voudrais d'ailleurs vous rappeler, monsieur le ministre, que faire travailler des mineurs entre minuit et quatre heures du matin est en principe formellement interdit, à moins que vous n'ayez l'intention de revenir sur cette disposition.
S'agissant maintenant du secteur des courses hippiques, en tant qu'élu d'une région pouvant faire valoir quelques références à cet égard, je me suis renseigné : certains propriétaires, entraîneurs, drivers ou palefreniers peuvent avoir besoin d'être aidés par des apprentis, mais l'activité hippique impose des déplacements, c'est-à-dire que l'on va demander à des jeunes de faire par exemple 200 kilomètres pour se rendre sur un champ de course où les épreuves se dérouleront en nocturne. Seront-ils rentrés à minuit ?
Comment ces heures seront-elles rémunérées ? Le temps de trajet sera-t-il inclus dans le temps de formation ?
Je considère que, si ouverture il devait y avoir, elle aurait due être beaucoup mieux « calibrée », au lieu d'être pratiquée à travers des d'amendements successifs rédigés à la va-vite.
Monsieur le ministre, vous le savez, il y a dans le département de la Manche des personnes qui sont très compétentes en matière hippique, et l'on m'a dit que, lorsqu'un cheval obtenait de bons résultats, on le faisait courir plusieurs fois par semaine. Alors, dans un pareil cas, comment les choses vont-elles se passer pour les apprentis ?
Vraiment, il me semble que ces dérogations successives, dont on ne sait pas quelles professions elles concerneront, ne vont pas dans le bon sens. Ce n'est pas rendre service à l'apprentissage que de faire cela. Ce n'est pas par des mesures dérogatoires que l'on incitera les jeunes à choisir la voie de l'apprentissage. Or nous souhaitons tous le voir se développer.