Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l'avons dit à de multiples reprises au cours de ce débat, nous partageons le constat selon lequel les services aux particuliers représentent un besoin de plus en plus important, mais le consensus s'arrête malheureusement là : nous ne sommes d'accord ni sur les causes de ce besoin ni sur les façons de l'encadrer et d'y répondre.
Certes, ces besoins sont liés au vieillissement de la population, à la dépendance des personnes âgées et à leur volonté souvent exprimée de rester à domicile. Mais ce phénomène s'explique aussi par l'intensification du travail et de la flexibilité, ainsi que par la variation des rythmes de production.
Enfin, cet accroissement est dû au désengagement financier des pouvoirs publics dans des secteurs essentiels de la vie, comme la garde des jeunes enfants, le soutien scolaire ou encore l'aide à domicile.
Votre projet de loi aurait aussi dû prendre en compte ces différents problèmes. Il ne l'a pas fait.
Quant aux solutions proposées pour encadrer ces emplois, vous nous avez présenté en réalité un projet de loi fourre-tout, qui mêle dans un même ensemble les besoins médico-sociaux et le reste. Vous n'avez pas pris le soin de faire la différence entre les personnes qui sont dans l'obligation de recourir à un service et celles qui, simplement pour des raisons de convenance personnelle, souhaitent en bénéficier.
C'est en mélangeant différentes choses et en laissant floue la définition même de ce que doivent être les services à la personne que vous avez pu communiquer outre mesure sur les prétendus 500 000 emplois que vous compteriez créer. C'est là une nouvelle mesure d'affichage du Gouvernement !
Avec ce projet de loi, vous comptez réussir un grand plan média en vous attaquant aux statistiques du chômage, au prix de la pérennisation et du développement d'emplois précaires et partiels. Or nous connaissons tous les caractéristiques de ces métiers : bas et très bas salaires, temps partiels subis, droits sociaux réduits, journées séquencées et à rallonge, manque de formation initiale et continue.
De plus, avec la menace fondamentale que représente le principe du gré à gré que ce texte encourage, un élan sans précédent est donné à la multiplication des employeurs par salarié, plaçant ce dernier en position de surexploitation, l'amplitude de sa journée de travail dépassant largement l'amplitude normale.
En somme, ce texte méprise le droit du travail et, plus largement, les droits des travailleurs.
En revanche, lorsqu'il s'agit des droits des employeurs, vous n'hésitez pas à multiplier les exonérations de cotisations sociales, à élargir le champ des déductions fiscales pour les entreprises et à offrir des déductions fiscales dont nous savons qu'elles ne profitent qu'aux foyers les plus aisés, soit 70 000 foyers.
Ces exonérations sociales et fiscales ont pesé pour 21, 5 milliards d'euros sur le budget de 2004. Vous en ajoutez encore, n'hésitant pas à « plomber » les comptes sociaux et le budget de l'Etat. Ces 21, 5 milliards d'euros représentent l'équivalent de 564 000 emplois, payés au salaire moyen brut du secteur public, soit de quoi fournir du travail à près de la moitié des bénéficiaires du RMI.
Nous aurions plutôt attendu de ce texte qu'il érige les fondations d'un secteur en devenir, qu'il garantisse la qualité et la continuité du service, la professionnalisation de ces métiers et le développement des carrières des salariés. Un véritable développement de ce secteur aurait mérité deux actions fortes : d'une part, la solvabilité de l'offre d'emploi et, d'autre part, un secteur public et associatif fort, subventionné par les pouvoirs publics.
Cela nécessitait, comme nous vous l'avons proposé, de rendre solvables les populations les moins aisées par l'instauration d'un crédit d'impôt, d'augmenter des prestations aux personnes dépendantes, telle l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, et d'allouer des fonds aux structures publiques ou associatives qui, aujourd'hui, souffrent de la réduction de moyens tant humains que financiers pour assurer correctement leurs missions devant une demande de plus en plus importante.
Quant à la deuxième partie de ce projet de loi, elle montre bien que ce gouvernement n'a pas su tirer les leçons du référendum du 29 mai dernier : une forte majorité de nos concitoyens ont exprimé leur désaveu des politiques libérales, ce qui ne nous a pas empêchés d'entendre, hier et aujourd'hui, un florilège de louanges sur ces dernières !
Je ne parlerai pas des chambres de sept mètres carrés -disposition méprisante, heureusement supprimée, à l'égard des personnes sans logis ou mal logées ; j'évoquerai plutôt les dispositions concernant les apprentis.
En autorisant le travail le dimanche, les jours fériés et la nuit pour les apprentis, en prenant les futurs travailleurs à l'adolescence, pensez-vous faire avaler plus facilement à ces derniers la pilule libérale pour les années à venir ?
En somme, ce projet de loi confirme votre volonté de poursuivre coûte que coûte le travail que vous avez entrepris depuis 2002, sans tenir compte des événements politiques récents.
Nous pensons que les services à la personne doivent être organisés dans un cadre collectif, avec des financements publics identifiés, propres à garantir la qualité et la sécurité du service rendu, la professionnalisation des salariés et leurs rémunérations dans des conditions satisfaisantes.
Ce projet de loi ne répond pas - et de loin malheureusement ! - à ces exigences. C'est pourquoi nous voterons contre.