Intervention de Daniel Reiner

Réunion du 17 décembre 2008 à 16h00
Gendarmerie nationale — Article 8

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner :

Le très court article 8 du projet de loi vise à abroger le décret du 20 mai 1903 relatif au règlement sur l’organisation et le service de la gendarmerie. Certes, il est toujours possible d’abroger un décret par une disposition législative, mais il est surprenant de voir abroger un décret long de 350 articles par une courte loi de huit articles tenant en trois pages. Si, depuis 1903, au fil des années, de nombreux articles de ce décret ont déjà été abrogés, il n’en est pas moins considéré comme l’un des textes fondateurs de la gendarmerie.

Le mode de fonctionnement, les procédés, les relations avec les uns et les autres, notamment avec les différentes autorités de tous niveaux, y sont ainsi définis dans le détail. Je veux bien croire avec vous, madame la ministre, que certaines dispositions du texte sont relativement désuètes, mais je suppose que ce sont précisément les dispositions désuètes qui ont déjà été abrogées.

Je souhaite donc attirer votre attention, ainsi que celle de mes collègues, sur le fait que cet article signe en fait l’abandon d’un texte très important et je voudrais être sûr qu’une abrogation pure et simple ne nous prive pas d’éléments essentiels, ce dont la corporation des gendarmes s’est elle-même inquiétée. Lorsque je vous avais posé la question en commission, madame la ministre, vous m’aviez répondu que ce n’était pas le cas et que toutes les dispositions concernées pouvaient être retrouvées dans d’autres textes.

Je vous avoue néanmoins mon incapacité à trouver ailleurs tout ce qui disparaîtra lorsque les 200 ou 250 articles qui demeurent de ce décret seront effacés. Je note au passage qu’ils sont écrits dans une langue qui, pour paraître un peu surannée, n’en est pas moins porteuse d’un sens fort.

Prenons l’exemple du texte de l’article 66, que l’on ne retrouvera pas ailleurs : « En plaçant la gendarmerie auprès des diverses autorités pour assurer l’exécution des lois et règlements […] de l’administration publique, l’intention du Gouvernement est que ces autorités, dans leurs relations et dans leur correspondance avec les chefs de cette force publique, s’abstiennent de formes et d’expressions qui s’écarteraient des règles et principes posés dans les articles ci-dessous, et qu’elles ne puissent, dans aucun cas, prétendre exercer un pouvoir exclusif sur cette troupe, ni s’immiscer dans les détails intérieurs de son service. » Voilà qui est fort joli !

L’article poursuit : « Les militaires de tout grade de la gendarmerie doivent également demeurer dans la ligne de leurs devoirs envers lesdites autorités, en observant constamment avec elles les égards et la déférence qui leur sont dus. »

Il est vrai que ce langage paraît quelque peu suranné. Il n’est pas pour autant interdit de demeurer poli et courtois, ni de conserver dans certains textes la mention des exigences de politesse et de courtoisie.

S’agissant de la présence territoriale de la gendarmerie, l’article 148 dispose que police et gendarmerie « ont essentiellement pour objet d’assurer constamment sur tous les points du territoire l’action directe de la police judiciaire, administrative et militaire ». Il rappelle ainsi la faculté de choix dont disposent les procureurs.

L’article 302 dispose pour sa part qu’« une des principales obligations de la gendarmerie étant de veiller à la sûreté individuelle, elle doit assistance à toute personne qui réclame son secours dans un moment de danger. Tout militaire du corps de la gendarmerie qui ne satisfait pas à cette obligation, lorsqu’il en a la possibilité, se constitue en état de prévarication dans l’exercice de ses fonctions ». Les mots sont un peu vieillots mais le sens conserve son actualité.

L’article 303 indique que « tout acte de la gendarmerie qui trouble les citoyens dans l’exercice de leur liberté individuelle est un abus de pouvoir ». Peut-être n’est-il pas inutile que cela demeure écrit quelque part – mais peut-être est-ce déjà le cas. Je trouve en tout cas que c’est une jolie formule. L’article poursuit ainsi : « les officiers, sous-officiers, brigadiers et gendarmes qui s’en rendent coupables encourent une peine disciplinaire, indépendamment des poursuites judiciaires qui peuvent être exercées contre eux ».

Tous ces passages du décret de 1903 enjoignant à la gendarmerie de se comporter, dans l’exécution de son service, avec politesse, et de ne se permettre aucun acte qui puisse être qualifié de vexatoire ou taxé d’abus de pouvoir figurent-ils effectivement ailleurs, sous une forme ou une autre ? Le cas échéant, précisez-nous à quel endroit.

Sinon, je vous demande par prudence, mes chers collègues, en adoptant notre amendement, de refuser d’abroger ce décret pour que nous nous laissions le temps de le « peigner » totalement et de nous assurer que nous n’avons pas oublié en chemin quelques éléments de la morale républicaine.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion