Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Réunion du 19 octobre 2011 à 14h30
Agence nationale des voies navigables — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à Voies navigables de France qui vous est soumis aujourd’hui est une nouvelle traduction concrète des engagements du Grenelle de l’environnement en matière de transport. Il est en effet l’expression de la volonté, partagée par tous les acteurs concernés, de renforcer le report modal vers la voie d’eau et de faire évoluer la part du transport non routier et non aérien de 14 % à 25 % à l’échéance de 2022.

Face à ses voisins allemands, néerlandais ou belges, qui ont misé très tôt sur les capacités de la voie d’eau en matière de transport de fret, la France prend, à son tour la pleine mesure du formidable potentiel de développement du transport fluvial. Les excellents chiffres du trafic de fret, notamment en 2010, avec une progression de 8, 6% des volumes transportés, témoignent du regain et de la vigueur de ce mode de transport, en démontrent la faisabilité et laissent ouverte la possibilité d’aller plus loin. Pour la première fois depuis les années soixante-dix, le transport de fret a dépassé en 2010 les 8 milliards de tonnes–kilomètres sur une année.

Le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, vise donc à nous permettre de rattraper notre retard par rapport à nos voisins européens – voire à les dépasser –, et à dessiner les contours du mode fluvial de demain. Il prévoit, pour ce faire, de modifier en profondeur l’organisation du service public de la voie d’eau.

Comme vous le savez, le Grenelle de l’environnement a donné au transport fluvial un caractère prioritaire. Le programme prévu par la loi Grenelle 1, avec la réalisation du canal Seine-Nord Europe, la régénération du réseau magistral et l’organisation de débats publics sur de nouvelles liaisons à grand gabarit, a en effet permis au transport fluvial de franchir une première étape.

Pour autant, l’organisation du service public de la voie d’eau n’est pas optimale. C’est d’elle qu’il est question aujourd'hui.

L’établissement public industriel et commercial créé en 1991 pour exploiter, entretenir, améliorer, développer et promouvoir les voies navigables – Voies navigables de France – ne maîtrise pas encore suffisamment aujourd’hui les moyens indispensables à sa gestion. Il n’exerce en effet qu’une autorité limitée sur les agents qui lui sont pourtant entièrement dédiés et qui sont indispensables à son bon fonctionnement. L’établissement ne contrôle également que très peu sa propre organisation territoriale.

Surtout, l’état des lieux du réseau impose la mise en place d’actions urgentes d’amélioration. Une réforme du service public de la voie d’eau est donc aujourd’hui nécessaire.

En effet, la volonté de mieux répondre aux besoins des professionnels français et européens suppose non seulement d’accroître la compétitivité du transport fluvial et de disposer d’un réseau modernisé et fiabilisé mais également de s’appuyer sur une organisation plus efficace, en confiant la responsabilité de la gestion de ce réseau et des moyens correspondants à une entité unique.

C’est pourquoi la principale disposition du projet de loi consiste à transformer Voies navigables de France en un établissement public administratif de l’État, qui regroupera les 400 salariés de l’actuel établissement et les 4 500 agents des services déconcentrés de l’État qui, de fait, travaillent pour lui. Ce rapprochement permettra d’instaurer une véritable communauté de travail et d’unifier les compétences et les moyens au sein d’un nouvel établissement au service de la voie d’eau.

Concrètement, le projet de loi donne désormais au directeur général de l’établissement autorité sur toutes les catégories de personnels de l’établissement : les fonctionnaires, les ouvriers des parcs, des ateliers et des bases aériennes de l’État, les agents contractuels de droit public ainsi que les salariés régis par le code du travail. Le directeur général aura également des compétences en matière de rémunération, de gestion, de recrutement et de formation afin de lui permettre de développer une politique d’emploi adaptée.

Pour aboutir à ce projet, Thierry Mariani et moi-même avons mené une large concertation avec les représentants des personnels du ministère et de Voies navigables de France, tant sur le contenu de la réforme que sur les contours du nouvel établissement public. Il en est ressorti un consensus sur le développement de la voie d’eau, à laquelle les personnels sont extrêmement attachés. À travers l’engagement dont ils ont fait preuve par le passé et à l’occasion des discussions que nous avons menées, ils ont tous témoigné de l’intérêt qu’il portait à ce « métier de passion ».

Cette indispensable concertation a également permis de définir les garanties à apporter aux agents.

Nous avons ainsi veillé à ce que le projet de loi garantisse à chaque catégorie d’agent le maintien de son statut ou la conservation des stipulations de son contrat.

Nous nous sommes également attachés à ce que le regroupement des instances de gouvernance, de concertation et de représentation des personnels au sein du nouvel établissement tienne compte de la diversité des salariés. Cette vision partagée nous a dès lors permis de signer un protocole d’accord avec la majorité des organisations syndicales. C’est sur la base de ce dernier qu’est fondé le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui.

Le Gouvernement, je le dis solennellement, est très attaché au respect des équilibres qui ont pu être trouvés dans le cadre de cette concertation, afin que puissent être apportées les meilleures garanties qui soient à la concrétisation future d’une véritable communauté de travail, qui est toute l’ambition de ce projet de loi.

Le second apport du projet de loi est de renforcer les missions de l’établissement afin d’affirmer sa contribution à la réalisation des objectifs du Grenelle en matière de développement du transport fluvial, et ce en parfaite complémentarité des autres modes de transport.

Cet objectif vise prioritairement le grand gabarit. Mais sachez que le réseau touristique et l’indispensable prise en compte des préoccupations d’aménagement du territoire ne sont pas oubliés. Je sais à quel point le Sénat est attaché à ces problématiques.

Le projet de loi renforce les missions historiques d’entretien, d’exploitation et de développement de la voie d’eau de l’établissement, en confortant son rôle en matière de développement durable et d’aménagement du territoire. Il prend notamment en compte la diversité des vocations de la voie d’eau comme réseau de transport, qu’il soit dédié au fret ou au tourisme.

Le rôle de l’établissement en matière de gestion hydraulique est également renforcé afin que soient pris en considération les enjeux liés au partage de la ressource en eau, et je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, combien ce point est important à vos yeux.

Enfin, dans la perspective d’accroître les ressources de l’établissement et de lui permettre de valoriser le domaine de l’État qui lui est confié, le projet de loi lui confère également des compétences nouvelles pour exploiter, à titre accessoire – ce n’est pas, j’y insiste, son objet principal –, l’énergie hydraulique des cours d’eau, au moyen d’installations ou d’ouvrages situés sur le domaine public fluvial. Il s’agit de mettre au service de la voie d’eau, en motivant l’opérateur qui la gérera, des ressources qui lui seront extrêmement utiles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous venons de fêter l’anniversaire de Voies navigables de France : vingt ans après sa création, il était temps d’en faire un établissement disposant des leviers et des moyens qui lui permettront d’aller encore plus loin et d’atteindre les objectifs du Grenelle de l’environnement que j’évoquais il y a un instant.

Les ressources que je viens de citer ne sont pas les seules, mais ces ressources nouvelles témoignent de notre ambition.

Pour mettre en œuvre les objectifs ambitieux du Grenelle, l’établissement a besoin de bien d’autres volumes financiers. Il disposera ainsi de moyens supplémentaires afin de moderniser, restaurer et sécuriser le réseau.

Concernant le grand gabarit, l’objectif est d’ouvrir la navigation vingt-quatre heures sur vingt-quatre, comme le font déjà nos voisins du nord ; c’est d’ailleurs une des clés de leur succès.

Pour ce qui concerne le réseau touristique, il s’agit de mettre en place une offre de service adaptée, qui tienne compte de la saisonnalité de ce secteur et de la réalité des besoins.

La mise en ouvre du programme d’investissements par VNF aura également un impact important, positif, sur les conditions de travail des agents, notamment en matière de sécurité au travail. Les barrages manuels seront ainsi progressivement remplacés, parallèlement à la remise en état des équipements de sécurité des ouvrages.

Pour ce programme, l’État a décidé d’attribuer à l’établissement des ressources supplémentaires, notamment par l’augmentation de la taxe hydraulique que vous avez votée l’an dernier et qui devrait apporter à l’établissement 30 millions d’euros en année pleine. Ces ressources sont affectées au financement d’un plan d’investissement de 840 millions d’euros pour les années 2010 à 2013, un niveau jamais atteint depuis la création de l’établissement. Ces moyens additionnels sont véritablement un gage de réussite de la réforme et une illustration supplémentaire des ambitions qui sont les nôtres dans ce domaine.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au moment de conclure mon propos et sans préjuger des améliorations que vous apporterez à ce projet de loi, je souhaite que nos débats permettent de dégager la meilleure organisation possible du service public de la voie d’eau.

Ce texte, vingt ans après la création de VNF, est en effet une étape essentielle, cruciale, dans le développement de la voie d’eau, que nous sommes très nombreux, ici, à appeler de nos vœux.

Il est fondateur d’une nouvelle ambition pour notre pays. Je l’ai dit : nous pouvons rattraper, et même dépasser, nos voisins du nord. Mais, pour cela, nous avons besoin d’un opérateur renouvelé, doté de nouvelles compétences, de nouveaux moyens et d’une nouvelle organisation.

Conformément aux exigences du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement a tenu, dans le respect et l’écoute de l’ensemble des acteurs concernés, à faire de ce texte l’assise de cette ambition renouvelée du transport fluvial que, j’en suis convaincue, vous partagez.

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