Je m’interroge également sur la concrétisation des décentralisations optionnelles des voies d’eau telles que prévues dans le projet de loi.
L’expérience qui a été menée en région Bourgogne est intéressante. Pourtant, nous avons appris mardi que quelque 200 millions d’euros de recettes seraient bien soustraits aux collectivités locales par l’État. On a le sentiment que le Gouvernement souhaite faire avec les voies d’eau ce qu’il a déjà fait avec les routes.
Je ne m’attarderai pas sur l’aspect pratique de la modernisation des infrastructures fluviales ; ce texte attire plutôt mon attention sur le statut, voire sur le devenir des personnels de VNF, ainsi que sur les défis posés par la gouvernance de cet établissement.
Pour la relance de la voie d’eau, notamment celle qui permet le transport de marchandises, il est important que l’intégrité et l’unicité du réseau des voies navigables demeurent propriété de l’État, via le nouvel établissement public administratif VNF. C’est un fait, et il ne convient pas d’y revenir. VNF devra donc disposer des moyens humains et financiers nécessaires à ses missions.
Pour cela, il est indispensable que les personnels fonctionnaires, mais aussi les agents contractuels qui seront affectés au futur EPA puissent conserver toutes leurs garanties statutaires et sociales. Est-il nécessaire de préciser que la politique de recrutement et de formation de l’EPA sera le principal moteur de son efficacité, notamment en termes de rénovation, d’entretien et de multiplication des réseaux de navigation ?
Or le projet de loi tel qu’il ressort de l’examen en commission ne parvient pas à donner un souffle nouveau à l’épineux problème des personnels. Bien au contraire, il semble assurer a minima un transfert de personnels issus d’un EPIC vers un EPA, sans ambition ni réelle solution apportée à l’ambiguïté des questions relatives à l’équilibre entre personnels statutaires et agents contractuels.
Certains de mes collègues semblent favorables à une quasi-exclusivité des recrutements sous contrat de droit public au sein du futur EPA. Cette position semble dangereuse pour les personnels de droit privé, qui participent activement au bon fonctionnement des réseaux de voies navigables. Il est donc primordial qu’une réelle communauté de travail tenant compte de toutes les catégories de personnels puisse être installée par le projet de loi, seule base possible pour la mise en place de futures instances de représentation de l’ensemble des composantes, tant sous statut privé que sous statut public.
Comme vous le comprendrez, cette communauté de travail ne pourra pas se construire en mettant au ban les salariés de droit privé, voire en opposant des communautés d’intérêt : chaque catégorie de personnels doit pouvoir trouver sa place dans l’établissement administratif de demain.
Le projet de loi est loin de clarifier les principales questions. Et, pour reprendre une métaphore fluviale, je dirai qu’il y a la même clarté dans ce texte que dans l’eau du canal du Midi à Toulouse. Nous sommes loin de la gouvernance rationalisée.
Par exemple, lors de mes entretiens avec les acteurs du secteur, en Haute-Garonne, j’ai appris qu’à Toulouse l’entretien du canal du midi revenait à VNF, que celui des berges de la Garonne revenait à la mairie et que l’entretien des ouvrages de navigation et du maintien du libre écoulement des cours d’eau était du ressort de l’État. Mais il m’a été impossible de déterminer à qui revenait le nettoyage du lit du fleuve !
De même, aux écluses de Montgiscard, toujours en Haute-Garonne, la mise en valeur du patrimoine à des fins touristiques se heurte à l’éclatement de la gouvernance des zones autour de l’écluse.
De telles situations seront un frein à l’accomplissement par VNF des missions qui lui seraient attribuées par le présent projet de loi.
Afficher le volontarisme, c’est bien ; le financer, c’est mieux !
Le principal manque de ce texte est qu’il n’apporte pas de réponse en termes budgétaires. Il y a un sous-investissement chronique du réseau financier français. Imaginez : le budget consacré aux investissements en Allemagne, à qui nous faisons très souvent référence, est trois fois supérieur à celui de la France !
Néanmoins, le groupe RDSE, qui juge utile cette première avancée sur le statut des personnels, déterminera son vote en fonction des amendements qui seront adoptés, et avec toutes les réserves que mon collègue Christian Bourquin et moi-même avons développées.