Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Réunion du 19 octobre 2011 à 14h30
Agence nationale des voies navigables — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est en ma qualité de rapporteur spécial de la commission des finances du programme 203, principal programme de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », qui regroupe l’ensemble des moyens dévolus aux infrastructures et services de transports, hors sécurité maritime et secteur aérien, que j’interviens aujourd’hui.

Ce programme vise notamment à améliorer la desserte des territoires par une politique d’investissement conduisant à un aménagement du territoire équilibré. La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, dite loi Grenelle 1, a hiérarchisé les investissements à réaliser, et l’ensemble sera traduit dans un schéma national des infrastructures de transport.

Ce schéma est ambitieux et met opportunément l’accent sur le développement des modes de transport alternatifs à la route. Il entend également concourir à la qualité des réseaux et des services de transports de voyageurs et de marchandises et à la compétitivité des ports français en Europe.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui propose de regrouper au sein d’un même établissement public les services de navigation auparavant mis à la disposition de VNF, mais qui demeurent sous l’autorité hiérarchique de l’État, et les services de l’actuel établissement public, industriel et commercial VNF.

Cette solution apparaît, semble-t-il, comme la mieux à même de répondre à l’objectif de disposer d’une autorité légitime et responsable ayant les marges de manœuvre à la fois financières et juridiques pour remplir la mission de service public qui lui est confiée.

Le nouvel établissement public sera notamment chargé de l’amélioration, de l’extension et de la promotion des voies navigables, ainsi que de leurs dépendances, afin de développer le transport fluvial selon une logique de complémentarité avec les autres modes de transports.

L’objectif attendu de la réforme est de développer la part du fret non routier de 25 % d’ici à 2022, avec une évolution intermédiaire de plus de 16 % à l’horizon 2013.

La réforme conduit à renforcer la fiabilité du réseau et à le moderniser en confortant l’avantage concurrentiel du mode fluvial. En effet, l’avantage concurrentiel des services fluviaux de transports de marchandises est étroitement lié à la qualité de l’infrastructure disponible. Il doit nécessairement s’accompagner d’une qualité de service en phase avec les exigences du marché des transports.

Ainsi, la plus grande fiabilité du réseau et l’amélioration de l’offre de service seront autant d’éléments déterminants confortant l’avantage compétitif du mode fluvial vis-à-vis du mode routier.

Les objectifs sont formalisés dans la loi Grenelle, qui a prévu une part du fret non routier de 25 % d’ici à 2022, avec un doublement de la part du fluvial.

Cette réforme de l’organisation du service public de la voie d’eau, qui vise à accroître la compétitivité du transport fluvial et à mieux répondre aux besoins des professionnels français et européens, est, à mes yeux, totalement complémentaire de la réforme que nous avons votée en 2008 qui concerne nos grands ports maritimes.

En effet, les activités d’un port maritime sont étroitement liées à son attractivité terrestre. Le développement de sa zone de chalandise est strictement conditionné à sa capacité de projection logistique vers son hinterland. Le mode fluvial est le plus adapté aux volumes en jeu dans les grands ports maritimes. C’est ce qui fait le succès des ports d’Anvers et de Rotterdam.

La régénération du réseau fluvial magistral à vocation de transport de marchandises s’impose. La massification de la desserte ferroviaire et fluviale est tout d’abord un enjeu économique ; il est ensuite un enjeu écologique. Tous les grands ports européens ont été conduits à développer ces modes de transport alternatifs pour faire face à l’afflux de marchandises.

À titre d’exemple, un convoi fluvial peut traiter, paraît-il, 352 conteneurs entre le Havre et Paris, contre 80 pour un train et 2 pour un poids lourd. Le trafic de conteneurs sur la Seine s’élève aujourd’hui à environ 200 000 conteneurs par an et pourrait passer à 500 000 conteneurs en conservant les infrastructures actuelles.

Comme l’a très bien rappelé mon collègue Charles Revet la semaine dernière à cette tribune, dans le débat sur la réforme portuaire, il faut regretter l’absence d’intégration multimodale efficiente dans la politique d’investissement de l’État. La conception même de Port 2000 n’a pas intégré la desserte fluviale, ce qui constitue une aberration pour un port spécialisé dans le trafic de conteneurs.

Indéniablement, la dégradation de la compétitivité de nos ports tient à l’insuffisance et à la mauvaise organisation de nos débouchés vers l’intérieur du pays, que l’on appelle l’hinterland. Mon collègue, qui est un grand spécialiste des questions portuaires, a eu raison de rappeler l’adage selon lequel « la bataille maritime se gagne à terre ». La quantité et la qualité des liaisons avec l’arrière-pays sont des facteurs déterminants de la compétitivité d’un port.

Cette réforme de l’organisation du service public de la voie d’eau est donc tout aussi essentielle que la réforme portuaire pour notre économie et pour l’emploi.

Mon collègue rapporteur de la mission d’information sur la réforme portuaire a également appelé à une coordination de l’action de l’État, de Voies navigables de France et de Réseau Ferré de France.

La massification de la desserte ferroviaire et fluviale est en effet un enjeu économique vital pour notre pays, doublé d’un enjeu écologique qui nous est imposé désormais par les lois Grenelle 1 et 2 que nous avons votées.

L’impact du projet sera d’autant plus important s’il est combiné à la réalisation du canal Seine-Nord Europe et aux autres projets de développement.

Comme vous le savez, le conseil d’administration de VNF vient tout juste d’adopter son projet stratégique pour l’après 2013, visant à relancer le transport fluvial, conformément aux objectifs du Grenelle de l’environnement.

Voies navigables de France a l’intention d’investir 840 millions d’euros d’ici à 2013, en grande partie pour rénover et moderniser le réseau existant, et souhaite porter ce montant à 2, 5 milliards d’euros à l’horizon de 2018. Ce plan stratégique s’articule autour de trois axes : la modernisation du réseau fluvial, l’adaptation de l’offre de services et la relance de la politique commerciale.

Parmi les projets figure le canal à grand gabarit Seine-Nord Europe, relancé en avril après dix-huit ans de gestation. Or il semblerait que VNF puisse être mis à contribution, comme une cinquantaine d’autres opérateurs de l’État, dans le cadre du plan anti-déficit prévu par le projet de loi de finances pour 2012. Cette décision ne semble pourtant pas opportune au moment où VNF adopte un projet de relance du trafic fluvial qui, d’une part, lui est imposé par les lois Grenelle de l’environnement et, d’autre part, intervient au moment de la mise en place de la réforme portuaire, qui est complémentaire et concomitante, l’une dépendant de l’autre et inversement.

Ce qui est certain, c’est qu’une diminution des crédits se ferait au détriment des investissements et se traduirait par une réduction de ces derniers.

Aujourd’hui, VNF exploite, modernise et développe le plus grand réseau européen de voies navigables, et passe à la vitesse supérieure pour faire face à deux enjeux incontournables pour notre pays ; je veux parler des enjeux économique et écologique. Pour cela, VNF a besoin de visibilité sur le financement de son projet de relance, qui, notons-le, lui est imposé.

Comme l’a très bien rappelé notre excellent rapporteur, Francis Grignon, la loi de 2009 relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement a fixé à l’État un objectif ambitieux de report modal : en douze ans, la part cumulée du fret ferroviaire et du fret fluvial doit passer de 14 % à 25 % du fret global. Pour le fluvial, où les marges de progression sont les plus importantes, cet objectif implique de doubler le fret actuel.

M. le rapporteur nous a fait observer que, si la France dispose du plus long linéaire navigable d’Europe – ce qui est une chance pour notre pays – son réseau est malheureusement en mauvais état et en grande partie impropre au fret contemporain. Les investissements nécessaires pour moderniser le réseau principal, utilisé actuellement en dessous de ses capacités, sont donc importants.

Nous nous félicitons, en conséquence, du dépôt de ce projet de loi par le Gouvernement.

En 2012, il n’y aura pas de changement sur les conditions financières et comptables. Mais, au 1er janvier 2013, il y aura lieu, bien évidemment, de verser à VNF la masse salariale des 4 400 agents de l’État qui seront placés sous l’autorité fonctionnelle de VNF, soit une dotation de l’État complémentaire estimée entre 180 millions et 200 millions d’euros. Il conviendra de prévoir une hausse de la dotation liée à l’évolution de la masse salariale pour la revalorisation des salaires.

Enfin, je redis qu’il n’est pas cohérent de mettre VNF à contribution pour le plan anti-déficit 2012 eu égard aux besoins de mise en œuvre du contrat d’objectifs et de performance 2010-2013. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de bien vouloir nous donner des précisions sur ce point et de nous rassurer.

Je ne peux terminer mon propos sans rendre hommage à l’excellent travail de notre rapporteur, par ailleurs président du groupe d’études sénatorial sur les voies navigables.

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