Intervention de Roland Ries

Réunion du 19 octobre 2011 à 14h30
Agence nationale des voies navigables — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Roland RiesRoland Ries :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, afin de promouvoir et de relancer la voie d’eau, le Gouvernement propose aujourd’hui un texte destiné à restructurer Voies navigables de France.

Il s’agit de regrouper les 4 400 agents de droit public employés par le ministère et les 400 agents de droit privé employés par VNF dans un même établissement public administratif.

Le texte s’attache donc, pour l’essentiel, à répondre à la question relative au statut des personnels et à redéfinir les missions de VNF.

Ce matin, en commission, nous avons, me semble-t-il, trouvé une rédaction de compromis, permettant, d’une part, de respecter au plus près le protocole d’accord signé le 1er juillet dernier entre l’État et l’organisation syndicale représentative des salariés de l’établissement public, et, d’autre part, de tenir compte du principe constitutionnel de participation rappelé par le Conseil d’État.

Outre les missions principales actuellement confiées à VNF, telles que l’exploitation, l’entretien, la maintenance du réseau ou encore la gestion hydraulique des voies, l’établissement aurait, selon le texte, de nouvelles « missions accessoires ».

Je souhaiterais m’attarder sur deux d’entre elles.

Tout d’abord, pour valoriser le domaine de l’État qui lui est confié et son domaine privé, VNF pourrait procéder à des « opérations d’aménagement ou de développement connexes à ses missions ou complémentaires de celles-ci ».

Je considère, pour ma part, que l’activité de valorisation du patrimoine foncier de VNF ne peut être conduite en dehors des concertations nécessaires avec les collectivités territoriales concernées. Il est bien évident que les projets doivent être compatibles avec les ambitions du territoire et cohérents avec les documents de planification urbaine, notamment le SCOT, le schéma de cohérence territoriale et le PLU, le plan local d’urbanisme. Nous avons donc déposé un amendement en ce sens.

Par ailleurs, VNF pourrait créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés afin de réaliser toute opération utile à l’exercice de ses missions. À notre sens, la création de filiales ou la prise de participation dans des entreprises ne peuvent être considérées comme des missions en elles-mêmes et doivent donc être encadrées. Nous défendrons par conséquent un amendement soulignant en quelque sorte le caractère accessoire de ces nouvelles activités.

En vérité, il nous semble important, à nous, sénateurs socialistes, que VNF ne se disperse pas. L’objectif doit rester celui du Grenelle 1 : reporter le transport de marchandises notamment sur le fluvial, de manière à diminuer la part modale du routier et de l’aérien. Bien que l’objectif soit inscrit dans la loi depuis deux ans maintenant, la voie d’eau ne représente encore que 3, 7 % du fret total français, contre environ 10 % pour le train, le reste étant réalisé par les poids lourds.

L’outil ferroviaire est, à l’évidence, l’élément majeur du nécessaire rééquilibrage. Mais, dans dix ans, il ne sera pas à lui seul en mesure de répondre à la demande nouvelle. L’atout fluvial doit donc être systématiquement privilégié dans les investissements à consentir, d’autant qu’il présente des avantages écologiques, économiques, ainsi que des atouts en termes de sécurité. Je rappelle qu’un convoi fluvial de 4 400 tonnes représente une capacité de transport équivalant à trois ou quatre trains et à 220 poids lourds.

Monsieur le ministre, vous n’êtes pas sans savoir que je suis très attaché au choix du mode de transport selon la zone considérée, une fois pris en compte le type de déplacement, le territoire traversé et le coût de revient écologique et économique. À cet égard, force est de constater que, en ce qui concerne l’acheminement de marchandises arrivant par voie maritime, le transport fluvial est le plus pertinent.

Le texte que vous proposez est, à mon sens, insuffisant pour répondre aujourd’hui à l’ensemble de ces enjeux, d’autant que son financement repose sur un fonds de concours de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France de 40 millions d’euros par an, à ajouter aux 30 millions d’euros de la taxe hydraulique sur la période allant de 2011 à 2013. Nous savons que l’AFITF n’a pas aujourd’hui les moyens de remplir l’intégralité de ses missions, son financement reposant notamment sur la taxe poids lourds, sans cesse reportée et, aux dernières nouvelles, prévue au mieux pour 2013.

Relancer la voie d’eau nécessite donc une approche globale, qui prenne en compte à la fois les ports maritimes, par lesquels transitent les marchandises, le réseau fluvial et les ports intérieurs.

Concernant nos grands ports maritimes, le débat de la semaine dernière l’a montré, « la bataille de la mer se joue à terre ». Aujourd’hui, plus de deux tiers des conteneurs destinés à notre pays entrent par les ports d’Europe du Nord, puis redescendent par la route vers nos territoires. Nos ports maritimes ne disposent pas, en effet, des dessertes fluviales et ferroviaires adaptées pour permettre d’amener les marchandises au cœur de nos terres, au plus près des lieux de consommation. Il faudra évidemment y remédier.

Il importe de redonner au réseau fluvial son rôle de trait d’union entre le maritime et l’arrière-pays. Par ailleurs, il faut encourager le développement des ports intérieurs et accroître la qualité de leurs infrastructures pour en faire de véritables sites multimodaux, des points d’échange entre le routier, le fer et la voie d’eau. Ces ports auraient également besoin de voir leur statut modernisé et leur fonctionnement sécurisé.

Permettez-moi, monsieur le ministre, d’attirer votre attention, sur le Port autonome de Strasbourg, qui est un établissement public sui generis, dont les statuts ont été établis par une loi de 1924 – cela ne nous rajeunit pas ! – sur la base d’une convention entre la ville de Strasbourg et l’État. Cet établissement doit aujourd’hui évoluer : il convient de faire disparaître de ses statuts de certaines dispositions obsolètes, de clarifier les parts respectives de la ville et de l’État dans l’établissement public, d’étendre sa zone d’action à l’ensemble du Bas-Rhin, de lui donner la possibilité de créer des filiales et de certifier ses comptes. Strasbourg étant un port autonome, ces évolutions ne peuvent se faire que par la loi.

Monsieur le ministre, je dois vous informer que j’ai entamé une discussion sur ce sujet avec M. le préfet et j’espère pouvoir compter sur votre appui pour que l’État nous aide dans ce projet, qui permettrait au Port autonome de Strasbourg, véritable poumon économique de l’agglomération, de jouer pleinement son rôle et de développer ses activités.

En résumé, comme l’a précisé mon collègue François Patriat, le groupe socialiste-EELV, sous réserve de l’adoption de nos amendements, ne s’opposera pas au texte présenté par M. le rapporteur.

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